Légère et abordable : les clés d’une voiture électrique à succès
@Aslan Alphan/ iStockphoto
Avant-propos
En 2023, l’Union européenne a adopté un texte interdisant la vente de véhicules neufs émettant du CO2 à compter de 2035, de façon à accélérer l’électrification de la mobilité. Depuis lors, le véhicule électrique cristallise les tensions. Objet phare de la transition écologique, il est devenu le symbole des divisions politiques, de la compétition entre grandes puissances économiques et de la radicalité réglementaire européenne. En outre, cet objectif fixé pour 2035 ne doit pas masquer le fait que les réductions d’émissions de CO2 imposées aux constructeurs pour 2025 et 2030 supposent déjà une forte électrification de leurs ventes, qui ne va pas de soi. Aux automobilistes d’acheter ces voitures, aux États membres de développer les infrastructures nécessaires, et à l’industrie automobile européenne de suivre, quoi qu’il lui en coûte.
Comment faire néanmoins de l’orientation donnée par l’Union européenne une opportunité pour cette industrie ? C’est tout l’objet de cet ouvrage. Ses auteurs, économistes, sociologue, ingénieur, tous spécialistes du secteur automobile, y proposent une voie pour concilier impératif environnemental, préservation de la mobilité individuelle et sauvegarde de l’industrie automobile : créer une nouvelle catégorie de véhicules électriques, soutenables et abordables. Inspiré notamment des kei cars japonaises, petits véhicules abordables à faible impact environnemental, ce nouveau segment de voiture pourrait selon les auteurs rendre la transition vers l’électrique écologiquement, socialement et industriellement désirable.
Surtout, en documentant les cas du Japon et de la Chine, deux marchés automobiles dynamisés par les ventes de petites voitures (électriques ou non), les auteurs offrent une réflexion intéressante sur la façon dont l’électrification peut changer notre rapport à la voiture. Ce livre est en cela précieux pour les décideurs politiques et les industriels, comme pour les citoyens.
L’équipe de La Fabrique de l’industrie
La collection des « Docs de La Fabrique » rassemble des textes qui n’ont pas été élaborés à la demande ni sous le contrôle de son conseil d’orientation, mais qui apportent des éléments de réflexion stimulants pour le débat et la prospective sur les enjeux de l’industrie.
Résumé
La vente massive de véhicules zéro émission de CO2 est impérative pour engager l’Europe rapidement sur la voie de la décarbonation de la mobilité routière. Or celle-ci suit actuellement une trajectoire qui ne lui permettra pas d’atteindre ses engagements, issus de l’Accord de Paris, à l’horizon 2050.
D’une part, en raison de prix trop élevés et d’incertitudes sur l’autonomie de déplacement notamment, les ventes de véhicules électriques en Europe ralentissent depuis fin 2023 et devraient encore ralentir en 2024 sous l’effet de l’arrêt des subventions dans plusieurs pays, dont l’Allemagne. D’autre part, l’interdiction de vendre en 2035 des véhicules neufs à moteur thermique émettant du CO2 est de plus en plus impopulaire et contestée en Europe. Certains demandent même d’avancer à 2025 l’examen de cet objectif, initialement prévu en 2026, avec l’intention de l’assouplir, voire de repousser les échéances prévues.
Parmi les nombreuses conditions nécessaires à la réussite de cette transition, cet ouvrage s’intéresse tout particulièrement à l’offre de véhicules électriques. Si ces derniers sont trop chers pour la majorité des consommateurs européens, c’est déjà parce que les véhicules thermiques le sont aussi. Sous l’effet de nombreuses réglementations environnementales et de l’amélioration de la sécurité, mais aussi des stratégies marketing des constructeurs en faveur du « toujours plus », le prix des véhicules a augmenté de 30 % à 40 % entre 2018 et 2023 (contre une inflation moyenne de 20 %). De plus, la réglementation relative aux émissions de CO2, dite CAFE, fixait jusqu’à fin 2024 un objectif moyen annuel favorisant les véhicules les plus lourds : concrètement, plus la masse moyenne des véhicules neufs mis sur le marché augmentait, moins la cible CO2 était difficile à atteindre, ce qui n’incitait pas à la réduction du coût et de la masse des véhicules. Les véhicules électriques ayant été conçus et développés dans le même cadre réglementaire cloisonné que les véhicules thermiques, ils ont été pris eux aussi dans la dérive réglementaire de la montée en gamme. Entre 2010 et 2023, le véhicule électrique moyen vendu en Europe a gagné 810 kg, et est devenu le plus cher au monde : 66 864 euros (Jato, 2024).
D’autres régions du monde montrent pourtant qu’il est possible de faire différemment et plus efficacement. Au Japon, les kei cars constituent une catégorie de petites voitures, de moins de 1 000 kg, conçue initialement pour créer une offre de mobilité individuelle aux ménages des zones rurales et péri-urbaines. Soutenus par une série d’incitations, ces véhicules ont offert un nouveau souffle à l’industrie automobile japonaise. Ils représentent aujourd’hui 40 % des ventes et du parc automobile japonais et ont permis de réduire drastiquement les émissions du transport routier. Leurs versions électriques figurent désormais parmi les modèles les plus vendus. En Chine, les petites voitures ont permis d’accélérer l’électrification du marché automobile. Le gouvernement chinois a en effet mis tous les acteurs en ordre de marche pour construire une industrie de la mobilité électrique de premier plan au niveau mondial, en subventionnant la construction d’un pôle manufacturier solide et en exigeant des autorités locales la mise en œuvre d’incitations en faveur des véhicules hybrides et électriques. Ainsi, beaucoup d’acheteurs de la classe moyenne, recherchant des moyens de transport abordables, se sont tournés vers des petites voitures électriques peu coûteuses et pratiques à utiliser dans des zones urbaines encombrées.
Forts de ces enseignements, les auteurs proposent de favoriser le développement de véhicules électriques soutenables et abordables (vesa) qui permettraient de faire d’une pierre deux coups : offrir des véhicules électriques abordables pour la majorité des consommateurs européens et réduire l’empreinte CO2 des véhicules électriques fabriqués et utilisés en Europe. Dit simplement, il s’agirait de créer une catégorie de petits véhicules, dont le prix ne devrait pas excéder 15 000 euros, avec des dimensions, une masse et des prestations adaptées à leur usage. Leur utilisation pourrait être ciblée pour tous types de trajets, hors autoroute, ou être plus polyvalente en incluant un accès à ces dernières.
Pour que ces véhicules convainquent les consommateurs, les constructeurs et les autorités publiques, ils doivent être accompagnés de mesures réglementaires fortes. D’une part, ils devraient bénéficier de coefficients multiplicateurs CAFE, incitant les constructeurs à les produire en les aidant à atteindre leurs objectifs de 2030 et 2035. D’autre part, la création d’un écoscore, fondé sur les empreintes carbone du véhicule et de la batterie, informerait le consommateur de leur intérêt à l’achat. Enfin, un ensemble d’incitations fiscales et non fiscales devraient favoriser l’usage des vesa lorsqu’ils constitueront le moyen de transport le plus pertinent pour les usagers, au sein d’offres multimodales.
Ces propositions ne réconcilieraient pas seulement les citoyens avec la difficile mais nécessaire transition vers une mobilité décarbonée ; elles permettraient aussi de restructurer le marché. Les vesa offriraient une alternative crédible aux voitures d’occasion vieillissantes, qui fournissent aujourd’hui une solution de mobilité abordable aux populations à faibles revenus ou fortement dépendantes des voitures dans les zones périurbaines et rurales.
Cela permettrait aussi de redéployer une industrie automobile européenne en posture délicate. En effet, cette dernière est confrontée à des véhicules chinois dont les rapports prix / performance sont bien meilleurs que ceux des véhicules produits en Europe et dont l’augmentation des ventes, déjà visible, viendra aggraver la surcapacité de production existante, avec de lourdes conséquences sociales et économiques.
Pour aider l’industrie automobile européenne à réussir sa transition et atteindre les objectifs de 2030 et 2035, il faudrait que les vesa représentent entre 2,5 et 3,5 millions des ventes annuelles de véhicules particuliers dès 2029, soit près de 25 % du marché européen.
Un tel volume, en supposant que tous ces véhicules soient produits en Europe, permettrait non seulement de regagner en compétitivité et de retrouver les volumes de production perdus depuis 2019, mais aussi de structurer la chaîne de valeur européenne des batteries et de réactiver l’innovation, au sein des fournisseurs « traditionnels » de l’automobile, en matière d’allègement et d’optimisation des pièces pour les petits véhicules.
Remerciements
Ce livre n’aurait pas été possible sans l’aide et le soutien d’un certain nombre d’institutions et de personnes que nous tenons ici à remercier : le Groupement d’intérêt scientifique du Gerpisa, hébergé à l’ENS Paris-Saclay, qui a soutenu ce travail de recherche et publié une version préliminaire de ce livre en anglais dans ses Actes ; l’Institut syndical européen (ETUI) qui a financé deux projets de recherche en lien avec l’étude des réglementations européennes du CO2 pour l’industrie automobile et dont les résultats ont joué un rôle important dans la genèse de cet ouvrage ; la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et l’Institut mobilités en transition (IMT-IDDRI) dont la matrice des coûts de production élaborée pour leur rapport de 2024 a été mobilisée ici pour calculer le prix de revient de fabrication de notre véhicule électrique soutenable et abordable ; la Fabrique de l’industrie, et en particulier Emilie Binois, pour l’excellent travail d’édition ; enfin, tous les experts interviewés et notamment ceux de constructeurs français qui nous ont aidés à mieux comprendre l’élaboration des réglementations européennes et leurs conséquences pour les véhicules en termes de masse et prix.
Note au lecteur
Cet ouvrage s’appuie sur un rapport plus complet, écrit par les quatre auteurs et publié en anglais par le Gerpisa (2024), un réseau de recherche international consacré au secteur automobile. Si l’ensemble de ce travail émane d’un travail scientifique rigoureux et mené en totale indépendance par ses auteurs, il répond initialement à une question posée par Renault sur les moyens de résoudre le problème du prix des véhicules électriques.
Introduction – Pourquoi fabriquer un petit véhicule électrique, soutenable et abordable (vesa) en Europe ?
Promulgué en 2023, le règlement européen1 interdisant la vente de véhicules émettant du CO2 à partir de 2035 a placé l’Union européenne (UE) sur la voie la plus rapide au monde vers l’électrification complète des voitures. Cette mesure représentait une correction aux échecs passés de la réglementation européenne en matière de réduction des émissions du transport routier (Pardi 2024). Néanmoins, malgré l’engagement des constructeurs européens à électrifier la totalité de leur offre d’ici 2030-2035, cette interdiction est problématique à plusieurs égards.
Premièrement, les ventes de véhicules 100 % électriques, dits BEV pour Battery Electric Vehicle, ont ralenti depuis fin 2023 et devraient encore ralentir en 2024 avec une part de marché qui est tombée sur les trois premiers trimestres à 13,2 % par rapport à 14,6 % en 2023 (Knapp, 2024). Leurs ventes ont été entravées par un prix moyen dissuasif, passé d’environ 55 000 euros en 2022 à plus de 65 000 euros en 2023 (Jato, 2024), par les inquiétudes concernant l’autonomie des modèles moins chers dotés de batteries plus petites, par l’absence d’une infrastructure de recharge adéquate dans beaucoup de pays européens, par la fin des subventions publiques en Allemagne, principal marché européen des BEV, et par l’incertitude croissante sur les coûts d’après-vente et les valeurs résiduelles2 (Knapp, 2024 ; Autovista Group, 2024). En raison de ces difficultés, l’industrie automobile européenne pourrait ne pas être en mesure d’atteindre les objectifs européens de réduction d’émissions de CO2 (normes CAFE)3 pour les ventes de voitures neuves en 2025 (T&E, 2024), ce qui la condamnerait à payer de lourdes amendes. Et les perspectives pour 2030 sont aussi incertaines.
Deuxièmement, l’électromobilité en général, et l’interdiction de vendre en 2035 des véhicules neufs à moteur thermique émettant du CO2, en particulier, sont de plus en plus impopulaires et contestées en Europe. Selon une enquête du centre Jacques Delors de l’École Hertie (Abou-Chadi et al. 2024) menée en 2024 auprès de 15 000 personnes en Allemagne, en France et en Pologne, cette interdiction est la seule mesure environnementale du Green Deal4 suscitant un mécontentement unanime parmi tous les types d’électeurs dans les trois pays (de l’extrême gauche à l’extrême droite). Cette mesure est notamment perçue comme un facteur d’augmentation importante des coûts de mobilité. Les résultats des élections européennes de 2024 montrent également que tous les partis qui ont pris position contre l’objectif de 2035 ont gagné des voix, en particulier les partis d’extrême droite qui ont plus que doublé le nombre de sièges au Parlement européen (de 49 à 109), tandis que les partis Verts et Renew, qui ont défendu l’interdiction sous sa forme actuelle, ont tous deux perdu des sièges (de 162 à 132).
Troisièmement, la tendance européenne à l’augmentation du prix des BEV, +11 % entre 2023 et fin 2024, de 40 000 euros à 45 000 euros (hors taxes) selon les données compilées par T&E (2024a) sur la base du marché allemand, a favorisé les importations en Europe de véhicules électriques, en particulier en provenance de Chine. Selon les données fournies par Jato (2024), le BEV vendu en Europe en 2023 avait un prix moyen (toutes taxes comprises) de 66 864 euros quand celui de son équivalent en Chine avait un prix moyen de 31 165 euros. Comme le montrent Alochet (2023) et Pardi (2024), l’avantage concurrentiel acquis par les fabricants chinois est substantiel : leurs véhicules électriques sont beaucoup moins chers, plus efficients et de meilleure qualité que ceux proposés jusqu’à présent par les constructeurs européens, toutes choses étant égales par ailleurs. L’enquête antisubventions menée par la DG Commerce de l’UE en 2024 sur la chaîne de valeur des BEV chinois montre qu’une part importante de cet avantage concurrentiel est due à des aides d’État considérées comme déloyales.
Pour corriger cette distorsion de concurrence, l’UE a décidé d’appliquer des droits de douane compensateurs allant jusqu’à 38 % sur les véhicules à batterie fabriqués en Chine, en plus des 10 % de taxe déjà en vigueur. Cette décision constitue une évolution notable des politiques commerciales européennes, vers une approche stratégique visant à protéger l’industrie européenne et à garantir des conditions de concurrence équitables avec les acteurs étrangers. Elle peut néanmoins entraîner des représailles commerciales, redoutées par les constructeurs européens compte tenu de leur dépendance croissante à la Chine en matière de matériaux critiques, de technologies et de batteries, tous nécessaires à l’atteinte de leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2 pour 2025 et 2030.
Quatrièmement, en raison de l’augmentation du prix moyen des voitures neuves en Europe (entre 30 % et 40 % selon les pays entre 2018 et 2023 contre une inflation moyenne de 20 %)5 et de la pénétration croissante des importations chinoises, les volumes de production en 2023 sont encore inférieurs de 20 % à leur niveau d’avant crise du Covid et ne devraient pas augmenter en 20246. Avec un nombre croissant de constructeurs automobiles chinois annonçant la création de nouvelles usines ou le démarrage de leur production en Europe (BYD en Hongrie, Chery en Espagne, Leapmotor et Geely en Pologne), il existe un risque que les surcapacités de production s’aggravent encore. L’électrification entraîne déjà une réduction importante de l’emploi dans le secteur automobile, en particulier dans la chaîne d’approvisionnement (Palliet et al, 2021), mais si les volumes de production des constructeurs automobiles européens ne se redressent pas, ou pire, s’ils chutent encore en raison du passage à des véhicules électriques plus coûteux, le nombre de fermetures d’usines et de restructurations pourrait être beaucoup plus important qu’initialement anticipé (Commission européenne, 2021).
Cinquièmement, les constructeurs automobiles européens sont actuellement rentables grâce aux ventes de véhicules à moteur thermique, alors que la production de BEV ne l’est pas encore (Union européenne, 2024). Avec des réglementations plus strictes à l’horizon (resserrement des normes dites CAFE sur les émissions de CO2 des véhicules, augmentation prochaine du « facteur d’utilité » pour les véhicules hybrides rechargeables7, les constructeurs automobiles devront réaliser un ratio de vente d’au moins 1 véhicule électrique pour 4 véhicules thermiques afin d’atteindre leur objectif CAFE de 2025 et éviter des pénalités de plusieurs milliards d’euros8. Les ventes de BEV stagnant à 13,1 % du marché en UE fin septembre 20249, il n’y a actuellement pas de solution simple à ce problème. Une option consisterait à réduire la production et donc les ventes de véhicules à moteur thermique pour atteindre le ratio de 20 % pour les BEV, mais cela aurait de graves répercussions sur les volumes de production, l’emploi, les revenus et la rentabilité. Une autre option consisterait à créer des pools10 avec des marques qui ne commercialisent que des BEV, notamment américaines et chinoises. Cette solution aurait l’inconvénient d’augmenter encore davantage les importations de véhicules chinois en Europe pour pouvoir équilibrer les ventes des constructeurs européens qui n’atteindraient pas leur objectif CAFE.
Bien qu’il n’existe pas de remède miracle pour maintenir l’industrie automobile sur la voie des objectifs climatiques européens sans crise économique et sociale majeure, une solution nous paraît pertinente : le développement d’un petit véhicule électrique soutenable et abordable (vesa) fabriqué en Europe.
Le développement d’un vesa européen, grâce à la création d’une nouvelle catégorie de véhicule et le déploiement d’un ensemble cohérent de politiques incluant un cadre financier ad hoc pour soutenir sa conception, sa production et sa diffusion, répondrait à plusieurs des problématiques que nous avons listées. D’abord, un vesa permettrait d’élargir l’accès aux véhicules électriques pour les consommateurs, et ainsi de stimuler les ventes et les volumes de production. Ensuite, ce véhicule réconcilierait le consommateur, le travailleur et le citoyen européen avec l’électromobilité, en montrant que la transition vers l’électrique peut être compatible, à la fois, avec la préservation et la création d’emplois et avec une mobilité abordable et soutenable pour tous. Enfin, ce vesa contribuerait à réactiver un terrain de jeu stratégique – celui de la petite voiture – où l’industrie automobile européenne était historiquement forte et innovante et où elle pourrait retrouver un avantage concurrentiel sur ses rivaux.
Pour expliquer notre proposition, nous montrons dans un premier temps comment la réglementation européenne a conditionné l’évolution du marché automobile et empêché la création d’un véhicule électrique abordable. Dans un deuxième temps, nous explorons les cas du Japon et de la Chine, où ce type de véhicules existe, pour en tirer des enseignements. Dans un troisième temps, nous étudions les leviers à mettre en action pour assurer l’émergence et le développement d’une telle offre de véhicules. Enfin, dans un quatrième temps, nous présentons les avantages attendus du déploiement de ce type de véhicule sur la décarbonation du transport routier et sur la compétitivité de l’industrie automobile européenne.
- 1 ‒ Le règlement européen du 19 avril 2023 impose la vente de 100 % de véhicules neufs zéro émission CO2 en 2035. Seront donc interdits à la vente les voitures et les camionnettes roulant, totalement ou partiellement, avec un carburant émetteur de gaz à effets de serre (essence, Diesel, éthanol, GPL, etc.) – ce qui inclut les motorisations hybrides.
- 2 ‒ La valeur résiduelle est la valeur de la voiture au terme d’une certaine durée d’utilisation et de son niveau de kilométrage.
- 3 ‒ En 2025, conformément à la réglementation CAFE, pour Corporate Average Fuel Economy, les véhicules devront émettre, en moyenne, moins de 81 g de CO2 par kilomètre contre 95 g aujourd’hui. En 2030, le plafond sera abaissé à 50 g (toutes ces valeurs sont exprimées en référence à l’ancien cycle NEDC – New European Driving Cycle – mis en œuvre lors des tests d’homologation des nouveaux véhicules).
- 4 ‒ Le Green Deal ou Pacte vert pour l’Europe est un ensemble de mesures visant à engager l’UE sur la voie de la transition écologique avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
- 5 ‒ En Allemagne, par exemple, le principal marché automobile européen, le prix moyen d’un véhicule neuf (TTC) est passé de 33 580 euros en 2019 à 44 623 euros en 2023 (+33 %) ce qui représente désormais 80 % du revenu moyen d’un ménage allemand contre 60 % pour la période précédente (DAT 2024).
- 6 ‒ Ce texte a été finalisé en novembre 2024, avant la publication des chiffres de production définitifs pour 2024 – sur la période janvier-octobre 2024 la production de véhicules particuliers en Europe a baissé de 4 % par rapport à la même période en 2023.
- 7 ‒ Un rapport récent de la Commission européenne (COM (2024) 122 final) montre que pour les nouveaux véhicules électriques hybrides rechargeables immatriculés en 2021, les émissions de CO2 en conditions réelles étaient en moyenne 3,5 fois (100 g CO2/km) plus élevées que les émissions WLTP (mesurées en laboratoire). Le facteur d’utilité est un multiplicateur appliqué aux émissions mesurées sur cycle WLTP pour que la valeur homologuée soit représentative des conditions réelles d’utilisation.
- 8 ‒ L’évitement des pénalités est également une condition essentielle pour leur donner la capacité d’investir dans la production de BEV abordables et leur permettre d’atteindre l’objectif CAFE de 2030.
- 9 ‒ Source : Association des constructeurs automobiles européens (ACEA).
- 10 ‒ La réglementation européenne fixe à chaque constructeur automobile des objectifs d’émissions de CO2 à réaliser sur la moyenne de leurs ventes de véhicules neufs. Les constructeurs sont également autorisés à constituer des pools pour mutualiser leurs ventes et atteindre leurs objectifs (réglementation (UE) 2019/631 article 6).
Comment l’Europe a perdu ses petits véhicules légers ?
Depuis les années 1990, les petites voitures disparaissent peu à peu du catalogue des constructeurs automobiles européens, laissant place à des modèles plus lourds, plus puissants et plus chers. Ce glissement trouve plusieurs origines. La pression de réglementations, élaborées dans des administrations fonctionnant en silos, destinées à améliorer la sécurité des véhicules et à réduire leur niveau d’émission en CO2 et autres polluants (NOx, HC, etc.) en est une majeure.
Une offre de petits modèles en déclin
La part de marché des voitures de moins de 1 100 kg n’a cessé de diminuer en Europe depuis les années 1990. Elle représente aujourd’hui moins de 5 %, notamment parce que ces modèles disparaissent peu à peu de l’offre des constructeurs (voir figure 1.1).
En effet, après avoir augmenté (de 36 à 70) entre les années 1980 et les années 2000, le nombre de nouveaux modèles de moins de 1 100 kg a commencé à diminuer dans les années 2010. Seuls 5 modèles de moins de 1 100 kg ont été lancés entre 2020 et 2024, ce qui représente 2 % des nouveaux modèles. La part des marques européennes dans la fabrication de ces petits véhicules légers a elle aussi régulièrement diminué, passant de 92 % dans les années 1980 à 40 % dans les années 2000.
Figure 1.1 – Nouveaux modèles lancés en Europe et part relative des modèles de moins de 1100 kg par décennie
Source : Inovev. Traitement des auteurs.
La réglementation technique et la dérive vers le haut de gamme
La disparition des petits véhicules au profit d’une montée en gamme s’explique en grande partie par le cadre réglementaire européen. Le marché automobile est en effet régi par un millefeuille réglementaire qui, au fur et à mesure qu’il s’épaissit, fait augmenter le poids, la taille et le prix des voitures.
Tout d’abord, le marché intérieur de l’automobile est construit sur la base du système de réception européen. Pour être commercialisées dans les États membres, les voitures doivent répondre à une série de critères définis notamment dans le règlement relatif à la réception des véhicules11.
Ce règlement a trois fonctions. Il définit les compétences de chaque acteur, normalise les documents et les procédures, et définit les critères des différents véhicules à moteur, qui sont classés par catégorie. Certaines catégories peuvent être limitées par des caractéristiques comme le poids. Par exemple, les véhicules de la catégorie N1 (véhicules utilitaires légers) ne doivent pas dépasser 3,5 tonnes.
Les voitures particulières appartiennent à la catégorie M qui « comprend les véhicules à moteur conçus et construits essentiellement pour le transport de passagers et de leurs bagages ». Plus précisément, elles répondent à la catégorie M1 qui regroupe les « véhicules à moteur ne comprenant pas plus de huit places assises en plus de celle du conducteur et n’ayant pas d’espace pour des passagers debout, que le nombre de places assises se limite ou non à celle du conducteur ». Les véhicules doivent aussi répondre aux exigences techniques d’autres règlements sur la sécurité, le bruit, le niveau de pollution, etc.
Pour les véhicules à moteur à deux ou trois roues ou les quadricycles, les critères de réception sont définis dans un autre règlement12. Ces quadricycles légers ou lourds (L6, L7) doivent eux aussi se conformer à plusieurs réglementations. Certaines d’entre elles, comme celle sur les émissions de polluants atmosphériques, sont similaires à celles de la catégorie M1 mais, comme ces véhicules ont une vitesse limitée, de nombreuses règles de sécurité sont moins strictes que celles de la catégorie M1.
Qu’est-ce que la réception ?
La réception signifie l’approbation du type du véhicule et ainsi que de ses systèmes, composants et entités techniques (réception par type) par les autorités nationales. Une fois qu’une autorité nationale certifie la conformité aux règlements techniques européens, le véhicule est accepté sur le marché européen grâce à la reconnaissance mutuelle entre les autorités nationales et la Commission. Depuis 1992, aucune certification nationale parallèle ne peut concurrencer la certification européenne.
Les équipements de sécurité, source de surcoûts et d’alourdissement
L’un des exemples les plus frappants d’accumulation concerne les règlements sur la sécurité passive et active, regroupés dans le General Safety Regulations 2 (GSR2)13.
Les exigences en matière de sécurité passive (renforcement de la carrosserie, allongement de l’espace intérieur, pare-chocs avant, épaisseur du pare-brise…) sont le facteur le plus important de l’augmentation du poids (voir plus loin le Focus Clio). D’ailleurs, cet alourdissement a également modifié la perception qu’ont les consommateurs de la sécurité : pour ne pas être écrasé ou dominé par d’autres conducteurs et leurs véhicules, il devient préférable pour beaucoup d’avoir un véhicule au moins aussi lourd et aussi haut que celui des autres. En économie, il s’agit d’une situation classique de type no-bridge qui implique que les décisions individuellement optimales sont collectivement sous-optimales, voire catastrophiques. Les véhicules les plus lourds sont plus dangereux pour les autres, mais si on ne fait rien pour en empêcher la multiplication, tout le monde tend à s’en équiper. Les véhicules les plus petits et les plus vertueux finissent par s’alourdir à leur tour pour résister aux chocs qui les opposeraient aux véhicules les plus imposants. En économie, la loi de Gresham montre que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». On peut se demander par analogie si les véhicules lourds ne finissent pas par chasser les plus légers et vertueux : d’abord dans les ventes de voitures neuves, où la masse moyenne de la voiture européenne a pris 175 kg depuis 2021 et 388 kg depuis 200114 ; puis, progressivement, dans le parc automobile. Les conséquences négatives de ce que l’on a aussi appelé la « course au poids des véhicules » (White, 2004) ont été bien documentées aux États-Unis. Il a été calculé que les 240 kg supplémentaires pris par la voiture américaine moyenne sur la route entre 1998 et 2008 ont augmenté de 25 % le risque de décès dans le véhicule percuté à la suite d’un accident de voiture (Anderson et Auffhammer, 2014).
La sécurité active, pour sa part, n’a qu’un impact marginal sur le poids du véhicule, mais une incidence importante sur les coûts du véhicule, car les constructeurs automobiles doivent intégrer des technologies de plus en plus sophistiquées, en particulier dans les domaines de l’électronique et du logiciel. Par exemple, le GSR2 oblige les constructeurs automobiles à inclure de nombreux systèmes avancés d’aide à la conduite (ADAS) dans leurs nouvelles voitures. Souvent, le problème n’est pas seulement le coût supplémentaire de ces technologies, mais aussi les coûts liés à la modification de l’architecture des modèles pour les intégrer15. Pour répondre à ces nouvelles réglementations – toujours plus exigeantes – les architectures des nouveaux modèles tendent à augmenter les dimensions des véhicules, et donc à accroître encore leur masse et leur coût.
On pourrait d’ailleurs questionner l’introduction d’ADAS obligatoires d’un point de vue politico-philosophique. Pourquoi, au lieu de mettre en cause l’utilisation du téléphone au volant16, les régulateurs préfèrent-ils introduire des dispositifs comme l’anti-franchissement de ligne ou l’aide au freinage d’urgence ? Cette approche, privilégiée à Genève comme à Bruxelles, peut être caractérisée comme « techno-solutionniste ». Ce parti-pris peut s’expliquer par le fait que les constructeurs automobiles et les équipementiers y ont vu leur intérêt : un outil réglementaire pour rendre les nouvelles technologies obligatoires et pour accroître leur diffusion dans les ventes de voitures neuves.
Une approche équipement au détriment d’une approche véhicule complet
Sur un plan plus technique, dans l’édifice réglementaire, les différents ADAS (aide au freinage d’urgence, régulateur de vitesse…) sont évalués par des impact assessment reports (IAR) qui calculent des benefits-to-cost ratios (BCR) censés vérifier que la société gagne réellement à rendre obligatoire leur utilisation. L’approche qui prévaut est très cloisonnée puisque l’évaluation est faite système par système et la question des émissions n’est pas posée en même temps que celle de la sécurité routière. De même ni l’une ni l’autre de ces questions sont évaluées globalement lorsqu’il s’agit d’évaluer les impacts réglementaires sur le coût des véhicules, leur poids, leur largeur ou leur longueur.
En effet, lorsqu’un seul dispositif tel que le contrôle de la pression des pneus est ajouté, le surcoût paraît modeste. Le BCR étant alors presque systématiquement favorable, il est difficile de s’opposer au principe de le rendre obligatoire. Même l’e-Call, qui impliquait non seulement l’ajout d’équipements mais aussi l’organisation d’un système de réception et de filtrage des appels et d’activation des services d’urgence, a fini par être accepté parce qu’il n’était pas comparé à d’autres systèmes moins chers ou plus faciles à mettre en œuvre. La sécurité active est ainsi améliorée par touches incrémentales, sans que l’effet global de la somme des obligations ne soit examiné17.
Figure 1.2 – Coût initial arrondi de l’introduction obligatoire des options stratégiques par véhicule (meilleure estimation) à l’année 2021
Source : Reproduit de Seidl et al. (2018).
Note : Le coût initial s’entend comme « effet sur le prix de vente client ».
Des options impliquant des ensembles de mesures plus ou moins étendus sont comparées, comme si l’option maximale servait en quelque sorte de garantie de succès à l’option immédiatement inférieure. Pour calculer ces BCR, il faut évidemment s’entendre sur les surcoûts liés aux mesures que l’on envisage de rendre obligatoires, sur les accidents mortels ou graves évités et sur les coûts de chacune d’entre elles. À chaque niveau, les débats méthodologiques pourraient être sans fin, et le seul salut réside dans l’approche « toutes choses égales par ailleurs », habituelle en économie, mais évidemment contraire à tout raisonnement holistique. Ainsi, le chiffrage de l’ADAS à ajouter apparaît trois fois tronqué.
Un, le chiffrage du surcoût est, par définition, nul pour les véhicules déjà équipés du système, alors qu’il est maximal pour les véhicules qui en étaient dépourvus. Le coût moyen utilisé pour évaluer le BCR est donc problématique en raison des effets différenciés que la mesure aura pour les véhicules et les constructeurs en fonction de leur mix.
Deux, le surcoût est calculé élément par élément ou ADAS par ADAS, et les questions de dimensionnement de l’architecture électronique ou des logiciels qui se poseront à terme ne sont pas abordées car le raisonnement en silos permet de rester dans une vision incrémentale. Il semble que la décision de ne pas renouveler la gamme de certains véhicules du segment A (segments des petites citadines), comme la Citroën C1 et la Peugeot 108 de Stellantis, soit liée à ces questions.
Trois, le surcoût pour le consommateur observé au moment de l’étude d’impact est considéré par convention comme devant être significativement réduit en faisant le pari que la massification du marché des ADAS concernés conduira à des réductions très significatives des prix pratiqués par les équipementiers.
La pression du test Euro NCAP
Un autre facteur qui joue en faveur de la montée en gamme est l’évaluation Euro NCAP18 réalisée par une agence indépendante. Ses exigences vont au-delà de celles exprimées dans les réglementations européennes sans pour autant conditionner la mise sur le marché d’un nouveau type de véhicule. La conformité aux exigences Euro NCAP est donc non obligatoire et laissée au libre arbitre de chaque constructeur.
Mais la large diffusion des résultats obtenus aux tests Euro NCAP auprès des consommateurs a un impact important sur les choix de ces derniers, fort justement soucieux de leur sécurité et de celle de leurs proches. De fait, l’obtention d’une bonne note à cette évaluation devient donc un critère de choix et les constructeurs automobiles doivent donc ajouter des technologies de sécurité complémentaires alourdissant et enrichissant encore plus les véhicules ; on peut pourtant questionner les critères retenus par Euro NCAP qui font aussi l’objet de choix arbitraires et contestables.
Les différents segments de véhicules
Segment B0 : les micro-urbaines. Ex : Smart Fortwo et Toyota IQ.
Segment A : les petites citadines dont la taille se situe entre 3,1 m et 3,6 m.
Ex : Fiat 500, Toyota Aygo, Peugeot 108.
Segment B : les citadines polyvalentes dont la taille se situe entre 3,7 m et 4,1 m. Ex : Polo Volkswagen, Peugeot 208, Renault Clio.
Segment C : les berlines compactes. Ex : Opel Astra, Peugeot 308, Renault Megane, Volkswagen Golf.
Segment D : les berlines familiales. Ex : Telsla Model 3, Audi A4.
Segments E et H : les routières. Ex : Tesla Model S, BMW Série 5.
Segment F : les berlines de luxe. Ex : Land Rover Range Rover, Mercedes GLS, Porsche Panamera.
Segment S : les coupés sportifs. Ex : Audi TT, Mazda MX-5.
Autres segments : SUV, Pickup, ludospace, etc.
Régir les performances environnementales de la production
Un autre ensemble de réglementations techniques concerne les externalités, en termes de bruit et de pollution. Cependant, le contrôle du bruit est marginal dans le coût et le poids du véhicule, et la réglementation des émissions de polluants atmosphériques (les normes Euro)19, qui a joué un rôle très important dans la montée en gamme au cours des années 1990 et 2000 (pots catalytiques avancés, filtres à particules…), n’est pas pertinente pour les véhicules électriques. En effet, même si la réglementation Euro 7 intègre les émissions des freins et des pneus dans son champ d’application, l’impact de l’électrification est très limité grâce aux freins régénératifs et aux pneus adaptés.
Il existe en revanche de plus en plus de réglementations sur les performances environnementales de la production, en particulier sur la production de batteries électriques. Par exemple, un acte délégué définit la méthodologie de calcul de l’empreinte carbone des batteries. Toutefois, la plupart de ces réglementations sont encore en cours de discussion, ce qui a donné lieu à un certain nombre de propositions que nous examinerons plus loin. D’autres règlements imposent des exigences en termes de recyclabilité des batteries20, de réparabilité et de durabilité qui remettent en question les technologies de batteries les moins chères.
Dans le cadre de sa quête d’autonomie stratégique, la Commission européenne a mis à jour sa loi sur les matières premières critiques21, afin d’y inclure les matériaux nécessaires à la production de batteries. La Commission européenne peut désormais surveiller le marché, afin d’assurer l’approvisionnement et la circulation de ces matériaux, et de limiter leur exportation en améliorant le recyclage.
Enfin, dans le cadre du mécanisme d’ajustement des émissions carbone aux frontières (MACF)22, les importateurs d’acier devront payer le prix du carbone si l’acier est produit dans un pays où il n’y a pas de marché du carbone. Pour ce faire, la traçabilité de l’acier et de son empreinte carbone à la production est nécessaire. Dès lors, les régulateurs pourront utiliser ces données pour discriminer l’empreinte carbone de la production de la carrosserie et favoriser une production européenne par rapport aux importations.
L’effet délétère de la réglementation CO2 sur le poids des voitures
Parallèlement aux exigences techniques, la Commission européenne publie depuis 2009 les objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 des véhicules. En 1999, les constructeurs automobiles se sont mis d’accord sur des objectifs volontaires pour atteindre 140 g de CO2 en moyenne. Cependant, ces objectifs n’ayant pas été atteints, en 2009, la Commission a introduit des objectifs obligatoires dits CAFE pour 2015 (à 130 g CO2/km) et pour 2021 (à 95 g CO2/km, en 2020 dans un premier temps sur 95 % des immatriculations)23. Pour atteindre cet objectif moyen sur l’ensemble des ventes de véhicules neufs dans l’UE, chaque constructeur s’est vu assigner son propre objectif calculé grâce à une équation linéaire impliquant un paramètre positif d’ajustement en fonction du poids. Concrètement, en 2024, la vente d’un véhicule de 100 kg de plus que le poids moyen du marché conduit à un objectif de 4,5 g de plus que 95 g. Inversement, 100 kg de moins conduisent à un objectif de 4,5 g de moins que 95 g. En conséquence, les constructeurs automobiles généralistes ont augmenté le poids de leurs véhicules au moins autant que leurs concurrents haut de gamme afin de ne pas être sérieusement désavantagés pour atteindre les objectifs CAFE, tout en maintenant une quantité contenue d’émissions de CO2. Il s’agissait donc d’un catalyseur direct de la montée en gamme.
Cette équation a été (partiellement) résolue grâce au downsizing des moteurs – au moins jusqu’aux normes Euro 6b en vigueur du 1er septembre 2015 au 1er septembre 2018 – permettant de réduire la quantité d’émissions de CO2 par kg de véhicule transporté. Toutefois, la principale solution technologique a été le remplacement des groupes motopropulseurs à essence par des groupes motopropulseurs Diesel qui ont permis de réduire la consommation de carburant de 27 à 37 % par rapport aux moteurs à essence équivalents (AIE, 2019). Les groupes motopropulseurs Diesel présentaient néanmoins deux problèmes majeurs.
Premièrement, ils étaient plus lourds de 50 kg en moyenne (T&E, 2017) et plus chers (entre 9 et 21 % (Tietge et al., 2019)), ce qui a considérablement réduit les avantages de la diésélisation en termes de CO2; en moyenne, une augmentation de poids de 10 % entraîne une augmentation de la consommation de carburant de 7 % (AIE, 2019). En outre, les voitures plus lourdes nécessitent des moteurs plus puissants qui entraînent également une augmentation de la consommation de carburant : en moyenne, une augmentation de 10 % de la puissance du moteur entraîne une augmentation de 5 % de la consommation de carburant (ICCT, 2017 ; Tietge et al., 2019). Les 10 % de masse et les 26 % de puissance du moteur qui ont été ajoutés à la voiture neuve moyenne vendue dans le marché unique entre 2001 et 2015 équivalaient donc à une augmentation de 21 % des émissions de CO2; sur la base de la consommation réelle, la réduction nette de CO2 g/km entre 2001 et 2019 des nouvelles voitures n’a été que de 5 % (Pardi, 2022). Même si la part de marché des Diesels est passée de 36 % à 52 % entre 2001 et 2015, et si la part de marché de l’injection directe d’essence est passée de 1 à 40 % (une technologie qui permet de réduire de 7 % les émissions de CO2par rapport aux véhicules essence à carburateur), la réduction totale des émissions de CO2 n’a pas été suffisante pour compenser la dérive vers le haut de gamme.
Deuxièmement, ils étaient coûteux et difficiles à dépolluer, notamment en ce qui concerne les émissions d’oxydes d’azote (Nox). Même si les normes européennes relatives aux polluants atmosphériques étaient beaucoup moins strictes que les normes américaines pour les moteurs Diesel, elles ont finalement conduit certains constructeurs européens à franchir la ligne rouge de l’optimisation des essais, en trichant lors des essais d’homologation. Le scandale né de cette tricherie chez grand nombre de constructeurs a été appelé le Dieselgate.
Figure 1.3 – La montée en gamme de la voiture neuve moyenne (UE, 2001-2021)
Sources : ICCT (Pocketbook), données de l’EEE – traitement par les auteurs.
Une électrification à marche forcée
Le scandale du Dieselgate en 2015 a disqualifié la technologie Diesel, dont les ventes se sont effondrées, et a forcé les constructeurs à augmenter rapidement l’électrification de leurs ventes de nouvelles voitures pour atteindre l’objectif de 95 g de CO2/km en 2020 (sur 95 % des ventes) et 2021 (100 % des ventes) et éviter des amendes coûteuses. Leur capacité à atteindre une part de marché significative de 18 % pour les véhicules électriques (y compris les PHEV) en 2021, contre 3 % en 2019, a montré qu’un processus accéléré d’électrification était possible et technologiquement réalisable, donnant le ton pour la négociation de la mise à jour fit for 5524 de la réglementation sur le CO2en 2022.
Après plusieurs discussions au sein de la Commission, du Parlement et du Conseil, l’Union européenne est finalement convenue d’objectifs pour 2025 (-15 %) et 2030 (-55 %)25, en cohérence avec le paquet Fit for 55. En outre, les objectifs sont calculés à l’aide de la nouvelle procédure d’essai combinant WLTP et RDE26. Avec cette procédure, qui remplace la méthode NEDC (calcul des émissions en laboratoire), les émissions sont enregistrées en conditions réelles par les constructeurs au moyen de dispositifs embarqués obligatoires, transmises à la Commission et publiées en ligne par l’Agence européenne pour l’environnement.
Pour aller plus loin, le Parlement a demandé l’interdiction des nouvelles voitures « à émissions non nulles » d’ici 2035. En d’autres termes, les constructeurs ne pourront plus vendre de véhicules neufs roulant avec un carburant émettant du CO2. Après une discussion difficile au Conseil, l’Allemagne a réussi à inclure dans la définition des voitures à émissions nulles les voitures équipées d’un moteur à e-fuel27. Une clause de révision indique que le débat sera rouvert d’ici 2026. Entre-temps, les partis de droite traditionnels en Allemagne, en France et en Italie ont exprimé leur opposition à l’interdiction de 2035. Par ailleurs, l’extrême droite, qui affiche une opposition encore plus farouche à l’interdiction des véhicules thermiques, s’est considérablement développée au Parlement à la suite des élections européennes de 2024. Si la réélection d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne garantit une certaine continuité dans les politiques du Green Deal, le maintien de l’interdiction des véhicules émetteurs de CO2 en 2035 nécessitera des décisions rapides pour soutenir l’industrie et l’adoption par le marché.
Une modification tardive du mode de calcul des objectifs CO2
En raison de l’électrification massive au début des années 2020, le Centre commun de recherche de l’Union européenne a calculé que la corrélation entre les émissions de CO2et le poids du véhicule est désormais négative (parce que les BEV à zéro émission et les PHEVS à moins de 50 g de CO2/km sont nettement plus lourds que la voiture européenne moyenne vendue sur le marché). Par conséquent, un autre changement important sera introduit dès le 1er janvier 2025 : l’adoption d’un paramètre négatif pour le calcul des objectifs de CO2 en fonction de la masse moyenne des voitures neuves vendues (voir annexe 1). En bref, cela signifie que plus la voiture moyenne est lourde, plus l’effort de réduction des émissions de CO2est important.
Les implications de ce changement sont considérables. Auparavant, les constructeurs automobiles étaient incités à augmenter la masse de leurs nouveaux modèles de véhicules en particulier avec des véhicules électriques plus lourds qui présentaient un double avantage : augmenter la masse moyenne des voitures neuves vendues, ce qui rendait les objectifs en matière de CO2moins contraignants, tout en réduisant les émissions moyennes (T&E, 2021).
Avec la nouvelle pente négative, les constructeurs automobiles sont incités à réduire la masse, et plus leur voiture neuve moyenne vendue est lourde, plus ils sont incités à réduire sa masse. En d’autres termes, si le cadre réglementaire global était auparavant hostile aux petites voitures, la réglementation sur le CO2 est désormais cohérente avec son objectif : réduire les émissions de CO2 de la manière la plus efficace et la plus pratique possible. La question maintenant est comment rendre l’ensemble du cadre réglementaire cohérent avec cette nouvelle orientation et comment soutenir les efforts nécessaires des constructeurs automobiles pour s’orienter vers des véhicules électriques plus légers et plus petits.
Des contradictions au paradoxe
Quand l’électrification rencontre la dérive réglementaire
L’introduction des véhicules électriques aurait pu être l’occasion de repenser ce qu’est une voiture européenne soutenable sur la base d’une nouvelle approche holistique, mais elle a été construite sur les mêmes méthodes réglementaires cloisonnées que les véhicules thermiques. Résultat, on l’a vu plus haut : l’électrification a été prise dans la dérive réglementaire de la montée en gamme et contribue désormais à rendre la voiture neuve moyenne vendue en Europe encore plus lourde et plus chère, et ce à un rythme beaucoup plus rapide que ce que nous avons connu pendant la période de diésélisation. Entre 2010 et 2023, le véhicule électrique moyen vendu en Europe a gagné 810 kg pour une masse totale de 2 076 kg (607 kg de plus que le véhicule à essence moyen vendu en 2023 (Agence européenne de l’environnement 2024)), et est le plus cher au monde avec un prix catalogue moyen de 66 864 euros (Jato, 2024). Le problème est qu’on électrifie en Europe des véhicules thermiques qui sont déjà devenus trop lourds et trop chers. Pour leur garantir une autonomie correcte il faut ajouter entre 400 et 600 kg de batteries selon les modèles. Ce sont ainsi entre 8 000 et 12 000 euros qui sont ajoutés au prix de départ. Mais cette masse supplémentaire exige une mise à niveau des équipements : des pneus plus gros, des freins plus performants, une sécurité passive renforcée, etc. (c’est le principe de la « masse qui appelle la masse », voir le Focus Clio plus loin). Le résultat est donc un véhicule par définition « premium » qui va exiger des finitions et équipements « premium » pour être vendu à une clientèle fortunée et exigeante.
Celle-ci n’est pas cependant la seule voie vers l’électrification. On peut en effet concevoir les véhicules électriques comme des nouveaux véhicules, drastiquement allégés par rapport aux véhicules thermiques, ce qui revient à les faire descendre en gamme, et optimisés pour la traction électrique (ce qui permet une simplification importante de l’architecture produit). Le véhicule électrique moyen vendu en Chine en 2023 était 700 kg plus léger et 36 000 euros moins cher que son équivalent européen (ibid. ; Bibra et al. 2022). Cette comparaison est utile car elle montre que ces véhicules peuvent déjà être plus légers et moins chers que les véhicules thermiques grâce à une réglementation qui favorise les véhicules les plus efficaces sur le plan énergétique (Connelly, 2024 ; Bibra et al., 2022 ; Jato, 2024 ; Alochet, 2023).
Figure 1.4 – Part des ventes de voitures neuves dans l’UE par type de groupe motopropulseur (2001-2023)
Source : ACEA.
Note : Entre 2019 et 2021, la part des véhicules électriques dans les ventes de voitures neuves a augmenté rapidement de 2 à 9 % pour les véhicules électriques et de 1 à 9 % pour les PHEV – afin d’atteindre l’objectif de 95 g de CO2 en 2021 dans un contexte d’effondrement des ventes de Diesels. Cependant, la plupart des conséquences de la mise à jour Fit for 55 se feront sentir entre 2025, lorsque l’industrie automobile européenne devra atteindre un objectif intermédiaire de CO2 de 93,6 g (avec la procédure WLTP), et 2030, avec le dernier objectif de 49,5 g avant le retrait progressif des véhicules non zéro émission en 2035.
Des marques généralistes en déroute
Cette construction réglementaire en silo peut conduire à des contradictions techniques. Par exemple, les exigences relatives aux émissions de carbone peuvent entrer en conflit avec celles qui limitent les émissions de polluants.
L’accumulation de contradictions conduit à la dernière contradiction, celle de la rentabilité. En raison des exigences réglementaires, de nombreuses gammes deviennent non rentables. Ainsi, les marques généralistes européennes historiques (Fiat, Renault, Peugeot, Citroën, Opel et Ford dans notre échantillon) ont été contraintes de suivre les marques premium vers le haut de gamme en raison de la pression réglementaire et des normes basées sur le poids. Dans la figure 1.5 on voit que leur prix moyen de vente a augmenté autant en pourcentage que celui du groupe premium. Leurs voitures compactes vendues dans les segments A et B ont dû intégrer des technologies haut de gamme, plus coûteuses, pour se conformer aux réglementations (homologation des véhicules et CO2). En conséquence, ils se sont éloignés de leur clientèle et ont perdu des parts de marché en cours de route. Les marques généralistes historiques (celles implantées en Europe avant 1970 et qui représentaient environ 50 % du marché européen en 2001) ont ainsi vu en moyenne leur part de marché divisée par deux (-47 % entre 2001 et 2022). Seule Volkswagen, la marque généraliste européenne la plus chère (33 500 euros de prix moyen en 2021 contre 25 700 euros pour le groupe généraliste) et qui a réussi le plus à monter en gamme, a préservé sa part de marché.
Il n’est pas surprenant que la quasi-totalité des pertes d’emploi dans l’industrie automobile européenne au cours des vingt dernières années (2000-2020) se soient produites dans les pays où les marques généralistes sont fabriquées : France (-87 000), Italie (-30 000) et Espagne (-116 000). Cette perte d’emplois est également due à la délocalisation croissante de la production des modèles du segment A-B vers les nouveaux États membres à bas coûts intégrés en 2004 et 2008. En fait, les seules marques généralistes qui ont augmenté leur part de marché au cours de cette période étaient exclusivement fabriquées dans ces pays (Hyundai-Kia en Slovaquie, Dacia en Roumanie et Skoda en République tchèque). Si l’on inclut dans l’échantillon généraliste des marques arrivées en Europe depuis les années 1980 telles que Toyota, Nissan et, plus récemment, Hyundai-Kia, la perte de parts de marché des généralistes est de 21 % depuis 2001.
En revanche, les marques premium (BMW, Daimler, Audi et Volvo dans notre échantillon) ont augmenté leur part de marché de 47 %. Si nous incluons dans ce groupe les marques Mini (détenue par le groupe BMW), Jaguar-Land Rover et Tesla, nous constatons que leur part de marché globale est passée de 16 % à 25 % du marché de l’UE.
En résumé, le cadre réglementaire de l’UE a favorisé les ventes des voitures les plus lourdes et les plus polluantes fabriquées par les marques premium au détriment de voitures plus légères, moins polluantes et moins chères fabriquées par les marques généralistes européennes historiques.
Comment ont réagi les consommateurs à ces évolutions de prix des voitures neuves ? D’une part, la part des ventes aux flottes est en augmentation croissante (en 2023, le marché français est réparti également entre les ventes aux flottes, i.e., entreprises, loueurs, etc., et celles aux particuliers)28 pour qui la question du prix est moins critique29. D’autre part, l’âge moyen des acheteurs de véhicules neufs ne cesse de croître (en France, l’âge moyen des acheteurs de véhicules neufs est de 55 ans aujourd’hui alors qu’il était de 44 ans en 1990)30. Cette évolution est liée essentiellement au fait que l’achat d’un véhicule neuf nécessite de pouvoir y consacrer une part importante et croissante de son budget, compte tenu de la dérive des prix (figure 1.5), ce qui est plus facile à faire lorsque l’on dispose de revenus plus importants et/ou que les charges du ménage ont diminué (par exemple avec le départ des enfants du foyer). Quant aux clients moins fortunés, ils se sont orientés de plus en plus vers le véhicule d’occasion avec un fort ralentissement du taux de renouvellement du parc et une chute constante des ventes de véhicules neufs. Au début des années 2000 on vendait encore dans l’UE27 30 véhicules neufs (VN) par 1 000 habitants ; en 2023 ce ne sont plus que 23 VN par 1 000 habitants – une diminution de 23 % alors même que le parc automobile par 1 000 habitants a augmenté de 34 % (de 427 voitures en 2000 à 571 en 2023)31. Ce détournement des consommateurs du VN est d’ailleurs beaucoup plus marqué dans les pays européens dont les revenus par ménage sont plus faibles : en Suède la chute du VN vendu par 1 000 habitants a été de 20 % entre 2000 et 2023, de 31 % en Allemagne et de 48 % en Italie.
Une montée en gamme qui creuse le fossé entre pays du Nord et du Sud
En outre, en rendant les voitures plus chères (le prix moyen des voitures neuves a augmenté en Europe de 66 % entre 2001 et 2021, alors que le taux d’inflation général dans la zone euro était de 38 %), la montée en gamme a fait des voitures neuves une solution beaucoup moins efficace pour décarboner le parc automobile.
Entre 2000 et 2023, le parc automobile européen a augmenté de 36 % (de 186 à 256 millions de véhicules), tandis que les ventes de voitures neuves ont diminué de 23 % (de 13 à 10,5 millions). En conséquence, le taux annuel de renouvellement du parc (le rapport entre les ventes de voitures neuves et le parc automobile total) est passé de 6,9 % à 4,1 %. Plus le taux de renouvellement annuel du parc est faible, plus il faut de temps pour remplacer le parc automobile existant par de nouvelles voitures moins polluantes : il fallait 15 ans en 2000, 24 ans en 2023. Par ailleurs, derrière cette moyenne européenne se cache un fossé grandissant entre les pays du Nord, du Sud et de l’Europe centrale et orientale.
Figure 1.5 – Prix moyen (haut) et part de marché (bas) par groupe de marques (en base 100 en 2001)
Source : ICCT, traitement des auteurs.
Figure 1.6 – Part de marché (UE27) par marque et groupe de marques généralistes historiquement implantés en Europe (2001-2023)
Sources : CCFA, ACEA, INOVEV.
Dans les pays d’Europe du Nord, où le pouvoir d’achat des consommateurs est plus élevé, le nombre d’années nécessaires pour renouveler l’ensemble du parc automobile est passé de « seulement » 13 à 19 ; en Europe du Sud, où le pouvoir d’achat est plus faible, il est passé de 13 à 28 ans ; et dans les pays d’Europe centrale et orientale, il est passé de 28 à 44 ans. De ces dynamiques divergentes résulte un accès de plus en plus polarisé aux voitures récentes : 67 % du parc automobile de moins de 2 ans, et 65 % du parc automobile de moins de 10 ans se trouvent dans les pays d’Europe du Nord ; en revanche, 74 % du parc automobile de plus de 20 ans se trouvent dans les pays d’Europe du Sud et de l’Est. Dans ces derniers, les voitures de plus de 30 ans peuvent représenter jusqu’à 30 % du parc automobile (Pardi, 2018).
Or, c’est précisément dans les pays qui ont le moins accès aux voitures récentes que les émissions de CO2 des voitures ont le plus augmenté au cours des trente dernières années : +246 % dans les pays d’Europe centrale et orientale et +39 % dans les pays d’Europe du Sud, contre -13 % dans les pays d’Europe du Nord (figure 1.7).
Étant donné que la dérive vers le haut de gamme augmente avec l’électrification, cela signifie que l’accès aux nouvelles voitures devient encore plus difficile pour ces pays, ce qui les prive de solutions viables pour décarboner leur parc automobile et atteindre les objectifs de neutralité carbone. Si en effet 67 % des véhicules de moins de deux ans sont déjà concentrés en Europe du Nord, ce pourcentage monte à 84 % pour les ventes de BEV.
Pour une approche plus cohérente de l’évolution réglementaire
À la lumière de ce que nous avons décrit, il semble qu’un « point de passage unique » (une direction, une agence ?) soit nécessaire pour arbitrer entre différentes priorités réglementaires tout en conservant une approche cohérente. Cependant, cela est complexe à mettre en œuvre en raison de la division structurelle des compétences au sein de la Commission. L’édifice européen a été construit autour de divisions fonctionnelles et il paraît difficile de retirer à la DG ENV (environnement) ou à la DG CLIMA (action pour le climat) leurs prérogatives concernant les véhicules. D’autant plus que l’adoption du Green Deal et du Net Zero Industrial Act, notamment, a renforcé le poids politique de ces directions générales.
Figure 1.7 – Gaz à effet de serre provenant des voitures dans l’UE 27(en millier de tonnes, base 100 en 1990)
Source : Eurostat.
Depuis les années 1990, la DG ENTR/GROW (marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME) s’efforce de garder la main sur la réglementation automobile (Klebaner, 2020). Plusieurs tentatives, telles que le symposium Auto-émission 200032, les initiatives Auto-oil33 et les divers groupes d’expertise de haut niveau (Cars 21, Cars 2020, GEAR 2030), peuvent être considérées comme des tentatives de la DG GROW de retirer les réglementations automobiles de l’arène politique, en se référant directement et exclusivement à l’expertise des parties prenantes. Mais ces tentatives ont échoué, soit parce que le Parlement s’est imposé comme un acteur incontournable, soit parce que les DG CLIMA et ENVI suivent des agendas différents – et des méthodes différentes de consultation des parties prenantes. Pour assurer la prévisibilité des évolutions réglementaires, nous recommandons d’insister sur l’adoption à l’échelle européenne d’un calendrier à moyen et long terme. Celui-ci pourrait faire l’objet d’une feuille de route détaillée, indiquant les dates d’adoption des futures règles, mais aussi les dates de révision des normes automobiles. Des tables rondes sur l’automobile (Automotive Round Table, ART), réunissant toutes les parties prenantes et tous les décideurs politiques, pourraient être organisées tous les 4-5 ans, pour discuter pendant un an des réglementations qui seront mises en œuvre au cours des 3-4 années suivantes.
Par ailleurs, une façon de parvenir à une meilleure coordination des normes serait d’adopter des principes transversaux dans les réglementations européennes. L’adoption de principes tels que Batneec (meilleure technologie disponible n’entraînant pas de coûts excessifs) rendrait également l’adoption de nouvelles exigences plus prévisible. À condition toutefois d’adopter une approche holistique (définir le paquet optimal de technologies, et non chaque technologie séparément) où l’opportunité d’atteindre une plus grande durabilité (réduction du CO2via, entre autres, la réduction de la masse) et l’accessibilité financière seront également prises en compte. Comme deuxième principe, nous pouvons ajouter celui de l’empreinte écologique, afin de limiter transversalement l’impact environnemental des réglementations.
- 11 ‒ Le règlement (UE) 2018/858 amendé par le règlement (EU) 2019/2144.
- 12 ‒ Le règlement (UE) 168/2013.
- 13 ‒ Le règlement (2019/2144) – surnommé GSR2 (General Safety Regulations 2) – regroupe toutes les exigences techniques auxquelles les véhicules (M et plus) doivent se conformer. Il est important de noter que la plupart des exigences proviennent de l’UN- ECE, la Commission économie pour l’Europe des Nations unies, et sont transposées, parfois sans adaptation, dans la législation européenne.
- 14 ‒ Sources : EEA et ICCT
- 15 ‒ Les véhicules les plus anciens de la gamme d’un constructeur peuvent ne pas disposer des ressources (matérielles, logicielles et câblage) nécessaires pour intégrer ces nouvelles fonctions à un coût acceptable. Par conséquent, les constructeurs doivent introduire de nouvelles plateformes pour récupérer cette capacité, ce qui entraîne des coûts beaucoup plus élevés que l’introduction marginale de composants matériels et logiciels supplémentaires dans une architecture capacitaire existante.
- 16 ‒ Ou de toucher l’écran pour sélectionner une fonction de l’ordinateur de bord, par exemple.
- 17 ‒ Si on revient sur l’exemple de l’e-Call, le travail a consisté à comparer ce qui se passerait si on ne rendait pas le dispositif obligatoire par rapport à ce qui, sous les hypothèses faites, adviendra si on l’impose. Dans les dernières évolutions on a raisonné sur des paquets incluant plus ou moins d’options et introduit une dose de comparaison et/ou des classement des différentes options. Mais, chaque paquet était évalué comme la somme des dispositifs imposés sans évaluation des prérequis nécessaires à sa mise en place et des interactions avec les autres dispositions réglementaires déjà mises en œuvre.
- 18 ‒ L’évaluation Euro NCAP couvre 4 domaines : la protection des occupants adultes, la protection des occupants enfants, la protection des usagers de la route dit vulnérables en cas de choc (piétons et cyclistes) ainsi que les systèmes d’assistance au conducteur et d’évitement des collisions.
- 19 ‒ Les normes Euro, numérotées de 1 à 7 selon leur durcissement dans le temps, visent à réduire les émissions de polluants des véhicules et notamment de Nox.
- 20 ‒ Règlement (EU) 2023/1542.
- 21 ‒ Règlement (EU) 2024/1252.
- 22 ‒ Règlement (EU) 2023/956.
- 23 ‒ Règlement (EC) 443/2009
- 24 ‒ Le paque Fit for 55 est un ensemble de propositions visant à réviser et à actualiser la législation de l’UE ainsi qu’à mettre en place de nouvelles initiatives pour veiller à ce que les politiques de l’UE soient conformes à ses objectifs climatiques : réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030.
- 25 ‒ Règlement 2023/851.
- 26 ‒ La norme WLTP pour Worldwide harmonized Light vehicle Test Procedure est un cycle mondial destiné à mesurer la consommation de carburant et les émissions de CO2 et de polluants des véhicules légers. Elle est doublée de tests aléatoires sur routes ouvertes appelés RDE pour Real Driving Emissions.
- 27 ‒ Les e-fuels sont des carburants de synthèse créés en laboratoire. Ils se composent d’hydrogène et de dioxyde de carbone et sont neutres en carbone. Toutefois, ils nécessitent de grandes quantités d’électricité pour être produits.
- 28 ‒ Source : CCFA.
- 29 ‒ Ce n’est pas le prix d’acquisition qui détermine le montant des mensualités mais celui de la valeur résiduelle à la fin de la période de leasing. Or, cette valeur tend à être plus importante pour les véhicules premium par rapport aux modèles d’entrée de gamme qui se déprécient plus rapidement (Kaczmarczyk, 2021).
- 30 ‒ À titre comparatif, il est de 53 ans en moyenne pour l’Europe, 52 ans en Allemagne et 46 ans en Espagne.
- 31 ‒ Sources : ICCT Pocketbook pour le VN, Eurostat pour la population.
- 32 ‒ En septembre 1992, la Commission Européenne (DG ENTR) organise un colloque avec de nombreux experts de l’industrie, qui déboucha sur l’adoption de nouvelles règles d’émissions de polluants.
- 33 ‒ Il s’agit de rencontres tripartites dans la seconde moitié des années 1990 entre la Commission (DG ENTR), l’industrie automobile et l’industrie pétrolière afin de définir les nouvelles normes de pollution.
Focus – Clio, exemple emblématique de la dérive vers le haut de gamme
Très représentative des véhicules du segment B, la Renault Clio est fortement montée en gamme depuis son lancement au début des années 1990. Entre la Clio 1 et la future Clio 6, attendue en 2026, ce modèle devrait avoir pris environ 500 kg.
« Elle a tout d’une grande »
Contrairement à sa devancière, la Super 5, la Renault Clio s’est positionnée d’emblée au sommet de son segment, avec des dimensions plus importantes34, un niveau d’équipement plus élevé et des moteurs plus puissants. Depuis, ayant vécu toutes les modifications réglementaires des trente dernières années, la Clio n’a jamais cessé de s’alourdir.
Clio 1 a été soumise à la première réglementation sur les émissions de polluants, c’est-à-dire Euro 1, peu après son lancement commercial, mais elle devait répondre à un nombre (relativement) limité d’obligations. L’augmentation la plus significative s’est donc produite d’abord avec Clio 2, puis avec Clio 3. Elle est liée à quatre facteurs principaux. Le premier, et le plus important, correspond au renforcement des exigences en matière de sécurité passive et active. Celles-ci ont été satisfaites grâce à des renforcements structurels, à des équipements supplémentaires et à l’introduction de l’ABS, devenu obligatoire en 2004. Ces exigences ont entraîné une augmentation d’environ 100 kilogrammes pour une voiture du segment B. Par ailleurs, l’obtention par la Clio 3 d’une note Euro NCAP de 5 étoiles – première voiture de son segment à obtenir la note maximale – pour la protection des occupants a également contribué de manière significative à cette augmentation.
Le deuxième facteur est la réglementation sur les émissions de polluants (Nox, HC notamment), les normes Euro. Alors que la Clio 2 était soumise aux exigences de la norme Euro 2 lors de son lancement, les normes Euro 3, Euro 4 et Euro 5a se sont succédé rapidement jusqu’à l’arrêt de la Clio 3, ajoutant environ 100 kilogrammes pour les moteurs modifiés ou les nouveaux moteurs et les divers dispositifs de contrôle de la pollution.
Le troisième facteur est le changement dans les dimensions et les performances du véhicule : Clio 3 est plus longue de 0,22 m et plus large de 0,16 m que Clio 1, ce qui se traduit par une augmentation de 13,4 % de la surface par rapport à Clio 135. Ce choix de conception vise alors à répondre à la demande du marché (ou sous l’impulsion des constructeurs automobiles eux-mêmes). L’impact cumulé est estimé à quelques dizaines de kilogrammes.
Enfin, dernier facteur, l’effet d’entraînement : « la masse engendre la masse », car les experts estiment qu’une augmentation de 100 kg pour répondre aux exigences (réglementaires ou du marché) entraîne une augmentation supplémentaire de 20 kg pour renforcer la structure du véhicule, les freins, les systèmes de suspension, les trains roulants, etc. En bref, ajouter encore de la masse pour supporter et transporter cette masse additionnelle !
De la stabilisation à l’arrivée de la norme Euro 6
S’est ensuivie une période de relative stabilisation du poids entre la Clio 4 jusqu’au milieu de la phase de commercialisation de la Clio 5. D’abord, si la Clio 4 était encore plus longue que la Clio 3 (4,06 m contre 3,99 m), la longueur de la Clio 5 a été ramenée à 4 m. Ensuite, les anciens moteurs ont été progressivement remplacés par des moteurs plus modernes et plus petits qui utilisent un turbocompresseur pour compenser la perte de cylindrée. L’introduction de ces nouveaux moteurs a permis de limiter l’augmentation de poids liée à l’introduction de dispositifs supplémentaires de contrôle de la pollution. Enfin, l’utilisation de matériaux plus légers (thermoplastiques, aciers à haute résistance, etc.) et l’optimisation des solutions de conception ont permis de réduire le poids des véhicules.
Dans l’ensemble, ces stratégies ont été efficaces, d’autant plus que les performances offertes n’ont cessé de s’améliorer sans dégrader la sécurité. Par exemple, Clio 4 et Clio 5 ont toutes les deux obtenu 5 étoiles aux tests Euro NCAP, mais l’une avec le barème appliqué en 2012 et l’autre avec celui appliqué en 2019, beaucoup plus strict.
La courbe de poids de Clio 5 est ensuite repartie à la hausse. Cette hausse est directement liée à l’introduction de deux groupes motopropulseurs en 2021 pour répondre aux exigences de la norme Euro 636 : un moteur Diesel, qui ajoute environ 50 kilogrammes au poids de la Clio 5 depuis son introduction par le biais d’adaptations successives, et une motorisation hybride (HEV), qui pèse environ 150 kilogrammes de plus que la version équivalente à moteur à combustion interne.
L’augmentation de poids observée sur la Clio 5 se poursuivra sur la Clio 6 puisque ce modèle sera conforme à la réglementation Euro 7. Même si le niveau des émissions polluantes a été maintenu au même niveau qu’en Euro 6, Euro 7 apporte une évolution significative puisque le seuil de durabilité a été multiplié par 2, la taille des particules a été réduite et de nouvelles dispositions de surveillance à bord (OBM) ont été introduites. En outre, un certain nombre d’articles parus dans des magazines automobiles font état d’un nouveau groupe motopropulseur hybride avec une plus grosse cylindrée pour le moteur à combustion interne. Au final, nous estimons que le poids de la Clio 6 devrait se situer entre 1 200 kg (véhicule essence à boîte mécanique) et 1 300 kg (version HEV).
Figure 1.a – Évolution dans le temps des poids minimum et maximum de Clio
Note : En matière d’émissions de CO2, en 2012, la Clio 4 était soumise à un objectif CAFE de 130 g CO2/ km (NEDC), la Clio 5 est désormais soumise à un objectif CAFE de 95 g CO2 / km (NEDC), tandis que la Clio 6 devra contribuer à un objectif de 93,6 g CO2 / km (WLTP) à partir de 2025 et de 49,5 g CO2 / km (WLTP) à partir de 2030.
- 34 ‒ Elles sont de 3,71 m x 1,63 m pour la Clio 1 contre 3,59 m x 1,58 m pour la Super 5, soit une augmentation de 10 % de la surface au sol.
- 35 ‒ Le dimensionnement des véhicules doit aussi tenir compte de l’évolution de la taille humaine (qui a augmenté en moyenne jusqu’en 2007) et du phénomène plus récent et persistant de l’augmentation du poids moyen.
- 36 ‒ Les moteurs de cylindrée réduite n’ont pas la capacité de satisfaire pleinement aux exigences de la norme Euro 6 sans dégrader significativement les performances du véhicule.
Comment les petites voitures ont stimulé les marchés japonais et chinois ?
Si les petites citadines ont presque disparu de l’offre européenne, elles ont au contraire offert un nouveau souffle à l’industrie automobile japonaise et permis à l’industrie automobile chinoise de se développer. Au Japon, ces petites voitures de moins de 1 000 kg, appelées les kei cars, représentent même 40 % des ventes de voitures neuves et du parc automobile. En Chine, ces mini-véhicules et ces citadines « à énergie nouvelle » (électriques, hybrides rechargeables ou avec prolongateur d’autonomie37) de 600 à 1 200 kg, ont permis d’accélérer l’électrification de la mobilité automobile.
Les kei cars au Japon : ce qui aurait pu arriver à l’Europe si elle avait gardé ses petites voitures
Contrairement à l’Europe qui a vu le segment A disparaître depuis les années 1990, le Japon a réussi à promouvoir les ventes de mini-voitures, les kei cars – pour keijidōsha signifiant véhicule léger, dont la part de marché est passée de 5 % en 1985 à 36 % en 2022 (et même à 39 % en 2014).
D’une diffusion précoce à une quasi-disparition
La catégorie des kei cars a été créée dès 1949 au Japon. L’objectif était de remplacer les véhicules à trois roues par des petites voitures abordables et permettre un accès plus large à la mobilité automobile individuelle. Dans les années 1950, le règlement relatif aux kei cars a été modifié à plusieurs reprises afin d’augmenter la longueur et la largeur maximales et d’autoriser des moteurs plus puissants (voir figure 2.1).
Au Japon : trois catégories de véhicules
Les kei cars sont des voitures qui mesurent au Japon moins de 3,4 m de longueur, moins de 1,48 m de largeur, moins de 2 m de hauteur, et qui sont équipées d’un moteur de moins de 660 cc de cylindrée et moins de 43 kW de puissance. Elles diffèrent des voitures compactes, également capées jusqu’à 4,7 m de longueur, 1,7 m de largeur, 2 m d’hauteur et 2 000 cc de cylindrée, et des voitures standards qui incluent toutes les voitures plus longues, larges et hautes de voitures compactes.
En Europe, la distinction par segment ne permet pas de distinguer les véhicules compacts et standards tels qu’ils existent au Japon. Par exemple, les véhicules du segment C européen ont une longueur située entre 4,1 et 4,5 m et ceux du segment D, entre 4,5 et 4,9 m. Par ailleurs, la segmentation européenne relève des conventions de classement qui peuvent varier d’un pays à un autre et qui n’ont pas une dimension règlementaire.
À la fin des années 1960, le segment des kei cars représentait 30 % des ventes de voitures neuves et 24 % de la production nationale totale de voitures. Mais dans les années 1970, leurs ventes et leur production se sont effondrées et sont tombées, à 6 % des ventes et à 4 % de la production en 1975. Deux raisons principales expliquent cette chute soudaine. La première a été la mise en œuvre de réglementations environnementales visant à réduire les émissions des voitures en 1972, à la fois pour lutter contre la pollution de l’air locale et pour suivre les limitations strictes imposées par les États-Unis. Le coût du développement et de l’équipement des voitures avec des pots catalytiques requis pour répondre aux normes américaines étant extrêmement élevé (Pardi, 2022 ; Klebaner et Ramírez Pérez, 2019), il y avait un avantage évident à répartir ces coûts sur le plus grand nombre possible de voitures produites à la fois pour l’exportation et pour le marché intérieur. Or, les kei cars n’étaient produites que pour le marché intérieur, et le coût de leur équipement en pots catalytiques était prohibitif, s’élevant à près de 30 % de leur prix (Toyoda, 1987).
Au Japon, les constructeurs spécialistes des kei cars (Daihatsu, Suzuki, Mitsubishi et Subaru) ont donc obtenu du gouvernement une modification de la réglementation leur permettant d’augmenter les dimensions de la kei car à 3,2 m de longueur et à 1,4 m de largeur, et la cylindrée du moteur à 550 cc afin de les rendre plus attrayantes pour les consommateurs et relativement moins coûteuses à dépolluer38.
Figure 2.1 – Principaux changements réglementaires dans la définition des kei cars
La deuxième raison tient à l’augmentation rapide des exportations des petites voitures compactes telles que la Toyota Corolla, la Honda Civic et la Nissan Sunny. Pour répondre à la demande, la production de ce segment de voitures a triplé entre 1970 et 1980, ce qui a permis de réaliser les économies d’échelle nécessaires pour rendre les prix des voitures compactes japonaises compétitifs par rapport à ceux des modèles occidentaux (Cusumano 1985). Or, cela s’est produit au moment où le volume de production des kei cars s’est effondré, rendant leur production plus difficile à rentabiliser. En outre, la demande de voitures compactes pour le marché international était si importante que certains constructeurs automobiles, Honda et Mazda par exemple, ont cessé de produire des kei cars (exclusivement pour le marché domestique) pour se recentrer sur la production de voitures compactes.
À l’instar de ce qui s’est passé en Europe pour le segment A au cours des vingt dernières années, la baisse des ventes de kei cars au cours de cette période au Japon n’était donc pas due à une baisse de la demande pour ces voitures dans le marché domestique, mais bien à une baisse de l’offre due aux effets combinés de la pression réglementaire et de la réorientation de la production vers l’exportation. Les kei cars sont restées populaires parce qu’elles étaient adaptées aux routes étroites, faciles à conduire et économes en carburant. Il est simplement devenu trop difficile de les fabriquer de manière rentable et abordable.
Figure 2.2 – Ventes de voitures particulières neuves au Japon par catégorie de véhicules
Le retour des kei cars à partir des années 1990
En 1990, la part des kei cars dans le parc automobile est tombée à son niveau le plus bas, soit 7 % (contre 26 % en 1970), puis, de manière presque inattendue, les ventes ont recommencé à augmenter. La part de marché des kei cars dans les ventes est passée de 5 % en 1985 à 16 % en 1990 et a continué à croître tout au long de la décennie pour atteindre 30 % en 2000.
Plusieurs facteurs expliquent le regain de popularité des kei cars dans les années 1990. Premièrement, le règlement sur les kei cars a été modifié en 1990 afin d’augmenter marginalement leur longueur minimale et la cylindrée du moteur (voir figure 2.1). Cette réglementation a stimulé l’intérêt des constructeurs automobiles pour le lancement de nouveaux modèles, tirant également profit des groupes motopropulseurs turbocompressés qui augmentaient les performances, réduisaient le coût de la dépollution et rendaient ces modèles plus polyvalents et adaptés aux voyages sur de plus longues distances. Par exemple, certains modèles très populaires de « kei-sports » ont été introduits pour la première fois sur le marché à cette époque.
Deuxièmement, la bulle économique des années 1980 a permis au marché intérieur d’enregistrer des ventes record, ce qui a eu pour effet d’augmenter le nombre de propriétaires de voitures multiples. Les kei cars ont ainsi été achetées en tant que deuxième voiture du ménage.
Troisièmement, au cours des années 1980, les voitures compactes (qui représentaient 90 % du marché) sont montées en gamme pour satisfaire la demande « premium » des années fastes. En revanche, les kei cars n’ont pas pu suivre la même montée en gamme parce qu’elles étaient limitées par la réglementation. La différence de prix entre les deux catégories de véhicules s’est considérablement accrue. Après l’éclatement de la bulle économique en 1991, les kei cars sont devenues beaucoup plus attrayantes pour les consommateurs que les voitures compactes, précisément parce qu’elles étaient beaucoup moins chères à l’achat et à l’usage. Dans les années 1990, de nombreux consommateurs ont remplacé leurs voitures compactes par des kei cars.
Quatrièmement, les kei cars sont non seulement devenues beaucoup moins chères à l’achat que les voitures compactes, mais elles ont également bénéficié d’une série d’aides directes et indirectes qui ont encore réduit leurs coûts d’acquisition et de possession : réduction des taxes d’assurance, réductions sur les péages, baisse des frais d’inspection39 et exemption des exigences en matière d’espace de stationnement dans les villes moyennes et les zones rurales où un espace de parking est normalement exigé pour l’acquisition d’une voiture. L’association des constructeurs automobiles japonais (la Jama) a calculé qu’une voiture standard (2 000 cc) utilisée pendant 13 ans au Japon coûterait environ 6 360 euros en taxes en 2022, tandis qu’une kei car coûterait environ 2 268 euros en taxes. Si l’on ajoute tous les autres coûts d’usage, y compris le carburant, les kei cars coutent en moyenne entre cinq et six fois moins que les voitures compactes ou standard. Ces incitations financières ont donc joué un rôle dans le succès des kei cars, au moins égal à celui de la limitation des dimensions et de la puissance du moteur.
L’objectif de ces politiques généreuses à l’égard des kei cars n’était pas seulement de promouvoir des voitures plus économes en énergie, mais aussi de fournir des voitures abordables, en particulier aux ménages à faibles revenus et aux petites entreprises situées dans les zones rurales où l’accès aux transports publics était limité. En effet, comme le développement de transports publics denses et abordables était la contrepartie à la forte taxation des voitures au Japon, le subventionnement des kei cars représentait la solution politique au problème des zones à faible densité de population, où le déploiement des transports publics était moins réalisable et le besoin de mobilité individuelle plus important.
Grâce à ces politiques fiscales et routières, au début des années 2000, chaque ménage vivant dans des zones à faible densité de population possédait au moins une kei car, avec souvent deux voitures par ménage, alors que dans les zones urbaines denses comme Tokyo, seuls quatre ménages sur dix possédaient une voiture, et un seul une kei car.
Dans les années 2000-2010, la part de marché des kei cars a continué de croître. Cette période a vu l’introduction de modèles cubiques et hauts qui sont rapidement devenus les kei cars les plus vendues sur le marché, en particulier en tant que voitures familiales. Au cours de cette période, les kei cars sont également devenues une solution technologique stratégique promue par les constructeurs automobiles et le gouvernement pour atteindre les objectifs ambitieux de décarbonation des ventes de voitures neuves et du transport routier, introduits pour la première fois en 1999 avec le programme Top Runner.
Figure 2.3 – Composition du parc de voitures particulières au Japon par catégories de véhicules (1970-2022)
Source : Jama.
Pourquoi les Japonais sont-ils accrocs aux kei cars ?
Lorsqu’ils sont interrogés sur les raisons qui les poussent à acheter une kei car, les consommateurs citent la facilité d’utilisation, l’espace intérieur, les styles, les couleurs et les formes attrayants comme raisons principales (de 25 % à 51 % entre les enquêtes de 2003 et 2023 sur l’utilisation des kei cars).
Le prix abordable reste une raison importante mais moins primordiale que les critères précédemment cités (de 75 % à 49 %), ce qui confirme que de nombreux consommateurs préfèrent de plus en plus les kei cars aux voitures compactes et ne les achètent pas uniquement par nécessité.
Les différents avantages des kei cars
Un outil environnemental
Entre 2000 et 2019, les émissions de CO2 du transport routier ont diminué de 23 % au Japon, un résultat bien meilleur qu’en Europe (+27 % pour l’Union Européenne et -9 % si on considère exclusivement les pays de l’Europe du Nord, France incluse). Et le succès des kei cars a largement contribué à cette baisse.
Au cours de cette période, la pénétration des kei cars dans le parc automobile a presque doublé, passant de 19 % à 36 %. Or, si on compte en kilomètres parcourus par litre, en conduite réelle, les kei cars sont bien plus économes que les voitures compactes (+24 % en 2023) et les voitures standard (+56 % en 2023). En outre, leur niveau de consommation a baissé beaucoup plus vite que celui des voitures compactes et des voitures standard (voir figure 2.4).
Figure 2.4 – Consommation moyenne réelle (km/L) par type de véhicule au Japon (2010-2023)
Source : Ministère du Territoire, de l’Infrastructure, des Transports et du Tourisme (2024), « Enquête sur la consommation de carburant des véhicules », juin 2024.
Note : La consommation réelle de carburant est calculée comme le rapport entre le nombre total de kilomètres parcourus annuellement par chaque type de véhicule et la quantité d’essence utilisée.
L’influence des subventions conditionnées à la réduction de la consommation des véhicules
La principale raison de cette bien meilleure performance environnementale des kei cars par rapport à tous les autres types de véhicules est directement liée à leur masse plus faible et à leurs dimensions réduites.
Figure 2.5 – Total annuel des kilomètres parcourus par type de véhicule au Japon (2010-2023)
Source : ICCT, traitement des auteurs.
Dans un article de 2018, K. Ito et J.M. Salle ont analysé l’évolution de la consommation de carburant (km/L) et du poids (kg) de 106 modèles différents vendus au Japon entre 2008 et 2012. En 2012, tous ces modèles étaient censés atteindre un objectif de réduction de consommation à partir duquel un modèle recevait une subvention directe, d’un montant de 700 euros pour les kei cars et de 1 000 euros pour les autres voitures. Ces objectifs étaient proportionnels au poids : par exemple les kei cars entre 870 et 970 kg devaient atteindre un objectif de 21 km/L tandis que les voitures standard entre 1 670 et 1 770 kg devaient atteindre un objectif de 12 km/L. Si un modèle dépassait de 10 % ou de 20 % l’objectif, cela donnait lieu à des subventions plus importantes, comme des taxes d’immatriculation moins élevées.
Les données montrent que les kei cars se sont comportées très différemment des autres voitures en matière de réduction de la consommation. En moyenne, les kei cars ont réduit leur masse (-5 %) pour atteindre les objectifs dans leurs catégories de poids initiales (93 % des modèles l’ont atteint), et 27 % des modèles ont enregistré une baisse de la consommation de carburant de 20 % supérieure à l’objectif ouvrant à une subvention. Par contre, les autres voitures ont plutôt augmenté leur masse (+7 %) pour se déplacer vers une catégorie de poids supérieure associée à un objectif de réduction de la consommation de carburant moins important et seulement 7 % des modèles ont dépassé de 20 % l’objectif fixé par la régulation.
Au global, la baisse de consommation des kei cars entre 2008 et 2012 a atteint 26 %, contre 15 % pour les autres voitures. Comme le soulignent Ito et Salle (2018), les contraintes imposées par la catégorie des kei cars aux constructeurs automobiles ont protégé ces modèles de la dérive vers le haut de gamme qu’on constate sur la plupart des autres modèles de voiture.
Si l’on s’éloigne de cette période spécifique et que l’on examine l’évolution des kei cars entre 2000 et 2022, on constate que leur masse moyenne n’a augmenté que de 4 %, quand celle des autres voitures a crû de 12 % pour les autres voitures. En outre, leur prix moyen a augmenté de 17 %, contre 42 % pour les voitures compactes et 58 % pour les voitures standard, ce qui a contribué à la diffusion croissante des kei cars au cours de cette période.
Le rôle particulier des kei cars dans la trajectoire de décarbonation record du Japon
Entre 2000 et 2022, les constructeurs automobiles japonais sont parvenus à réduire les émissions de CO2 g/km dans les ventes de voitures neuves beaucoup plus rapidement, et de manière beaucoup plus importante, que leurs principaux concurrents européens.
Jusqu’en 2008, cette décarbonation plus rapide était presque exclusivement due à l’augmentation de la part de marché des kei cars ainsi qu’à la réduction de leur consommation de carburant par km parcouru. À partir de 2009, elle a été renforcée par l’augmentation de la part de marché des véhicules électriques hybrides. Les kei cars sont toutefois restées au cœur de la réduction des émissions de CO2 même après 2009. C’est ce que confirme l’analyse que nous venons juste de développer sur la manière dont les constructeurs automobiles japonais ont respecté les nouvelles normes de consommation de 2012. C’est aussi ce que montre la baisse de la part de marché des kei cars enregistrée à partir de 2014, due au réalignement de leurs taxes d’acquisition sur celles des autres voitures. À partir de là, les émissions de CO2 moyennes des voitures neuves vendues n’ont presque plus diminué au Japon, et ce malgré l’augmentation rapide de la part de marché des véhicules électriques hybrides.
En Europe, la contribution du segment A à la décarbonation des ventes de voitures neuves a été quasiment inexistante. Non seulement parce que sa part de marché a stagné puis diminué pendant la majeure partie de la période, mais aussi parce que le segment A a suivi la tendance générale à la montée en gamme, sa masse ayant augmenté de 12 % (+105 kg) entre 2001 et 2019 (ICCT, 2023) Le principal moteur de la décarbonation en Europe a été la diésélisation, mais au prix de voitures plus lourdes et plus chères (Pardi, 2022), et d’une pollution de l’air bien pire que celle des moteurs à essence. À partir de 2020, avec l’effondrement des ventes de véhicules Diesel suite au scandale du Dieselgate, les constructeurs automobiles européens ont été ainsi contraints de se tourner vers les véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Figure 2.6 – Comparaison des parts de marché relatives des kei cars et des véhicules électriques hybrides au Japon, et des voitures du segment A et des véhicules Diesel en Europe (UE27)
Sources : Jama., ICCT.
Pollution de l’air
Selon l’association des constructeurs automobiles japonais, la Jama (Zenkei Jikyo, 2024), une kei car génère sept fois moins d’émissions de particules fines liées à l’abrasion des plaquettes de frein et aux pneus qu’une voiture standard moyenne, car elle est beaucoup plus légère. Or, d’après un rapport de l’OCDE (2020), la pollution liée à l’abrasion pourrait devenir la source de pollution principale des voitures d’ici 2030, des efforts importants ayant été accomplis en sortie de pots d’échappement.
Les kei cars électriques moteurs de l’électrification du marché automobile japonais
Le Japon n’a encouragé les véhicules électriques que très récemment. Depuis 2022, une subvention allant de 3 500 euros à 5 000 euros est accordée aux acheteurs de ce type de voiture. En 2023, le marché de l’électrique a atteint 2,2 % du marché japonais avec deux kei cars électriques représentant 50 % des ventes : la Nissan Sakura et la Mitsubishi eK-X (Connelly, 2024).
L’électrification des kei cars, par rapport à celle des voitures compactes ou standard, présente certains avantages clés. Tout d’abord, les kei cars sont utilisées quotidiennement mais sur de courtes distances, cumulant en moyenne moins de 600 km par mois. Elles sont donc adaptées à l’électrification, même avec des batteries relativement petites et peu d’autonomie. Par exemple, les propriétaires de kei cars ont déclaré en moyenne que 170 km d’autonomie suffisent pour une utilisation quotidienne et les trajets domicile-travail, et que 250 km suffisent pour les loisirs et les vacances (Jama, 2023). Ensuite, le surcoût d’une kei car électrique par rapport à son homologue thermique est faible en valeur absolue – entre 2 500 et 4 000 euros – et est actuellement entièrement couvert par la prime gouvernementale. Étant donné que les acheteurs de kei cars sont prêts à payer en moyenne 1 200 euros de plus pour une version électrique (Jama, 2023), le marché des kei car électrifiées est très prometteur et devrait décoller à partir de 2025, lorsque les véhicules atteignant 90 % de l’objectif fixé par le Japon pour 2030 (25,4 km/L) bénéficieront d’une réduction fiscale de 50 %, en plus de la prime actuelle.
L’allègement des véhicules semble donc un axe de réduction de la pollution de l’air à privilégier.
Impact sur la sécurité routière
La pénétration croissante des kei cars dans le parc automobile n’a pas nui à la sécurité routière. Au contraire, entre 2012 et 2022, le nombre de tués sur les routes a diminué de 40 % au Japon et se situe actuellement à 0,4 pour 10 000 véhicules immatriculés, l’un des taux les plus bas, devant l’Allemagne (0,5) et la France (0,7).
D’ailleurs, les véhicules légers auraient un taux d’accident globalement plus faible que les véhicules « standards ». Evans (1984) relève notamment que les véhicules de 2 tonnes ont des taux d’accidents supérieurs de 39 % à ceux des véhicules de 1 tonne, quand White (2004) et Anderson (2008) constatent que les light-trucks américains sont de 13 % à 45 % plus susceptibles d’avoir des accidents impliquant plusieurs véhicules que les voitures particulières.
Par ailleurs, lorsque des véhicules plus lourds ont des accidents, ils sont plus susceptibles de causer des décès et des blessures graves. Anderson et Auffhammer (2014) estiment, sur la base de données américaines, qu’une réduction de 100 kg de la masse moyenne du parc automobile réduirait de 10,5 % le risque d’accidents mortels. Ils calculent en outre, que si les consommateurs américains n’avaient acheté que des kei cars entre 1989 et 2005, il y aurait eu 26 034 décès annuels de moins sur les routes (2014). Ommeren et al. (2013) sont parvenus à des conclusions similaires en utilisant des données néerlandaises et ont estimé à 14 % l’augmentation du risque de décès due à une augmentation de 100 kg de la masse moyenne du véhicule. The Economist a plus récemment confirmé ces résultats en menant une recherche approfondie sur 7,5 millions accidents de voitures dans 14 États américains entre 2013 et 2023. L’étude a révélé que sur 10 000 accidents, les véhicules les plus lourds tuent 37 personnes, contre 5,7 pour les véhicules de poids moyen et 2,6 pour les véhicules les plus légers. L’étude a également révélé qu’en raison de l’augmentation constante du poids du parc automobile américain moyen, le nombre de piétons tués par des voitures a presque doublé depuis 2010 (The Economist, 2024).
Un rôle social
Les kei cars jouent en outre un rôle social important en offrant un accès abordable à la mobilité personnelle dans les zones où les transports publics sont moins disponibles, en particulier pour les femmes avec enfants, les personnes âgées et les jeunes. D’ailleurs, la population rurale vieillissante représentait un électorat clé pour le Parti libéral-démocrate ; le subventionnement de kei cars a donc joué un rôle important dans le pacte social qui a contribué au maintien au pouvoir du Parti libéral-démocrate depuis 1955 (Lipscy, 2012).
Ainsi, si les kei cars représentent en moyenne 49 % des voitures possédées par les ménages, ce pourcentage augmente dans les zones à faible densité de population qui ont également des niveaux de revenus moyens plus bas. Dans ces zones, les kei cars peuvent représenter jusqu’à 70 % du parc automobile détenu par les ménages. À l’inverse, les ménages de Tokyo possèdent beaucoup moins de voitures (42,1 pour 100 ménages) et « seulement » 26 % d’entre elles sont des kei car. Cette répartition tient aussi au fait que le prix des kei car a moins augmenté au cours des vingt dernières années (voir figure 2.8) que celui des autres voitures, devenant ainsi de plus en plus abordable par rapport aux autres véhicules.
Figure 2.7 – Nombre de véhicules et de mini-véhicules (kei cars) pour 100 ménages, par différentes préfectures (2022)
Source : Jama (2023), traitement des auteurs.
Figure 2.8 – Valeur unitaire de la production automobile (OEM) au Japon par catégorie de véhicules particuliers (2000-2022)
Source : Jama.
Impact sur l’économie et l’emploi
Le Japon est le deuxième exportateur de voitures particulières après la Chine. Comme les kei cars ne sont produites que pour le marché intérieur, leur part dans la production totale est restée relativement faible. Elle a néanmoins doublé depuis les années 1990, passant d’une moyenne de 10 % à une moyenne de 20 % dans les années 2020, soit un volume d’environ 1,5 à 2 millions de véhicules (35 % des voitures fabriquées pour le marché intérieur). Ces volumes de production sont relativement stables en raison d’une demande constante et d’un soutien politique institutionnalisé. En outre, n’étant pas exportées, les kei cars sont moins vulnérables aux risques économiques et aux fluctuations monétaires, et ne sont pas exposées à la concurrence étrangère car il s’agit d’un marché de facto protégé. En termes de valeur de production, les kei cars représentent 9 % de la valeur totale produite par l’industrie automobile en 2022 (contre 4 % en 1990), soit environ 9,2 milliards d’euros.
Au total il y a quatre fabricants de kei cars – Daihatsu, Suzuki, Mitsubishi et Honda – dont les trois premiers produisent aussi de kei cars pour Toyota, Nissan, Subaru et Mazda. Le principal fabricant est Daihatsu qui fait partie depuis 2017 du groupe Toyota. Il représente environ un tiers de la production totale de kei cars et la moitié de celle de kei trucks (des véhicules utilitaires légers conformes à la norme kei cars). Daihatsu n’a pas connu de pertes depuis 1992, et sur la période 2013-2022 son taux de profit net a été en moyenne de 4 %. En 2022 sa production au Japon a été de 929 010 véhicules (dont 682 292 kei cars et trucks) pour un emploi de 15 450 salariés dont 8 521 dans les trois usines d’assemblage automobile et dans les deux usines de fabrication moteurs, transmission et packs de batteries40. On peut donc estimer à environ 50 000 les emplois directs chez les seuls constructeurs générés par la production de kei cars au Japon.
Que nous apprend l’exemple du véhicule électrique chinois ?
En moins de 20 ans, en partant de zéro, et malgré des résultats très décevants jusqu’en 2013, l’industrie des véhicules dits à énergie nouvelle41, les NEV, s’est imposée en leader en 2021, avec plus de 50 % des ventes mondiales de véhicules électriques ou hybrides rechargeables réalisées en Chine.
Cette performance est le résultat de quatre facteurs principaux. Le premier est la détermination forte et de longue date du gouvernement chinois à construire une industrie automobile de premier plan au niveau mondial. Cette volonté s’est traduite par une série de plans stratégiques, tels que les plans quinquennaux. Le deuxième facteur est l’implication continue des autorités provinciales et même municipales par le biais de programmes de démonstration nationaux lancés successivement : axés sur les régions du centre et de l’est de la Chine, ils ont tous imposé le développement des industries des batteries et des NEV parallèlement au déploiement des véhicules et du réseau de recharge. Ils ont ainsi soutenu la « mise à l’échelle » du système industriel de la mobilité électrique et facilité l’acceptation des NEVs par les utilisateurs finaux. De plus, les autorités locales ont élaboré leurs propres stratégies pour répondre aux exigences du déploiement national et pour développer leur industrie locale. Le troisième facteur est la domination écrasante de la Chine dans la chaîne de valeur des batteries, de l’extraction minière au traitement et à la fabrication des cellules et des packs. Le quatrième facteur est un cadre réglementaire et financier qui soutient le déploiement d’un système industriel sur l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule électrique, de l’extraction des matériaux jusqu’au recyclage. Pour y parvenir, deux stratégies complémentaires ont été déployées simultanément : la création de l’industrie du NEV et l’amélioration continue des performances de tous les véhicules, quelle que soit leur motorisation.
Pourquoi les NEVS chinois sont-ils abordables ?
Ce dernier facteur explique notamment l’écart de prix significatif entre les NEV chinois et leurs équivalents européens42, ainsi que leur meilleur rapport prix / performance. En effet, les NEV chinois vendus en Europe sont homologués conformément aux réglementations européennes, offrent une autonomie, des performances en matière de charge et de vitesse plutôt supérieures à celles des VE européens – toutes choses égales par ailleurs – et sur 23 véhicules évalués par Euro NCAP depuis 2019, 21 ont obtenu 5 étoiles, 1 en a obtenu 4 en 2021 et 1 en a obtenu 3 en 201943.
Les investissements importants et simultanés (au moins 110-160 milliards d’euros pour la partie visible de l’iceberg à fin 2022) dans toutes les industries impliquées dans le cycle de vie des véhicules électriques, de l’extraction des matières premières au recyclage des batteries, ont contribué à la construction d’un pôle manufacturier solide grâce à des stratégies convergentes. Sur le plan réglementaire d’abord, les principaux textes publiés par la National Development Reform Commission (NDRC) et le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT)44 entre 2007 et le début des années 2020 fixent tous des exigences élevées pour les entreprises souhaitant entrer dans l’industrie en termes de production, de conception, de qualité et de conformité de la production, de maintenance et de service après-vente. Par exemple, en 2012, le MIIT a rendu obligatoire l’obtention des certifications ISO 9001 et ISO/TS 16949 pour les entreprises fournissant des batteries ou des moteurs électriques. Ces exigences n’ont pas découragé les industriels : entre 2016 et 2019, la NDRC et les autorités régionales (DRC) ont délivré au moins 34 accords pour production, créant ainsi une capacité de production supplémentaire de 4 560 000 véhicules pour un investissement total, financé par la puissance publique en grande majorité, d’environ 20 milliards d’euros. Le gouvernement a apporté un soutien financier important à l’offre et à la demande, avec des subventions à l’achat et des crédits d’impôt s’élevant à 15,5 milliards d’euros pour la seule année 2023. Enfin, sur le plan politique, les mesures protectionnistes, prises entre 2015 et 2018, combinées à un niveau élevé de financement de la part des autorités publiques nationales et locales, ont permis à l’industrie chinoise des batteries de lancer et de mettre en service de nouvelles capacités de production significatives qui surpassent maintenant largement les capacités japonaises et coréennes.
En outre, les constructeurs et les équipementiers chinois ont fortement innové dans la conception et la chaîne d’approvisionnement de façon à rendre les NEV rapidement accessibles. Concernant la batterie par exemple, BYD a introduit la technologie des batteries LFP « blade array » qui a quasiment la même densité d’énergie gravimétrique45 que la technologie NMC (Nickel-Manganèse-Cobalt) à un coût inférieur d’environ 15 %. Les constructeurs ont également travaillé à la simplification de la conception du véhicule ; par exemple, la station de charge stabilise le courant et la tension, ce qui simplifie la conception du chargeur embarqué et réduit le coût global. En outre, la plupart des composants clés liés à l’électrification, tels que le chargeur embarqué, l’onduleur et même le Battery Management System (BMS), sont déjà proposés en grande série par de nombreux fournisseurs, ce qui contribue également à la réduction des coûts46. Autre innovation : le développement de l’échange de batteries, fortement encouragé par le gouvernement chinois. NIO propose déjà le service « Battery as a Service » et CATL a lancé sa solution modulaire d’échange de batteries (EVOGO). Ces deux solutions contribueront à réduire le coût total de possession du véhicule.
Tôt ou tard, les surcapacités qui existent déjà tout au long de la chaîne de valeur, pourraient devenir critiques pour un certain nombre d’acteurs. Mais, jusqu’à présent, le système de fabrication est à l’échelle et fournit des véhicules abordables.
Des stratégies locales en faveur des petites voitures
Le cadre réglementaire et financier national n’a pas particulièrement favorisé les petites voitures par rapport aux autres segments. Dès lors, comment expliquer que le marché des petites voitures en Chine connaisse une croissance et un développement significatifs ces dernières années ?
Tout d’abord, sous la pression du gouvernement central, les autorités locales ont développé des incitations financières et non financières pour augmenter les ventes de NEV qui ont été favorables aux petites voitures. L’ICCT (Lingzhi, Yidan et Xiyuan (2023)) a comparé les incitations mises en place par 13 villes (dont 3 villes qui n’ont pas été sélectionnées dans le cadre d’un programme de démonstration national) en les monétisant pour trois modèles de voitures : le Wuling Hongguang, une petite voiture électrique d’une autonomie de 120 km, la Tesla Model 3 d’une autonomie de 445 km et le Li One hybride rechargeable d’une autonomie de 148 km. Sans entrer dans les détails des différentes stratégies utilisées par ces villes, nous observons que le Wuling Hongguang est celle pour laquelle les incitations mises en place profitent le plus à ses acheteurs. Si l’accès préférentiel à la plaque d’immatriculation est un déclencheur d’achat plus important que tous les autres types d’incitations dans les villes où il est appliqué47, l’ICCT souligne aussi l’effet positif de la disponibilité du réseau de recharge et des incitations facilitant l’utilisation du véhicule. Pour le Wuling Hongguang électrique, dont l’autonomie est très faible, l’accès facile et peu coûteux à un réseau de recharge est un réel avantage, permettant son utilisation dans les villes.
La deuxième raison à l’augmentation des ventes de petites voitures réside dans les efforts du gouvernement pour stimuler la consommation intérieure et la croissance économique en général ; de plus en plus de Chinois ont eu accès à la mobilité automobile. Or, beaucoup d’acheteurs de la classe moyenne, recherchant des moyens de transport abordables, se sont tournés vers des petites voitures peu coûteuses et pratiques à utiliser dans des zones urbaines étendues et encombrées. C’est particulièrement vrai pour les populations des régions de l’est et du centre, ciblées zones prioritaires pour le développement des NEV par le gouvernement. Par ailleurs, répondant à l’appétence de la clientèle chinoise pour la personnalisation, les constructeurs offrent un large éventail d’options de couleurs, de garnitures et d’accessoires ce qui améliore la satisfaction des clients et stimule les ventes (Statista, 2024).
Les NEV chinois sont-ils écologiquement soutenables ?
Les réglementations s’appliquant à l’industrie des NEV et définissant les critères d’éligibilité pour les subventions à l’achat et les crédits NEV48 sont très cohérentes entre elles. Elles encouragent fortement (avec des métriques et des critères différents) l’amélioration des performances des véhicules : autonomie, densité énergétique gravimétrique de la batterie et consommation d’énergie du véhicule. Parmi ces critères, deux peuvent contribuer de manière significative à la soutenabilité. L’augmentation de la densité énergétique gravimétrique de la batterie entraîne l’optimisation de la composition chimique des électrodes et des électrolytes au niveau de la cellule, et pousse l’innovation architecturale au niveau du pack (Cell to pack, Cell to chassis49), ce qui permet une réduction de la masse pour la même capacité énergétique. Réduire la consommation d’énergie d’un véhicule signifie réduire la masse du véhicule, optimiser son aérodynamisme, minimiser la consommation électrique totale, augmenter la récupération d’énergie, etc. En d’autres termes, toutes ces actions de conception devraient contribuer à rendre les véhicules plus soutenables.
De fait, l’objectif de consommation moyenne d’énergie des BEV de 12,5 kWh/100 km en 2025, défini dans le plan de développement de l’industrie automobile des nouvelles énergies (2021-2035), a été atteint dès 2022 (en partant de 15,7 kWh/100 km en 2016)50.
Cependant, le cadre réglementaire actuel présente quelques lacunes, au détriment de la production de véhicules écologiquement soutenables. On peut d’abord noter que les seuils relatifs à la consommation énergétique maximale du véhicule, un des critères d’éligibilité à l’obtention de subventions à l’achat, ont été abaissés de manière régulière et assez significative entre 2016 et 2023 (voir figure 2.9). Cependant les seuils de consommation maximale d’énergie des véhicules sont calculés sur la base de la masse du véhicule, comme dans la méthode de calcul européenne CAFE qui n’a pas favorisé les véhicules légers dans un passé récent.
Ensuite, il n’y a pas d’indicateur (et pas d’objectif) lié à l’empreinte CO2 de la fabrication des BEV, ce qui n’encourage pas sa réduction et la décarbonation de l’énergie utilisée tout au long de la chaîne de valeur.
Enfin, pour innover dans l’architecture des packs de batteries, les cellules de batteries ont été collées ensemble. Or, en l’absence d’information détaillée sur la conception et la fabrication des packs, cela soulève des questions quant à la réparabilité et à la recyclabilité des batteries51.
Néanmoins la Chine travaille depuis longtemps sur un outil d’analyse de cycle de vie (ACV) pour l’industrie automobile. Dans cette optique, le gouvernement chinois encourage fortement la mise en œuvre d’une économie circulaire pour l’industrie automobile avec l’introduction de la responsabilité élargie du producteur, et le lancement d’un programme de démonstration à grande échelle pour le recyclage des batteries et des véhicules. En outre, le plan de développement de l’industrie automobile des nouvelles énergies (2021-2035)52, prévoit « d’étudier la mise en place d’un mécanisme de liaison avec le marché d’échange de carbone ». Par ailleurs, la Chine fait désormais partie des groupes de l’ONU liés au véhicule électrique et est très attentive aux orientations proposées au niveau de l’UE.
Figure 2.9 – Consommation énergétique maximale d’un BEV pour bénéficier de subventions en fonction de la masse du véhicule
Source : synthèse des règlements relatifs au montant des subventions.
Les kei car japonais et les mini BEV chinois : des alternatives aux véhicules d’occasion
Au Japon, la création d’une catégorie spécifique pour un petit véhicule abordable s’est accompagnée de politiques spécifiques pour assurer son déploiement. En revanche, en Chine, les mini-véhicules électriques ont connu le succès sans création d’une catégorie spécifique ni adoption d’une politique dédiée. Ils ont juste bénéficié des aides en faveur des véhicules « nouvelle énergie ».
L’une des raisons de cette grande différence est le rôle des voitures d’occasion sur les deux marchés. En Chine, le marché des véhicules d’occasion est encore petit par rapport à la demande croissante de voitures. C’est en partie lié au fait que le marché de l’occasion est régional : les véhicules d’occasion ne peuvent pas être échangés entre différents marchés régionaux (Deng, 2020), ce qui limite leur disponibilité. Mais surtout, compte tenu des restrictions à l’accès à la propriété automobile imposées par les villes, les acheteurs privilégient l’achat d’une petite voiture électrique qui bénéficie de conditions privilégiées d’accès.
La forte baisse des ventes de mini-véhicules électriques en Chine en 202353 suggère toutefois qu’en l’absence de politiques incitatives portant spécifiquement sur les petits véhicules, la demande peut rapidement monter en gamme lorsque l’offre de voitures standard de plus en plus abordable (notamment la Wuling Bingo et la BYD Seagull) augmente. C’est précisément ce qui s’est passé au Japon dans les années 1980. Ce qui a sauvé les kei cars au Japon, c’est d’en avoir fait une catégorie de véhicules différenciée et subventionnée. Les politiques fiscales ont joué un rôle crucial en rendant l’acquisition et l’utilisation de kei cars neuves et récentes plus abordables que les autres véhicules, y compris que les voitures d’occasion54.
En Europe, les voitures d’occasion vieillissantes jouent le rôle que les kei cars remplissent au Japon : fournir une solution de mobilité abordable aux populations à faibles revenus ou fortement dépendantes des voitures dans les zones périurbaines et rurales, et plus généralement dans les pays de l’Europe centrale et orientale. L’un des principaux défis de la transition européenne vers la décarbonation étant de créer un marché de masse pour les voitures neuves (et non de prolonger la durée de vie des voitures d’occasion), il nous paraît opportun de songer à l’introduction d’un vesa, avec les mêmes performances que les kei cars et adapté aux caractéristiques du marché européen.
- 37 ‒ Les voitures électriques avec prolongateur d’autonomie (e-REV) sont équipées d’un moteur à essence auxiliaire ne servant qu’à produire de l’électricité supplémentaire pour recharger la batterie en cas de besoin.
- 38 ‒ Le poids relatif du coût du pot catalytique devenant moindre dans un véhicule que l’on peut vendre plus cher.
- 39 ‒ À partir de trois années d’âge, les voitures sont inspectées tous les deux ans de manière minutieuse. Les frais à engager pour les kei cars sont trois fois inférieurs à ceux pour les voitures compactes, et quatre fois inférieurs à ceux des voitures standard.
- 40 ‒ Source : Daihatsu, Data Book (2013-2024).
- 41 ‒ Les NEV sont des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou avec prolongateur d’autonomie, à pile à combustible.
- 42 ‒ En 2022, le prix moyen pondéré des ventes d’un petit BEV en Chine était inférieur à 10 000 USD alors qu’il dépassait 30 000 USD la même année en Europe (Global EV Outlook 2023, IEA).
- 43 ‒ Source : Note Euro NCAP pour les véhicules électriques entre 2018 et 2024.
- 44 ‒ La NDRC (National Development Reform Commission) et le MIIT (Ministry of Industry and Information Technology) ont joué un rôle prépondérant dans le développement de l’industrie des NEV.
- 45 ‒ Il s’agit de la quantité d’énergie qu’un système contient par rapport à sa masse.
- 46 ‒ Entretien avec un responsable de l’ingénierie d’un constructeur européen basé en Chine.
- 47 ‒ Par exemple, à Pékin, les plaques d’immatriculation d’un véhicule sont attribuées par loterie, ce qui entraine un long délai d’attente avant de pouvoir acheter un véhicule. Les BEVs en sont dispensés, ce qui est une incitation non financière très importante à l’achat.
- 48 ‒ Tout constructeur automobile – chinois ou non – qui produit ou importe plus de 2 000 NEV par an doit atteindre un objectif de crédits NEV. Le score de chaque constructeur automobile est la somme de tous les crédits NEV obtenus par tous les véhicules, divisée par le nombre de véhicules vendus.
- 49 ‒ Les architectures de pack batterie dites Cell-to-Pack et Cell-to-chassis diminuent le nombre de composants embarqués non porteurs d’énergie, ce qui permet d’augmenter la densité énergétique du pack sans augmenter la densité des cellules.
- 50 ‒ Comme nous ne disposons pas de détails sur la répartition de la consommation d’énergie pour l’ensemble des véhicules vendus, ce chiffre publié par le think tank China EV100 doit être interprété avec prudence, même s’il semble constituer une tendance favorable.
- 51 ‒ Les cellules collées entre elles ou sur le châssis du module ou du pack ne sont pas démontables sans risquer de les dégrader, ce qui diminue la capacité de réparation et de recyclage.
- 52 ‒ Chapitre VIII mesures de sauvegarde Section I.
- 53 ‒ Le rapport Global EV Outlook 2024 de l’IEA montre que les ventes de petites voitures électriques ont baissé d’environ 30 % entre 2021 et 2023 (p.33) et que les lancements de petites voitures électriques sur la période 2024-2028 ne représentent que quelques pourcents des lancements totaux (p.34).
- 54 ‒ En raison du coût élevé du contrôle technique qui, au Japon, est obligatoire chaque année pour les voitures de plus de 10 ans.
Comment créer un marché dynamique du vesa européen ?
En s’inspirant des modèles chinois et japonais, l’Union européenne pourrait à son tour favoriser l’émergence d’un petit véhicule électrique soutenable et abordable en activant plusieurs leviers. Certains sont du ressort de l’Union européenne, d’autres des États membres et de leurs collectivités.
D’abord créer une catégorie spécifique pour les véhicules électriques durables et abordables
Le moyen le plus efficace de créer un véhicule électrique soutenable et abordable, le vesa, est de chercher à optimiser la masse et la taille de la voiture, le deuxième critère jouant sur le premier. Plus un véhicule est petit, moins il utilise de matériaux et de composants, et plus il est donc abordable et écologiquement soutenable.
Un vesa doit également offrir des caractéristiques susceptibles de convaincre les constructeurs automobiles et les décideurs politiques de soutenir son introduction, dans le cadre réglementaire et sur le marché. Ce véhicule doit donc être défini par des réglementations supranationales qui fournissent un cadre commun contraignant pour tous les États membres, contribuer à la réalisation des objectifs CAFE pour les constructeurs, offrir une sécurité irréprochable tant pour les occupants que pour les autres usagers de la route et s’inscrire dans les plans de mobilité urbaine durable55.
D’un point de vue concret, deux options sont proposées (voir figure 3.1 pour les grandes caractéristiques de chacune d’entre elles).
La première est de créer une sous-catégorie M1 (M1 vesa) avec des dimensions, une masse et une puissance maximales, relativement facile à mettre en œuvre dans le cadre réglementaire de l’UE, éligible au CAFE et avec un marché important. Cependant cette proposition ne permet pas de réduire significativement la pression réglementaire actuelle puisque le véhicule devrait répondre à toutes les réglementations en vigueur.
La deuxième est de créer une nouvelle catégorie M0 (M0 vesa) dont les dimensions, la masse et la puissance sont limitées et dont l’utilisation est restreinte (vitesse < 110 km/h), ce qui permettrait de réduire la pression réglementaire. Cependant, sa mise en œuvre dans le cadre réglementaire de l’UE est plus compliquée (la création de la catégorie M0 vesa prendrait probablement trois ou quatre ans de plus que la création de la catégorie M1 vesa), l’éligibilité au CAFE doit être approuvée par l’ensemble des parties prenantes et la taille du marché accessible est vraisemblablement plus petite que celle de la catégorie M1 vesa.
Figure 3.1 – Comparaison globale des catégories L6e, L7e, M1, M0 vesa et M1 vesa
Notes : 1. À titre d’exemple, le modèle actuel de Dacia Spring, fabriqué en Chine et vendu en France, est très proche de la définition d’un vesa M1 avec une masse de 951 kilogrammes (MVODM), des dimensions L 3,7 x l 1,58 x H 1,49, un empattement = 2,42 et un moteur électrique d’une puissance maximale de 48 kW. En outre, ce véhicule est conforme à toutes les réglementations en vigueur.
2. Compte tenu de la rapidité des innovations technologiques dans le domaine des batteries, nous n’avons pas fait de propositions concernant la capacité de la batterie et l’efficacité énergétique du véhicule, ce qui laisse une large place aux solutions résultant d’innovations futures, pour autant qu’elles respectent les limites de masse, de taille et de puissance du moteur électrique.
En complément de ces éléments, l’annexe 2 montre comment la définition d’un vesa M0 contribue à réduire l’impact des réglementations actuelles sans compromettre la sécurité des occupants et des autres usagers de la route alors que l’annexe 3 compare les deux propositions sous forme d’une approche SWOT plus détaillée. Enfin, l’annexe 4 donne l’impact réglementaire minimal pour chaque proposition qui est plus élevé pour le M0 vesa que pour le M1 vesa.
Intégrer un coefficient multiplicateur pour les vesa dans la réglementation sur le CO2
À partir de 2025, la corrélation entre le poids des véhicules et les objectifs spécifiques des constructeurs automobiles deviendra négative, ce qui devrait inciter les constructeurs automobiles à produire de petits véhicules électriques plus légers puisque cela devrait rendre moins difficile l’atteinte de l’objectif CAFE.
Cependant, pour les rendre abordables et accélérer leur adoption, nous suggérons de créer un multiplicateur pour les vesa, comme cela a été fait pour les véhicules électriques dans les années 2010. En effet, la raison d’être d’un multiplicateur temporaire est d’encourager les constructeurs automobiles à produire et à vendre des vesa en grande quantité afin de réaliser les économies d’échelle d’un marché de masse. Nous recommandons un multiplicateur dégressif de 2x la première année de mise en œuvre. Concrètement, chaque vente d’un vesa serait comptabilisée deux fois dans le total des ventes de véhicules neufs d’un constructeur lors du calcul des émissions moyennes de ses ventes annuelles. Le coefficient multiplicateur passerait 4 ans plus tard ensuite à 1,5 puis à 1 à partir de 5 ans. La première année de mise en œuvre devrait être 2026 afin de garantir les objectifs de 2030 et 2035. Si, comme le demandent les constructeurs, un multiplicateur pour les véhicules électriques devait être réintroduit avant 2026, notre proposition consisterait alors à avoir un multiplicateur plus élevé et plus durable pour les vesa.
Ouvrir la voie à une réduction de la taille de tous les véhicules
La plupart des véhicules électriques sont trop chers pour les clients et trop lourds pour être réellement soutenables en production. Tous les constructeurs automobiles devraient donc suivre la voie de la réduction de la taille des véhicules sur tous les segments. Moyennant quelques ajustements, les réglementations européennes peuvent encourager cette réduction et ainsi contribuer à améliorer l’accessibilité et la soutenabilité d’autres segments de véhicules. Cela peut se faire en appliquant l’une de ces mesures ou une combinaison de celles-ci :
1. Octroi d’un bonus CO2 supplémentaire aux constructeurs automobiles qui ont réduit d’un certain pourcentage la masse moyenne des nouveaux véhicules vendus, à l’exclusion des vesa.
2. Une autre solution, à plus long terme, pourrait être d’étendre le concept vesa à d’autres segments de véhicules, également définis par la taille, les dimensions et la puissance maximale du moteur électrique, et de leur accorder des super-primes.
3. Enfin, il ne faut pas oublier que les véhicules électriques émettent du CO2 lors de leur production et de leur recharge. Parce qu’il serait injuste de pénaliser les constructeurs automobiles qui vendent des véhicules électriques dans les pays à forte intensité de carbone (et ils devront le faire pour atteindre l’objectif de 100 % de « véhicules zéro émission » en 2035) ou qui ont des clients qui se rendent fréquemment dans ces pays à forte intensité de carbone, nous proposons de modifier la méthodologie CAFE pour inclure uniquement l’empreinte carbone totale de la production (et non pas de l’usage) dans les calculs de l’objectif. C’est une autre façon de souligner l’effort de décarbonation en considérant un paramètre entre les mains des constructeurs automobiles. Cette mesure pourrait être introduite progressivement à partir de 2031 et se centrer uniquement sur les nouveaux modèles de véhicules zéro émission mis sur le marché : 20 % en 2031, 40 % en 2032, 60 % en 2033, 80 % en 2034 et 100 % à partir de 2035.
Définir un cadre financier pour soutenir la production des vesa
Actuellement, la production de véhicules électriques en Europe n’est pas rentable. Selon la récente enquête de l’Union européenne sur la situation économique de son industrie automobile (menée dans le cadre de l’enquête sur les aides d’État illégales de la Chine (Union européenne, 2024), les ventes de véhicules électriques réalisées par les constructeurs européens se sont soldées en moyenne par un taux de profit négatif de -10,8 % entre le 30 septembre 2022 et le 1er octobre 2023.
La production d’un vesa nécessite le développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits pour qu’il reste léger ; il faut notamment une carrosserie, des pièces d’habillage, des vitrages, des sièges plus légers. Le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), qui a prouvé son efficacité en soutenant le développement d’une industrie européenne des cellules de batteries, pourrait être utilisé pour accélérer la mise en place de la chaîne de valeur européenne nécessaire à la production d’un vesa.
Par ailleurs, l’Europe pourrait s’inspirer des dispositions mises en œuvre dans le cadre de l’Inflation reduction act (IRA)56 américain, pour inciter massivement et rapidement à la production locale de technologies en faveur de la transition écologique (Production tax credit)57 — là où les financements européens pour la production de technologies vertes sont notoirement insuffisants58 — et à l’achat de véhicules propres (Purchase tax credit).
Bâtir un écoscore
Aucune réglementation n’aborde directement la question de l’écoscore d’un véhicule électrique, et les réglementations qui se rapprochent le plus du concept traitent en fait du recyclage et de la réutilisation des matériaux, ainsi que de l’empreinte carbone59 et des fuites de carbone60.
La lecture des principaux règlements à prendre en compte et de leurs principales dispositions qui pourraient contribuer à la définition d’un écoscore (voir tableau en annexe 5), permet de tirer quelques conclusions.
D’abord, alors que la méthodologie de calcul de l’empreinte carbone des véhicules sera proposée d’ici fin 2025 (pour une déclaration volontaire à partir de 2026), la réglementation sur l’empreinte carbone des batteries est loin d’être appliquée (au mieux en février 202861 alors qu’il existe déjà des exigences plus élevées aux États-Unis pour l’obtention du crédit d’impôt à l’achat pour les véhicules dans l’IRA dès 2023), puisque de nombreux actes délégués doivent encore être adoptés pour définir les méthodes de calcul et de vérification, les seuils applicables, etc.
En outre, le premier acte délégué en préparation portant sur la méthodologie de calcul de l’empreinte environnementale des batteries propose un indicateur en kg CO2e/kWh sur l’ensemble du cycle de vie. Si cet indicateur est très utile pour comparer les empreintes environnementales entre les chaînes de valeur de différentes batteries, il n’est pas adapté à l’évaluation de l’empreinte carbone totale de la batterie (qui est égale à cet indicateur multiplié par la capacité embarquée de la batterie) et, par conséquent, du véhicule.
Ensuite, dans le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), l’annexe définissant les produits soumis à l’obligation de déclaration intègre les principaux matériaux (ferreux, aluminium et alliages…) et certains composants d’assemblage (rivets, boulons, vis, …) utilisés dans la production d’un véhicule. Toutefois, les pièces, les sous-ensembles ou les systèmes des véhicules (tels que les batteries, les moteurs électriques) ne sont pas répertoriés dans cette annexe. Par conséquent, le MACF ne fournit qu’un nombre limité d’informations pour le calcul d’une note écologique.
Enfin, il n’existe enfin aucun projet de règlement traitant de l’application d’un écoscore sur l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule, que ce soit par l’introduction d’un tout nouveau règlement ou en profitant de la modification d’un règlement existant proche de ce sujet.
Propositions en cours pour l’attribution d’un score écologique62
L’examen d’une initiative citoyenne européenne63 pour la création d’un score écologique européen, qui vise à fournir des informations transparentes sur l’impact environnemental des produits fabriqués ou vendus sur le marché de l’Union européenne, fournit des indications précieuses sur ce qu’attendraient les citoyens d’un tel score. Il ressort qu’un tel dispositif doit être proposé par l’UE et à l’échelle européenne pour avoir une véritable légitimité, et se fonder sur une méthode de calcul reposant sur des preuves scientifiques, comme l’analyse du cycle de vie (méthode ACV). Cette méthode de calcul devra être développée mais aussi simplifiée pour être appliquée à un grand nombre de produits [NDLR : et à des chaînes de valeur profondes et complexes]. Cet écoscore pourrait s’accompagner d’un système de bonus-malus pour favoriser certaines caractéristiques.
Pour l’industrie automobile, nous avons analysé deux propositions formelles, une du constructeur Tesla64 et une autre de l’ONG Transport & Environnement (T&E), ainsi que les lignes directrices proposées dans le récent rapport FNH / IMT65 sur la pertinence et la capacité de produire des véhicules électriques des segments A et B en France.
Proposition de Tesla
Pour Tesla, un écoscore à l’échelle de l’UE devrait fournir des informations claires aux clients, donner aux États une base commune pour définir leurs politiques d’incitation, permettre aux constructeurs automobiles de définir les meilleures solutions pour atteindre une note élevée et moduler les redevances de Responsabilité Élargie des Producteurs66 (plus l’écoscore est faible, plus les redevances sont élevées). En conséquence, Tesla propose que l’écoscore se fonde uniquement sur les exigences juridiquement contraignantes de l’UE (afin d’éviter l’élaboration d’un écoscore national) ; qu’il ne s’appuie que sur des données statiques (pas de données issues de mesures en utilisation pour informer sur l’autonomie, la consommation d’énergie, etc.) ; que chaque critère soit pris en compte à parts égales dans l’addition finale.
L’objectif final de Tesla est que l’écoscore remplace les réglementations actuelles qui imposent des seuils d’attente d’objectifs (tels que ceux relatifs au recyclage, à l’empreinte de CO2, etc.).
Ainsi, l’écoscore proposé comprendrait cinq critères, tous basés sur les réglementations européennes existantes et contribuant chacun à hauteur de 20 % à la note finale.
Un, l’efficacité énergétique du véhicule, mesurée selon la procédure d’essai mondiale harmonisée pour les véhicules légers (WLTP).
Deux, l’autonomie électrique du véhicule, mesurée selon la même procédure d’essai.
Trois, l’empreinte carbone de la batterie et sa classe de performance associée, conformément à l’article 7 du règlement européen sur les batteries.
Quatre, les émissions de carbone intégrées de l’acier et de l’aluminium utilisés dans le véhicule, calculées conformément au règlement MACF.
Cinq, les niveaux de contenu recyclé dans les véhicules, comme l’exige l’article 10 de l’ELVR67, ou les niveaux de contenu recyclé dans la batterie, comme l’exige l’article 8 du règlement européen sur les batteries.
Concernant le cadre réglementaire, il est proposé de tirer parti du processus de décision en cours sur les véhicules circulaires68 pour introduire l’écoscore en tant qu’exigence de circularité et l’inclure en tant que composante du « passeport de circularité pour les véhicules » proposé (article 13), et en tant que base pour la modulation des redevances de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les véhicules.
En outre, d’autres règlements doivent être modifiés pour, par exemple, rendre obligatoire l’écoscore dans l’étiquette du véhicule dans le certificat de conformité.
La proposition de Tesla vise, comme on peut s’en douter, à favoriser ses véhicules puisqu’elle prend en compte certaines caractéristiques de performance pour lesquelles ils sont meilleurs que leurs concurrents (efficacité énergétique et autonomie). Les autres éléments, à savoir l’empreinte carbone des batteries, les émissions de CO2 et la réutilisation des matériaux, sont imposés par la réglementation européenne. En outre, l’intention de Tesla est de supprimer toutes les exigences formulées en termes de seuil et de les remplacer par cet écoscore. Toutefois, Tesla propose d’utiliser l’écoscore pour moduler les redevances de responsabilité élargie des producteurs, ce qui pourrait soutenir un vesa en décidant d’un montant de redevance inférieur pour cette catégorie en comparaison des autres catégories de véhicules.
Proposition de T&E
De son côté, T&E propose un écoscore européen qui combine à la fois l’efficacité énergétique (en kWh/100 km) et l’empreinte carbone de la batterie, de l’acier et de l’aluminium (en kg CO2e) au stade de la production du véhicule, car les batteries, l’acier et l’aluminium représentent ensemble 70 à 75 % de l’empreinte carbone des voitures électriques. En outre, l’ONG entend proposer un écoscore qui donne un net avantage aux véhicules électriques produits en Europe, dans la mesure où ils devraient afficher de bien meilleures performances que ceux produits en Chine grâce à une chaîne de valeur plus décarbonée et à la suppression des émissions liées au transport.
La note écologique proposée s’appuierait sur les règles de calcul définies dans le MACF pour les matériaux importés (et des données publiques sur l’intensité de l’empreinte carbone des chaînes de valeur pour la production européenne) et sur des règles de calcul définies par la directive sur les batteries. Il est suggéré, comme pour la proposition de Tesla, que cet écoscore soit un nouveau critère pour l’étiquetage des voitures.
Lignes directrices évoquées dans le rapport FNH/IMT
Le rapport « Produire les citadines électriques en France, pourquoi est-ce pertinent et possible ? » de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) et de l’Institut des mobilités en transition69 (2024) éclaire sur l’intérêt d’une relocalisation de la production des véhicules électriques du segment A/B en France. Même s’il ne donne pas d’indications très précises sur ce que pourrait être un écoscore, le rapport affirme qu’il est indispensable de réduire le poids maximal des véhicules électriques et d’introduire un bonus-malus progressif en soutenant les voitures des segments A et B produites en France et en Europe (avec un critère de poids), renforçant ainsi le lien entre l’écoscore et le montant accordé.
La figure 3.2 récapitule ces différentes propositions ainsi que le bonus écologique Français qui est expliqué dans un encadré placé plus loin dans le texte.
Figure 3.2 – Comparaison des principales caractéristiques des propositions et réglementations en vigueur portant sur un écoscore
Quel pourrait être l’écoscore en faveur du vesa ?
Quatre différentes directions générales (DG) de la Commission européenne, aux compétences et enjeux différents, à savoir Climat, Environnement, Marché intérieur, Fiscalité et Douanes, pourraient être impliquées dans la définition d’un écoscore européen ce qui implique un décloisonnement entre elles.
Bien que l’objectif commun soit de produire un indicateur basé sur l’ACV pour le véhicule et la batterie, éventuellement complété ultérieurement par d’autres indicateurs, ces DG devront trouver des compromis sur des questions soulevées aussi différentes que la politique industrielle, la politique environnementale ou le marché unique.
En outre, le fait que les actes délégués des réglementations concernées doivent encore être validés par les législateurs européens selon des calendriers non coordonnés rend les feuilles de route des entreprises automobiles très difficiles à rédiger.
C’est pourquoi, nous proposons de définir un écoscore européen, partant d’une base minimale commune et pouvant évoluer selon des règles dont les formes et les calendriers seraient annoncés par anticipation.
D’ailleurs, sur le plan formel, la méthode adoptée avec succès par l’administration française sur le bonus écologique (voir encadré) pourrait inspirer celle à adopter pour construire la proposition de l’UE. Le bonus écologique français est emblématique car il vise à rassurer les consommateurs sur le fait que seuls les véhicules électriques vertueux sur le plan environnemental bénéficieront d’un bonus. Il a également l’avantage de bloquer les importations de véhicules chinois exclusivement pour des raisons environnementales et pourrait, à terme, permettre de favoriser les véhicules dont les batteries proviennent de Giga-usines françaises dont l’empreinte CO2 est plus faible que celles situées hors France.
Comment fonctionne le bonus écologique en France ?
Le but de l’écobonus français est de soutenir la décarbonation du transport routier, qui représentait 31 % des émissions nationales en 2021 – dont 50 % en provenance des voitures particulières – afin d’atteindre l’objectif de 66 % d’électrification des voitures particulières d’ici 2030. Il se matérialise par une aide à l’achat conditionnée à un certain nombre de critères, dont le score écologique du véhicule et le revenu fiscal du demandeur. Le bonus écologique s’applique aux voitures (de tourisme) neuves qui remplissent les conditions suivantes :
1) être une voiture particulière neuve de la catégorie M1 immatriculée pour la première fois en France ;
2) ne pas être vendue par l’acheteur ou le locataire dans l’année qui suit sa première immatriculation ou avant d’avoir parcouru au moins 6 000 kilomètres ;
3) fonctionner exclusivement à l’électricité, à l’hydrogène ou à une combinaison des deux ;
4) le coût d’acquisition de la voiture doit être inférieur à 47 000 euros TTC, y compris le coût d’acquisition ou de location de la batterie, le cas échéant ;
5) avoir une masse inférieure à 2,4 tonnes ;
6) obtenir un score environnemental supérieur au minimum requis défini dans les règles de calcul utilisées par l’ADEME (en 2024 un score de 60 points sur 80).
Le score environnemental est actuellement calculé à l’aide des données fournies par le constructeur automobile et des données publiques sur l’intensité de l’empreinte carbone des chaînes de valeur. Le calcul est fondé sur une approche ACV simplifiée, basée le CO2 (exprimées en kg-eq CO2) émis lors de la production de matériaux ferreux, d’aluminium (y compris les alliages), et de tous les autres matériaux utilisés dans la production du véhicule (à l’exception de la batterie), lors de la production de la batterie, lors de la production du véhicule, et lors du transport du véhicule depuis l’usine d’assemblage jusqu’au point de distribution en France.
Il est possible d’utiliser ou de développer des outils de mesure cohérents avec ce qui se fait déjà, par exemple, pour la traçabilité de l’acier importé dans le cadre du MACF. La différenciation du contenu en carbone des composants entre les pays de l’UE est possible mais techniquement très difficile.
Les services de l’État français (DGEC, Ademe, DGE) en charge du dossier du bonus écologique ont considéré qu’ils ne feraient pas de différence pour les batteries et l’aluminium en général : puisqu’il s’agissait de définir un régime applicable à partir de 2024, et que ni les allocations de modèles ni l’approvisionnement en batteries ne pourraient être revus à temps à cette date, il fallait faciliter l’évaluation de l’assemblage et de l’approvisionnement en Europe. La mesure choisie de l’empreinte carbone concède donc quelques approximations pour une mise en œuvre dès 2024.
L’écoscore tel qu’il est défini en France pourrait, à terme, sans changement radical, intégrer la différenciation entre pays européens, ou ajouter la réparabilité des véhicules ou des batteries à sa liste de critères. L’important est que, même si ces questions très pertinentes ont été laissées sans réponse, il a été possible d’aboutir rapidement à une proposition d’écoscore.
Il serait tout à fait possible de créer un écoscore européen, qui permettrait aux fabricants de faire leurs prévisions et de rechercher le meilleur label possible en toute connaissance de cause. Cela n’empêcherait pas chaque pays d’en faire un usage spécifique en termes de fiscalité ou de réglementation. De la même manière que les zones à faibles émissions (ZFE) existent partout, mais débouchent ou non sur des mesures restrictives en fonction de la volonté des autorités locales ou de la prégnance des problèmes de qualité de l’air, il est tout à fait possible de développer une métrique commune et de laisser ensuite – puisque c’est le partage des compétences défini par les traités européens – les règles de taxation ou d’affectation des routes varier localement.
De ce point de vue, l’accord sur la définition de l’écoscore peut être assez large, même s’il est assez exhaustif et exigeant, car il n’est pas contraignant : chaque État peut, ou non, l’intégrer à ses politiques publiques. Il s’agit alors de définir une hiérarchie des vertus environnementales des véhicules acceptés dans les 27 États membres, en laissant ensuite les États et les collectivités arbitrer sur leurs préférences.
Pour cette base commune, l’écoscore doit selon nous combiner un indicateur lié à l’empreinte CO2 de la batterie et un indicateur lié à l’empreinte CO2 du véhicule hors batterie70 afin de distinguer clairement un vesa sur le marché grâce à une empreinte carbone totale (véhicule + batterie) nettement inférieure à celle des autres véhicules.
Nous pensons également que toute réglementation relative à l’empreinte carbone doit stipuler que les acteurs de la chaîne de valeur sont responsables de la collecte des données primaires nécessaires au calcul de l’ACV.
Les prochains actes délégués sur le recyclage et la réutilisation des matériaux semblent être suffisants pour apporter des améliorations significatives en termes de résultats dans ce domaine. Par conséquent, nous ne voyons pas l’intérêt d’inclure certains critères spécifiques liés à cette question dans l’écoscore, car cela la rendrait plus complexe et moins facile à comprendre. Un seul règlement doit être modifié pour définir le contenu de l’écoscore et communiquer aux clients de manière appropriée, à savoir la directive 1999/94/CE sur l’étiquetage des voitures (DG CLIMA).
Nous proposons néanmoins des extensions de l’écoscore de l’UE, qui pourraient être introduites ultérieurement par le législateur afin de renforcer encore l’intérêt de produire des vesa comme la réparabilité, en particulier celle des batteries – dont certaines de nouvelles générations ont les cellules collées ensemble, est un angle mort de la réglementation alors qu’elle est de la plus haute importance à la fois pour la durabilité et le coût total de possession, une question clé pour l’accessibilité financière71. Il serait donc logique d’inclure un élément lié à la réparabilité dans l’éco-score, mais des travaux préparatoires avec des experts sont nécessaires pour déterminer les paramètres et la méthode de calcul appropriés.
L’utilisation de bonus-malus associés à l’écoscore pour favoriser les véhicules électriques abordables et durables en termes (i) de normes CAFE et (ii) de droits de REP, etc.
Figure 3.3 – Règlements proposés pour étendre le champ d’application et l’utilisation de l’écoscore
Note : ce tableau résume les réglementations qui doivent être modifiées pour (i) définir l’« écoscore et (ii) l’utiliser efficacement pour soutenir le déploiement des vesa tout en contribuant à orienter les stratégies de conception et de production des constructeurs.
Autour de l’écoscore, de nouvelles politiques fiscales
Les traités ne donnant pas à l’UE de compétences en matière fiscale, l’utilisation fiscale d’un écoscore doit être traitée au niveau national. La disjonction entre une métrique commune et ses utilisations différenciées est fondamentalement conforme à l’expérience de la construction du « marché unique » des voitures : un accord a été conclu sur les règles de réception des véhicules et de mesure de la consommation et des émissions (NEDC puis WLTP), et les États membres ont été laissés libres d’utiliser ce cadre commun comme ils le jugeaient approprié pour soutenir leurs objectifs.
Il en résulte des marchés automobiles très différents d’un pays à l’autre. Les nations expriment ainsi des « préférences collectives » différenciées, notamment à travers leurs systèmes fiscaux respectifs.
La transition écologique change fondamentalement la donne : le regard ne se porte plus sur les seules émissions directes des véhicules au roulage mais aussi sur les émissions liées à la production des véhicules et à l’énergie qu’ils consomment lorsqu’ils roulent. Les mesures WLTP doivent maintenant être complétées par un indicateur de type ACV afin de fixer ou de moduler les exigences CAFE en fonction de l’empreinte CO2 totale du véhicule sur son cycle de vie, qui permettra ensuite de différencier les véhicules électriques les plus performants. Ainsi, les politiques fiscales vont devoir évoluer. Aujourd’hui, la taxation des carburants est le principal outil pour orienter les marchés et couvrir les externalités. Les gros véhicules à moteur thermique qui consomment et émettent davantage sont ainsi taxés lourdement, sans qu’il n’ait été nécessaire d’instaurer une taxe sur la propriété. Pour les véhicules électriques, la fiscalité devra reposer en grande partie sur des taxes à l’achat (comme le certificat d’immatriculation) ou à la propriété (comme la vignette autoroutière ou la TVA annuelle), complétées par des mesures relatives aux caractéristiques des véhicules dont on souhaite encourager la production et l’achat72.
L’approche la plus logique consisterait à différencier les taxes en fonction de l’ACV, les écoscores constituant bien entendu la référence. Il est très peu probable, et probablement pas nécessaire, que ces taxes soient harmonisées. Pour les constructeurs automobiles et les concepteurs des politiques publiques, il est donc essentiel que la base de définition de ces taxes différenciées soit commune, ce que fournirait un écoscore normalisé au niveau européen.
Dans la plupart des États membres, une partie du système de taxation des voitures est déjà gérée au niveau des autorités locales ou municipales, une grande partie des externalités associées aux voitures étant gérées au niveau local. Dans certains cas, il s’agit de politiques automobiles visant à faciliter l’utilisation des voitures à un coût raisonnable (comme dans le cas des kei cars dans les zones rurales du Japon). Dans d’autres cas, ces politiques visent à décourager l’utilisation de la voiture tout en faisant la promotion d’autres modes de transport. Entre ces deux orientations, les autorités locales doivent sortir de cette dichotomie en ne traitant pas tous les types de mobilité ou de véhicules de la même manière.
Pour différencier le traitement des véhicules selon qu’ils consomment plus ou moins d’espace ou d’électricité, l’écoscore est un outil simple que les collectivités locales (qu’elles soient urbaines ou rurales) gagneraient à intégrer dans leur boîte à outils. Elles pourraient commencer par l’utiliser pour structurer leur fiscalité. Elles pourraient également y recourir pour accompagner leurs politiques d’utilisation de la route (circulation, stationnement, péages urbains, droits d’accès aux centres-villes, etc.) ou leurs politiques en matière de marchés publics ou de soutien à la mobilité automobile par le biais de la location sociale. En ce sens, les autorités locales pourraient, comme elles le font avec les opérateurs de transport public, forger des partenariats avec les constructeurs automobiles ou les distributeurs pour mettre en place des services automobiles (véhicules partagés, covoiturage, …) de haute qualité et à faible émission de carbone autour de l’écoscore.
Promouvoir une boîte à outils vesa pour les États membres, les régions et les villes
Lorsqu’il s’agit de promouvoir le développement de la mobilité électrique, la question de l’accessibilité financière et de la durabilité des véhicules n’est qu’un aspect du problème. Il faut déjà convaincre les automobilistes d’utiliser des véhicules électriques, et les autorités publiques d’envisager ces voitures dans leur politique de mobilité et d’environnement notamment. Cela signifie que, pour trouver leur marché, les vesa doivent également convaincre les autorités publiques qu’ils font partie de la solution aux problèmes de mobilité.
En conséquence, les constructeurs, collectivement et individuellement, doivent mener deux stratégies de marketing interdépendantes pour ces véhicules : l’une visant à attirer les acheteurs, et l’autre visant à inciter les États, les régions et les municipalités à devenir des prescripteurs. Dans cette seconde perspective, les vesa s’inscriraient parfaitement dans des politiques publiques, à la fois pour assurer la promotion de la mobilité électrique et pour contribuer à la décarbonation de la mobilité.
Au niveau national, plusieurs solutions issues des programmes existants pour les véhicules électriques peuvent être facilement adaptées aux vesa, telles qu’une fiscalité avantageuse, les systèmes de primes à la casse liés à l’écoscore, les marchés publics, le leasing social…mais d’autres dispositifs méritent d’être déployés à l’échelle locale. La question de la mobilité locale est l’objet d’une contradiction entre les pouvoirs publics et les usagers. Les premiers veulent favoriser des flux importants de voyageurs aux heures de pointe tout en maîtrisant les coûts d’investissement et d’exploitation et en rendant l’espace urbain aux habitants (en réduisant au maximum l’usage de la voiture). Les seconds considèrent la voiture comme le moyen de transport le plus sûr, le plus souple et souvent le moins cher à leur disposition. Dans les centres urbains densément peuplés, l’existence de nombreuses alternatives à la voiture permet aux autorités locales d’atteindre leurs objectifs. Ce n’est pas le cas dans les centres urbains plus petits où ces alternatives sont insuffisantes, ni dans les zones périurbaines ou semi-rurales que les usagers sont amenés à traverser quotidiennement. En d’autres termes, la voiture n’est pas nécessairement l’ennemi absolu de la décarbonation de la mobilité que certains décrivent. Elle doit être considérée comme une partie de la solution pour décarboner, si elle peut être partagée et utilisée intelligemment comme une forme de transport public. Par exemple, elle peut être utilisée comme un outil pour amener les gens vers et depuis les centres de transport qui les conduisent vers et depuis les centres-villes ou les lieux de travail. Toute voiture peut contribuer à un système de mobilité plus efficace (par exemple, dans le cas du covoiturage qui permet de réduire significativement le bilan carbone des personnes se déplaçant puisqu’une seule voiture est utilisée au lieu de plusieurs), mais le résultat sera encore plus profitable pour la société si elle ne prend pas trop de place et si ses émissions de polluants et de CO2 lors de sa production et de son utilisation sont limitées. C’est exactement pour cette raison que les vesa pourraient apporter une contribution significative à la résolution des problèmes de mobilité locaux, bien au-delà de ce que pourraient apporter des BEV traditionnels.
En mars 2023, la Commission a adopté une recommandation invitant chaque État membre à mettre en place un programme national, avec un bureau dédié73, pour soutenir les villes dans la planification de la mobilité urbaine durable (PMU). Ces programmes nationaux doivent inclure des documents d’orientation, des programmes de formation et de renforcement des compétences, et fournir une expertise technique et un soutien financier aux villes.
La proposition prévoit également l’introduction d’indicateurs de performance appelés UMI (Urban Mobility Indicators). Ces UMI se rapportent aux sept grandes catégories d’objectifs finaux des PMUD, à savoir la réduction du nombre de blessés et de morts ; la répartition modale ; la réduction du bruit ; l’amélioration de la qualité de l’air ; la diminution de la congestion ; la baisse des émissions de gaz à effet de serre ; et l’accès aux services de mobilité.
Si les objectifs et les zones couvertes par les PMUD sont ceux des grandes villes, la Commission prend soin de préciser qu’ « un PMUD devrait couvrir l’ensemble de la zone urbaine fonctionnelle (une ville et sa zone de navettage), en tenant compte des flux de trafic réels ». Un PMUD devrait prévoir une coopération et des synergies entre tous les niveaux de gouvernance (local, régional, national) et entre les différents domaines politiques. Il doit être préparé en partenariat avec les résidents locaux et les parties prenantes. Il garantit une variété d’options pour le transport sûr et fluide des personnes et des marchandises, en tenant dûment compte des autres résidents et de l’environnement urbain. En raison de leurs caractéristiques, les vesa contribueraient directement à la réduction des blessures et des décès, du bruit, de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre. En combinaison avec d’autres approches, les vesa peuvent également contribuer efficacement à la mise en œuvre de la répartition modale, à la réduction de la congestion et à l’accès aux services de mobilité, qui sont probablement les points les plus critiques en raison du manque de véhicules abordables et durables.
Les incitations en faveur des véhicules électriques doivent être soigneusement équilibrées pour assurer une utilisation optimale de tous les véhicules et pour garantir l’efficacité des transports publics. L’exemple des politiques appliquées à Oslo au début des années 2010 a favorisé une augmentation des ventes de véhicules électriques, mais a également produit de nombreux effets négatifs (Aasness et Odeck, 2015). L’exonération des péages a réduit la capacité de création et d’entretien des infrastructures routières. L’exonération des frais de stationnement a entraîné des pertes économiques et a fait perdre de vue à la population qu’un parking est un espace public dont les coûts doivent être régulés en fonction de son utilisation, quel que soit le type de véhicule qui l’occupe. L’utilisation gratuite des voies de bus a entraîné une augmentation des embouteillages aux heures de pointe et des coûts de déplacement supplémentaires pour les usagers des transports publics.
Il est donc nécessaire d’adopter une approche de mobilité plus systémique pour promouvoir l’utilisation des vesa. Par exemple, dans les zones urbaines, moduler les coûts de stationnement en fonction des besoins d’utilisation, et pas seulement du carburant du véhicule : prévoir des tarifs élevés (réduits pour les vesa par rapport aux autres véhicules) lorsque le besoin de renouvellement des places est important, et des tarifs plus faibles, voire nuls, lorsque le besoin de renouvellement est faible. Dans les zones périurbaines ou semi-rurales, la gratuité du stationnement pour tous les véhicules dans les zones de covoiturage pourrait être instaurée (et un faible coût de stationnement pour les vesa dans les parkings situés à proximité des nœuds de transport).
Autres propositions : soutenir l’achat des vesa en remplacement de vieilles voitures pour les ménages à faibles revenus74 ; réserver l’accès aux voies de bus au covoiturage (en vesa ou non) ; promouvoir l’utilisation des vesa en tant que véhicule unique ou principal du ménage en travaillant avec les fournisseurs de transports publics ou des sociétés de location de vesa pour développer des solutions intermodales pratiques pour les familles.
- 55 ‒ En 2013, la Commission européenne a introduit le concept de Planification de la mobilité urbaine durable (PMU), qui a été bien accueilli par les villes et les municipalités de toute l’Europe. Ce concept a permis de partager des expériences et de tirer des enseignements des meilleures pratiques, en soutenant la création et la mise à jour de centaines de plans de mobilité urbaine.
- 56 ‒ Inflation Reduction Act – Public Law No 117-169 passed on August 16, 2022.
- 57 ‒ Les objectifs de localisation de la chaîne de valeur des batteries définis dans les textes européens (Critical Raw Material Act, Net Zero Industry Act) doivent être atteints en 2030 alors que ceux définis dans l’IRA le sont dès 2023 (Alochet, 2023).
- 58 ‒ Source : SWD(2023) 68 final du 23 mars 2023.
- 59 ‒ L’empreinte carbone est définie par le règlement européen 2023/1542 comme : « la somme des émissions et des suppressions de gaz à effet de serre dans un système de produits, exprimée en équivalents de dioxyde de carbone et basée sur une étude de l’empreinte environnementale des produits (PEF). »
- 60 ‒ « Il y a fuite de carbone lorsque, en raison de coûts liés aux politiques climatiques, des entreprises de certains secteurs ou sous-secteurs industriels transfèrent leur production vers d’autres pays ou lorsque les importations en provenance de ces pays remplacent des produits équivalents dont l’intensité des émissions de gaz à effet de serre est moindre », indique le règlement européen 2023/956.
- 61 ‒ Voir annexe 5, les éléments relatifs à la directive Batteries.
- 62 ‒ Pour être complet sur ce sujet, nous mentionnons le site web belge écoscore, qui propose un calcul de l’écoscore d’un véhicule basé sur les informations fournies sur le certificat de conformité du véhicule concernant les émissions de CO2 et de polluants pour un ICEV et la consommation d’énergie pour un EV. Le calcul ne tient pas compte de la production et du recyclage, et la méthode de calcul n’est pas expliquée en détail.
- 63 ‒ ECI (2021)000005 – Cette initiative a été clôturée en février 2023.
- 64 ‒ Plongée en profondeur : vers une nouvelle note écologique pour les véhicules à l’échelle de l’UE, 13 mars, 2024
- 65 ‒ Produire les citadines électriques en France, pourquoi est-ce pertinent et possible ? Rapport Fondation pour la Nature et l’Homme et Institut des Mobilités en Transition, Mai 2024.
- 66 ‒ La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux exigences de circularité applicables à la conception des véhicules et à la gestion des véhicules hors d’usage fixe des exigences en matière de responsabilité élargie des producteurs (REP). Elle comprend l’obligation de veiller à ce que les véhicules devenus hors d’usage soient collectés et dépollués et implique des contributions financières définies à l’article 20 de cette proposition.
- 67 ‒ End of Life Vehicle Regulation – COM (2023) 451
- 68 ‒ Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux exigences de circularité applicables à la conception des véhicules et à la gestion des véhicules hors d’usage, modifiant les règlements (UE) 2018/858 et 2019/1020 et abrogeant les directives 2000/53/CE et 2005/64/CE – 1
- 69 ‒ Ce rapport analyse la capacité à produire des véhicules électriques des segments A et B à un prix abordable en France. Il se concentre principalement sur la définition d’une politique industrielle efficace pour parvenir à une relocalisation significative de la production en France.
- 70 ‒ La méthodologie pour calculer l’empreinte CO2 du véhicule devra être basée sur la proposition à venir (d’ici la fin de 2025 – Règlement (UE) 2023/851, Article 7). L’empreinte CO2 totale de la batterie devra être calculée comme l’indicateur proposé (Projet d’acte délégué Méthodologie CFB – Ares (2024) multiplié par la capacité de la batterie en kWh.
- 71 ‒ Selon l’hypothèse des auteurs, le coût du remplacement d’une batterie complète en après-vente serait d’environ 10 000 euros pour une petite voiture et probablement de plus de 20 000 euros pour une grande voiture ou un SUV.
- 72 ‒ Une taxe sur l’électricité utilisée pour charger le véhicule est également une des hypothèses évoquées par le gouvernement (DG Trésor, 2023).
- 73 ‒ En France, tous les territoires sont couverts par une telle Autorité Organisatrice des Mobilités (AOM), qui joue le rôle de gestionnaire de PMUD. L’existence des AOM permet de mieux identifier les besoins locaux de mobilité aux niveaux privé, public et professionnel et de mettre au point des solutions ad hoc adaptées aux caractéristiques topographiques, sociales et économiques de chaque territoire.
- 74 ‒ En 2009 les primes à la casse ont permis à des populations exclues de l’achat de voitures neuves de mettre au rebut de vieilles voitures et de s’équiper avec de véhicules neufs beaucoup plus petits et plus légers que la moyenne européenne. C’est aussi l’année où la réduction des émissions réelles des voitures a le plus baissé (Pardi 2022 – cité par le rapport Draghi sur ce point).
Quel serait l’impact d’un vesa sur la décarbonation et la compétitivité de l’industrie européenne ?
Créer un véhicule électrique abordable et écologiquement soutenable est un compromis raisonnable entre l’orientation donnée par l’Union européenne et la demande de certains constructeurs automobiles de repousser l’échéance de 2035 pour l’interdiction des moteurs émetteurs de CO2. Ce véhicule peut à la fois participer à la décarbonation du transport routier et aider l’industrie automobile européenne à gagner en compétitivité. À condition toutefois que ces véhicules atteignent rapidement un certain volume sur le marché européen.
Un parc européen qui ne se renouvelle plus assez vite
Selon le dernier rapport de l’association des constructeurs européens (ACEA) 250 millions de véhicules particuliers sont en circulation dans les 27 États membres. Or, comme nous l’avons déjà évoqué dans le chapitre 1, le parc automobile européen se renouvelle lentement depuis quelques années. Avec des immatriculations de véhicules légers passées de 12,5 millions en 2018 à 10,5 millions en 2023, le taux de renouvellement du parc a baissé de 5 % à 4,2 % – avec des véhicules électriques dont la part de marché ne progresse plus. Si ce niveau d’immatriculations se maintient, le renouvellement du parc automobile européen, qui prenait 20 ans, pourrait prendre presque 24 ans (et jusqu’à 45 ans dans les pays d’Europe centrale et orientale). Avec cette perspective, non seulement la neutralité carbone en 2050 risque de rester un vœu pieux, mais en outre l’industrie automobile va devoir faire face à nouveau à un problème de surcapacités de production et à de nécessaires restructurations et réduction des effectifs. Une réorientation de la politique européenne est donc urgente, pour, à la fois, maintenir le cap pour 2035, et aider l’industrie automobile européenne à réussir sa transition tout en respectant les échéances intermédiaires de 2025 et 2030. D’après nos calculs, il faudrait que les vesa représentent à terme entre 2,5 et 3,5 millions des ventes annuelles de véhicules particuliers. Ces ventes devront représenter des volumes supplémentaires pour que les ventes totales de véhicules particuliers reviennent à 12,8 millions de voitures et que la production automobile européenne totale se rétablisse aux niveaux d’avant la crise de Covid (en supposant que tous les véhicules soient produits en Europe). Cela nous rapprocherait en outre de la tendance observée au Japon, où les kei cars voient leur part de marché se stabiliser aux alentours de 30 %.
Il est par ailleurs essentiel d’électrifier ce qu’il reste du segment A en 2024-2025 en permettant aux Fiat 500, Fiat Panda, Renault Twingo ou Hyundai i10 de se maintenir à 600 000 exemplaires vendus par an pour atteindre les objectifs fixés à partir de 2025.
Nos calculs reposent sur l’hypothèse de la mise en place d’un calendrier précis (voir annexe 6). La nouvelle catégorie de véhicules vesa serait adoptée en 2025 pour entrer en vigueur en 2026. En parallèle, la réglementation sur les émissions de CO2 introduirait le multiplicateur vesa dès 2026 (x2) pour inciter rapidement les constructeurs à proposer une offre. Au même moment, l’écoscore européen fournirait des informations claires aux consommateurs sur la contribution des vesa à la décarbonation du transport et de la production automobile. Pour maximiser l’impact des vesa sur la décarbonation, de nouvelles politiques fiscales nationales et des mesures locales en faveur des véhicules électriques verraient le jour à partir de 2026/2027.
Un vesa à 15 000 euros
Sur la base de ces hypothèses, nous considérons que notre objectif de ventes de vesa comprises entre 2,5 et 3,5 millions serait atteignable en 2029-2030. Au moins la moitié de ces ventes seraient soutenues par des programmes de mise à la casse favorisant un renouvellement plus rapide du parc automobile, qui passera de 4 % actuellement à plus de 5 %.
Dans ces conditions, notre proposition pourrait contribuer à réduire les émissions de CO2 du parc automobile de 24 % (71 millions de tonnes de CO2) en 2035 et de 38 % (40 millions de tonnes de CO2) en 2050 par rapport à un scénario sans vesa, actuellement incompatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050. Nous pensons en particulier que le vesa représentera la principale solution technologique pour décarboner rapidement les parcs automobiles les plus âgés, situés en Europe du Sud et en Europe centrale et orientale.
Pour que cela soit plausible, il faut que le travail des constructeurs soit conduit en design to cost pour réduire leurs prix de revient de fabrication (PRF) en Europe. Sur la base du travail qu’ont proposé FNH et IMT dans leur rapport de 2024, il ressort que, par rapport à une Renault R5 électrique dont le PRF ressort un peu au-dessus de 16 000 euros pour un prix de vente voisin de 30 000 euros, un vesa devrait voir ce PRF baisser de 40 % environ pour passer sous la barre des 10 000 euros. Selon nos premières estimations et travaux antérieurs sur la Dacia Spring notamment, en réduisant considérablement la taille de la batterie, la puissance du moteur, les dimensions, poids et niveaux d’équipements des vesa, l’objectif serait atteignable et pourrait permettre de situer les prix de vente autour de 15 000 euros. De manière plus précise, avec des batteries de 25 kWh et des moteurs de 45 CV pour des véhicules de moins de 1 tonne, on peut diviser le coût de la partie groupe motopropulseur (batterie + moteur + électronique de puissance) par plus de 2 et réduire les autres coûts d’environ 30 %. À ce prix, et en bénéficiant d’aides fiscales, les vesa se présenteraient comme des alternatives électriques à un véhicule d’occasion pour la première ou la seconde voiture.
Un tel volume de production (en supposant que tous les véhicules soient produits en Europe) fournira un stimulus bienvenu à la structuration d’une chaîne de valeur européenne complète pour les batteries, et à la réactivation des compétences des fournisseurs automobiles en matière d’allègement et d’optimisation des pièces et des composants pour les petits véhicules. Cela stimulerait le système européen d’innovation automobile dans un secteur où il est historiquement fort (la chaîne de valeur hors systèmes et composants de la mobilité électrique) et maximiserait ainsi sa capacité d’adaptation aux nouveaux enjeux de la mobilité soutenable ainsi que sa capacité à rester un acteur clé dans le jeu automobile mondial.
Gagner en compétitivité face aux constructeurs chinois
Plus précisément, les vesa réactiveront et développeront les capacités de production existantes de l’industrie automobile européenne en matière de fabrication de petites voitures abordables qui peuvent aussi dégager une forte rentabilité75. Ils contribueront ainsi à préserver et à développer sa compétitivité, non seulement sur le segment haut de gamme, mais aussi sur les segments de véhicules à plus forts volumes menacés par les importations chinoises et la production chinoise basée en Europe.
En effet, si le renchérissement des taxes sur les importations chinoises peut constituer une solution temporaire satisfaisante, il ne rétablit pas durablement la compétitivité de l’industrie européenne. Au contraire, cette décision pourrait encourager les constructeurs chinois à installer de nouvelles usines d’assemblage en Europe, qu’ils consacreraient vraisemblablement en priorité à la production de véhicules accessibles. En créant la catégorie des vesa, l’UE donnerait à son industrie automobile une réelle chance de survivre à ces attaques grâce à une combinaison de deux facteurs qui permettrait de retrouver un terrain de jeu équitable : une baisse significative des prix des véhicules européens et une hausse des prix des véhicules chinois fabriqués en Europe suite à l’adaptation aux normes et coûts locaux de production.
Une nouvelle coalition européenne pour les vesa
Bien que nous soyons pleinement conscients des défis que notre proposition soulève, nous pensons qu’elle pourrait recueillir un large soutien de la part de tous les principaux acteurs du secteur automobile et de tous les États membres de l’UE.
Tout d’abord, à partir de 2025, tous les constructeurs européens devront s’orienter vers des voitures plus légères afin de se conformer à la réglementation sur le CO2 (voir chapitre 1). En outre, les vesa ne concurrenceront pas directement l’offre actuelle de véhicules électriques, précisément parce qu’ils ne ciblent pas la même clientèle : les vesa sont d’abord destinés à concurrencer les voitures d’occasion vieillissantes, c’est pourquoi ils contribueront à stimuler les ventes et la production.
Les ONG environnementales et les syndicats européens et nationaux de l’automobile devraient également soutenir la proposition, d’autant plus qu’elle est en cohérence avec plusieurs de leurs propres propositions en faveur de voitures électriques plus petites et plus abordables (Fondation Nicolas Hulot et CFDT 2021 ; CGT Renault 2023). De la même manière, le comité européen des régions (CDR) et en particulier de l’Alliance des régions automobiles du CDR devrait percevoir les avantages de la production des vesa, notamment dans les régions où le volume de production est aujourd’hui particulièrement menacé.
Parce que notre proposition vise à réduire significativement les coûts d’acquisition et d’utilisation des voitures pour des millions de consommateurs européens, tout en les aidant à prendre le train de l’électrification, nous nous attendons également à ce que le bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) voie notre proposition d’un bon œil, d’autant plus que l’écoscore contribuera à une plus grande transparence envers le consommateur.
Nous pensons également que notre proposition pourrait s’adresser aux différents gouvernements de l’UE préoccupés par la capacité de leurs pays et de leurs industries automobiles à prendre le train de l’électrification tout en préservant l’emploi et en garantissant une bonne qualité d’emploi.
Enfin, et de manière plus générale, cette démarche donnera une impulsion bienvenue et une orientation plus claire aux différents volets des politiques du Green Deal de l’Union européenne – tels que le Net Zero Industrial Act, le règlement sur les batteries, le MACF, le règlement sur l’homologation des véhicules, le règlement sur le CO2, le cadre et le fonds Just Transition, le marché du carbone de l’ETS 2, etc. – ce qui permettra à la Commission européenne de les articuler plus facilement au sein d’une politique industrielle cohérente.
- 75 ‒ Dacia, marque du groupe Renault, est très rentable sur le segment des véhicules abordables. Voir par exemple : Martin J., 2021, « Dacia, le bijou de rentabilité du groupe Renault opère sa mue », nlto.fr, 14 janvier.
Conclusion
L’électrification de nos activités et plus particulièrement de notre mobilité individuelle doit être l’occasion d’un New Deal autour de la voiture. C’est en effet l’occasion de repenser sa place en tant qu’outil de mobilité dans les sociétés européennes et en tant qu’industrie.
D’une certaine manière, l’Inflation Reduction Act de Joe Biden a traité l’électrification et l’hostilité qu’elle suscite de manière très politique, en liant l’Accord de Paris à une politique de subventions massives et de protection très ferme contre les importations et les installations chinoises. De son côté, l’Union européenne s’est contentée de fixer des objectifs d’électrification très ambitieux tout en laissant l’industrie en assumer les conséquences. Puisqu’il n’est pas question de revenir en arrière, alors il faut se remettre sur les rails et chercher des compromis qui rendront cette transition écologiquement, socialement et industriellement crédible. De la même manière que les vesa seraient une composante majeure des politiques de mobilité locale, le cadre politique et financier destiné à créer cette catégorie et à lui donner l’importance qu’elle mérite pourrait symboliser cette réorientation.
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Annexes
Annexe 1 – Résumé des règles de calcul pour l’objectif CAFE annuel d’un constructeur automobile depuis 2012
Source : résumé des auteurs sur les objectifs d’émissions de CO2 pour les véhicules particuliers entre 2012 et 2034 (sur la base du document JCR133502).
Annexe 2 – Quelles exigences de sécurité pour un M0 vesa ?
Note : la définition d’un M0 vesa contribue à réduire l’impact des réglementations actuelles sans compromettre la sécurité des occupants et des autres usagers de la route.
Annexe 3 – Comparaison SWOT des propositions M0 vesa et M1 vesa
Annexe 4 – Impact réglementaire de la création d’une catégorie M0 vesa et d’une sous-catégorie M1 vesa
Sources : articles cités issus des règlements pertinents.
Annexe 5 – Résumé des réglementations européennes pouvant contribuer à la définition de l’écoscore
Annexe 6 – Calendrier de mise en œuvre de la proposition vesa
Biographie des auteurs
Ingénieur de formation, Marc Alochet a effectué la majeure partie de sa carrière au sein de l’ingénierie d’un groupe automobile français. Il a ensuite rejoint le centre de recherche en gestion de l’école polytechnique où il a soutenu en 2020 une thèse consacrée à la transition vers l’électromobilité. Il poursuit depuis lors des travaux de recherche et s’intéresse tout particulièrement aux effets des règlementations sur les dynamiques de l’industrie automobile mondiale.
Maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux depuis 1996, Bernard Jullien a été directeur du Gerpisa de 2007 à 2015. Il a principalement travaillé à développer une économie politique des industries et a appliqué cette approche à l’analyse de l’industrie et des services automobiles en s’impliquant à la fois dans la recherche et dans l’action économique auprès des acteurs. Outre ses articles et ouvrages académiques, il publie depuis 15 ans une chronique hebdomadaire dans Autoactu.com chaque lundi.
Samuel Klebaner est maître de conférences en économie à l’Université Sorbonne Paris Nord. Ses recherches portent sur la politique industrielle française et européenne affectant divers secteurs de la métallurgie, dont l’automobile. Sa thèse, publiée aux Presses des Mines, portait notamment sur les limites d’émissions de polluants des véhicules européens. Il est membre du comité d’organisation du Gerpisa.
Tommaso Pardi est sociologue, chargé de recherche au CNRS et directeur du Gerpisa, le principal réseau international de recherche en sciences sociales sur le secteur automobile. Il a publié des ouvrages sur les transformations du secteur automobile, couvrant les questions liées au travail et à l’emploi, les structures et réglementations du marché, les politiques industrielles et les stratégies des entreprises.
Marc Alochet, Bernard Jullien, Samuel Klebaner et Tommaso Pardi, Légère et abordable : les clés d’une voiture électrique à succès, Les Docs de La Fabrique, Presses des Mines, 2025. ISBN : 978-2-38542-660-6
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