Désindustrialisation en France et en Europe
Le poids de l’industrie dans le PIB français n’est plus que de 20%. Partout en Europe, et ce depuis les années 1970, de nombreux pays subissent un processus de désindustrialisation à la fois lent et violent. Tertiarisation de l’économie, délocalisations massives, faible compétitivité des coûts salariaux… sont autant de facteurs qui expliquent ce déclin de l’industrie manufacturière en France et en Europe.
La désindustrialisation dans le contexte européen
Le milieu des années 1970 a marqué un revirement politique qui a sonné le glas de l’approche gaullienne qui visait à stimuler l’industrie française. Pour marquer cette rupture, le commissariat général du plan arrête son soutien à l’industrie électronique, ce qui ne manque pas d’affecter les autres secteurs qui gravitent autour. De 1980 à 1989, la part de l’emploi manufacturier dans l’emploi total en France est passée de 22,1% à 17,8%. Si cette première baisse était en partie expliquée par le recours, inédit jusqu’alors, des industriels à l’externalisation de certaines activités, les baisses qui s’ensuivirent n’ont fait que confirmer la tendance active à la désindustrialisation. Pour preuve : à la même période, la part de la valeur ajoutée de l’industrie est passée de 20,6% à 17,7%. Aujourd’hui, on estime que l’industrie française a perdu 1,9 million d’emplois entre 1980 et 2007, soit 36% de ses effectifs, et la part de l’industrie dans le PIB est passée de 35% en 1970 à moins de 20% actuellement.
Si la France a été particulièrement touchée par la désindustrialisation, le phénomène n’en reste pas moins généralisé à l’échelle européenne. A cette même époque, certaines dynamiques défavorables à l’essor de l’industrie ont commencé à s’installer un peu partout en Europe. En tête de gondole, la baisse du nombre d’emplois dans le secteur manufacturier ainsi que la diminution de la part de l’industrie dans le PIB. En effet, même au Royaume-Uni (pourtant berceau de la révolution industrielle !), la part des emplois manufacturiers n’est plus que d’environ 10%, alors qu’elle était d’environ 50% à la veille de la première guerre mondiale. Plus globalement, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée de l’Union européenne est passée de 20,5% à 17% entre 1995 et 2006, selon l’Insee.
Les causes d’un mouvement qui va crescendo
Généralement, la désindustrialisation est due à la délocalisation des activités, à l’automatisation des tâches industrielles, à la disparition de certaines activités ou à l’externalisation d’autres fonctions périphériques à l’industrie (RH, R&D, marketing, logistique…). Par ailleurs, les innovations technologiques ont permis à l’industrie de réaliser des gains de productivité qui ont induit une baisse des prix. La part de l’industrie dans la consommation s’en est vue réduite, et l’économie des pays européens s’est ainsi transformée en une économie post-industrielle marquée par une forte tertiarisation du tissu économique. En d’autres termes : l’industrie a glissé vers les services à haute valeur ajoutée.
Sur le plan macroéconomique, la désindustrialisation peut également s’expliquer par la mondialisation des échanges et de la concurrence globale qu’elle engendre. Peu à peu, on a assisté à la migration des industries vers les pays en développement et les nouvelles puissances économiques (notamment les BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine) où le coût salarial est moins élevé, ce qui augmente l’avantage concurrentiel de ces pays.
En France, une étude de la direction générale du Trésor en 2013 évalue la part des divers facteurs dans la désindustrialisation (mesurée par les pertes d'emplois) entre 1980 et 2007 :
- externalisation des activités tertiaires des entreprises industrielles : 25 % ;
- déformation de la structure de la demande due aux gains de productivité (réduction de la main-d’œuvre et baisse de la part des biens industriels dans les dépenses des ménages) : 30 % ;
- concurrence étrangère : 13 % selon une approche comptable, entre 9 % et 70 % selon une approche économétrique.
Impact et conséquences de la désindustrialisation
Toutes proportions gardées, tous les pays européens ont été touchés, à partir des années 1970, par la désindustrialisation de leurs systèmes productifs. La baisse de l’emploi industriel demeure l’indicateur essentiel de la désindustrialisation, et pour cause. A chaque fois, cette dernière se traduit par la suppression de beaucoup d’emplois et s’accompagne de délocalisations massives des activités industrielles vers des pays où le coût salarial est plus attractif. Par ailleurs, elle a aussi des conséquences plus insidieuses comme la suppression de certaines lignes de fabrication (les usines existent toujours, mais leur production est amoindrie), l’abandon de certaines étapes de production pour recourir à un approvisionnement en composants depuis l’étranger (le cas de l’industrie automobile est assez éloquent à ce sujet).
De 1991 à 2010, la France et l’Allemagne ont affiché une baisse de l’emploi manufacturier assez proche en valeur relative (-30,7% et -28,7% respectivement), mais différente en valeur absolue (respectivement 900 000 et 2 millions d’emplois perdus). Au Royaume-Uni, l’effondrement est encore plus conséquent, s’élevant à -41%.
Globalement, le processus de désindustrialisation massive en Europe occidentale se caractérise par la fermeture de nombreux sites de production, la disparition de savoir-faire, la perte de millions d’emplois et le bouleversement profond des sociétés basées sur l’industrie. Enfin, la désindustrialisation a des conséquences importantes en ce qui concerne les inégalités au sein de l’économie, qui tend vers une prépondérance du secteur des services au détriment de l’industrie.
La France : pays industriel malgré tout
En dépit de la désindustrialisation progressive de son économie, la France reste pourtant bien un pays industriel. L’industrie de l’Hexagone est classée au 3e rang européen et au 5e rang mondial, 96,5% des exportations françaises sont composées de produits industriels pour un montant de 450 milliards d’euros et le chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière s’élève à 870 milliards d’euros hors taxes. En outre, le « made in France » demeure un gage mondial de qualité et de fiabilité et des groupes mondiaux comme Toyota en font leur principal argument de vente.
C’est dans cette optique que la Fabrique de l’Industrie s’attèle à explorer la situation de l’industrie en Europe et en France en vue de proposer une analyse globale et des pistes de réflexion pour l’avenir des activités manufacturières sur le vieux continent. Laboratoire d’idées créé en 2011, la Fabrique de l’Industrie est un lieu de réflexion et de débat, qui s’est donné pour mission de travailler de manière approfondie et pluridisciplinaire sur la réalité, les défis et les perspectives de l’industrie en France et en Europe.