Portraits de travailleurs
Portrait de jeune femme (Béatrice Hasting ?) Modigliani Amedeo (1884-1920) Localisation : Italie, Milan, pinacothèque de Brera © Archives Alinari, Florence, Dist. RMN-Grand Palais / Mauro Magliani
Préface
Le travail, quelle que soit sa forme, garde un rôle structurant dans la vie de chacun. C’est un facteur essentiel d’émancipation et de cohésion sociale. Il participe à la construction de notre identité et de notre lien aux autres. C’est aussi la première source de création de richesse pour les entreprises. Le travail a pourtant perdu en visibilité dans le débat social comme dans le débat public, souvent confondu ou éclipsé par les questions d’emploi, qui ont pris légitimement une place prépondérante alors que le chômage reste massif.
Beaucoup de clichés et d’idées fausses sont véhiculés, alors que le travail est en perpétuelle transformation. Avec le numérique et la transition écologique, de nouvelles formes d’activité voient le jour, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. Parallèlement, des formes d’activité plus traditionnelles perdurent : non, le taylorisme n’est pas encore dernière nous ! Si les réalités de travail se diversifient, une chose demeure cependant : le besoin des travailleurs d’être écoutés et de s’exprimer sur leur quotidien.
Toutes les initiatives qui contribuent à remettre le travail et les travailleurs au-devant de la scène sont donc à saluer, c’est le cas de ces « portraits de travailleurs » initiés par La Fabrique de l’industrie.
En décembre 2016, la CFDT a quant à elle lancé une grande enquête Parlons travail à laquelle plus de 200 000 personnes ont répondu en quelques mois.
Nos deux initiatives montrent d’abord une chose : quand on écoute les gens parler de leur travail, les caricatures et les préjugés tombent rapidement. Le travail est un lieu complexe. Ça n’est pas tout noir ou tout blanc. Ce n’est « ni l’aliénation systématique, ni le nirvana pour tous » !
Plus des trois quarts des répondants à notre enquête disent aimer leur travail. Beaucoup s’y sentent utiles et en sont fiers. Leur engagement dans leur travail dépasse la seule contrepartie financière.
Mais cette fierté n’exclut pas les difficultés. Le travail peut être dangereux pour la santé, source de douleurs et d’anxiété. La pénibilité physique est toujours une réalité pour 44 % des travailleurs, et la note de La Fabrique met en lumière un profil d’Accidentés dont les individus font part de fortes tensions au travail. Avec les nouvelles technologies et la course perpétuelle au profit, l’intensification du travail est également une cause de mal-être.
La CFDT milite pour une approche préventive de la pénibilité, c’est pourquoi nous défendons la mise en œuvre du compte pénibilité. C’est aussi pour cela que nous demandons la généralisation des négociations sur la qualité de vie au travail (QVT). L’étude de la Fabrique révèle qu’il y a peu d’intérêt à évoquer les différentes composantes du travail indépendamment les unes des autres. Cela donne un aperçu tronqué du travail, trop éloigné du ressenti des travailleurs. Négocier la QVT dans son ensemble permet au contraire d’examiner conjointement l’organisation du travail, ses conséquences sur la santé, la formation, l’égalité professionnelle…
Mais le mal-être au travail peut aussi provenir du manque d’autonomie. Près de la moitié des répondants à notre enquête Parlons travail estiment passer davantage de temps à rendre des comptes qu’à travailler ! Beaucoup ont l’impression de pouvoir être remplacés par une machine. Ces situations sont sources de dévalorisation pour le travailleur et pour les entreprises, ce sont des potentiels de travail sous-estimés.
Plus d’autonomie ne doit pas signifier être livré à soi-même et responsable de tout, sous peine de créer plus de pression et d’insécurité encore, comme le montre la note de La Fabrique. Mais il est important que les travailleurs puissent retrouver les marges de manœuvre nécessaires pour effectuer leur travail. Il faut faire évoluer le management vers des pratiques plus coopératives, s’appuyant sur les compétences de chacun et sur un collectif de travail. Le modèle de l’entreprise hyper hiérarchisée et verticale a fait son temps. Dans les entreprises, comme dans les administrations ou les collectivités locales, les travailleurs attendent davantage de lieux d’expression sur leur travail et sur son organisation.
Mais au-delà de pouvoir s’exprimer, ils veulent pouvoir peser sur leur quotidien au travail et sur l’avenir de l’entreprise. C’est le sens de l’engagement de la CFDT pour un réel dialogue économique et social dans les entreprises. Par les instances représentatives du personnel comme dans les négociations, la vie des salariés doit compter dans les entreprises.
Dans ce monde en plein bouleversement, les entreprises ne doivent pas s’y tromper : celles qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui feront de l’engagement et des savoir-faire de leurs salariés l’atout de leur réussite, une réussite basée sur l’émancipation, la reconnaissance et le respect des travailleurs.
Laurent Berger
Secrétaire général de la CFDT
Remerciements
Le poste de Diviyan Kalainathan est financé par la chaire d’excellence de l’université Paris-Saclay en Big Data, dirigée par la professeure Isabelle Guyon. Le poste d’Olivier Goudet est financé par le Lidex Institut de la société numérique de l’université Paris- Saclay. Les auteurs1 remercient Vincent Charlet (La Fabrique de l’industrie), Ahmed Bounfour et Jean-Luc Bazet (RITM, université Paris-Sud), Valérie Fernandez et Valérie Beaudouin (SES, Telecom ParisTech), Mélina Hillion (Dares) et Olivier Mériaux (Anact) dont les suggestions et les critiques ont permis d’améliorer significativement le manuscrit. Les auteurs restent les seuls responsables des erreurs qui subsisteraient dans ce document.
- 1 – Diviyan Kalainathan, Olivier Goudet, Philippe Caillou, Michèle Sebag et Paola Tubaro appartiennent au laboratoire de recherche TAO, CNRS – INRIA – LRI, Thierry Weil et Emilie Bourdu à La Fabrique de l’industrie.
Résumé
Il est de plus en plus fréquemment admis que l’on peut augmenter la performance d’une entreprise en améliorant la qualité de vie au travail (QVT) de ses salariés et en leur accordant plus d’autonomie au travail (Bourdu, Péretié et Richer, 2016a). Cependant, ce postulat de gestion manque encore de preuves statistiques. Cette note découle d’un travail de recherche qui vise à combler cette lacune. Il s’agit ici de présenter un résultat préliminaire de cette démarche. Qui sont les travailleurs français ? Dans quelles conditions travaillentils et comment se sentent-ils au travail ? Telles sont les principales questions auxquelles répond cette étude.
En analysant les réponses à l’enquête Conditions de travail de la Dares (2013), portant sur un échantillon représentatif de la population active occupée française, on met au jour les déterminants objectifs et subjectifs de la qualité de vie au travail. Plusieurs profils d’individus sont ainsi définis en considérant d’une part leurs conditions de travail objectives (horaires, rémunération, exposition aux nuisances…) et, d’autre part, leur ressenti par rapport au travail (bien-être au travail, tensions avec les collègues ou la hiérarchie, sentiment d’être plus ou moins bien payé…).
Par cette approche, on remarque que les perceptions objectives et subjectives de la QVT obéissent à des schémas très différents, que certaines professions sont exposées à des niveaux de contraintes très élevés, que la qualité de la relation hiérarchique conserve une importance primordiale dans la perception par chacun de sa QVT et que des dimensions sociologiques interviennent dans le sentiment de « bonheur au travail ».
Un travailleur sur cinq a des conditions de travail difficiles
Huit profils types de travailleurs apparaissent si l’on s’en tient à leurs conditions de travail objectives. On reconnaît, le plus souvent, ces profils en raison d’un domaine d’activité ou d’un statut très majoritaire : Indépendants, Ouvriers, CSP+ Privé, CSP+ Public, Services peu qualifiés, Santé. Au passage, on voit là « réapparaître » la catégorie des ouvriers de l’industrie que d’aucuns disent disparue. Il y a toutefois deux exceptions. D’une part,beaucoup d’actifs ayant un lien récent avec l’immigration ont des conditions de travail tellement proches qu’ils émergent comme un profil en tant que tel, indépendamment de leur domaine d’activité. D’autre part, les actifs ayant vécu un ou plusieurs accidents du travail constituent un profil spécifique.
Chaque profil objectif a ses points forts et ses points faibles sur différentes dimensions de la QVT (conflits de valeur, reconnaissance, autonomie, contraintes physiques…). On éprouve par exemple la satisfaction d’être indépendant au prix d’un lourd volume de travail, on bénéficie de l’autonomie d’un statut cadre au prix d’un surcroît de stress au travail, on cumule rarement des conditions physiques pénibles et des horaires lourds… Relevons néanmoins que les professionnels de la santé et les accidentés du travail ont un niveau général de QVT assez mauvais et donc préoccupant ; ces derniers représentent un peu plus de 20 % des actifs occupés. Les premiers subissent des exigences émotionnelles et des contraintes de travail très supérieures aux autres profils : travail de nuit ou le weekend, exposition fréquente à la maladie et à la mort. Les seconds sont soumis à de très fortes contraintes physiques, de très forts conflits de valeur, une forte intensité de travail et une faible autonomie. Par ailleurs, les travailleurs du profil CSP+ Public, tout en étant plus diplômés et mieux payés que la moyenne des actifs occupés, échappent en grande partie à la médecine du travail. Alors qu’ils sont souvent confrontés à des personnes en situation de détresse (pour 70 % des individus du groupe) et doivent souvent calmer des gens (74 %), ils sont 21 % à ne pas avoir vu de médecin du travail depuis au moins 5 ans et 12 % à n’en avoir jamais vu (contre des proportions respectivement trois et deux fois moindres pour la population totale).
Des profils subjectifs de travailleurs très ordonnés sur l’ensemble des dimensions de la QVT
Dans un deuxième temps, ces mêmes actifs peuvent être regroupés en six nouveaux profils si l’on considère cette fois leur ressenti au travail. Ces profils subjectifs sont, contrairement aux précédents, bien ordonnés sur les différentes dimensions de la QVT, depuis les Heureux, qui ont les scores les plus élevés sur toutes les dimensions, en passant par les Rien à signaler, jusqu’à deux groupes d’actifs stressés – Tensions hiérarchie et Tensions collègues. Ces tensions relèvent principalement de la communication (critiques systématiques, être systématiquement ignoré…). À mi-chemin entre ces deux extrêmes en termes de QVT, le groupe Changements réunit des travailleurs ayant connu un changement de poste ou d’organisation du travail, une restructuration, un déménagement, un rachat ou encore un changement de direction. Dans un cas sur deux, ils n’ont pas été consultés. Les cadres de la fonction publique sont les plus concernés par ces changements, avant les ingénieurs, cadres et commerciaux d’entreprise.
En présence de tensions au travail, il apparaît que les relations avec la hiérarchie jouent un rôle majeur dans le ressenti des individus. En effet, les tensions avec les collègues, en l’absence de tensions avec la hiérarchie, n’ont qu’un faible impact négatif sur le bienêtre individuel (calculé selon l’indice de l’OMS2). En revanche, l’apparition de tensions avec la hiérarchie est associée à un fort décrochage de cet indice. En outre, il existe une corrélation très nette entre ceux que l’on peut objectivement nommer « les accidentés du travail » et ceux qui font état de fortes tensions avec leurs collègues ou leur hiérarchie.
Les paradoxes du « bonheur au travail »
Les actifs travaillant en tant qu’ouvriers, dans les services peu qualifiés ou issus d’une immigration récente sont ceux parmi lesquels la proportion d’actifs « heureux » est la plus forte. Les cadres du public et du privé sont paradoxalement moins enthousiastes. Pour ces trois premières populations, plus exposées au risque de chômage, il est possible que le fait d’avoir un emploi soit une source de satisfaction potentiellement plus grande que pour les actifs des autres catégories. On observe d’ailleurs que ce sont eux qui sont les plus fiers du travail qu’ils réalisent. Autrement dit, des dimensions sociologiques interviennent dans le ressenti au travail des individus.
Si l’on considère les actifs selon leur catégorie socio-économique, ce sont les membres du clergé qui sont les plus « heureux » au travail (44 %), suivis des ouvriers agricoles (32 %), des ouvriers non qualifiés et qualifiés de l’artisanat (respectivement 27 % et 25 %), des chauffeurs (23 %), des ouvriers non qualifiés de l’industrie et des employés de commerce (21 % dans les deux cas).
Les individus « heureux » au travail ont notamment en commun d’être fiers de leur entreprise (72 %) et partagent le sentiment de ne pas être exploités (83 %). Ils sont moins bien payés que la moyenne de la population totale (1 753 € nets mensuels contre 1 877 €) mais 57 % d’entre eux se considèrent bien ou très bien payés. La proportion d’Heureux augmente très fortement avec la perception d’être bien payé. C’est l’inverse pour les individus appartenant au profil Tensions hiérarchie, qui sont 51 % à se considérer mal voire très mal payés. L’argent ne fait donc pas le bonheur au travail, mais le sentiment d’être bien payé y contribue.
Globalement, l’autonomie au travail d’un individu est d’abord déterminée par son statut, cadre ou non cadre. À l’intérieur de ces deux catégories, on observe une corrélation, significative et positive, entre l’autonomie et la perception subjective de la QVT. Il ne s’agit pas toutefois d’une relation simple : les « heureux » au travail ne sont pas les plus autonomes, et les plus autonomes ne sont pas les plus heureux, suggérant qu’au-delà d’un certain seuil, l’autonomie au travail pourrait s’accompagner d’une pression ou d’une insécurité compensant ses effets positifs.
- 2 – Score de bien-être de l’Organisation mondial de la santé (OMS), composé de cinq questions à cinq niveaux portant sur le ressenti quotidien en termes de sensations de bonne humeur, de calme, d’énergie, de repos et d’intérêt et variété de la vie quotidienne.
INTRODUCTION
Objet de l’étude
La qualité de vie au travail (QVT) fait l’objet d’une attention croissante en raison de ses impacts sur la santé, l’engagement des salariés et la performance des firmes.
L’objectif de cette étude est de comprendre les déterminants objectifs et subjectifs de la qualité de vie au travail des actifs occupés au moyen des données issues de l’enquête Conditions de travail de la Dares (2013). Elle est le fruit d’un travail collectif impliquant des spécialistes de sciences des données, d’économie, de gestion et de sociologie3. Contrairement aux méthodes de type économétrique consistant à sélectionner des variables cibles dont il faut ensuite expliquer les évolutions, la méthode suivie ici est agnostique, en ce sens que toutes les variables de l’enquête sont conservées afin d’identifier les plus pertinentes pour décrire la population (data-driven).
Dans un premier temps, plusieurs profils d’individus sont définis en considérant d’une part leurs conditions de travail objectives (horaires, rémunération, exposition aux nuisances…) (chapitre 1), et d’autre part leur ressenti par rapport au travail (bien-être au travail, tensions avec les collègues ou la hiérarchie, sentiment d’être plus ou moins bien payé…) (chapitre 2). Dans un deuxième temps, les profils objectifs et subjectifs sont mis en relation (chapitre 3). On observe alors que la situation professionnelle des individus et leur ressenti font apparaître une structure simple : un profil subjectif est en majorité surreprésenté dans un ou deux profils objectifs (chapitre 4). C’est ainsi par exemple que le profil objectif Accidentés est majoritairement composé d’individus appartenant aux profils subjectifs Tensions collègues et Tensions hiérarchie. Enfin, un traitement particulier est réalisé sur l’autonomie au travail des différents profils d’individus (chapitre 5).
Un prolongement prévu de cette étude4 visera à étudier la question du lien causal entre QVT et performance économique, devenue un classique des dilemmes du management d’entreprise, sous l’éclairage de la science des données, de l’analyse exploratoire et de la modélisation causale.
Données et méthode
L’enquête Conditions de travail de la Dares, réalisée tous les sept ans depuis 1978, fournit des données sur les conditions effectives d’exercice du travail d’un échantillon d’actifs français occupés5. En 2013 (dernières données disponibles), 33 673 actifs occupés ont été interrogés. Le questionnaire comprend 516 questions portant sur divers aspects de la vie au travail, regroupées en sept rubriques. Les questions ont été divisées en deux groupes, correspondant respectivement aux conditions de travail effectives des individus (questions objectives) et au jugement qu’ils portent sur leur travail (questions subjectives).
La nature objective ou subjective d’une question dépend principalement de sa formulation. Par exemple « Pensez-vous que… », ou « À votre avis… » sont des marqueurs de questions subjectives. D’autres questions sont plus ambiguës. Par exemple, la question « Êtes-vous obligé de vous dépêcher ? » a été classée dans les questions subjectives parce qu’elle fait intervenir le ressenti de l’enquêté. Environ 20 % des questions sont considérées comme subjectives ; leur répartition par rubrique est indiquée dans le tableau 1.
Tableau 1 – Ventilation des questions de l’enquête Dares
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Cette distinction est l’un des points originaux de la méthodologie proposée.
Dans un souci de traitement homogène, les réponses aux questions à choix multiple sont recodées en variables booléennes6. Une question pour laquelle il existe N réponses possibles (par exemple les 17 secteurs économiques de la nomenclature d’activités française) est ainsi représentée par N variables booléennes. Après ce recodage, la base de données Dares est représentée par 2 450 variables.
La première phase du traitement consiste à réduire la dimension des données en construisant automatiquement (au moyen d’une analyse en composantes principales, ACP) un petit nombre de variables agrégées ou axes. Huit axes sont retenus pour les données objectives et cinq autres axes pour les données subjectives. Les axes relatifs aux données objectives vont par exemple caractériser la taille de l’entreprise, ou le niveau de qualification du salarié, pendant que les axes relatifs aux données subjectives résument les risques psycho-sociaux, ou la qualité du management, ou encore la satisfaction du travail en équipe. La description des axes de l’ACP est donnée en Annexe 1.
La seconde phase de l’étude consiste à identifier des profils homogènes d’actifs, en partitionnant le panel des répondants en segments (ou clusters). Cette segmentation est effectuée indépendamment sur les données objectives et subjectives.
- 3 – Les résultats présentés ici sont ceux du projet AMIQAP (analyse multi-variée des impacts de la qualité de vie au travail sur la performance de l’entreprise), réalisé en partenariat avec l’université Paris Sud, Telecom Paristech et La Fabrique de l’industrie. Il a été financé par l’Institut de la société numérique (Lidex de l’université Paris-Saclay) sur la période juin 2016-juin 2017. Ce projet vise à rechercher la preuve d’une causalité entre l’amélioration de la QVT et celle de la performance des entreprises. Pour l’instant, ce projet s’est concentré sur les étapes de prétraitement des données, d’analyse exploratoire, de choix de la méthodologie en concertation entre les partenaires, pour établir la faisabilité de l’étude de la causalité dans un futur proche.
- 4 – Dans le cadre d’un nouveau projet de recherche 2017-2018.
- 5 – Depuis 2013, l’enquête comprend également des déclarations remplies par les employeurs qui n’ont pas été exploitées dans ce document.
- 6 – Variables avec seulement deux valeurs possibles (0 et 1).
Huit profils d’actifs occupés se détachent à partir de leurs conditions de travail objectives
En rassemblant les individus qui ont répondu de manière similaire aux questions objectives, on voit se détacher huit profils d’actifs occupés. Ils sont décrits ci-après.
Dans tous les cas, on remarque un statut, un secteur d’activité ou une caractéristique sociologique très majoritaire, qui aide à reconnaître et à baptiser ces profils. Attention toutefois, ces profils sont des regroupements statistiques construits uniquement par niveau de proximité des réponses. Ainsi par exemple, les individus appartenant au profil Indépendants ont des conditions de travail proches de ce statut mais n’ont pas tous, à strictement parler, un statut administratif de travailleur indépendant. Et ainsi de suite…En outre, un individu ne peut appartenir qu’à un seul profil objectif.
Indépendants
Ce profil regroupe des personnes travaillant majoritairement en tant qu’indépendants (85 % des individus du groupe). Il comprend notamment les artisans (27 %), les commerçants (21 %), les agriculteurs (13 %) et les professions libérales (12 %). Les secteurs de l’agriculture, sylviculture et pêche, du commerce, de la construction et de l’hébergement et restauration y sont surreprésentés.
Cette communauté est caractérisée par le temps de travail hebdomadaire le plus élevé (45 heures contre 36 heures en moyenne pour l’ensemble de la population), un faible nombre de jours de congé (15 jours contre 37 dans la population totale) et peu de jours d’absence correspondant à des arrêts maladie (4 jours contre 8 jours en moyenne). Les autres caractéristiques de ce profil et des suivants sont détaillées dans l’annexe 2 (p.87).
Services peu qualifiés
Ce deuxième profil regroupe des personnes travaillant dans des emplois tertiaires tels que le gardiennage et le nettoyage (24 %), le soin aux personnes (17 %) ou le secrétariat et l’accueil (11 %).
26 % des actifs de ce profil sont employés par une collectivité locale, 17 % par un ou plusieurs particuliers. 44 % des individus du groupe travaillent à temps partiel, dont la moitié ne l’a pas choisi : leur temps de travail est de 29 heures en moyenne (contre 36 heures dans la population totale). Le groupe est constitué majoritairement de femmes (76 %) et comporte une forte proportion de personnes ayant déjà connu des périodes de chômage (22 %).
Leur revenu net moyen7 est bien inférieur à celui de l’ensemble de la population (1 163 € par mois contre 1 877 € en moyenne). Leur niveau de qualification est également nettement plus faible : 19 % des enquêtés de ce groupe sont sans diplôme et 39 % ont un CAP, BEP ou équivalent (contre 8 % et 27 % respectivement dans la population totale). Seuls 12 % du groupe ont un niveau supérieur ou égal à Bac+2, contre 39 % de la population.
Travailleurs issus de l’immigration
Le troisième profil qui se distingue se caractérise par son lien à l’immigration : 53 % des répondants sont étrangers, 42 % sont Français par naturalisation, mariage, déclaration ou option à la majorité. Dans ce groupe, le niveau de diplôme est plutôt faible (23 % n’ont aucun diplôme), une forte proportion de conjoints ne travaille pas (13 %) et une part importante d’individus exerce des fonctions de gardiennage ou de nettoyage (16 % contre 7 % dans la population totale). On note par ailleurs que ces actifs sont nombreux à déclarer ne pas travailler sous pression (32 % disent ne jamais rencontrer cette situation). Enfin, ces actifs sont assez proches de la moyenne nationale pour ce qui est du revenu (1 694 € mensuels), de l’âge (43 ans) et du temps de travail (34 heures).
Toutes les personnes ayant un lien avec l’immigration n’appartiennent pas à ce groupe. Certaines d’entre elles se rapprochent davantage d’autres profils comme par exemple des Indépendants ou CSP+ Privé (voir figure 1). Il s’agit cependant de cas minoritaires : ce profil Immigration comprend par exemple près de 90 % des actifs occupés étrangers.
Figure 1 – Répartition des immigrés et Français par naturalisation dans les différents groupes objectifs
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Ouvriers
Le quatrième profil comprend majoritairement des ouvriers qualifiés (47 %) et non qualifiés (15 %) et, dans une moindre mesure, des techniciens (9 %) ou agents de maitrise (7 %). Les ouvriers non présents dans le profil (44 % des ouvriers qualifiés et 58 % des ouvriers non qualifiés) sont principalement les ouvriers liés à l’immigration (donc présents dans le profil Immigration), les victimes d’accidents (dans le profil Accidentés, voir p.27) et ceux étant rattachés à des activités de service (dans le profil Services peu qualifiés).
Le secteur industriel est nettement surreprésenté dans ce profil Ouvriers, et en particulier les secteurs de fabrication de produits industriels (17 %) et alimentaires (8 %). Le transport (12 %) et la construction (13 %) sont également représentés. Il s’agit d’un groupe composé majoritairement d’hommes (76 %), de salariés du privé (93 %), et d’actifs à horaires imposés (86 %). Ces actifs sont particulièrement confrontés à des tâches pénibles et exposés à la saleté (53 %, contre 28 % dans la population), aux courants d’air (62 % contre 35 %), aux secousses ou vibrations (40 % contre 17 %), à l’humidité (44 % contre 23 %), aux basses températures (56 % contre 33 %) et à des produits dangereux (53 % contre 31 %).
Cadres et employés du secteur privé (CSP+ Privé)
Ce profil regroupe des employés du privé (91 %), incluant les emplois à plus forte qualification et les cadres d’entreprise (33 %), mais aussi des employés administratifs (16 %), des professions intermédiaires (23 %) et des techniciens (9 %) – voir le détail de la répartition figure 5 (p.31). Les 12 % de cadres non présents dans ce profil sont principalement rattachés aux profils Immigration (6 %) ou Accidentés (4 %).
Leur niveau de qualification est élevé : 65 % d’entre eux ont au moins un Bac+2. Ils travaillent principalement dans le secteur des services, en particulier dans les activités financières et d’assurance et la communication. Leurs salaires sont bien supérieurs à la moyenne (2 328 € nets par mois contre 1 877 €) et ils travaillent plus (40 heures contre 36,5 heures), avec des heures supplémentaires non rémunérées dans 54 % des cas. Les conditions de travail sont caractéristiques du travail de bureau : pas d’obligation de rester longtemps debout (90 %), d’effectuer des mouvements douloureux et fatigants (93 %), ni de risque d’être blessé (79 %).
Figure 2 – Revenu net moyen mensuel par profil objectif
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Cadres et employés du secteur public (CSP+ Public)
Ce profil est similaire au profil précédent, à la différence qu’il inclut en majorité des personnels du secteur public : 59 % sont des salariés de l’État, 24 % d’une collectivité territoriale et 11 % d’un hôpital public. Ils sont diplômés de l’enseignement supérieur : 30 % ont un niveau Bac+3 ou 4 et 23 % ont au moins un Bac+5. Ils sont, eux aussi, mieux payés que la moyenne (2 357 € par mois contre 1 877 € en moyenne). Leur temps de travail hebdomadaire est conforme à la moyenne mais ils bénéficient d’un plus grand nombre de congés (60 jours contre 37 jours en moyenne). Du point de vue des conditions de travail, ils sont souvent confrontés à des personnes en situation de détresse (70 %) et doivent souvent calmer des gens (74 %). Ils n’ont pas vu un médecin du travail depuis au moins cinq ans pour 21 % d’entre eux et 12 % n’en n’ont jamais vu (ces chiffres s’élèvent à 6 % dans chaque cas pour la population globale).
Santé
Ce profil inclut les personnes travaillant principalement dans le secteur de la santé ou du médico-social : 62 % travaillent dans le soin aux personnes. 62 % sont salariés d’un établissement de santé et 34 % de l’État ou d’une collectivité territoriale. Ce profil comprend également 49 % des policiers et militaires de la population totale (même s’ils ne constituent que 8 % du groupe). Du point de vue des conditions de travail, une forte proportion d’entre eux travaillent le dimanche (54 %) ou le soir (45 %) et ont de fortes contraintes physiques et relationnelles : 71 % doivent porter des charges lourdes, 81 % doivent rester longtemps debout ou sont en contact avec des personnes en situation de détresse. Par ailleurs, 85 % indiquent qu’une erreur de leur part peut entraîner des conséquences dangereuses pour leur sécurité ou celle d’autres personnes.
Accidentés du travail
Ce profil comprend quasi exclusivement les individus ayant eu un accident du travail au cours de l’année écoulée : 77 % ont eu un accident, 13 % en ont eu deux et 11 % en ont eu trois ou plus. Inversement, plus de 85 % des accidentés du travail sont présents dans le groupe. Il s’agit d’accidents du travail perçus comme tels par les individus, qu’ils soient indemnisés ou non par la sécurité sociale : 53 % ont été reconnus et indemnisés, 44 % non.
Il s’agit de travailleurs devant réaliser des mouvements dangereux et fatigants (68 %), porter des charges lourdes (70 %) et se trouvant au contact de produits dangereux (70 %). Ils estiment à 47 % que leur travail a des conséquences néfastes pour leur santé (contre 29 % en moyenne) et à 67 % que les outils de protection mis à leur disposition sont suffisants (12 % estiment que leur employeur fournit ces outils de manière insuffisante).
Répartition des huit profils objectifs dans la population
Les profils CSP+ Public et CSP+ Privé représentent respectivement 16,8 % et 18,5 % des répondants. D’autres ont un poids moins important parce qu’ils sont plus spécifiques, comme Immigration (6,2 %), Accidentés (7,8 %) ou Indépendants (9,2 %). Enfin, les profils Santé (12,9 %), Services peu qualifiés (14,9 %) et Ouvriers (13,6 %) complètent la répartition (figure 3).
Figure 3 – Distribution des profils objectifs parmi les actifs occupés
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Les profils Santé et CSP+ Public sont surreprésentés dans l’administration publique, tout comme le profil Ouvrier l’est dans différents secteurs industriels et notamment dans l’agroalimentaire (figure 4). Les Services peu qualifiés le sont dans les autres activités de service et l’hébergement et la restauration. La répartition du profil Immigration révèle une surreprésentation dans la construction et la restauration. Les CSP+ Privé sont d’autant plus présents qu’il y a un fort besoin de services et de fonctions supports. Ils représentent 83 % du secteur financier et, au sein des secteurs industriels, la répartition varie de 16 % dans la fabrication alimentaire à 50 % dans la cokéfaction et le raffinage.
Figure 4 – Distribution des profils objectifs par secteur d’activité
NAF 17.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
La répartition des profils au sein de chaque catégorie socio-économique (figure 5) et de chaque fonction (figure 6) complète l’analyse par secteur d’activité. On peut également détailler, en sens contraire, comment chaque profil se décompose selon la catégorie socio-économique (figure 7) et le diplôme obtenu (figure 8).
Figure 5 – Répartition des profils objectifs par catégorie socio-économique
Note de lecture : 36 % des ouvriers agricoles relèvent du profil Ouvriers.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Figure 6 – Distribution des profils objectifs en fonction du poste occupé
Note de lecture : 52 % des individus ayant une fonction de soin aux personnes appartiennent au profil Santé.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Figure 7 – Répartition des catégories socio-économiques sur les profils objectifs
Note de lecture : 27 % des individus du profil Indépendants sont artisans.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Figure 8 – Distribution du niveau de diplôme par profil objectif
Note de lecture : 14 % des individus du profil Indépendants ont un niveau de diplôme supérieur à Bac+4.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Le profil Indépendants est très dominant parmi les agriculteurs, chefs d’entreprise, commerçants.
Les profils Services peu qualifiés et Ouvriers sont dominants dans certaines catégories socio-économiques (de l’industrie pour les Ouvriers et des services pour les Services peu qualifiés) ainsi que dans certaines fonctions (manutention, maintenance et production pour les Ouvriers, gardiennage et nettoyage pour les Services peu qualifiés).
A contrario Immigration Accidentés
La répartition des actifs par profil au sein de chaque tranche de revenu donne un éclairage complémentaire (figure 9). Les tranches les plus faibles (moins de 1500 € par mois) sont composées presque exclusivement d’actifs appartenant aux profils Indépendants et Services peu qualifiés. Au contraire, le poids des CSP+ Public et CSP+ Privé augmente progressivement jusqu’à atteindre 34 % chacun pour la tranche supérieure. On remarque que ces deux profils, public et privé, sont équilibrés y compris en haut de l’échelle salariale.
Figure 9 – Distribution des profils par tranche de revenu
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
- 7 – Tous les revenus sont exprimés en euros nets mensuels dans la suite du document.
Les fonctionnaires au travail : quelle réforme ? – COMMENTAIRE
par Martin RICHER, fondateur de management-rse.com et responsable du pôle « Entreprise Travail & Emploi » de Terra Nova
Le grand mérite de cette étude de La Fabrique de l’industrie est de s’appuyer sur un dispositif d’enquête robuste, qui permet de remettre à leur place quelques idées reçues, comme la soi-disant disparition du monde ouvrier ou le mythe du bonheur au travail. Au sortir d’une campagne électorale qui fut l’occasion d’entendre bon nombre d’approximations fantasmatiques sur les fonctionnaires, je m’inspire ici de cette démarche pour remettre le travail à sa place : au centre de la compréhension des problématiques sociales.
Je m’appuie également sur les données issues de la sixième édition de l’enquête Conditions de travail, qui portent sur l’année 2013. Pour la première fois, cette édition intègre une sur-représentation des agents des trois versants de la fonction publique (État, territoriale, hospitalière), qui permet d’élaborer des analyses fines et des comparaisons entre versants de la fonction publique et secteurs du privé.
1 – Les fonctionnaires ne se fatiguent pas…
Si l’on examine la proportion des salariés qui signalent au moins trois contraintes physiques dans leur travail (parmi les contraintes les plus fréquentes comme rester longtemps debout ou dans une posture pénible, effectuer des déplacements à pied longs ou fréquents, devoir porter ou déplacer des charges lourdes, subir des secousses ou des vibrations, être exposé à un bruit intense, etc.), la fonction publique hospitalière (FPH) apparaît comme plus exposée que le secteur privé (53 % contre 35 %), alors que la fonction publique territoriale (FPT) fait jeu égal et que la fonction publique de l’État (FPE) apparaît comme mieux préservée (20 %). Bien sûr, cela reflète en partie (mais pas seulement) la composition socio-professionnelle différente de chacun des trois versants de la fonction publique.
L’intensification du travail entre 2005 et 2013 est généralement plus marquée dans la fonction publique que dans le secteur privé (incluant les entreprises publiques). Un examen des différences de perceptions entre les salariés du privé et les agents publics montre que la contrainte la plus prononcée est celle du rythme : 46 % des agents de la FPH signalent ne pas pouvoir interrompre momentanément leur travail quand ils le souhaitent contre 44 % dans la FPE, 30 % dans la FPT, des niveaux que l’on peut comparer au secteur privé : 28 %.
2 – Fonctionnaire ? Un job de tout repos…
La supposée absence de pénibilité psychologique ne résiste pas à l’analyse. La conciliation vie professionnelle / vie personnelle est rendue plus difficile dans la fonction publique du fait des horaires atypiques et des astreintes, qui concernent 16 % des fonctionnaires, une proportion double de celle que connaissent les salariés du privé. En 2013, quelques années avant la loi Macron, on constatait que 70 % des agents hospitaliers travaillaient le samedi, même occasionnellement et 64 % le dimanche, alors que les horaires atypiques ne concernent que 48 % de l’ensemble des salariés du privé pour le samedi et 26 % pour le dimanche. Les deux autres versants de la fonction publique sont également (mais plus légèrement) davantage concernés par le travail le dimanche que leurs collègues du privé (29 % pour la FPE et 30 % pour la FPT).
Le soutien social, l’un des facteurs les plus protecteurs vis-à-vis des risques psychosociaux (RPS), s’exprime différemment : les agents de la fonction publique sont davantage aidés par leurs collègues, et les salariés du privé par leur hiérarchie. Les exigences émotionnelles sont fortes : 43 % des agents publics (contre 27 % seulement dans le privé) déclarent vivre des situations de tensions dans les rapports avec le public, dont 46 % dans la FPE et 51 % dans la FPH. De même, 67 % des agents publics (contre 38 % seulement dans le privé) sont en contact avec des personnes en situation de détresse (dont 85 % dans la FPH). Une autre spécificité en matière d’exposition aux RPS, liée au mode de management public fondé sur une conception dépassée du rapport hiérarchique: les agents de la fonction publique estiment plus souvent (30 %) que ceux du privé (23 %) que les « personnes qui évaluent leur travail ne le connaissent pas bien ».
3 – Les fonctionnaires sont protégés des changements et rétifs à la réforme
Avec l’industrie manufacturière, les trois versants de la fonction publique détiennent le record des changements organisationnels les plus nombreux (changements de poste, de fonction, d’organisation, etc). Les changements de l’organisation du travail sont signalés par 24 % des salariés de l’industrie et de la fonction publique, et même par 31 % de ceux de la FPH (20 % pour l’ensemble des salariés).
Par ailleurs, ces changements nombreux sont moins bien vécus, notamment par les agents de l’État et de la FPH. Quand ils vivent des changements, 37 % des salariés les jugent plutôt positifs pour leur travail, mais pour 28 % ils ont un impact plutôt négatif, en particulier dans la FPE et la FPH (32 % dans les deux cas). Un facteur d’explication : 20 % des salariés du privé mais 21 % des agents de la FPE et surtout 30 % de ceux de la FPH, estiment « vivre des changements imprévisibles ou mal préparés ».
4 – Les fonctionnaires sont des privilégiés du fait de la sécurité de l’emploi
Une étude de la Dares sur l’« Insécurité de l’emploi et exercice des droits dans le travail » (décembre 2015) montre que le sentiment d’insécurité de l’emploi a fortement augmenté entre 2005 et 2013, en particulier pour les salariés en CDI, les agents de la fonction publique et les non-salariés. Les salariés qui craignent pour leur emploi, en CDI ou dans la fonction publique, tendent à faire valoir moins pleinement leurs droits : ils sont plus nombreux que les autres à venir travailler même quand ils sont malades, à ne pas prendre tous leurs congés et à dépasser les heures prévues sans compensation en salaire ou en repos. Ce comportement est encore plus fréquent (47 %) parmi les cadres de la fonction publique qui déclarent craindre de perdre leur emploi.
Les salariés qualifiés de « stables insécurisés » sont 16 % dans le secteur privé mais 19 % dans la fonction publique à dire « avoir toujours ou souvent des désaccords avec leur supérieur hiérarchique sur la façon de bien faire leur travail » mais « ne pas pouvoir en discuter ».
5 – Les fonctionnaires sont à l’abri de la discrimination
Paradoxalement, l’équité, une valeur montante du management, semble mieux pratiquée dans le privé que dans la fonction publique, alors que cette dernière est sensée être porteuse d’intérêt général et d’éthique : 27 % des salariés du privé pensent que leur supérieur ne traite pas équitablement les personnes qui travaillent sous ses ordres contre 32 % des agents publics, dont 29 % dans la FPE, 31 % dans la FPT et même 39 % dans la FPH.
6 – Les fonctionnaires bénéficient d’une bonne protection vis-à-vis de leur santé au travail
Les politiques de prévention des risques professionnels sont moins actives dans la fonction publique et dans les petits et moyens établissements du secteur marchand et associatif. En particulier, la base de la prévention des risques professionnels repose sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER). Or, seuls 46 % des employeurs ont élaboré ou mis à jour ce document, pourtant obligatoire pour toutes les entreprises depuis 2001. Dans la fonction publique, cette évaluation n’est pas toujours disponible : 75 % des établissements de la FPH l’ont faite, mais seulement 51 % des établissements dans la FPE et 33 % dans la FPT.
Seuls 29 % des salariés déclarent avoir eu connaissance de la rédaction d’un document unique d’évaluation des risques ; et parmi eux, 29 % seulement disent avoir été consultés pour son élaboration. Dans la fonction publique la proportion des salariés déclarant avoir eu connaissance de la rédaction de ce document est légèrement inférieure (de 24 % dans la territoriale à 25 % dans l’hospitalière). En revanche, la proportion des salariés déclarant avoir été consultés pour son élaboration est notablement supérieure dans la FP d’Etat (34 %) et surtout territoriale (36 %).
7 – Le management dans la fonction publique a des années de retard
Alors que le secteur privé bruisse des merveilles apportées par le concept d’entreprise libérée, y a-t-il une « administration publique libérée » ? La réponse est sans doute à chercher autours de l’autonomie au travail (voir : « Autonomie au travail : la France a tout faux ! »8). Le manque d’autonomie au travail est ressenti par 30 % des salariés du privé, qui disent qu’ils ne peuvent pas régler eux-mêmes les incidents. Cette proportion est identique dans la FPT (31 %) mais très dégradée dans la FPH (39 %). En revanche, avec 24 %, la FPE semble donner davantage d’autonomie.
Pour améliorer le management, le législateur ces dernières années a multiplié les obligations d’entretiens professionnels. La part de salariés concernés par des entretiens individuels d’évaluation annuels dans le secteur privé n’est pas encore majoritaire (48 %), en particulier dans l’agriculture (9 %) et la construction (30 %). À l’opposé, les entretiens individuels d’évaluation annuels concernent 68 % des agents de la fonction publique (75 % dans la FPT et 81 % dans la FPH… mais seulement 57 % dans la FPE). Contrairement à une autre idée reçue, la diffusion des outils informatiques est plus avancée dans le public que dans le privé, ce qui contribue à changer la donne pour le management.
Conclusion
Accepter de considérer le travail des agents publics change la perspective que l’on peut poser sur l’utilité sociale des trois versants de la fonction publique, même si cette analyse chiffrée reste au bord des réalités concrètes vécues dans le travail au quotidien. Cela est nécessaire car, oui, il est indispensable de réformer la fonction publique de façon ambitieuse, mais aussi d’une manière plus professionnelle que ce qui a été mené ces dernières années au travers de la RGPP ou de la simplification administrative. Le changement doit être conduit de façon responsable ; il doit remettre le travail et son sens au centre des pratiques professionnelles ; il doit être mieux anticipé, préparé et bien davantage concerté.
Reste à espérer que les responsables politiques et économiques s’emparent davantage de la nécessité de s’intéresser au travail de ceux qui sont en charge de la mise en œuvre des politiques publiques comme de ceux qui sont dans le privé. C’est bien ce à quoi nous invite cette excellente initiative de La Fabrique.
- 8 – http://management-rse.com/2016/06/15/autonomie-travail-france-a-faux/
Six profils d’actifs occupés apparaissent selon leurs conditions de travail subjectives
Si l’on agrège cette fois les mêmes actifs ayant répondu à l’enquête selon leur perception subjective de leur travail, six nouveaux profils se dégagent.
Travaille seul
Un premier profil inclut les personnes travaillant seules (75 %) ou souvent seules (11 %) ; nous l’appelons « Travaille seul ». Certes, il ne s’agit pas là d’une appréciation subjective des conditions de travail. Mais, dans la mesure où ces personnes n’ont souvent pas de collègue (75 %) ni de supérieur hiérarchique (78 %), toutes les questions portant sur les relations avec leur environnement de travail sont sans objet. D’autres caractéristiques spécifiques apparaissent sur le plan organisationnel : ces actifs n’ont aucun contrôle horaire (90 %), peuvent déterminer leur emploi du temps (69 %) et n’ont aucun congé (36 %). Ils travaillent rarement sous pression (44 % ne travaillent jamais sous pression contre 20 % en moyenne dans la population) et 31 % peuvent toujours faire quelque chose qui leur plaît (contre 13 % en moyenne dans la population).
Heureux
Ce profil inclut des personnes ayant généralement une bonne qualité de vie au travail, ne travaillant jamais sous pression (58 %), se disant toujours de bonne humeur (38 %), n’ayant ni à cacher leurs émotions ni à faire mine d’être de bonne humeur (65 %). Leurs liens avec l’entreprise sont également positifs : ils sont fiers de travailler dans leur entreprise (72 %), ils ne vivent jamais de changement imprévisible ou mal préparé (68 %), et ils sont soutenus par leur hiérarchie : 62 % ne sont jamais en désaccord avec leur hiérarchie et 83 % n’ont jamais le sentiment d’être exploités.
Les enquêtés constituant ce cluster sont légèrement moins payés que la moyenne (1 753 € nets par mois) mais leur « score de bien-être » tel que défini par l’OMS (voir p.46) est bien supérieur à la moyenne (20,38 contre 15,65).
Rien à signaler (RAS)
Ce profil, l’un des plus peuplés, inclut des personnes plutôt satisfaites, qui ne sont ni ignorées (97 %) ni critiquées injustement (98 %), et qui n’ont pas subi de changement d’environnement de travail au cours des douze derniers mois (96 %). La satisfaction n’est pas sans mélange, ils travaillent « parfois » sous pression (60 %) et font « parfois » trop vite une opération (63 %). Ils sont « d’accord » (et non « tout à fait d’accord ») pour dire qu’ils reçoivent le respect et l’estime que mérite leur travail (64 %) et que leur supérieur les traite équitablement (56 %). Ce profil est ainsi celui des personnes qui n’ont rien à signaler de particulier et sont plutôt satisfaites de leur vie au travail, avec un salaire supérieur à la moyenne (2 023 € par mois) et un peu plus de congés que la moyenne (41 jours), et avec un indice de bonheur de l’OMS moyen très proche de celui de la moyenne de la population totale (15,54 contre 15,65).
Changements
Ce profil rassemble les personnes ayant connu un changement de l’organisation de leur travail (43 %), une restructuration ou un déménagement (33 %), un changement de poste (35 %), un changement dans les techniques utilisées (33 %), un rachat ou un changement de direction (28 %), plusieurs de ces changements pouvant avoir eu lieu simultanément.
Ces changements sont plus souvent subis par l’employé sans qu’il ait été consulté (51 %) que précédés d’une consultation (43 %). Ils sont toutefois plus souvent perçus comme positifs (37 %) ou neutres (31 %) que comme négatifs (22 %). L’information dont ils font l’objet est plus souvent jugée suffisante (58 %) qu’insuffisante (36 %).
Les individus de ce profil sont plus diplômés que la moyenne (51 % ont au moins un Bac+2, contre 39 % en moyenne), travaillent dans des plus grandes organisations (62 % opèrent dans un établissement de plus de 50 employés, contre 47 % en moyenne) et ont des revenus plus élevés (2 094 € contre 1 877 € en moyenne). Ils ont en revanche un niveau de bien-être de l’OMS légèrement inférieur à la moyenne (14,67 contre 15,65).
Figure 10 – Moyenne des revenus mensuels déclarés par profil subjectif
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tensions avec les collègues
Ce profil comprend les personnes satisfaites de leur management mais ayant des problèmes relationnels avec leurs collègues ou leur équipe. En particulier, ils se sentent ignorés (54 %), critiqués injustement (50 %) ou empêchés de s’exprimer (23 %). Malgré ces tensions, ces individus s’estiment aidés par leur chef (53 %) qui prête attention à ce qu’ils disent (57 %). Ils conservent un indice de bien-être de l’OMS dans la moyenne (15,76 contre 15,65). Ces tensions au travail semblent donc rester à un niveau acceptable par l’individu, ou au moins être compensées par d’autres éléments de la QVT.
Tensions avec la hiérarchie
Contrairement au précédent profil, les individus de ce dernier profil vivent particulièrement mal les tensions qu’ils subissent. Ils se sentent ignorés (64 %), critiqués injustement (69 %) ou empêchés de s’exprimer (52 %). Mais, surtout, ils sont 67 % à être en situation de tension avec leur supérieur hiérarchique : ils sont 74 % à recevoir des ordres contradictoires, 37 % à travailler toujours sous pression et 31 % à ne pouvoir discuter de leur désaccord avec leur chef. Ils ont également un score de bien-être de l’OMS bien inférieur à la moyenne (10,30 contre 15,65). 49 % d’entre eux ont par ailleurs connu un changement de l’organisation de travail au sein de leur établissement.
Figure 11 – Moyenne du score de bien-être de l’OMS par profil subjectif
Note de lecture : le score de bien-être de l’OMS est composé de cinq questions à cinq niveaux portant sur le ressenti quotidien en termes de sensations de bonne humeur, de calme, d’énergie, de repos et d’intérêt et variété de la vie quotidienne. Il varie de 0 à 25.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Ce profil inclut des personnes soumises à de nombreux risques psycho-sociaux, même lorsqu’ils conservent une assez bonne satisfaction du travail en équipe. Le taux d’absentéisme est assez élevé (17,25 jours contre 7,95 en moyenne), tout comme le rejet du poste occupé : 79 % de ces personnes ne seraient pas heureuses si leurs enfants s’engageaient dans la même activité professionnelle et 62 % d’entre eux ne se sentent pas capables de continuer leur travail jusqu’à leur retraite.
Répartition des six profils subjectifs dans la population
Les profils RAS et Tensions collègues sont les plus nombreux : ils représentent respectivement 21,8 % et 22,5 % de la population. Les profils situés aux deux extrêmes en termes de bien-être de l’OMS, Tensions hiérarchie et Heureux, sont moins représentés et comptent respectivement pour 13 % et 15,7 % de la population. Enfin, les profils plus spécialisés, Changements et Travaille seul, complètent la répartition (17,5 % et 9,5 % respectivement).
Figure 12 – Distribution des profils subjectifs parmi les actifs occupés
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
En matière de répartition sectorielle, le profil Travaille seul est fortement surreprésenté dans les « autres activités de services » et l’agriculture. Le profil Heureux, assez homogène, est particulièrement présent dans l’hébergement, la restauration et la construction. À l’opposé, le profil Tensions hiérarchie est surreprésenté dans le transport et les industries agroalimentaires.
Figure 13 – Distribution des profils subjectifs par secteur d’activité
Source : NAF 17.
En revanche, les profils subjectifs se répartissent de façon très homogène dans les différentes catégories socio-économiques (figure 14) et fonctions (figure 15). La seule exception concerne le profil Travaille seul, qui est très nettement surreprésenté dans certaines catégories (artisans, commerçants, agriculteurs, services au particulier).
Figure 14 – Distribution des profils subjectifs par catégorie socio-économique
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Figure 15 – Distribution des profils subjectifs selon la fonction du poste
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Comme on le verra plus loin, les postes comptant une forte proportion d’individus appartenant au profil Changements (cadres, fonctionnaires des catégories A et B) ont une faible proportion d’Heureux. Inversement, les postes comptant le moins de personnes appartenant au profil Changements (les ouvriers, principalement) ont la plus forte proportion d’Heureux.
Si on considère la répartition des profils subjectifs dans chaque tranche de revenus, le profil Travaille seul est très nettement majoritaire pour les faibles salaires (jusqu’à 1 200 €) et décroît avec la hausse des salaires. À l’opposé, les profils RAS et surtout Changements gagnent en importance à mesure que l’on s’élève dans les tranches salariales. Le profil Heureux est largement présent dans les tranches de salaires autour de 1 000 € et reste relativement stable à partir de 1 800 €, y compris pour les très hauts salaires, alors que le profil Tensions hiérarchie décroît progressivement au-delà de 4 000 € par mois.
Figure 16 – Distribution des profils subjectifs par tranche de revenu
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
La perception subjective du salaire donne une indication complémentaire (figure 17) : alors qu’on vient de voir que la corrélation était faible entre le poids du profil Heureux et le niveau de salaire, elle est au contraire très forte avec le sentiment d’être bien payé. La proportion d’Heureux augmente ainsi très fortement avec la perception d’être bien payé. C’est l’inverse pour la proportion de gens appartenant au profil Tensions hiérarchie.
Figure 17 – Distribution des profils subjectifs selon la perception du niveau de salaire
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Enfin, la figure 18 révèle que 72 % des individus Heureux sont toujours fiers de leur organisation (contre 9 % des individus du profil Tensions hiérarchie).
Figure 18 – Proportion d’actifs déclarant être « toujours » fiers de travailler dans leur organisation
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
De grandes différences entre les perceptions subjectives et objectives des conditions de travail
Les profils qui précèdent peuvent maintenant être représentés selon le « score » qu’ils atteignent sur chacune des neuf dimensions de la qualité de vie au travail formalisées par la chercheuse Emma Davie (2015a).
Ces dimensions, agrégeant les variables du questionnaire Dares, sont : « les six dimensions définies par le collège d’expertise sur le suivi statistique des RPS au travail (l’intensité du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie, les rapports sociaux, les conflits de valeur et l’insécurité économique) ainsi qu’une dimension relative aux contraintes horaires et d’organisation du temps de travail, une dimension [sur] les contraintes physiques et environnementales, enfin [une dernière sur] la reconnaissance, la rémunération et l’évaluation. »
Sur les deux graphiques suivants, chaque axe représente la proportion du groupe ayant une situation pire que la majorité de la population. La situation optimale se situe donc au centre de la figure. Le graphique 19 représente les profils subjectifs.
Figure 19 – Représentation des profils subjectifs selon les neuf dimensions de la QVT retenues par Davie (2015a)
Note de lecture : 73 % des individus du profil Tensions hiérarchie ont un indice d’exigence émotionnelle plus défavorable que la moitié de la population.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Le profil Heureux est celui qui se rapproche le plus de l’optimal, c’est-à-dire du centre du diagramme, suivi de Travaille seul puis de RAS. Le profil Tension hiérarchie est celui qui s’en éloigne le plus9. Les profils Changements et Tensions collègues présentent des difficultés différentes, avec plus d’insécurité économique et de changements pour le premier, et plus de problèmes liés aux rapports sociaux pour le deuxième.
Contrairement aux profils subjectifs, la figure 20 montre qu’il n’existe pas de profil objectif qui soit préférable à tous les autres sur l’ensemble des dimensions, ni même par rapport à une majorité de dimensions.
Figure 20 – Représentation des profils objectifs selon les neuf dimensions de la QVT retenues par Davie (2015a)
Note de lecture : 70 % des individus du profil Santé ont un indice d’exigences émotionnelles plus défavorable que la moitié de la population.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
La plupart des profils ont des points forts et des points faibles. Ainsi, les Indépendants ont un excellent score sur les dimensions d’autonomie, de rapports sociaux, de conflits de valeurs et de rémunération et reconnaissance, et un mauvais score sur les contraintes horaires et physiques. Le profil Services peu qualifiés a un bon score en termes d’horaires et d’intensité de travail, mais un très mauvais score en termes de rapports sociaux et un score médiocre en matière de reconnaissance et de rémunération. Les Ouvriers ont un assez mauvais score en général (en termes d’autonomie, de contraintes physiques, d’insécurité économique) mais un très bon score en termes d’exigences émotionnelles.
Il existe deux profils dont les conditions de travail sont globalement très mauvaises. Le premier est le profil Accidentés du travail, avec de très fortes contraintes physiques, de très forts conflits de valeurs, une forte intensité de travail et une faible autonomie. Le second profil, Santé, subit des exigences émotionnelles et des contraintes de travail très supérieures aux autres profils. En effet, les conditions de travail dans ce secteur présentent des contraintes spécifiques, notamment en termes d’horaires (travail de nuit et le week-end), de pression (travail en urgence) et d’exposition fréquente à la maladie et à la mort.
Les profils cadres ont globalement de meilleures conditions de travail. Le profil CSP+ Privé bénéficie de la meilleure autonomie et des plus faibles contraintes physiques (travail de bureau), avec une forte intensité de travail et une assez forte insécurité économique. Le profil CSP+ Public présente de forts conflits de valeurs et d’assez fortes tensions émotionnelles avec la plus faible insécurité économique (liée au statut de la fonction publique) et de très faibles contraintes physiques.
- 9 – La CFE-CGC Métallurgie, en réaction à cette étude, relève qu’il faut envisager de manière dynamique le lien entre QVT et niveau des tensions avec la hiérarchie. Ce qui va aujourd’hui ira peut-être moins bien demain, et surtout, dans quelle mesure un travailleur « victime d’une chute de QVT » pour des raisons de mauvaises relations avec sa hiérarchie, pourra reconstruire une confiance en un nouveau management ? À l’heure où le rôle des partenaires sociaux doit être rebattu, elle préconise de ne pas négliger celui qu’ils portent dans l’aide à la reconstruction de la QVT, tant collective qu’individuelle. Enfin, elle indique que pour entraîner les managers sur les questions de QVT, il est nécessaire de les accompagner.
Les relations entre profils objectifs et subjectifs sont parfois contre-intuitives
L’étape suivante consiste à mettre en relation la situation professionnelle des individus et leur ressenti. Ces relations, représentées par la fraction d’un profil objectif figurant dans un profil subjectif donné, sont illustrées ci-après.
Figure 21 – Répartition des profils subjectifs dans les profils objectifs
Lecture : Dans le profil objectif Accidentés, 29 % des individus appartiennent au profil subjectif Tensions hiérarchie.
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Cela fait apparaître une structure simple : un profil objectif est en majorité surreprésenté dans un ou deux profils subjectifs. Ainsi, le profil Indépendants coïncide pratiquement (à 62 %) avec le profil subjectif Travaille seul. Le profil Accidentés recoupe essentiellement les profils subjectifs Tensions hiérarchie (29 %) et Tensions collègues (25 %). Les profils objectifs Ouvriers et Immigration sont très présents dans les profils subjectifs Heureux et RAS, ce qui peut sembler contre-intuitif. Les profils CSP+ Privé et CSP+ Public, quant à eux, se répartissent entre les profils subjectifs RAS, Changements et Tensions collègues. Enfin, le profil Services peu qualifiés se répartit principalement entre quatre clusters subjectifs : Heureux (28 %), RAS (21 %), Tensions collègues (20 %) et Travaille seul (17 %).
Un premier commentaire concerne la spécificité du profil Indépendants, qui peut être attribuée au questionnaire. En effet, beaucoup de questions font référence au travail en équipe et au management d’équipe, et sont donc non applicables pour les indépendants, qui ont presque systématiquement répondu « sans objet » ou « non pertinent ».
Un second commentaire concerne le profil Santé, comportant une grande proportion de salariés en situation de tension (56 %). Un tel environnement de travail peut perturber la productivité des employés. Les conditions de travail souvent difficiles des professionnels de la santé ont fait l’objet de nombreuses recherches, et semblent s’être aggravées avec les récentes réformes hospitalières, mettant l’accent sur des critères plus stricts de productivité et d’efficience (Gheorghiu et Moatti, 2016 ; Loriol 2003 ; Safy-Godineau, 2013).
Un résultat plus étonnant concerne la situation objective des personnes satisfaites au travail, c’est-à-dire appartenant au profil subjectif Heureux. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas des actifs relevant des profils objectifs CSP+ Privé ni CSP+ Public (qui sont plutôt dans le groupe RAS), mais des profils Services peu qualifiés, Ouvriers et Immigration. En réalité, ce résultat est cohérent avec une partie de la recherche sur « l’économie du bonheur », qui a montré que les liens entre richesse matérielle et satisfaction personnelle sont plus ténus que la théorie économique classique ne le prévoirait (Diener et al., 2009). Selon Kahnemann et Deaton (2010), au-delà d’un certain seuil, l’enrichissement continue à améliorer le niveau de satisfaction personnelle d’ensemble (overall life assessment) sans pour autant sensiblement augmenter le bien-être quotidien (emotional well-being). Dans une perspective proche, selon la théorie de la satisfaction relative (Easterlin, 1974), un individu n’évalue pas son bien-être dans l’absolu, mais par comparaison aux autres. Les personnes CSP+ Privé et CSP+ Public pourraient ressentir une pression plus forte vers l’avancement dans l’échelle sociale, résultant en une moindre satisfaction lorsque ce résultat peine à être obtenu.
Selon une autre perspective, le travail constitue en soi une source de satisfaction. Ainsi, au Royaume-Uni, Deeming (2013) montre que les chances de se déclarer insatisfait sont trois fois plus élevées pour les personnes recevant des aides sociales plutôt qu’un salaire. En ce sens, les populations des profils Ouvriers, Immigration et Services peu qualifiés pourraient s’avérer satisfaites du fait même d’avoir du travail, par rapport à la possibilité d’être au chômage, alors que la population des CSP+ se sentirait moins concernée par ce risque en raison de sa facilité d’insertion généralement meilleure. On notera d’ailleurs que ces trois profils surreprésentés parmi les heureux sont également ceux qui sont les plus fiers de leur travail (avec les Indépendants).
Figure 22 – Part des actifs se déclarant « toujours » fiers d’un travail bien fait
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Ce résultat rappelle d’autres analyses, notamment celles de Baudelot et al. (2003), qui montrent que le bonheur et surtout le malheur au travail se rencontrent dans toutes les catégories socio-professionnelles. S’ils dépendent en effet pour partie des conditions objectives de travail, un ensemble d’autres facteurs entrent également en jeu. Des formes d’insatisfaction, autrefois caractéristiques de la condition ouvrière (par exemple, un sentiment d’exploitation) se seraient généralisées.
Figure 23 – Répartition des profils objectifs dans les profils subjectifs
Note de lecture : 27 % des individus Heureux appartiennent au profil Services peu qualifiés
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
En retour, cela plébiscite la notion de qualité de vie au travail et en rappelle la robustesse, même si son caractère multidimensionnel peut au premier abord sembler compliqué. Ce que nous montre ce travail, en effet, est plutôt que la poursuite du « bonheur au travail », comme seule finalité individuelle ou managériale, s’avère simpliste.
En répartissant les populations en fonction des clusters subjectifs, on retrouve la surreprésentation du profil Services peu qualifiés parmi les Heureux (ils représentent 27 % du groupe). Les CSP+ Privé et Ouvriers sont également fortement représentés (17 % dans les deux cas). Une grande proportion d’enquêtés du profil Changements fait partie des CSP+ Privé (27 %) et CSP+ Public (22 %). Enfin, on remarque que les profils Tensions hiérarchie et Tensions collègues sont répartis dans de multiples groupes.
Certains croisements entre profils peuvent être détaillés. On compare ici les CSP+ Privé Heureux et les Ouvriers Heureux (figures 24 et 25) aux profils « purs » CSP+ Privé, Ouvriers, et Heureux.
Figure 24 – Situation des CSP+ Privé Heureux par rapport à l’ensemble des CSP+ Privé
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Figure 25 – Situation des Ouvriers Heureux par rapport à l’ensemble des Ouvriers
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Bien sûr, par construction, les Ouvriers Heureux et les CSP+ Privé Heureux se situent respectivement mieux que les Ouvriers et que les CSP+ Privé sur tous les axes décrits. Certains écarts méritent tout de même d’être commentés.
Les Ouvriers Heureux et les CSP+ Privé Heureux ont en effet des caractéristiques en commun, en particulier une faible intensité de travail et de faibles conflits de valeurs. En revanche, les Ouvriers Heureux conservent les fortes contraintes physiques et horaires de la condition ouvrière, tandis que les CSP+ Privé Heureux amplifient encore les avantages de leur catégorie en matière d’autonomie et d’absence de contraintes physiques.
On constate également que les salaires moyens des Ouvriers Heureux et des CSP+ Privé Heureux (respectivement 1 583 € et 2 289 €) ne sont pas supérieurs à ceux de l’ensemble des Ouvriers (1 604 €) et des CSP+ Privé (2 328 €). L’importance de la perception subjective du salaire est en revanche confirmée. Seuls 21,2 % des Ouvriers Heureux et 13,8 % des CSP+ Privé Heureux se trouvent « plutôt mal » ou « très mal » payés, contre 40,4 % des Ouvriers et 29,7 % des CSP+ Privé.
Le poids des catégories socio-économiques varie également légèrement. Parmi les Ouvriers Heureux, la part des ouvriers artisanaux, qualifiés ou non, (respectivement 16,9 % et 5,6 %) est plus élevée que dans la population globale d’Ouvriers (respectivement 14,1 % et 4,3 %). Inversement, la part des ouvriers industriels, qualifiés ou non, est inférieure.
En matière de secteurs d’activité, le secteur du commerce est assez sous-représenté (15,6 % des Ouvriers mais seulement 11,4 % des Ouvriers Heureux), alors que les principales surreprésentations concernent l’administration publique et la santé (de 8,9 % à 11,1 %), et la construction (de 13,4 % à 14,7 %).
C’est le phénomène inverse qui se produit pour les CSP+ Privé Heureux : le secteur du commerce y est surreprésenté (18,5 %) par rapport à l’ensemble des CSP+ Privé (15,6 %). Le secteur du commerce semble donc plus apte à fournir une bonne QVT pour ses cadres que pour ses ouvriers et employés.
En matière de catégorie socio-économique, la principale sous-représentation concerne les ingénieurs et cadre techniques, qui ne représentent que 12,4 % des CSP+ Privé Heureux, contre 15 % des CSP+ Privé. La plus forte surreprésentation concerne les employés administratifs (18,3 % contre 16,1 %).
Un lien positif entre la QVT et l’autonomie au travail
L’autonomie des salariés peut avoir un fort impact sur la performance de leur entreprise. De nouvelles formes d’organisation du travail, telles que l’entreprise libérée, l’entreprise responsable ou encore les organisations responsabilisantes, misent sur le développement de cette autonomie comme levier de performance économique (Bourdu, Péretié et Richer, 2016b). Par ailleurs, l’autonomie d’un salarié lui permet d’enrichir son travail ; elle modifie son implication dans l’entreprise, avec un impact bénéfique sur son ressenti et même un impact possible sur ses réalisations effectives. En contrepartie, l’autonomie du salarié peut accroitre sa tension mentale, compensant ou annulant ces effets bénéfiques.
Le lien entre ressenti au travail et autonomie des salariés est étudié en définissant une dimension d’autonomie selon la méthodologie de Davie (2015b) et en calculant un « score d’autonomie » pour chaque salarié sur la base de ses réponses au questionnaire Dares (voir encadré 1).
Encadré 1 – Calcul du score d’autonomie au travail
Le score est calculé comme la somme (pondérée) des réponses aux questions ci-après.
1. Vos supérieurs hiérarchiques vous disent ce qu’il faut faire. En général, est-ce que :
- ils vous disent aussi comment faire (0 point)
- ils indiquent plutôt l’objectif du travail et vous choisissez vous-même la façon d’y arriver (3 points)
2. Vous recevez des ordres, des consignes, des modes d’emploi. Pour faire votre travail correctement, est-ce que :
- vous appliquez strictement les consignes (0 point)
- dans certains cas, vous faites autrement (1 point)
- la plupart du temps vous faites autrement (2 points)
- sans objet (pas de consignes) (3 points)
3. Quand, au cours de votre travail, il se produit quelque chose d’anormal, est-ce que :
- la plupart du temps, vous réglez personnellement l’incident (3 points)
- vous réglez personnellement l’incident mais, dans des cas bien précis, prévus d’avance (1 point)
- vous faites généralement appel à d’autres (un supérieur, un collègue, un service spécialisé) (0 point)
4. Votre travail consiste-t-il à répéter continuellement une même série de gestes ou d’opérations ?
- Oui (0 point)
- Non (1 point)
Les scores moyens d’autonomie des différents profils objectifs et subjectifs sont représentés en figure 26. Les profils Indépendants et Travaille seul sont omis, faute d’information disponible (ils n’ont en général pas de supérieur hiérarchique).
On constate tout d’abord que le niveau d’autonomie des actifs est avant tout lié à leurs conditions objectives de travail. Indépendamment du profil subjectif auxquels ils appartiennent, les cadres du public et du privé ont des scores d’autonomie assez proches l’un de l’autre et bien plus élevés que ceux des autres profils objectifs.
Le profil Santé est au contraire celui dont l’autonomie moyenne est la plus faible.Au sein du profil Immigration, on remarque un « pic » d’autonomie concernant le sous-profil Changements : cela provient du fait que ces individus sont majoritairement des cadres, donc à un niveau élevé d’autonomie, contrairement aux autres actifs du profil Immigration.
Pour la même raison, le profil Accidentés présente un niveau moyen d’autonomie plus élevé que les Ouvriers, Tensions hiérarchie ou Santé, en raison d’une plus forte proportion de cadres en son sein.
Ensuite, si l’on ordonne en abscisse les profils subjectifs selon le niveau de QVT perçue – depuis les Heureux jusqu’à Tensions hiérarchie – une corrélation apparaît entre le niveau d’autonomie des actifs et leur niveau de QVT. Plus précisément, les profils jouissant d’une plus faible autonomie sont aussi ceux dont la QVT est la plus faible. L’autonomie est ainsi nettement plus faible pour les profils Tensions hiérarchie et Tensions collègues, dont la QVT est faible.
Cependant, la relation entre autonomie et QVT n’est pas simplement monotone : le profil dont la QVT est maximale (les Heureux) n’est pas celui dont l’autonomie est la plus élevée. C’est en effet le profil RAS qui bénéficie du plus fort niveau d’autonomie. Ces résultats corroborent l’état de l’art, soulignant les effets positifs de l’autonomie sur la QVT tout en notant que, au-delà d’un certain seuil d’autonomie, la charge mentale résultante finit par en atténuer les effets positifs.
Figure 26 – Scores d’autonomie moyens des profils objectifs et subjectifs
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Conclusion
Notre approche, guidée par les données (data-driven), a permis de construire une typologie des travailleurs français à partir de leurs réponses à l’enquête Dares 201310 sur leurs conditions de travail. Les profils objectifs caractérisent leurs conditions concrètes de travail, les profils subjectifs caractérisent leur ressenti. Les six profils subjectifs s’ordonnent de façon claire, avec une QVT décroissante, depuis le profil Heureux jusqu’aux profils Tensions collègues et Tensions hiérarchie, dont le ressenti est très dégradé. En revanche, les profils objectifs ne peuvent pas être ordonnés aussi simplement : à chacun d’eux sont associés des aspects positifs et négatifs. Néanmoins, les professionnels de la santé et les accidentés du travail ont un niveau de QVT globalement bas.
L’interprétation de ces résultats demande une lecture conjointe des profils objectifs et subjectifs. Le croisement de ces profils montre ainsi qu’une mauvaise QVT est en premier lieu associée aux tensions que déplore un salarié avec sa hiérarchie. Ces tensions peuvent être corrélées négativement à l’état de santé des individus, comme le montre leur fréquente appartenance au profil objectif Accidentés. Les changements organisationnels sont aussi associés à une moins bonne QVT.
Ces résultats confirment le rôle essentiel du management en matière de QVT. Si celle-ci peut contribuer à l’engagement professionnel des individus et à la performance de l’entreprise, elle requiert en contrepartie une gestion attentive des rapports humains, qu’ils soient verticaux (hiérarchiques) ou horizontaux (entre pairs). La structure organisationnelle et le style de gestion des entreprises, incluant la conduite du changement, notamment en période de restructuration, acquisition ou fusion, ont également une relation directe avec la QVT.
Ces constats ne concernent pas le cas particulier des indépendants, un groupe très hétérogène et dont la part dans la population active ne cesse de croître, et qui se distingue des autres profils tout au long de cette étude. Leurs conditions de travail, objectives et subjectives, sont peu explorées dans le questionnaire Dares 2013. On peut espérer qu’elles le soient davantage dans les prochaines vagues de l’enquête. Enfin, la prochaine phase de notre travail consistera à identifier des relations causales entre les différentes facettes de la QVT et la performance économique des entreprises.
- 10 – Tous les algorithmes d’analyse sont disponibles à : https://github.com/Diviyan-Kalainathan/causal-humans
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Annexes
Annexe 1. Analyse en composantes principales sur données Dares
Recodage des variables
L’analyse de données commence par une phase de recodage des variables, pour éviter notamment les biais quantitatifs.
Les questions à options sont recodées de la manière suivante. Une question comprenant N options est représentée par N+1 variables booléennes, la dernière permettant de caractériser les cas où l’enquêté n’a pas répondu à la question. Dans le cas des questions à réponse continue (ancienneté ou salaire, par exemple), celles-ci sont représentées par une variable continue et une variable booléenne, cette dernière codant la non-réponse de l’enquêté.
Principes méthodologiques
Une analyse en composantes principales permet ensuite de remédier à la redondance des variables, pour définir un petit nombre d’axes capturant la variabilité des données : ces axes sont des variables agrégées, définie comme une somme pondérée des variables initiales.
L’interprétation d’un axe se fait en considérant les variables initiales les plus importantes qui la composent (valeurs absolues du poids les plus élevées).
Dans l’espace des axes, chaque individu est un vecteur de Rd. On utilise la catégorisation (clustering) pour identifier des sous-groupes de données homogènes ; l’algorithme employé est un K-means++.
Chaque profil est interprété par ses variables significatives au sens du V-Test. Formellement, une variable est significative pour un profil lorsque sa valeur moyenne sur ce profil est significativement distincte de la valeur moyenne sur l’ensemble des données (compte tenu de la taille du profil).
ACP sur les variables objectives
Le spectre des valeurs propres de la matrice de covariance des variables objectives nous a conduit à sélectionner les huit premiers vecteurs propres, comme un compromis entre la taille de la représentation réduite et l’inertie capturée (62 %) ; notons qu’il aurait fallu pratiquement doubler le nombre de vecteurs propres pour arriver à 70 % d’inertie.
ACP sur les variables subjectives
Dans le cas des variables subjectives (environ 20 % des variables), le fait de retenir les 5 premiers vecteurs propres permet de capturer 80 % de l’inertie des données.
Étude des axes
Le recodage des questions à options (catégorielles) et l’ajout des variables booléennes conduit à un total de 2 463 variables (numériques et booléennes).
13 nouvelles variables11 sont obtenues : 8 sur données factuelles, 5 sur données subjectives (ressenti), dont les caractéristiques sont présentées dans la sous-partie interprétation des axes. Une première interprétation des axes est faite en considérant les poids associés des variables initiales pour les axes objectifs (figure 27) et pour les axes subjectifs (figure 28).
Figure 27 – Poids total des catégories de variables sur les nouveaux axes objectifs
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Figure 28 – Poids total des catégories de variables sur les nouveaux axes subjectifs
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Les risques psychosociaux, l’organisation du travail et la santé n’apparaissent pas clairement dans les axes objectifs : ceci est dû au faible nombre de questions objectives dans ces catégories ce qui réduit la variance expliquée par ces catégories. Le fort poids des variables d’activité professionnelle est dû notamment à la décomposition des catégories de métiers en variables booléennes (la décomposition fine en secteurs d’activité conduit ainsi à créer 88 nouvelles variables, dont le poids peut être élevé car elles ont très rarement une valeur non nulle).
Interprétation des axes
Une seconde interprétation des axes est effectuée en identifiant les variables les plus corrélées à l’axe, positivement et négativement.
Tableau 2 – Principales contributions des variables pour les huit premiers axes de l’ACP des variables objectives
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 3 – Principales contributions des variables pour les cinq premiers axes de l’ACP des variables subjectives
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Annexe 2. Principales variables significatives par profil
Tableau 4 – Description du profil Indépendants
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 5 – Description du profil Services peu qualifiés
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 6 – Description du profil travailleurs issus de l’immigration
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 7 – Description du profil Ouvriers
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 8 – Description du profil Cadres et employés du secteur privé (CSP + Privé)
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 9 – Description du profil Cadres et employés du secteur public (CSP + Public)
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 10 – Description du profil Santé
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 11 – Description du profil Accidentés du travail
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 12 – Description du profil Travaille seul
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 13 – Description du profil Heureux
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 14 – Description du profil Rien à signaler (RAS)
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 15 – Description du profil Changements
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 16 – Description du profil Tensions avec les collègues
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
Tableau 17 – Description du profil Tensions avec la hiérarchie
Source : La Fabrique de l’industrie/TAO-LRI. Données Dares 2013.
- 11 – Chacune de ces nouvelles variables est une combinaison linéaire des variables initiales.
Diviyan Kalainathan, Olivier Goudet, Philippe Caillou, Michèle Sebag, Paola Tubaro, Emilie Bourdu et Thierry Weil, Portraits de travailleurs. Comprendre la qualité de vie au travail, Paris, Presses des Mines, 2017.
ISBN : 978-2-35671-486-2
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