L’étonnante disparité des territoires industriels
Composition, 1944, Kandinsky Vassily (1866-1944) Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam Rzepka
Préface
Après la chute du mur de Berlin s’est construite en Europe une réflexion globale très structurée de la mondialisation et de la tertiarisation des économies. Les métropoles, lieux de concentration des savoirs et de l’information, y étaient données gagnantes. Cela s’avère en partie vrai. Mais cette évolution a aussi laissé derrière elle, en France notamment, le goût amer de la désindustrialisation, de territoires désertifiés et de populations pénalisées.
Cette étude que j’ai l’honneur de préfacer revient sur ce schéma opposant métropoles et périphéries. Il y a des territoires qui vont bien ! Discrets, parfois ignorés, comme les PME ou les ETI championnes qu’ils accueillent, ils sont plus nombreux qu’on ne le croit. Ce travail permet aussi d’interroger leurs facteurs de succès et de souligner ceux qui paraissent fondamentaux : la dynamique économique territoriale dépend pour moitié environ de la santé de l’économie nationale, mais aussi pour près de 40 % de facteurs locaux.
« Les caractéristiques structurelles des territoires, écrivent les auteurs de l’étude, n’expliquent pas si simplement leur performance en matière d’emploi industriel et d’emploi total ». Cet énoncé est une frappante confirmation économétrique, en même temps qu’une leçon d’humilité. En effet, pendant des décennies nous avons agi, investi, décidé comme si ces caractéristiques structurelles étaient déterminantes.
Ainsi il n’y aurait ni fatalité, ni recette au développement des territoires. Il est de plus en plus évident que le capital humain des territoires, si peu quantifiable, en est la clef de voûte. Leur dynamisme repose sur des femmes et des hommes porteurs d’un projet partagé, sur une culture d’échange et de solidarité territoriale, etc. Le constat pragmatique des premiers mois de Territoires d’industrie confirme pleinement cette réflexion.
Comment aller plus loin ? On peut catégoriser les territoires, multiplier les échantillons en espérant mettre en évidence les facteurs communs de sous-ensembles. C’est la logique analytique et cette étude nous permet d’en mesurer l’utilité.
Mais en même temps, il faudra sans doute aussi réinterroger fondamentalement les critères qui définissent les territoires qui se portent bien, observer leur dynamisme local lié à des leaders qui savent animer et inspirer, à ces cultures « invisibles » et particulières qui leur permettent de développer leurs talents. Comment ont-ils émergé ? Pourquoi ont-ils été acceptés ? Quand leurs convictions ont-elles commencé à être partagées ? Sur quels moyens se sont-ils appuyés ? Ne sont-ils pas le témoignage d’une nécessaire « ré-incarnation » du développement économique ?
Mon expérience à la tête de Territoires d’industrie m’en a convaincu, même si cette approche est encore l’objet de nombreuses résistances. Osons citer à ce sujet les contributions d’Erwan Coateana, Audrey Régnier, Marc Damien, Christophe Cathelain, pour ne nommer que des chefs d’entreprise. N’hésitons plus à « exemplariser » ces leaders !
Olivier Lluansi
Délégué aux Territoires d’industrie
Remerciements
Cette note présente les résultats d’un projet de recherche conduit dans le cadre de l’Observatoire des territoires d’industrie. Nous remercions en particulier : François Blouvac (Banque des Territoires), Annabelle Boutet (Commissariat général à l’égalité des territoires), Vincent Charlet (La Fabrique de l’industrie), Aurore Colnel (Commissariat général à l’égalité des territoires), Isabelle Laudier (Institut CDC pour la Recherche), Françoise Morsel (Banque des Territoires), Nicolas Portier (Assemblée des Communautés de France), Lucie Renou (Institut CDC pour la Recherche), Mickaël Vaillant (Régions de France), Ludovic Valadier (Banque des Territoires), et Thierry Weil (Mines ParisTech) pour leur aide précieuse.
Résumé
Depuis la fin des années 1990, l’écart se creuse entre les territoires dynamiques, qui créent des emplois, et ceux en difficulté, qui en perdent. Ce constat alimente souvent une représentation simpliste, dite des deux France, qui oppose les espaces métropolitains supposés « gagnants de la mondialisation » et les territoires périphériques que l’on perçoit comme pénalisés par une désindustrialisation inéluctable.
Cette grille de lecture, très reprise durant le mouvement des « gilets jaunes », ne résiste cependant pas à l’analyse : les fractures économiques et sociales ne se confondent pas simplement avec celles de la géographie. Vitré, Figeac, Issoire, Cholet, Saint-Nazaire et tant d’autres zones d’emploi nous rappellent que des territoires de taille ou de population moyennes peuvent afficher une santé insolente, notamment dans les secteurs industriels. Or, cette hétérogénéité est encore assez mal expliquée par la littérature économique. La présente note étudie donc les ressorts de la performance de nos territoires, en particulier des plus industriels d’entre eux, sur la période d’après-crise allant de 2009 à 2015.
Elle confirme tout d’abord que l’industrie a en général – mais pas systématiquement – un fort effet d’entraînement sur l’emploi dans les autres secteurs du territoire, alors que le phénomène inverse ne s’observe pas. C’est pourquoi il est important de se préoccuper tout particulièrement du dynamisme territorial du secteur industriel.
Ensuite, l’analyse met en lumière la grande diversité des trajectoires territoriales. Certaines zones d’emploi ont ainsi bénéficié d’une croissance de leur base industrielle, alors que l’on sait que l’industrie française a globalement perdu des emplois. Par ailleurs, les variations positives ou négatives constatées dans les zones d’emploi apparaissent comme étant indépendantes de la taille de leur base industrielle : il n’y a pas de fatalité frappant les « grands bassins industriels », pas plus qu’il n’y a de prime automatique aux grands clusters et autres métropoles. Enfin et surtout, nos calculs montrent que la spécialisation des territoires dans des secteurs plus ou moins porteurs est un « prédicteur » assez médiocre – et même de plus en plus médiocre – de leur performance. Autrement dit, c’est « l’effet local », c’est-à-dire la part résiduelle de la performance qui ne s’explique pas par leur portefeuille d’activités, qui permet de comprendre la trajectoire des territoires. L’effet local d’un territoire peut d’ailleurs être fortement positif dans un secteur d’activité et assez faible voire négatif dans un autre…
Après avoir constaté cette grande hétérogénéité, la note présente une analyse économétrique qui identifie certains déterminants de cet effet local et en écarte d’autres. De manière très significative, l’emploi industriel d’un territoire est favorisé ou entraîné à la baisse par l’emploi des territoires alentour. Ainsi, sur les deux arcs littoraux de l’ouest et du sud de la France, dans le nord des Alpes et au cœur de l’Île-de-France, on observe de vastes agglomérats de territoires à dynamique positive ; a contrario , le quart nord-est du pays ainsi qu’une large diagonale le traversant jusqu’au sud-ouest sont dominés par des regroupements de zones à dynamique négative.
Ces agglomérats à dynamique commune rappellent que les territoires ne sont pas des îles. Bien au contraire, un territoire prospère peut stimuler les services de proximité mais aussi l’industrie (fournisseurs, sous-traitants) chez ses voisins, notamment quand des mécanismes partenariaux tels que les pôles de compétitivité y aident. Ces situations de synergie se révèlent bien plus nombreuses que des cas d’éviction ou de rivalité, dans lesquels le développement d’un territoire se ferait au détriment de ses voisins.
On observe également que la concentration de l’emploi dans quelques grands établissements industriels, même si elle est parfois facteur de vulnérabilité (par exemple quand ils relèvent majoritairement d’une même filière traversant une mauvaise conjoncture), a généralement une influence positive sur la croissance de l’emploi.
Enfin, la note relève que tous les secteurs d’activité ne réagissent pas de la même manière aux différents déterminants de l’emploi : les effets d’agglomération par exemple, parfois hâtivement présentés comme un paramètre universel de la performance des territoires, prévalent surtout pour les industries à forte densité de connaissance. En conséquence, selon les combinaisons spécifiques de leurs activités dominantes, les territoires répondent différemment aux paramètres étudiés : certains pâtissent de leur forte concentration initiale en emplois industriels, ou au contraire d’une économie trop exclusivement tournée vers les activités résidentielles, et d’autres pas. La note présente ainsi une typologie des territoires en quatre catégories.
En conclusion, si les caractéristiques structurelles des territoires n’expliquent pas si simplement leur performance en matière d’emploi industriel et d’emploi total, c’est probablement parce que ces phénomènes sont de plus en plus multiparamétriques, plus encore parce que leur « capital social » et, notamment, l’efficacité des institutions et des coopérations entre acteurs divers jouent un rôle primordial. C’est enfin et surtout parce que le dynamisme des entreprises et leur capacité à générer de la croissance, qui ne dépendent pas exclusivement du territoire, restent le principal moteur du développement local.
Tous les acteurs du territoire peuvent contribuer à la création d’un environnement attractif et bienveillant, en particulier les entreprises elles-mêmes. Pour mieux comprendre comment on peut encourager les entreprises les plus dynamiques et transformer les succès individuels en performance collective, il paraît donc désormais opportun de multiplier les études de cas qualitatives.
Introduction
Les usines, les chantiers, les arsenaux, les centres de R&D… et bien d’autres lieux encore de production industrielle sont indissociables des territoires qui les accueillent, dont ils façonnent la singularité. Ils parviennent encore à ancrer des emplois et des revenus, partout dans l’Hexagone, même si la désindustrialisation à l’œuvre pendant plusieurs décennies les a clairsemés. En particulier, ces sites de production jouent souvent un rôle prépondérant dans les espaces de taille modeste ou intermédiaire : les territoires comptant moins de 100 000 emplois regroupent pas moins de 57 % des emplois industriels, contre 40 % seulement du total des emplois 1.
Dans ces territoires, nous le verrons, l’activité industrielle est florissante ou s’érode. Dans le quart nord-est de la France, la part des emplois industriels a été divisée par deux en quarante ans (CGET, 2018). L’ouest et le sud du pays ont mieux résisté et semblent être aujourd’hui les espaces privilégiés de la création d’emplois industriels. Dans le même temps, l’analyse montre surtout qu’il n’y a pas de fatalité territoriale : partout en France l’on trouve des territoires qui déjouent les conjonctures régionales et créent nettement plus d’emplois – ou en perdent davantage – que leurs voisins. L’évolution locale de l’emploi industriel n’est pas non plus la projection spatiale des évolutions sectorielles nationales.
Or, cette diversité des trajectoires industrielles et plus encore les marges de manœuvre dont les territoires disposent pour construire leur stratégie de développement échappent souvent aux commentateurs, qui raisonnent plus volontiers selon des « grandes tendances » : la « puissance des métropoles », le « déclin des grands bassins industriels », la « révolution des nouvelles technologies », le « naufrage des espaces ruraux »… Rien de tout cela n’est strictement vrai, après examen.
Cette note cherche précisément à mieux comprendre les ressorts du succès ou du déclin des territoires, en particulier des plus industriels.
- 1. Données de l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) sur les effectifs salariés dans les zones d’emploi en France.
La diversité des territoires industriels
1. Les territoires créent et détruisent des emplois de manière contrastée
Dans les secteurs d’activité industriels aussi bien que dans le reste de l’économie, les créations et destructions d’emplois se répartissent très inégalement sur le territoire français. La Figure 1 illustre cette diversité : parmi les 304 zones d’emploi de France métropolitaine, 125 ont connu une variation positive de l’emploi salarié total entre 2009 et 2015, et 179 un repli, dépassant les 10 % pour une quinzaine d’entre eux. Les territoires dont la croissance de l’emploi est la plus forte se situent majoritairement sur les façades atlantique et méditerranéenne de l’Hexagone ainsi que dans la région Auvergne Rhône Alpes et le cœur du Bassin parisien. Les plus fortes baisses de l’emploi sont concentrées dans une large partie du nord et de l’est ainsi que sur un axe allant du nord-est au sud-ouest, parfois appelé la « diagonale aride ». À ces territoires viennent s’ajouter d’autres zones d’emploi en repli, en Normandie, en Bretagne et dans l’extrême est méditerranéen. On observe une disparité analogue concernant les emplois industriels, comme le montre la Figure 2. Pas moins de 80 % des zones d’emploi ont connu un repli de l’emploi industriel depuis la fin de la crise de 2009. Seule une cinquantaine de zones, principalement localisées dans l’ouest et le sud, ont vu le volume de leur emploi industriel progresser. A contrario , le quart nord-est du pays enregistre les plus fortes réductions d’emplois industriels.
Figure 1 – Variation de l’emploi salarié total entre 2009 et 2015
Source : Insee, Clap. Calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
Figure 2 – Variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015
Source : Insee, Clap. Calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
2. L’industrie exerce un effet d’entraînement sur l’économie locale
En superposant les Figures 1 et 2 on remarque que la variation de l’emploi industriel présente une structure spatiale relativement semblable à celle de l’emploi salarié total. Ce constat est cohérent avec les nombreuses études ayant mis en lumière un effet d’entraînement de l’emploi industriel sur le reste de l’emploi local (Moretti, 2010 ; Malgouyres, 2017 ; Frocrain et Giraud, 2018). Le développement industriel offre en effet des débouchés pour les services de proximité (restaurants, services de gardiennage, aide à la personne, etc.) ainsi que pour les services à l’industrie du territoire (R&D, conseil, services informatiques, logistique, ingénierie, etc.). Symétriquement, une érosion du tissu industriel a une influence négative sur le développement de l’emploi local.
Plus généralement, toutes les activités pouvant capter les revenus de consommateurs extérieurs au territoire exercent un effet multiplicateur sur l’emploi local. C’est le cas de l’industrie, bien sûr, mais aussi de certains services et d’activités agricoles. Selon les auteurs, on parlera d’activités « échangeables », « exposées », « productives » ou encore de la « base compétitive »2. Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud (2018) estiment par exemple que la création de 100 emplois exposés à la concurrence internationale dans une zone d’emploi de France métropolitaine génère environ 80 emplois abrités supplémentaires dans la même zone. Dans le sens contraire en revanche, on n’observe pas de phénomène d’entraînement analogue. Les activités liées à l’économie de proximité, généralement appelées « présentielles » ou « abritées », comptent trop peu dans le volume d’affaires ou les achats des entreprises exposées pour en infléchir les revenus et la compétitivité. Illustrons cette idée à partir de l’exemple de l’entreprise Bohin, dernier fabricant d’aiguilles et d’épingles en France. La Manufacture Bohin3, qui exporte 25 % de sa production et accueille dans son musée quelque 15000 visiteurs par an, génère assurément des retombées importantes pour la ville de Saint-Sulpice-sur-Risle où se trouve l’entreprise. Par contre, les couturiers de cette petite commune normande (1700 habitants) occupent une place marginale dans le carnet de commande de Bohin.
Bien sûr, l’emploi industriel n’est pas le seul moteur de l’emploi non-industriel. Certains territoires développent leur industrie en même temps qu’ils perdent des emplois dans le reste de l’économie locale, comme le montre la Figure3. Inversement, les nombreuses observations dans le quadrant nord-ouest de celle-ci révèlent qu’il existe des territoires dans lesquels les pertes d’emplois industriels s’accompagnent de créations dans le secteur tertiaire. Par exemple, le vieillissement de la population ou le tourisme peuvent favoriser les créations d’emplois de proximité dans les espaces côtiers tout en pénalisant les entreprises industrielles qui peinent à recruter ou à maintenir leur compétitivité-coût.
En outre, cet effet d’impulsion peut varier selon les périodes et le type d’emplois créés. De nombreux travaux ont notamment mis en évidence que l’effet multiplicateur des industries de haute-technologie est plus fort (Moretti, 2010 ; Moretti et Thulin, 2013 ; Wang et Chanda, 2018), parce que les entreprises concernées versent des salaires en moyenne plus élevés que celles de basse-technologie. L’étude la plus récente à ce sujet, centrée sur les États-Unis, indique que cet effet multiplicateur y est deux fois plus élevé que dans les autres secteurs (Bartik et Sotherland, 2019).
Cet effet varie également en fonction des caractéristiques des bassins d’emploi (Moretti, 2011). En particulier, un territoire enclavé, au plein emploi ou proposant une faible offre de logements aura des difficultés à convertir son dynamisme industriel en créations d’emplois. L’étude précitée de Bartik et Sotherland montre en revanche, toujours dans le cas des États-Unis, que l’effet d’entraînement n’augmente pas avec la taille du bassin d’emploi (hormis pour les industries de haute-technologie).
Quoi qu’il en soit, l’industrie et, plus généralement, le continuum des activités industrialo-servicielles exposées à la compétition mondiale jouent un rôle important dans l’évolution de l’emploi local. Ce constat justifie l’intérêt des travaux visant à mesurer, à comprendre, et à anticiper les évolutions de ces activités dans les territoires.
Figure 3 – Comparaison des variations de l’emploi salarié industriel et non-industriel entre 2009 et 2015 (en %)
Source : Acoss.
3. La performance des territoires échappe aux prédictions macroscropiques intuitives
L’observation des créations et destructions d’emplois industriels vient démentir plusieurs intuitions que l’on pourrait nourrir à ce sujet. Premièrement, comme le montre la Figure4, aucune corrélation claire ne peut être dégagée entre le nombre initial d’emplois industriels sur un territoire et sa variation. On peut donc renvoyer dos à dos deux thèses couramment entendues dans le débat public : d’une part, les grands bassins d’emploi industriels ne sont pas particulièrement condamnés au déclin et, d’autre part, on n’observe pas non plus de prime à la grandeur sous l’effet des économies d’agglomération.
Figure 4 – Base industrielle et variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015
Source : Acoss.
Ensuite, on observe que la spécialisation sectorielle des territoires n’a souvent, à son tour, qu’un effet limité sur leur trajectoire. Pour le montrer, on peut mener une analyse structurelle-résiduelle (Encadré 1) qui distingue les trois composantes de l’évolution de l’emploi local : la composante nationale qui relève d’évolutions supralocales (taux de change, santé économique de nos partenaires commerciaux, évolution du salaire minimum, changement dans les habitudes de consommation, etc.), la composante structurelle qui procède d’effets de spécialisation, et la composante résiduelle ou géographique reflétant la dynamique propre de chaque territoire sous l’effet des conditions économiques locales. Ces dernières sont de natures très diverses, depuis le prix du foncier et la disponibilité de la main-d’œuvre, en passant par le climat et la géographie, jusqu’aux infrastructures de transport, l’accès à la recherche et à l’enseignement, la qualité de la gouvernance et des relations clients-fournisseurs, etc. La présence d’un pôle de compétitivité, d’un maillage dense de petites entreprises, d’établissements de groupes4 ou bien encore de leaders incarnant le territoire peut constituer un avantage comparatif renforçant le poids de cet effet local. L’analyse structurelle-résiduelle révèle que l’évolution de l’emploi industriel dans les territoires est d’abord déterminée par les conditions macroéconomiques : la composante nationale explique en moyenne 52 % de sa variation locale. Ces déterminants macroéconomiques correspondent, par exemple, à la dynamique de la productivité dans l’industrie, à l’évolution de la structure des dépenses des consommateurs ou encore à la concurrence internationale. La spécialisation sectorielle, quant à elle, n’explique en moyenne que 10 % des variations de l’emploi industriel local et ne domine dans aucune zone d’emploi. Autrement dit, une croissance plus forte de l’emploi industriel dans un territoire n’est jamais le reflet d’une plus forte concentration des secteurs les plus dynamiques ; tout comme des destructions d’emplois particulièrement marquées au niveau local ne découlent pas nécessairement d’une forte présence des secteurs identifiés comme étant en déclin sur le plan national. À l’inverse, l’effet local explique 38 % des variations de l’emploi dans les territoires5 et domine dans 122 zones d’emploi (soit 40 % de l’échantillon). Ce pourcentage peut s’élever à plus de 70 % pour des zones d’emploi comme Figeac, Longwy, Lunéville, Houdan ou Issoire.
Encadré 1 – Mesurer l’effet local à partir d’une analyse structurelle-résiduelle
L’analyse structurelle-résiduelle ou shift-share est une méthode d’analyse régionale standard. Elle détermine la part de la variation de l’emploi, dans une unité spatiale au cours d’une période donnée, attribuable aux tendances nationales macroscopiques et sectorielles, et permet donc d’isoler la part résiduelle de cette évolution.
Soit ETsz la variation de l’emploi dans le secteur s de la zone d’emploi z. Elle est égale à la somme de la tendance générale de l’économie, de la composante sectorielle nationale et de l’effet local sectoriel:
ETs,z = EN + ESs + ELs,z
ELs,z est l’effet local du secteur s dans la zone d’emploi z.
ELz = ∑sPs,zELs,z , où Ps,z est le poids du secteur s dans la zone d’emploi z (∑sPs,z = 1), est l’effet local de la zone d’emploi z. Notons que l’effet peut être positif même si l’emploi local diminue ; cela indique alors que le déclin local est inférieur au déclin national.
Les résultats de l’analyse shift-share sont sensibles à la période et au découpage sec- toriel retenus. Dans notre cas, il est probable qu’une partie de l’« effet local » mesure en réalité des dynamiques infra-sectorielles, en particulier dans l’industrie. Par exemple, notre découpage sectoriel ne nous permet pas de tenir compte du fait que dans le textile, alors que la fabrication de vêtements connaît des difficultés, celle de fibres techniques se porte bien.
Pour aller plus loin: Levratto N. et Carré D. (2013), «La croissance des établissements industriels : une question de localisation », Région et Développement, n° 38, pp. 93-120.
Figure 5 – Principal déterminant de l’évolution de l’emploi industriel local sur la période 2009-2015
Source : Acoss, calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
La Figure 6 représente la variation de l’emploi attribuée à l’effet local pour chaque zone d’emploi. En premier lieu, on remarque la similitude générale de cette carte avec celles présentées aux figures 1 et 2. On constate à nouveau que des groupes de territoires contigus partagent des dynamiques similaires. Les territoires à effet local positif (en vert) se retrouvent le plus souvent à l’ouest, dans le sud et en Rhône-Alpes, tandis que ceux qui présentent un effet local négatif sont majoritairement localisés dans le nord et le centre de la France. On ne peut néanmoins pas parler de déterminisme régional : des territoires, comme Dunkerque ou Valenciennes, ont un effet local positif dans des régions où les effets locaux sont plutôt négatifs, tandis que d’autres (Corte, Fontenay-le-Comte, etc.), implantés dans de vastes zones à effet local positif, présentent un taux négatif.
Figure 6 – Variation de l’emploi industriel due à l’effet local par zone d’emploi (2009-2015)
Source : Acoss, calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
Cette importance du rôle joué par l’effet local dans la variation de l’emploi va dans le sens des observations réalisées depuis une vingtaine d’années sur les systèmes productifs territoriaux. Rétrospectivement, ces études montrent même que ce poids de l’effet local s’accroît6, en parallèle d’un effacement de la composante structurelle (Bonnet, 1997 ; Gaigné et al., 2005).
4. L’effet local est déterminant pour les territoires fortement industriels
Nous cherchons maintenant à mieux comprendre cet effet local en examinant un échantillon de zones d’emploi, sélectionnées pour l’importance de leur industrie. Parmi les 141 zones d’emploi dont les noms correspondent aux « Territoires d’industrie » labellisés par le Gouvernement, nous retenons les 30 zones qui comptent au moins 28 % d’emplois industriels ou qui totalisent plus de 10 000 emplois industriels. Comme le montre la Figure7, les territoires les plus petits sont aussi les plus spécialisés alors que les plus grands, plus diversifiés, comprennent une part d’emploi industriel un peu plus faible. La Figure 8 présente la décomposition de la croissance de l’emploi industriel7 dans ces trente zones. L’effet structurel y est presque systématiquement négatif puisque, sur la France entière, la plupart des secteurs industriels, à la maille sectorielle retenue, ont perdu des emplois sur la période étudiée. C’est l’ampleur de l’effet local qui distingue surtout ces territoires les uns des autres. Certaines zones d’emploi comme Figeac, Issoire, Vitré et Ancenis bénéficient ainsi d’un fort effet local positif. D’autres telles que la Pithiviers, Béthune-Bruay ou Charleville-Mézières sont à l’inverse pénalisées par leurs spécificités locales.
Figure 7 – Échantillon de trente zones d’emploi, territoires d’industrie
Source : Acoss.
Figure 8 – Décomposition de la variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015
Source : Acoss, calculs des auteurs.
Parvenus à ce stade de l’analyse, on pourrait penser que ces territoires bénéficient chacun d’une vitalité propre, profitant uniformément à toute leur économie locale. Ce serait erroné. En effet, comme le montre la Figure 9, les effets locaux propres aux différents secteurs d’activité – ou, plus précisément, les variations locales de l’emploi corrigées des moyennes nationales pour chaque secteur – sont très variables au sein d’une même zone d’emploi, ici sur la base des exemples de Nogent-le-Rotrou et Molsheim-Obernai. Dans le premier cas, l’effet local est positif tous secteurs confondus, à l’image de la métallurgie ou de la plasturgie par exemple, mais la réparation de machines et les industries agroalimentaires (IAA) présentent des effets locaux négatifs. Dans le second, l’effet local est négatif en dépit d’effets locaux positifs pour la métallurgie, la plasturgie ou le textile. Cela peut découler des stratégies d’entreprises, des spécialisations productives, ou encore d’un positionnement plus ou moins avantageux au sein de la chaîne de valeur.
Figure 9 – « Effets locaux sectoriels » ou variations locales de l’emploi corrigées des moyennes nationales par secteur, entre 2009 et 2015
Source : Acoss.
On peut compléter l’illustration de ce phénomène en comparant, cette fois, tous les territoires de l’échantillon pour deux secteurs spécifiques (voir Figure10). Pour la fabrication de matériels de transport, les divergences sont particulièrement marquées : plus de 100 points de pourcentage séparent les effets sectoriels locaux de Molsheim-Obernai et de Charleville-Mézières. La diversité des trajectoires locales est également frappante dans le cas des industries agroalimentaires, par exemple entre Segré et Issoudun d’un côté, et La Ferté-Bernard ou Nogent-le-Rotrou de l’autre.
Figure 10 – Effets locaux sectoriels pour la fabrication de matériels de transport et les industries agroalimentaires, entre 2009 et 2015
Source : Acoss.
En conclusion de ce chapitre, retenons que l’hétérogénéité des territoires face à la création d’emplois nous conduit à en chercher les moteurs les plus efficaces, notamment pour ce qui concerne l’emploi industriel. Il apparaît que ni la taille des zones d’emploi ni les spécialisations sectorielles, qu’elles soient favorables ou défavorables à l’échelle du pays, ne sont de nature à expliquer ces variations de manière convaincante. On est donc conduits à examiner le contenu et les déterminants des effets locaux, qui s’avèrent prépondérants. C’est l’objet du chapitre suivant.
- 2. Notons que ces concepts et les nomenclatures qui leurs sont associées sont certes proches mais pas strictement équivalents.
- 3. Pour en savoir plus sur la Manufacture Bohin, téléchargez le compte rendu du séminaire Aventures industrielles, « L’étonnante résurrection de l’entreprise Bohin » (www.la-fabrique.fr).
- 4. Il est important de ne pas confondre les groupes et les très grandes entreprises. Depuis l’application de la consolidation des résultats aux entreprises de moins de 250 salariés, la structuration en groupe n’est plus synonyme de très grosse entité; les microgroupes peuvent avoir un effectif total de 250 salariés. Dans les analyses qui suivent, le critère de la taille de l’établissement ou de l’entreprise traduit des économies d’échelle, tandis que la structure juridique reflète un mode de gouvernance et de management.
- 5. L’effet local joue un rôle plus important (55 % de la variation de l’emploi local) lorsque l’on regarde l’emploi total, en raison du poids important des secteurs abrités de la concurrence internationale, moins dépendants des conditions macroéconomiques.
- 6. La contribution moyenne de l’effet local à la variation de l’emploi total était de 40 % sur la période 2000-2009 et de 55 % sur la période 2009-2015. Pour une analyse de la première décennie des années 2000, voir Levratto, Carré et Lievaut (2013).
- 7. L’effet national n’est pas représenté sur le graphique car sa valeur est identique pour toutes les ZE.
Comprendre les ressorts de la performance des territoires
Le chapitre précédent a montré la grande diversité des dynamiques territoriales de création et destruction d’emplois au cours de la période 2009-2015. Il confirme, à une maille territoriale plus fine et sur la période récente, des analyses plus anciennes8 qui mettaient déjà l’accent sur l’existence d’une « diagonale aride »9 et sur la dynamique des zones côtières, le long de la Méditerranée et de l’arc atlantique notamment.
Une vaste littérature, dite de la nouvelle économie géographique, cherche surtout à expliquer ces écarts de performance par les gains d’agglomération, conduisant les firmes à s’implanter dans les zones denses. Ce primat des effets externes d’agglomération est cependant régulièrement remis en cause par des recherches mettant en relief des facteurs explicatifs alternatifs ou complémentaires10. C’est pourquoi nous pensons que cette lecture est incomplète et qu’une part significative de la dynamique d’un territoire résulte également de la combinaison de ressources matérielles, immatérielles et des pratiques stratégiques des individus et des organisations. Ainsi adoptons-nous, dans ce chapitre dédié à la recherche des facteurs explicatifs de l’effet local, une approche globale.
1. Les créations d’emplois sur un territoire dépendent de trois catégories de facteurs
Cette section présente les déterminants de l’emploi le plus souvent mis en évidence par les travaux d’économie géographique. Ces travaux sont nombreux, qu’il s’agisse de vérifications empiriques d’hypothèses formulées dans les modèles théoriques (théorie de la base, effets d’agglomération, traction par la demande, etc.) ou des approches d’emblée empiriques. Les régions, les groupes de pays, les périodes et les mailles spatiales sur lesquels ils portent varient sensiblement ; surtout, ils débouchent sur des résultats différents, parfois contradictoires, qui nourrissent d’intenses débats. Sont ici répertoriés les facteurs le plus souvent analysés et dont nous chercherons à évaluer l’influence dans la section suivante.
1.1 Les dotations matérielles et immatérielles
La première catégorie de facteurs explicatifs des trajectoires territoriales de développement correspond aux dotations matérielles (géographie, infrastructures, technologies) et immatérielles du territoire. En ce qui concerne les éléments plus immatériels, plus « invisibles » (Doeringer, Terkla et Topakian, 1987), on peut citer l’histoire des territoires (Séri, 2003), la qualité des liens socio-économiques ou du capital social11. Ils sont résumés par le concept de « capital territorial » (voir, parmi de nombreuses références, Camagni et Capello, 2013 ; Perucca, 2014).
En particulier, la qualité des échanges entre acteurs constitue un facteur important de performance des territoires. Comme l’ont montré les recherches sur l’économie de proximité (Colletis et Pecqueur, 1995 ; Zimmermann, 2002), il ne suffit pas que les acteurs soient proches pour qu’ils coopèrent. Autrement dit, l’écart de performance entre territoires tient en partie à la capacité, variable, des acteurs locaux à gérer les conflits, créer des espaces de dialogue, dégager des solutions gagnant-gagnant, trouver des compromis, etc.
1.2 Les caractéristiques du tissu économique local
Le deuxième ensemble de déterminants concerne les caractéristiques de l’appareil productif local – qui dépassent la question de la composition sectorielle étudiée au chapitre précédent – et plus spécifiquement la nature des activités économiques, leur degré de concentration et de spécialisation.
Une partie de la littérature, qui fait de l’espace un déterminant de la croissance des firmes (Audretsch et Dohse, 2007 ; Behrens et Thisse, 2007), insiste sur la concentration des activités, la dimension des villes et, enfin, sur les économies d’agglomération comme facteurs de performance des territoires. À l’origine des effets d’agglomération, on trouve principalement la dimension des marchés, la qualité des facteurs, notamment du travail ou la circulation de l’information. Les recherches qui se rattachent au courant de la nouvelle économie géographique considèrent que les mécanismes d’agglomération constituent le moteur essentiel de la performance des territoires (Baldwin et Martin, 2004 ; Martin et al., 2011) et qu’ils bénéficient également aux territoires alentours (Bishop, 2008 ; Schaltegger et Zemp, 2003) à travers des mécanismes de diffusion ou de spillovers spatiaux. Ces thèses trouvent une confirmation empirique dans les analyses de Combes, Duranton, Gobillon et Roux (2010) ou Combes, Magnac et Robin (2004) réalisées à partir de données portant sur les villes, les aires urbaines, les zones d’emploi ou les départements français.
Ce lien entre densité et performance n’est toutefois pas systématique. La nature des activités, la volonté et la capacité des acteurs à coopérer ou encore la « culture locale » introduisent des éléments facilitateurs ou au contraire des obstacles à la création et à la diffusion des économies d’agglomération. Par exemple, on peut montrer que l’agglomération de firmes favorise la croissance locale à condition que les entreprises en présence entretiennent des liens techniques ou commerciaux (Boschma, 2005 ; Boschma et Iammarino, 2009 ; Zimmermann, 2002).
1.3 Le type de firmes et leurs stratégies
Le troisième ensemble de facteurs concerne les caractéristiques des entreprises, telles que leur âge, leur taille ou encore leur statut. Par exemple, les entreprises appartenant à des groupes peuvent bénéficier d’avantages (accès aux ressources, au marché, etc.) mais aussi subir des contraintes (pressions sur le partage de la valeur ajoutée, choix de localisation à l’extérieur du territoire, etc.). Différentes recherches empiriques (Hecquet et Lainé, 1998), montrent ainsi que les disparités de croissance entre zones d’emplois sont corrélées aux modalités dominantes d’organisation des firmes industrielles (grands ou petits établissements) et de leur gouvernance (firmes indépendantes ou groupes, groupes français ou étrangers).
2. L’influence des territoires avoisinants
Un territoire ne constitue pas un système clos : il s’inscrit dans un ensemble spatial plus large où s’opèrent des transferts de richesse, de biens, de main-d’œuvre, etc. Les relations avec les autres territoires influencent la performance à travers de multiples phénomènes (Vanier, 2013). Certains sont liés à la proximité géographique, comme les effets de diffusion, de ruissellement, de captation, etc. D’autres concernent essentiellement les relations entre les acteurs industriels eux-mêmes (par exemple au sein d’un groupe d’entreprises, d’un réseau, etc.).
Une importante littérature (Glaeser, 2011 ; Katz et Bradley, 2013) considère ainsi que les grands territoires métropolitains agissent tels des moteurs pour les autres territoires, à travers des mécanismes de débordement ou de ruissellement. Toutefois, certaines analyses montrent que la capacité d’entraînement des métropoles sur les territoires avoisinants est loin d’être systématique (Brunetto et Levratto, 2017).
Si des métropoles comme Lyon, Nantes ou Bordeaux exercent un effet de diffusion sur les zones contiguës, il n’en est pas de même de Montpellier ou Toulouse qui ne semblent pas partager leur dynamique avec les territoires alentour. Outre la proximité géographique, d’autres phénomènes ou formes de proximité interviennent. Elhorst (2010) montre que les effets de débordement d’un territoire sur l’autre peuvent passer par différents canaux, et il distingue donc trois types d’interaction spatiale : l’interaction « endogène », lorsque la décision économique d’un agent ou d’une zone géographique va dépendre de la décision de ses voisins, l’interaction « exogène », lorsque la décision économique d’un agent va dépendre des caractéristiques observables de ses voisins, et enfin la corrélation spatiale des effets de mêmes caractéristiques inobservées.
Les cartes de la Figure 11 illustrent ces relations interterritoriales, les nuances de bleu et de rouge traduisant la coévolution de l’emploi salarié total et de l’emploi industriel pour les 304 zones d’emploi métropolitaines. Cette représentation repose sur le calcul d’un indice, dit de Moran12, qui détermine si le taux de croissance de l’emploi mesuré pour chaque territoire est dépendant de celui de ses voisins et si cette similitude est le fruit du hasard ou d’un effet de débordement.
Figure 11 – Effets de débordement de la variation de l’emploi entre 2009 et 2015
Matrice de contiguïté d’ordre 1. Source : Acoss, 2009 et 2015. Calculs et cartographie : EconomiX.
Note : le nombre de zones d’emploi est indiqué entre parenthèses.
Nous pouvons tirer quatre enseignements de ces cartes.
Premièrement, le nombre de zones présentant un effet de débordement significatif tout comme le sens de ces effets sont quasiment invariants selon que l’on considère l’emploi salarié total ou industriel. 84 zones d’emploi présentent ainsi des effets de débordement avec leurs voisines immédiates lorsque l’on étudie l’emploi salarié total. Elles sont 95 dans ce cas quand on analyse l’emploi salarié dans l’industrie.
Deuxièmement, les effets de débordement significatifs apparaissent inégalement répartis et plutôt concentrés dans la moitié nord du pays.
Troisièmement, les relations significatives dessinent un paysage économique du type « qui se ressemble, s’assemble » : les territoires en croissance sont juxtaposés à des zones également en croissance, tandis que les territoires en décroissance sont eux aussi regroupés, en d’autres endroits. Ainsi, et selon une allure générale qui rappelle les cartes du premier chapitre, les agglomérats de territoires à dynamique positive dominent autour des métropoles de Rennes et de Nantes, en Rhône-Alpes, autour de l’estuaire de la Gironde, autour de Marseille et en Corse, alors que, du nord-est au centre, en passant par la Bourgogne et en aval de Paris, dominent des regroupements de zones à dynamique négative.
Quatrièmement, ces cartes suggèrent que l’effet local mis en lumière au chapitre précédent découle en partie de l’existence de coopérations ou de dépendances interterritoriales. En effet, en comparant la distribution spatiale des effets de débordement et celle des effets locaux (Figure 6, Chapitre 1) on constate que les territoires à dynamique négative de l’emploi et entourés de zones du même type se caractérisent également par un effet local négatif. Au contraire, une partie du succès de la Bretagne et du nord de la région Rhône-Alpes au cours de cette période s’expliquerait par la capacité des espaces à entretenir des relations vertueuses. Il peut notamment s’agir de coopération entre territoires contigus, par exemple sous la forme de contrats entre métropole et territoires avoisinants, de réseaux de villes (Altaber et Boutet, 2018), ou simplement de démarches partenariales entre acteurs privés. La coévolution de la performance peut également refléter la dynamique de filières qui s’étendraient sur plusieurs territoires. On peut citer à cet égard les exemples de la filière automobile de la Mecanic Valley, qui couvre quatre départements du Sud-Ouest (le Lot, l’Aveyron, la Corrèze et la Haute-Vienne) ou le pôle de compétitivité de la Cosmetic Vallée qui s’étend sur trois régions et huit départements.
Bien sûr, la méthode statistique utilisée n’atteste pas à coup sûr l’existence de tels liens interterritoriaux. Il est possible que deux territoires contigus se portent bien en même temps simplement parce qu’ils regroupent les mêmes activités et font ainsi face aux mêmes retournements ou essors de marchés. Elle suggère cependant que les zones d’emploi ne sont pas des îles : les performances de chacune dépendent souvent des conditions qui prévalent dans les territoires voisins.
3. Analyse empirique des déterminants des variations de l’emploi
Nous venons de voir que, selon la littérature, la performance des territoires en matière d’emploi pouvait être déterminée par un grand nombre de facteurs, internes et externes. Nous proposons ici d’en rechercher empiriquement les principaux. Le choix des variables testées, dont nous voulons évaluer l’influence, se fonde sur un examen minutieux de la littérature (Carré et Levratto, 2011). Il s’agit des variables suivantes (voir le descriptif complet en annexe 1).
Premièrement, des variables décrivant les économies d’agglomération : il s’agit ici de la densité en emploi et de la part de la main-d’œuvre qualifiée dans l’emploi total, qui permet d’approximer le stock de connaissances présentes sur le territoire.
Ensuite, des variables reflétant la composition du tissu économique : sa spécialisation ou, au contraire, sa diversité, sa concentration ou sa dispersion, le poids de l’emploi industriel, le degré d’autonomie du territoire mesuré par la part des emplois dans des établissements faisant partie de groupes d’entreprises.
Troisièmement, une variable caractérisant le « climat économique » : le taux de chômage.
Quatrièmement, une variable précisant le type d’activité présente sur le territoire : présentielle ou productive. Les activités présentielles sont principalement orientées vers la satisfaction d’une demande locale alors que les biens et services issus des activités productives sont destinés à un marché plus large (régional, national ou international).
Cinquièmement, une variable captant la dynamique entrepreneuriale des territoires, mesurée par l’effet local de la création d’établissements13. Nous tenons également compte des possibilités d’interdépendance spatiale, présentées précédemment. Les résultats complets des régressions figurent en annexe 2.
3.1 Les déterminants de la variation de l’emploi industriel
Conformément à la cartographie des effets de débordement (voir Figure 11), nos résultats indiquent qu’une part importante (27 % selon l’indice de Moran) de la variation constatée du taux de croissance de l’emploi industriel dans les territoires est expliquée par sa valeur dans les zones d’emploi voisines. Cela traduit une dépendance spatiale entre les territoires analysés sur la période 2009-2015 : les zones d’emploi présentant la plus forte croissance de l’emploi industriel – et respectivement la plus forte diminution – sont donc spatialement dépendantes.
En corrigeant l’analyse de ces effets de débordement, nous montrons que trois autres indicateurs exercent une influence significative sur l’emploi industriel local.
L’indice de Hirschman Herfindahl (HHI) mesure le niveau de concentration de l’emploi dans quelques établissements (au contraire d’une répartition uniforme dans des entreprises de tailles homogènes). Il est corrélé positivement avec la variation de l’emploi salarié dans l’industrie. Les zones d’emploi dans lesquelles l’emploi se concentre dans quelques établissements sont donc, toutes choses égales par ailleurs, plus dynamiques que les autres.
Un taux de chômage élevé est corrélé négativement à la croissance de l’emploi industriel. Il est néanmoins difficile de se prononcer sur le sens de la causalité : un taux de chômage initialement élevé peut naturellement être le résultat d’une fragilité industrielle antérieure.
Des estimations complémentaires suggèrent enfin que la densité en emploi du territoire (exprimée en nombre d’emplois par km 2 ) agit de manière positive sur l’emploi industriel entre 2009 et 2015. Ce résultat indique que les effets d’agglomération bénéficient aux activités industrielles, via notamment une meilleure diffusion des connaissances et des technologies, et la présence d’une diversité de fournisseurs et de compétences.
3.2 Les déterminants de la variation de l’emploi total
Les phénomènes de débordement se révèlent encore plus marqués pour l’emploi total que pour l’emploi industriel : ils expliquent cette fois 38 % de la variance constatée. Des tests complémentaires montrent que les interrelations territoriales ne passent pas par la valeur spatialement décalée des variations de l’emploi, mais par d’autres canaux non identifiés.
On corrige ensuite notre estimation pour écarter l’effet de ces interrelations et dégager des facteurs explicatifs nets de la variation de l’emploi total.
Premièrement, le taux d’emploi industriel est corrélé négativement à la variation de l’emploi salarié total (Tableau C, Annexe 2). Ce résultat n’est pas surprenant eu égard au recul général de l’emploi industriel en France et en Europe.
Symétriquement, une dominance des activités relevant de l’économie présentielle, c’est-à-dire orientée vers la satisfaction des besoins locaux, est elle aussi corrélée négativement à la croissance de l’emploi salarié. Cela montre que l’ouverture des économies locales aux échanges est un enjeu important pour l’emploi : moins le territoire est ouvert aux échanges hors zone, moins sa dynamique d’emploi est favorable.
Troisièmement, le niveau de chômage exerce un effet négatif sur la croissance de l’emploi salarié local. Cet effet négatif peut s’expliquer par une attrition de la demande locale qui pénalise les emplois dits de proximité. En effet, une dégradation du marché du travail engendre une baisse de la consommation locale qui se traduit par un recul de la production du territoire14. On ne peut cependant pas exclure, ici encore, qu’un taux de chômage initialement élevé reflète une fragilité économique antérieure.
La dynamique entrepreneuriale influence positivement la croissance de l’emploi salarié sur la période étudiée. Cet effet a été largement documenté dans la littérature empirique (Fritsch, 2008 ; Delfmann et Koster, 2016). La création d’entreprises est une alternative au chômage et alimente deux moteurs de l’emploi à long terme : l’innovation et le développement de compétences.
Enfin, des variantes de notre modèle économétrique de référence révèlent deux autres résultats intéressants. D’une part, la densité en emploi du territoire joue de manière positive sur la croissance de l’emploi dans les territoires, confirmant les conclusions de travaux antérieurs sur six régions françaises (Schmitt et Henry, 2000). D’autre part, la concentration de l’emploi dans un faible nombre d’établissements influence de manière positive la variation de l’emploi salarié.
Tableau 1 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la variation locale de l’emploi
Note : ce tableau synthétise les résultats du modèle économétrique de référence (modèle SAR). Comme indiqué dans ci-dessus, certains résultats complémentaires sont obtenus à partir de variantes et présentés en annexe 2.
Les signes indiquent que la variable à un impact significatif (positif ou négatif) sur la croissance de l’emploi indus- triel ou de l’emploi total. L’expression « n.s. » indique que le coefficient de la variable n’est pas significativement différent de 0.
3.3 Les déterminants de la variation de l’emploi selon le profil productif du territoire
Rappelons que, selon la littérature antérieure, les déterminants de l’emploi local dépendent des secteurs d’activité. Par exemple, les gains liés à la concentration des activités dans les zones denses concernent surtout les services à forte intensité en connaissance, tandis que la présence de grands groupes bénéficie plutôt à l’industrie « traditionnelle ».
Afin de rendre compte de cette hétérogénéité possible, nous proposons ici une typologie des zones d’emploi reflétant leurs dominantes productives. Elle est élaborée à partir des coefficients de localisation des secteurs d’activité de la « base compétitive » (voir Encadré 2). Ce coefficient de localisation est égal à la part d’un secteur donné dans l’emploi du territoire rapportée à la place de ce secteur dans l’emploi total du pays. Un coefficient de localisation supérieur à 1 signifie qu’un secteur est surreprésenté dans le territoire. Une méthode statistique15 permet alors d’identifier quatre catégories de zones d’emploi, dominées par des combinaisons d’activités différentes (voir Annexe 3).
La catégorie 1 correspond aux territoires dominés par les activités métropolitaines (services informatiques, R&D, activités scientifiques et techniques, etc.). Par construction, cette catégorie regroupe la plupart des métropoles françaises.
La catégorie 2 correspond aux territoires dominés par les industries agroalimentaires et des secteurs plus traditionnels comme la fabrication de textiles et l’industrie du bois. Les zones d’emploi correspondant à cette classe se trouvent surtout en Bretagne et au centre du pays.
La catégorie 3 rassemble les zones d’emploi dominées par les activités de fabrication de biens intermédiaires de moyenne et haute technologie (chimie, pharmacie, fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, etc.). Elles sont souvent situées dans la partie picarde des Hauts-de-France et autour de l’étang de Berre.
La catégorie 4 rassemble des territoires dominés par la fabrication de matériels de transport et les industries liées (textile, métallurgie, fabrication d’équipements électriques). Relèvent de cette catégorie nombre de zones d’emploi des Hauts-de-France, de l’est du pays (dont Metz), de la Vendée et la région Centre-Val de Loire.
Figure 12 – Typologie des zones d’emploi en fonction de leur profil productif
Source : Acoss, 2015. Calculs et cartes : EconomiX.
Encadré 2 – La base compétitive
La base compétitive correspond à une conception élargie de l’industrie et regroupe les secteurs suivants de la nomenclature d’activités française, révision 2 (NAF Rév. 2) :
– l’ensemble de l’industrie et des services aux entreprises : respectivement les indus- tries extractives, manufacturières, la production et la distribution d’énergie et d’eau (sections B, C, D, E) d’une part, et les services d’information et de communication, les activités scientifiques et techniques, ainsi que les services administratifs et de soutien (sections J, M, N) d’autre part ;
– le transport et l’entreposage de marchandises (section H) ;
– le commerce de gros (division 46 de la section G).
Ainsi définie, cette industrie «au sens large» représente 36,8% de l’emploi national en 2015 (Insee, comptes nationaux) contre 9,9% pour l’industrie manufacturière stricto sensu (section C) et 11,1 % si on lui adjoint les secteurs extractifs, la produc- tion et la distribution d’énergie et d’eau (sections B, D, E).
Cette approche différenciée des territoires et de leur performance (voir les résultats complets dans le Tableau D de l’Annexe 2) se révèle plus riche que celle qui privilégie systématiquement les effets d’agglomération.
En ce qui concerne l’emploi industriel, seules les zones d’emploi dominées par la fabrication de biens intermédiaires de moyenne et haute technologie (catégorie 3) réagissent conformément à la théorie selon laquelle les effets d’agglomération génèrent de la croissance. Mais elles sont par ailleurs pénalisées par d’autres facteurs : la variation de l’emploi industriel y est en effet négativement liée à l’importance de l’emploi dans le secteur public, à la part de l’industrie et à celle des cadres et des professions intellectuelles supérieures – ces industries étant davantage en recherche de techniciens. L’orientation résidentielle de l’activité constitue également un frein à la croissance de l’emploi, preuve supplémentaire que, depuis la crise de 2009, le modèle économique fondé sur les activités présentielles n’est plus aussi efficace qu’il a pu l’être au début des années 2000 (Davezies, 2010).
En d’autres termes, le modèle de développement souvent associé aux métropoles dans lequel l’agglomération favorise les externalités de connaissance se révèle approprié à des activités techniques et technologiques. Il correspond finalement au profil type des territoires « qui gagnent » en combinant des effets externes d’agglomération, des établissements de petite dimension et une forte proportion d’activités privées. Il en va différemment des trois autres types de territoires, dans lesquels la croissance de l’emploi n’est pas significativement liée à cette caractéristique pourtant privilégiée par la littérature. D’autres facteurs interviennent, souvent négativement d’ailleurs, pour expliquer l’évolution de l’emploi dans l’industrie.
Dans les territoires où dominent la fabrication de matériels de transport et les industries liées (catégorie 4), l’emploi industriel est négativement influencé par le poids des établissements de groupes (à ne pas confondre avec les grandes entreprises, voir note 3), par le taux de chômage et par le caractère résidentiel des activités présentes sur le territoire.
S’agissant maintenant des variations de l’emploi total, nos résultats (Tableau E, Annexe 2) confirment que la densité n’est ni le seul ni le principal facteur de croissance. Seuls deux types de territoires sur quatre voient leur emploi local dynamisé par la densité : ceux où dominent les industries traditionnelles et l’agroalimentaire (catégorie 2) et les activités liées à la fabrication de matériels de transport (catégorie 4). On retrouve donc, ici encore, l’hétérogénéité des modèles de développement local.
Tableau 2 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la variation de l’emploi industriel local par catégorie de zones d’emploi
n.s.: coefficient non significatif
Note: ce tableau de signes présente les variables significativement différentes de 0 selon une estimation par les MCO. Les zones d’emploi des différentes catégories étant disjointes, elles sont comparées à une estimation natio- nale ne tenant pas compte des interactions spatiales.
De même, le fait pour un territoire de comporter une part élevée d’emploi industriel ne ralentit pas nécessairement la croissance de son emploi total. On note sans surprise un tel effet défavorable pour les territoires de type métropolitain (catégorie 1) et ceux où dominent la fabrication de biens intermédiaires de moyenne et de haute technologie (catégorie 3), qui, au cours de cette période, ont connu de nombreuses fermetures de sites. Dans cette dernière catégorie, l’effet négatif de la présence industrielle est d’ailleurs la seule variable qui intervienne significativement pour déterminer l’évolution de l’emploi. Dans les deux autres types de territoires, en revanche, l’industrie n’a pas déprimé l’emploi, ce qui prouve une fois de plus que certains territoires industriels ont pu tirer leur épingle du jeu dans une période pourtant défavorable à l’industrie.
L’influence des autres facteurs présente la même hétérogénéité.
Dans les territoires caractérisés par une présence importante des services métropolitains à forte intensité en connaissance (catégorie 1), la variation de l’emploi est inversement liée aux parts initiales d’emploi industriel et d’emploi public. La concentration de l’emploi au sein de quelques établissements, définie par l’indice de Herfindahl-Hirschman, est elle aussi inversement corrélée à la variation de l’emploi. À cela, il y a deux raisons possibles. D’une part, les variations de l’emploi dans les grandes entités sont généralement pro-cycliques (Duhautois, Levratto, et Petit, 2014) : en période de basse conjoncture, les plus grandes entreprises ont davantage tendance à réduire leurs effectifs que les petites. D’autre part, la concentration de l’emploi dans les grands établissements réduit la concurrence dans ces zones et, par ce biais, entrave l’installation de nouvelles entreprises, conformément à l’hypothèse de Porter (1979). Inversement, lorsque de nouvelles entreprises s’installent ou se créent, elles dynamisent fortement l’emploi16 comme l’indique le fort coefficient positif associé aux créations d’établissements dans ces territoires.
Cette influence négative de la concentration ne se retrouve pas dans les territoires dominés par les industries agroalimentaires et les secteurs plus traditionnels (catégorie 2) qui ont, au contraire, tendance à en bénéficier. La structure très duale du secteur des IAA permet de comprendre ce résultat. En effet, les grandes entreprises jouent un rôle moteur dans la plupart des évolutions affectant le secteur. Réalisant un effort de R&D supérieur à celui des PME, elles sont à l’origine de la majeure partie des innovations technologiques importantes. Bénéficiant de leur extension internationale, elles jouent un rôle important dans les transferts internationaux de savoir-faire. Enfin, fortement intégrées aux chaînes internationales de valeur, elles sont caractérisées par une productivité du travail élevée et une croissance marquée17. Indirectement, elles exercent des effets d’entrainement sur des secteurs connexes par leur fort recours à la sous-traitance. Ces territoires ont cependant pu voir leur trajectoire s’infléchir au cours de la période étudiée, comme le rappelle l’influence négative du taux de chômage sur la variation de l’emploi : la variation de l’emploi y est d’autant plus élevée que le taux de chômage initial est faible.
Enfin, le taux de chômage, le caractère présentiel de l’économie locale, le taux d’emploi public et le poids des filiales de groupes sont négativement associés à la croissance de l’emploi dans les territoires de la catégorie 4, où prédominent la fabrication de matériels de transport et les industries liées.
Tableau 3 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la variation de l’emploi total local par catégorie de zones d’emploi
n.s.: coefficient non significatif
Note: ce tableau de signes présente les variables significativement différentes de 0 selon une estimation par les MCO. Les zones d’emploi des différentes catégories étant disjointes, elles sont comparées à une estimation nationale ne tenant pas compte des interactions spatiales.
- 8. Levratto, Carré et Lievaut (2013) avaient déjà mis en évidence de tels écarts sur la période 2000-2009. Marjolaine Gros-Balthazard (2018) montre, en cartographiant l’évolution de l’emploi industriel au niveau des bassins de vie entre 1975 et 2012, que la diversité des trajectoires industrielles se vérifie également sur une longue période.
- 9. Cette expression est attribuée à Emmanuel de Martonne, qui l’a utilisée pour désigner une bande aride traversant la cordillère des Andes depuis le désert d’Atacama jusqu’à la Patagonie. Elle aurait été transposée à la France par Roger Béteille, géographe spécialiste du monde rural. Les géographes du groupe Reclus l’ont reprise pour désigner les régions rurales dépeuplées allant de la Lorraine à l’Aquitaine.
- 10. Les travaux de l’école de la proximité (Bouba-Olga et Grossetti, 2015; Colletis et Pecqueur, 1995) et les approches institutionnalistes (voir l’introduction générale de Carré et Levratto, 2011) ont contribué à la remettre en cause.
- 11. Callois (2006) le définit comme l’ensemble des institutions formelles ou informelles qui facilitent la coopération entre acteurs.
- 12. L’indice I de Moran mesure l’autocorrélation spatiale des données. On parle d’autocorrélation spatiale positive lorsque les zones d’emploi présentant une valeur élevée sont entourées d’autres zones présentant des valeurs élevées et que les zones à valeur faible sont elles aussi entourées d’autres zones à valeur faible. L’autocorrélation spatiale est dite négative lorsque les zones à valeur élevée sont entourées de zones à valeur faible et vice versa. L’indicateur de Moran est nul lorsqu’il n’y a aucune autocorrélation.
- 13. On utilise une analyse structurelle-résiduelle pour estimer les créations d’établissements imputables aux conditions économiques locales.
- 14. Nous n’avons pas mentionné ce mécanisme dans la section précédente sur les déterminants de la variation de l’emploi industriel local. En effet, l’attrition de la demande locale n’a, en théorie, qu’une influence très limitée sur l’emploi industriel qui dépend davantage d’une demande extra-locale (cf. Chapitre 1).
- 15. Plus précisément nous réalisons une analyse en composantes principales et une classification ascendante hiérarchique.
- 16. Une autre explication possible est que la zone n’a accueilli sur la période que de gros établissements qui mécaniquement ont eu un fort impact sur l’emploi local.
- 17. Les difficultés rencontrées par une partie de la filière de la viande en Bretagne (faillites de Doux et Gad) sont deux contre-exemples.
Conclusion
Si l’industrie française a globalement perdu des emplois au cours de la dernière décennie, certains territoires ont connu un développement industriel florissant. En étudiant les variations locales de l’emploi industriel sur la période allant de 2009 à 2015 nous avons cherché à mieux comprendre les ressorts de la performance territoriale.
La diversité des trajectoires montre qu’il n’y a pas de fatalité territoriale : de nombreux territoires déjouent les conjonctures régionales en créant nettement plus d’emplois industriels – ou en perdant davantage – que leurs voisins. Surtout, l’analyse rejette l’hypothèse d’une fatalité sectorielle. Une croissance plus forte de l’emploi industriel dans un territoire n’est jamais le reflet d’une plus forte concentration des secteurs les plus dynamiques ; il en va de même pour l’influence des secteurs en déclin.
Les conditions économiques locales s’avèrent donc prépondérantes. Dans certains bassins d’emploi, l’effet « local » explique plus de 70 % des variations de l’emploi industriel. L’effet local d’un territoire n’est d’ailleurs pas uniforme : il peut être fortement positif dans un secteur d’activité et assez faible voire négatif dans un autre.
Une analyse économétrique permet d’identifier certains déterminants de l’emploi local. Le meilleur prédicteur de l’évolution de l’emploi industriel semble être la performance industrielle des territoires alentours. À l’ouest et au sud de la France, dans le nord des Alpes et en île-de-France, on observe des agglomérats de territoires à dynamique de l’emploi industriel positive, alors que le quart nord-est du pays est dominé par des regroupements de zones à dynamique négative. Un territoire prospère stimulerait donc non seulement la demande en services de proximité chez ses voisins, mais aussi l’industrie (fournisseurs, sous-traitants). Nous montrons également que les différents déterminants de l’emploi ont des effets contrastés selon les combinaisons d’activités présentes dans les territoires. Les effets d’agglomération par exemple, prévalent surtout dans les territoires spécialisés dans des industries à forte intensité en connaissance.
Puisque les caractéristiques quantifiables des territoires examinés ne permettent de prédire leur performance, la suite de nos travaux tentera, à l’aide d’études de terrain de mettre en lumière des déterminants plus qualitatifs comme l’efficacité des institutions et des coopérations entre acteurs divers.
Point de vue – Renforcer l’adéquation entre filières industrielles, territoires et formation
Par Gabriel Artero, président de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC et membre du Conseil d’orientation de La Fabrique de l’industrie
Je me félicite que la Fabrique de l’industrie ait pu se saisir de ce sujet pour expliquer « L’étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin ».
La Fédération de la Métallurgie CFE-CGC que j’ai l’honneur de présider reste attachée à défendre l’industrie, ses emplois et ses salariés, que ce soit dans les grands groupes, les PME-PMI ou les entreprises de taille intermédiaire (ETI). La branche Métallurgie qui pèse près de la moitié de l’industrie, avec ses 1,5 millions de salariés, est constituée de 42 000 entreprises de toute taille. Parmi celles-ci, 80 % des établissements ont moins de 50 salariés et 9 % sont des ETI. La France est donc bien essentiellement composée d’un tissu industriel de PME-PMI.
La mission « Territoires d’industrie » initiée par le gouvernement a pu identifier des territoires qui bénéficient d’une aide au développement déployée en région. L’objectif de cette mission étant de compléter l’approche par filière et une optique territoriale, dans laquelle tous les territoires sont concernés, et pas seulement ceux ayant perdu des emplois ces dernières décennies ni ceux plus florissants. L’ambition est d’insuffler une dynamique collaborative soutenue par un appareil de formation en lien avec l’industrie. Un « panier de services » comprenant une vingtaine d’actions est mis à la disposition pour répondre aux besoins identifiés : recruter en renforçant l’offre de formation aux métiers industriels, attirer en mobilisant les opérateurs de l’Etat pour appuyer des projets des territoires d’industrie, innover en permettant aux PME d’accéder à la recherche et au développement, simplifier en facilitant les demandes de dérogation administrative pour mettre en œuvre les projets.
Le principal moteur du développement de l’emploi dans un territoire tient bien du dynamisme de l’entreprise industrielle à générer de la croissance, qui ne soit pas uniquement assise sur le territoire dans lequel elle est installée. Par ailleurs, la transformation technologique à l’œuvre, aussi rapide que violente, va voir disparaître certains métiers et en faire émerger de nombreux autres. La CFE-CGC argue de tout son poids pour mettre en avant la nécessaire adéquation entre filières industrielles, territoires et formation pour tous. En ce sens, la constitution d’un OPCO Industrie doit contribuer à cette transformation de nos territoires d’industrie.
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Annexes
1. Approche empirique de l’analyse des déterminants des variations de l’emploi
L’analyse des déterminants de la variation des différents types d’emplois (emploi salarié total ou emploi salarié industriel) commence avec un modèle de régression classique (Moindres Carrés Ordinaires ou Ordinary Least Squares ).
Le modèle de régression linéaire classique s’écrit de la façon suivante :
Y = Xβ + ε (1)
Avec, Y la variable dépendante ou à expliquer, ici le taux de variation de l’emploi salarié total ou industriel. X est le vecteur des variables explicatives répertoriées dans le Tableau A : la densité de l’emploi local, la part locale de la main-d’œuvre qualifiée, l’indice de spécialisation de Krugman, l’indice de concentration d’Herfindhal, autonomie de décision de l’établissement, part de l’emploi public et industriel local, taux de chômage local, le caractère résidentiel ou productif de la zone d’emploi, et enfin la dynamique entrepreneuriale. β est le vecteur de paramètres à estimer et ε un terme d’erreur.
Tableau A – Variables utilisées dans les modèles
Différents tests sont ensuite réalisés pour détecter une éventuelle présence d’autocorrélation spatiale. S’ils concluent à l’existence d’une autocorrélation spatiale significative, des modèles spatiaux doivent être utilisés, sinon, les MCO s’appliquent. Cette démarche est proche de ce qu’on appelle communément dans la littérature l’approche ascendante ou bottom-up (Abreu, De Groot, Florax, 2004 ; Le Gallo, 2004).
Emploi salarié dans l’industrie
La réalisation du test de Moran montre que les 304 ZE étudiées présentent une dépendance spatiale dont la forme18 est globalement homogène pour les deux matrices de poids utilisées. Pour l’étude de la variation de l’emploi industriel local, c’est le modèle avec une variable spatialement décalée qui est le plus approprié. Ce modèle consiste à intégrer une « variable endogène décalée » Wy dans l’équation (1) pour prendre en compte l’autocorrélation spatiale. Le modèle structurel s’écrit comme suit
Y = ρWy + Xβ + ε (2)
Wy est la variable endogène décalée pour la matrice de poids W , ρ est le paramètre autorégressif indiquant l’intensité des interactions existantes entre les observations de y .
Dans ce modèle, la valeur de y observée dans une zone d’emploi donnée est en partie expliquée par les valeurs prises par y dans les zones voisines. En effet, Wy s’interprète comme la moyenne des valeurs de y sur les observations voisines à une région donnée lorsque W est standardisée. Cette standardisation facilite aussi l’interprétation de ρ lorsque (2) est estimé pour plusieurs matrices de poids.
L’introduction de Wy dans le modèle (1) est un moyen de prendre en compte et d’apprécier le degré de dépendance spatiale entre zones d’emploi. Lorsqu’une variable endogène décalée est ignorée dans la spécification du modèle, mais présente dans le processus générateur des données, les estimateurs des MCO dans le modèle aspatial (1) sont biaisés et non convergents.
Pour la variation de l’emploi dans l’industrie, le test du multiplicateur de Lagrange, qui permet de discriminer entre les deux formes d’autocorrélation spatiale, montre que le modèle SAR est le plus adapté (RLMLag est significatif au seuil de 1 %) comparé RLMError dans le cas de la matrice W01 et W03. Cela signifie que les estimateurs des MCO sont inefficients et conduisent à une inférence statistique peu fiable.
Emploi salarié total
L’incorporation de l’auto-corrélation spatiale dans les modèles économétriques consiste ici à spécifier un processus spatial des erreurs dans un modèle de régression. Différentes possibilités existent qui mènent à différentes covariances des erreurs, avec des implications variables pour la nature et l’ampleur de l’auto-corrélation spatiale dans le modèle. Le modèle structurel s’écrit de la façon suivante : Y = Xβ + ε avec [ε = λW]_ϵ + u (3)
Le paramètre λ reflète l’intensité de l’interdépendance entre les résidus de la régression, u est le terme d’erreur. Omettre à tort une auto-corrélation spatiale des erreurs produit des estimateurs non biaisés mais inefficients.
2. Tableaux de régressions
Tableau B – Résultat de l’estimation de la variation de l’emploi industriel
Significativité statistique : ***0.01 **0.05 *0.1. Entre parenthèses figurent les erreurs standards robustes.
Source: Voir Tableau A. Estimation: EconomiX
Tableau C – Résultat de l’estimation de la variation de l’emploi salarié total
Significativité statistique : ***0.01 **0.05 *0.1. Entre parenthèses figurent les erreurs standards robustes.
Source: Voir Tableau A. Estimation: EconomiX
Tableau D – Résultat de l’estimation de la variation de l’emploi industriel par type de zone d’emploi
Significativité statistique: ***0.01 **0.05 *0.1. Entre parenthèses figurent les erreurs standards robustes.
Tableau E – Les déterminants de la croissance de l’emploi total par type de zone d’emploi
Significativité statistique : ***0.01 **0.05 *0.1. Entre parenthèses figurent les erreurs standards robustes.
3. Secteurs dominants dans les quatre catégories de zones d’emploi
4. Variation de l’emploi observée, effet structurel, effet local, pour les 304 zones d’emploi de France métropolitaine,
en pourcentage
- 18. Le choix de la forme est défini selon une règle de décision introduite par Anselin et Rey (1991) et Anselin et Florax (1995). Si LMLag est plus significatif que LMError et RLMLag est significatif mais pas RLMErr, alors le modèle adéquat est le modèle avec une variable endogène décalée. Inversement, si LMError est plus significatif que LMLag et RLMError est significatif mais pas RLMLag, alors on choisit le modèle avec autocorrélation des erreurs.
Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain, L’étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin, Paris, Presses des Mines, 2019.
ISBN : 978-2-35671-585-2
ISSN : 2495-1706
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