Allier industrie et ruralité : Aurillac – Figeac – Rodez
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Avant-propos
Pourquoi certains territoires sont-ils plus dynamiques que d’autres sur le plan industriel ? Quelles conditions locales permettent le maintien, voire la croissance, des emplois industriels dans certains territoires ? Voici les questions auxquelles cherche à répondre l’observatoire des Territoires d’industrie, co-créé et animé par La Fabrique de l’industrie.
Parmi les 183 territoires labellisés Territoires d’industrie – qui bénéficient à ce titre du programme éponyme visant à favoriser le développement territorial de l’industrie –, plusieurs ont déjà fait l’objet d’études spécifiques publiées par La Fabrique de l’industrie : Angoulême-Cognac, Alès, Alsace centrale, Seine-Aval-Mantes. Cette fois, ce Doc se concentre sur un territoire qui se distingue d’abord par sa ruralité et son enclavement géographique : le territoire Aurillac-Figeac-Rodez. En dépit de ces deux caractéristiques, a priori peu compatibles avec un développement industriel, ce territoire abrite de nombreux sous-traitants des secteurs de l’aéronautique, de la machine-outil, de l’automobile ou encore de la défense. En réunissant les collectivités locales et les industriels autour d’une même table pour définir les actions prioritaires à mener, le programme Territoire d’industrie pourrait même faire naître de nouvelles formes de coopérations et de synergies.
Nous espérons que ce document offrira aux industriels, aux collectivités locales et aux décideurs publics des pistes de réflexion sur la revitalisation des territoires industriels et sur les pratiques locales. Nous recueillerons avec grand intérêt vos retours dans ce domaine.
La collection des « Docs de La Fabrique » rassemble des textes qui n’ont pas été élaborés à la demande ni sous le contrôle de son conseil d’orientation, mais qui apportent des éléments de réflexion stimulants pour le débat et la prospective sur les enjeux de l’industrie.
L’équipe de La Fabrique de l’industrie
Résumé
Au regard de son histoire et de la spécialisation industrielle des territoires qui le composent, on peut se demander pourquoi le territoire Aurillac-Figeac-Rodez a été labellisé Territoire d’industrie. D’un côté, Figeac et Rodez présentent un très fort dynamisme dans les activités mécaniques, au service des secteurs aéronautique et automobile notamment. Ce dynamisme est le fruit de la construction dans la durée d’un système d’acteurs et de compétences le long d’un axe Figeac-Rodez, entre Lot et Aveyron, qui déborde par définition des frontières administratives des départements et allie un espace urbain et des territoires ruraux. De l’autre, les bassins d’Aurillac et de Saint-Flour ont un profil industriel différent, tourné vers les domaines de l’agroalimentaire, de la transformation du bois, de la plasturgie et de la pharmacie. Le territoire dans son ensemble se caractérise par sa ruralité et son enclavement, faisant de la recherche de la taille critique et de synergies un objectif partagé par de nombreux acteurs économiques et politiques.
La structure industrielle de l’axe Figeac-Rodez est née de différents choix stratégiques. À Figeac, ceux-ci sont liés au contexte géopolitique des années 1930 et à la décision nationale d’éloigner les activités aéronautiques stratégiques de l’Allemagne, dans l’Aveyron à la première industrialisation autour des bassins miniers de Decazeville et d’Aubin. Cette structure autour des activités mécaniques, rassemblant entre autres la fabrication de produits métalliques, de machines et équipements, la fabrication d’équipements automobiles et aéronautiques, a évolué au fil du temps sous l’influence des acteurs locaux, aussi bien publics que privés, amenant très tôt les spécialistes à parler de ce territoire comme d’un district industriel. La labellisation du bassin Figeac-Rodez en système productif local (SPL) à la fin des années 1990, puis celle du bassin Brive-Figeac-Rodez en grappe d’entreprises exemplaire à la fin des années 2000 nommée Mecanic Vallée, rendent bien compte de l’existence de ce cluster. La Mecanic Vallée demeure aujourd’hui l’une des figures représentatives de la dynamique positive de ce territoire.
Cette dynamique a toujours été liée au groupe Ratier-Figeac, fabricant d’hélices devenu équipementier de premier rang pour Airbus, Boeing, ATR, Dassault ou encore Bombardier, qui s’est installé dans le territoire de son fondateur à la fin des années 1930 en réponse à une injonction politique. Il fait partie des entreprises qui ont mis en œuvre une stratégie d’essaimage à la fin des années 1980, qui a permis de soutenir l’émergence de petites entreprises locales. Ayant besoin de forces productives supplémentaires pour répondre à la forte demande qui lui était adressée, le groupe a permis à certains de ses salariés de créer leur entreprise de sous-traitance en leur en donnant des moyens financiers et une ouverture à son réseau leur assurant des débouchés. Figeac Aéro, issu de cet essaimage, sert aujourd’hui les mêmes constructeurs aéronautiques que Ratier-Figeac ; Fem Aéro devenu Fem Technologies sert différents marchés, de l’aéronautique au médical en passant par le ferroviaire et les télécoms, en câblage. D’autres entreprises de sous-traitance se sont implantées dans le territoire, en ayant une stratégie de production en petites séries et de maîtrise du cahier des charges afin de ne pas être dépendantes de leurs donneurs d’ordre.
C’est donc moins un produit final qui définit ce territoire que les savoir-faire développés en matière de mécanique ; les compétences constituent alors le facteur d’ancrage local des entreprises. On comprend dès lors que le ralentissement de la croissance démographique des années 1990 ou le faible taux de chômage observé plus récemment créent des tensions pour les entreprises lorsqu’elles cherchent à recruter. C’est pour cela que les industriels se sont mobilisés dès les années 1990 pour créer l’IUT de Figeac, qui offrait des formations répondant à leurs besoins. Ils mettent aussi en place des prêts de main-d’œuvre pendant les périodes de forte turbulence du cycle économique et des stratégies de fidélisation des salariés.
Plus généralement, les relations entre les industriels locaux sont moins des relations d’affaires que des relations interpersonnelles qui leur permettent d’échanger sur leurs problématiques partagées et d’y apporter des solutions. La création de la Mecanic Vallée répond justement à la volonté de créer un réseau d’acteurs sur un territoire s’étalant de Limoges à Rodez en incluant Brive, Cahors, Figeac et Aurillac ; la Mecanic Vallée joue alors un rôle d’intermédiaire territorial, dans le sens où elle organise notamment des événements pour mettre en relation les parties prenantes et orchestre les actions collectives. Ces actions (y compris la création de l’IUT de Figeac) n’auraient pas pu se concrétiser sans le concours des acteurs publics et d’entrepreneurs politiques, notamment celui de Martin Malvy, maire de Figeac, ministre, député et président de région.
Les liens entre acteurs publics et privés, locaux et nationaux, se sont récemment renforcés avec la création d’autres réseaux tels que le pôle territorial de coopération économique (PTCE) Figeacteurs en 2015, qui accompagne le développement d’activités dans le territoire, y compris parfois en association avec la Mecanic Vallée. La présence locale de la Région puis, plus récemment, de Bpifrance, constitue des atouts supplémentaires pour la construction de coopérations public-privé. Les programmes récents en faveur de la réindustrialisation – Territoires d’industrie, Rebond industriel – ont permis la réalisation de projets industriels qu’il restait à concrétiser.
Pour les acteurs impliqués dans le programme Territoires d’industrie, l’enjeu de la seconde phase du programme réside dans la mise en évidence de synergies potentielles entre Aurillac d’un côté et Figeac-Rodez de l’autre. Une première problématique commune concerne la gestion du foncier : dispersion des activités économiques, faible densité des habitations, pénurie de foncier liée au paysage de vallée. En outre, dans le cadre de la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols, des problématiques anciennes réapparaissent (la rénovation des logements) et de nouvelles se manifestent (la nécessité de densifier).
La seconde concerne la valorisation de ressources et de savoir-faire autour du bois présents dans la majorité des intercommunalités du Territoire d’industrie. La création d’une filière bois est en cours de réflexion. Toutefois, la reproduction d’une « vallée du bois » sur le modèle de la Mecanic Vallée ne se fera pas en un jour ; elle suppose la construction d’un système d’acteurs dans le temps long, l’implication d’entrepreneurs territoriaux ou politiques ainsi que des acteurs publics. Or, les acteurs du bois sont isolés, de leurs propres dires. Le défi est donc immense.
Remerciements
Mes sincères remerciements vont à mes parents, ma sœur, mon papi, ma petite sœur et mon petit frère, fidèles et inconditionnels soutiens !
Un grand merci à Hervé Danton, délégué général de la Mecanic Vallée, pour sa confiance, sa présence et nos nombreux échanges depuis 10 ans.
Un grand merci aussi à Caroline Granier, cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie, pour sa présence, sa (très grande) patience et ses retours qui m’ont fait prendre conscience de certains aspects du territoire. Merci également à Émilie Binois, responsable éditoriale de La Fabrique de l’industrie, pour sa relecture.
Une pensée amicale pour Minoï Marchand et Clément Delrieu, fers de lance du Territoire d’industrie, jeunesse porteuse d’idées et d’initiatives à haute valeur pour notre territoire.
Un merci à tous les copains, filleuls et compagnons de route pour avoir supporté (double sens) mes absences et mes retards en raison du travail.
Enfin, merci aussi à Bertrand Blancheton, Frédéric Gaschet, doyens de la faculté d’économie, gestion et AES de Bordeaux pour la confiance témoignée ces 8 dernières années. Avec eux, que soient remerciés les collègues qui ont entretenu ma curiosité, mes connaissances et mon état d’esprit.
Introduction
Le territoire d’industrie « Aurillac-Figeac-Rodez » constitue un cas d’école.
Ce Territoire d’industrie, qui rassemble 17 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), s’étend sur 3 départements (Aveyron, Lot et Cantal) eux-mêmes situés dans 2 régions (Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes), apporte la preuve que les activités et l’identité d’un territoire ne se définissent pas nécessairement à l’intérieur de frontières administratives, mais bien par le comportement des acteurs économiques eux-mêmes. L’axe Figeac-Rodez apparaît à bien des égards cohérent en matière de système productif, comme nous allons le voir. Bien qu’il soit enclavé et à dominante rurale, ce territoire rayonne au niveau mondial, grâce à des acteurs majeurs de la sous-traitance aéronautique et automobile, tels que le fabricant d’hélices Ratier Figeac, l’usineur Figeac Aéro ou le producteur de pièces automobiles Bosch Rodez implantés sur l’axe Figeac-Rodez. Ce dernier s’est organisé autour des activités mécaniques depuis les années 1940 et, depuis, a toujours démontré des performances positives en matière industrielle.
Le bassin d’Aurillac, plus discret et moins identifiable à une industrie, se caractérise, lui, par la prédominance des activités agroalimentaires, de la plasturgie et de la pharmacie. Le point commun des intercommunalités comprises dans le périmètre Territoires d’industrie est donc leur caractère principalement rural et leur enclavement. Certes, la géographie est une condition de base qui influence la structure industrielle d’un territoire mais elle n’est pas la seule. L’histoire, le cadre réglementaire ou encore les stratégies des acteurs l’influencent également.
À l’aide de documents de recherche, de la presse locale et de 36 entretiens réalisés auprès d’acteurs locaux, nous cherchons à comprendre ce qui fait la réussite de l’axe Figeac-Rodez. En particulier, nous analysons le rôle des différents acteurs et la manière dont ils interagissent pour assurer la pérennisation du tissu productif. Nous revenons également sur le rôle joué par le programme Territoires d’industrie et par les dispositifs de soutien à l’industrie dans ce territoire. Nous étudions enfin si – et comment – le programme Territoire d’industrie est de nature à faire naître de nouvelles synergies dans ce territoire élargi, où les acteurs ont déjà des schémas de fonctionnement bien ancrés.
Figure 1 – Le territoire d’industrie Aurillac-Figeac-Rodez
Source : Observatoire des Territoires, ANCT.
Note aux lecteurs : les acteurs interrogés dans le cadre de cette étude ont souhaité garder l’anonymat. Par conséquent, leurs témoignages sont reportés dans le texte, avec comme indications leur secteur d’activité et leur département d’implantation détaillés en annexe.
Des conditions historiques et géographiques structurantes
Grâce à la présence de mines de charbon à Decazeville puis à la relocalisation, dans ce territoire, de plusieurs activités stratégiques à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le Territoire d’industrie Aurillac-Figeac-Rodez a su allier très tôt ruralité et industrie. Le développement du territoire a toutefois été guidé aussi par sa topographie.
Un territoire principalement rural
Le Territoire d’industrie Aurillac-Figeac-Rodez couvre trois départements : le Lot, l’Aveyron et le Cantal. Tous les trois sont des départements principalement ruraux, c’est-à-dire que la majeure partie de leur population vit dans des espaces peu denses et non dépendants d’un pôle urbain1. Parmi les 17 intercommunalités composant le territoire, seules Rodez Agglomération et le Bassin d’Aurillac sont considérées comme urbaines (Méloux et Péalaprat, 2021). Si on descend à l’échelle plus fine des communes, dans le Lot, seules les villes de Cahors, Figeac et Pradines sont considérées comme des espaces urbains. Dans l’Aveyron, 8 communes sur 277, dont Rodez et ses villes voisines (Le Monastère, Olemps et Onet-le-Château) ainsi que Villefranche-de-Rouergue, sont considérées comme urbaines2. Enfin, dans le Cantal, Aurillac et Saint-Flour constituent les seuls espaces urbains du territoire.
Figure 1.1 – Carte du Territoire d’industrie avec les 17 EPCI et les principales villes de ces EPCI
Source : Observatoire des territoires, ANCT
Une évolution démographique favorable
Entre 1968 et 2021, le Territoire d’industrie a gagné 4 % d’habitants malgré la déprise démographique des années 1980 et 1990. Plus particulièrement, les intercommunalités de Cahors, Rodez et d’Aurillac ont gagné des habitants, tandis que Decazeville en a perdu sans discontinuer. Dans le Grand-Figeac, la population a baissé pendant les années 1980 et 1990 puis a augmenté de nouveau pour retrouver son niveau de 1968. Les communautés de communes Causses et Vallées de la Dordogne (Cauvaldor), Conques-Marcillac et Pays Ségali Communauté ont d’abord connu une diminution relative de leur population entre 1968 et 1999 avant de retrouver une croissance modérée sur la période récente.
Figure 1.2 – Évolution de la population en nombre d’habitants dans les EPCI de plus de 20 000 habitants du Territoire d’industrie entre 1968 et 2021
Sources : Insee, RP2010, RP2015 et RP2021, exploitations principales, géographie au 01/01/2024.
Figure 1.3 – Évolution de la population en nombre d’habitants dans les EPCI de moins de 20 000 habitants du Territoire d’industrie entre 1968 et 2021
Sources : Insee, RP2010, RP2015 et RP2021, exploitations principales, géographie au 01/01/2024.
Dans les territoires qui ont connu un accroissement de la population entre 2015 et 2021, on observe un solde migratoire positif, révélateur d’une certaine attractivité. Néanmoins, ces territoires sont également caractérisés par un vieillissement de leur population : les plus de 64 ans représentent plus d’un quart de la population totale sauf dans l’intercommunalité du Pays Rignaçois. Ils représentent même près d’un tiers de la population de Decazeville Communauté et de Cauvaldor, quand la moyenne nationale est à 20,5 % (Insee, RP 20213).
Parallèlement à cet accroissement démographique, on observe une augmentation de 5,5 % de l’emploi salarié privé total entre 2013 et 2023 selon les données de l’Acoss. Cette évolution positive de l’emploi concerne l’ensemble des intercommunalités du Territoire d’industrie, à l’exception de quatre, dont celle de Decazeville.
En outre, une grande partie du territoire présente un taux de chômage plus faible que dans le reste du territoire national. Compte tenu du vieillissement de la population et de la faible mobilité des travailleurs, cet avantage suscite aussi des tensions dans les recrutements, lorsque l’activité économique est au plus haut du cycle.
Figure 1.4 – Évolution de l’emploi total par intercommunalités entre 2013 et 2023 (tauxde croissance annuelle moyen)
Sources : Acoss, Urssaf.
Figure 1.5 – Évolution du taux de chômage localisé des zones d’emplois4 comprises dans le Territoire d’industrie entre 2003 et 2023
Sources : Insee, CLAP.
Note : la médiane est calculée sur l’ensemble des zones d’emplois métropolitaines.
Pour ce qui est de la qualification de la main d’œuvre, l’ensemble des intercommunalités suivent une tendance à la hausse sur la période 2010-2021. Les plus grandes intercommunalités (Figeac, Cahors, Aurillac, Rodez) se démarquent, avec environ 30 % de la population diplômée du supérieur. Ce taux est inférieur à 20 % pour les intercommunalités de Decazeville et du Bas Requistanais. Quant à la part de non diplômés parmi les 15 ans et plus, ces mêmes villes se distinguent : les plus grandes ont des taux inférieurs à 20 %, les plus petites et Decazeville ont des taux compris entre 20 et 25 %.
La genèse d’un territoire industriel
L’histoire industrielle du territoire a débuté le long de l’axe Figeac-Rodez, en trois périodes particulièrement structurantes. La première est celle de la première révolution industrielle menant à l’ouverture des mines de charbon dans le bassin de Decazeville. La deuxième correspond à la période qui a précédé la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle des activités stratégiques du pays ont été implantées sur le territoire. La troisième correspond à la fermeture des mines de charbon de Decazeville dans les années 1960.
Decazeville est en effet représentative de la ville qui s’est créée et développée autour du charbon durant la première révolution industrielle. En 1826, le Duc Decazes, ancien ministre de Louis XVIII, crée la Compagnie des houillères et fonderies de l’Aveyron afin d’extraire le charbon et le minerai de fer sur le bassin de Decazeville-Aubin (Ducrot, 1932). L’objectif est de produire de la fonte à partir de houille (et plus de charbon de bois) pour servir la construction des chemins de fer. Dans la seconde partie du xixe siècle, les mines alimentent aussi la production automobile, le secteur de la défense (torpilles marines) et la production d’équipements intérieurs comme les plaques de foyers. La « ville-usine » se développe grâce à cette industrie. En 1954, plus de 30 000 personnes y vivent et 71 % des emplois se trouvent dans l’industrie.
À partir des années 1950, la production des mines de Decazeville devient déficitaire, comme celle des autres mines françaises5, en raison de la concurrence américaine sur le charbon et du développement de la production pétrolière au Moyen-Orient. L’exploitation des mines de Decazeville cesse en 1965 et leur fermeture est annoncée en 1966. Le bassin perd 21 % de ses emplois sur la période 1954-1968 (Commission européenne, 1972).
Néanmoins, les activités métallurgiques se sont développées en parallèle des activités minières. Le territoire compte notamment plusieurs usines à zinc, comme celle de Vieille Montagne à Viviez (Aveyron), qui mobilisent le charbon pour extraire le minerai de zinc de la région. Ce sont donc sur ces activités que s’est fondée la reconversion du territoire dans les années 1960, organisée autour de l’attraction de grands groupes : le producteur d’aluminium Pechiney, à Laval-sur-Cère dans le nord du Lot et l’équipementier automobile allemand Bosch, à Onet-le-Château (proche de Rodez). Bosch a racheté deux établissements et l’exploitation d’un brevet sur les pompes à injection à la société Précision mécanique de Labinal alors en difficulté. Là encore, des considérations politiques expliquent le maintien du site à Rodez : selon Lugan et Poinard (1973), des négociations entre les gouvernements français et allemand expliquent ce maintien. Les chocs pétroliers des années 1970 et la montée de la concurrence étrangère dans les années 1980 ont mis fin aux activités métallurgiques de Vieille Montagne et de Pechiney.
Une nouvelle phase de reconversion s’ouvre alors. Decazeville devient l’un des quinze pôles de conversion du pays et la Société de réindustrialisation de Decazeville (Sorid), dotée de 80 millions de francs, est créée pour soutenir l’implantation de nouvelles activités et la reconversion de la main-d’œuvre (Guillaume, 2008). La stratégie est alors basée sur la constitution d’un tissu de PME spécialisées dans la mécanique, la menuiserie, l’agro-alimentaire et la haute technologie6. De nouvelles PME s’appuyant sur des compétences du territoire se créent notamment dans le domaine de la fonderie de pièces mécaniques, l’électromécanique et la mécanique de précision, à l’image de MTI, fondée par d’anciens employés de la sidérurgie. Ces entreprises ont en commun de servir plus particulièrement les secteurs aéronautique et automobile.
Ce développement de la sous-traitance a été favorisé par la présence du secteur aéronautique dans la région toulousaine et de Ratier-Figeac dans le territoire, liée aux deux guerres mondiales. En effet, à la fin de la Première Guerre mondiale, l’Aéropostale, ancêtre d’Air France, s’est installée à proximité de Toulouse pour s’éloigner du front de guerre. Dans la seconde moitié des années 1930, une politique de décentralisation industrielle visant à protéger les secteurs stratégiques des tensions et des conflits avec l’Allemagne est mise en place, menant Ratier, fabricant parisien d’hélices pour les avions, à s’implanter dans le territoire d’origine de son fondateur, en 1937. C’est également le cas de la Bomap (Boulonnerie et matriçage de précision) en 1939, qui deviendra Blanc Aéro dans les années 1980 puis Lisi Aerospace dans les années 2000.
C’est également cette période de conflit qui a guidé la création d’un centre d’études de la direction de l’armement loin de Paris et du front, à Gramat, en 1949, centre qui sera rattaché une première fois au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) en 1962 puis une seconde fois en 2011.
Une géographie contraignante
La topographie du territoire a également façonné son urbanisation et les activités économiques qui pouvaient s’y implanter.
Des paysages au relief prononcé
L’ensemble des villes du Cantal sont classées en zone de montagne (Danis et Privas, 2023). Aurillac se situe au pied du massif du Cantal, plus grand volcan d’Europe, et est également bordée par différents plateaux. Figeac se situe entre les causses du Quercy constituées de plateaux calcaires et des zones de falaises et de montagnes. Rodez a quant à elle été construite sur une butte, le Piton, et est entourée d’un côté par le ségala qui alterne vallées et plateaux, et de l’autre, par le causse Comtal caractérisé par un sol peu propice à l’agriculture (hormis le seigle) et un réseau hydraulique dense. Enfin, la rivière Lot traverse les départements du Lot et de l’Aveyron, depuis la Lozère jusqu’au Lot-et-Garonne. En particulier, Decazeville est construite dans la vallée du Lot ; Cahors est quant à elle encerclée par le Lot et parfois qualifiée de presqu’île.
Ces paysages contraignent l’implantation des activités économiques. Par exemple, les zones d’activités ne peuvent s’implanter que sur des terrains plats. Par ailleurs, ces zones sont peu accessibles, limitant l’aire d’influence des acteurs économiques.
Un enclavement certain, des ressentis différenciés
Cet enclavement a pu protéger le territoire de la concurrence lorsque les premières activités économiques et industrielles se sont développées mais il a également constitué un frein à l’internationalisation de son économie (Guglielmo, 1955). Aujourd’hui, l’enclavement n’est pas vécu de la même façon par tous les acteurs du territoire, selon qu’ils ont accès ou non aux infrastructures de transport.
Lorsque les acteurs sont interrogés sur l’enclavement, ils utilisent spontanément une unité de mesure : la durée nécessaire pour se rendre chez un contact et revenir à la maison. La journée est la durée jugée acceptable pour ne pas mobiliser trop longtemps le personnel et ne pas engager trop de frais. Ainsi, au vu de ce critère, plusieurs acteurs locaux estiment globalement être plutôt bien placés sur le territoire industriel, car pas trop éloignés des métropoles de Toulouse, Limoges ou Clermont-Ferrand. Cela est particulièrement vrai pour les entreprises se situant au sud de Rodez, qui profitent des autoroutes A20, A75 et A89 allant vers Paris, Toulouse, Bordeaux et Clermont-Ferrand. Les acteurs de Figeac et d’Aurillac, sans accès direct à l’autoroute, ont beaucoup plus de difficultés en raison d’un réseau routier secondaire peu rapide et traversant de nombreuses villes. Les axes A20-Figeac et Rodez-Figeac ont été sensiblement améliorés mais de nombreuses petites routes pour les relier sont encore en souffrance, souligne un chef d’entreprise du Lot spécialisé dans le traitement des métaux.
Néanmoins, l’enclavement est plus fortement ressenti lorsqu’il s’agit d’atteindre Paris, qui se situe à cinq heures du territoire en voiture. Les aéroports régionaux (Brive Souillac Vallée de la Dordogne, Rodez-Marcillac et Aurillac) bénéficient de liaisons aériennes quotidiennes avec la capitale mais leur accès est difficile.
Il existe également des lignes TER vers Toulouse, Brive, Rodez et Aurillac et des lignes Intercités de nuit qui relient Paris-Rodez et Paris-Aurillac. Ces deux lignes connaissent néanmoins des difficultés récurrentes : manque de locomotives thermiques (la voie n’est pas électrifiée), glissements de terrain (Sénat, 08/02/2024), etc. La coopérative Railcoop a proposé en 2017 une solution de fret ferroviaire sur la région, en desservant Capdenac à Toulouse. Néanmoins, peu d’industriels locaux ont choisi cette solution (à l’exception de Fibre Excellence de la filière bois) et des problématiques demeuraient irrésolues, notamment celle du dernier kilomètre entre la gare et les clients (Goubin, 2023). Cette activité de fret a pris fin en 2023.
Enfin, lorsqu’il s’agit de déplacements internationaux, les acteurs s’estiment unanimement très fortement enclavés. Certains chefs d’entreprise témoignent de leur épuisement à se déplacer à l’étranger, où la prospection et l’entretien des liens avec les clients les conduisent régulièrement.
- 1 – L’Insee définit trois catégories de communes en fonction de leur densité de population (nombre d’habitants et leur répartition) : les communes densément peuplées, les communes de densité intermédiaire et les communes rurales. Le degré d’influence d’un pôle d’emploi permet de distinguer les communes rurales autonomes et celles sous influence d’une aire d’attraction de plus de 50 000 habitants.
- 2 – Les trois autres sont Millau, Creissels à proximité de Millau et Saint-Affrique, toutes trois situées hors du périmètre du Territoire d’industrie.
- 3 – Nous renvoyons ici au dossier complet de chaque intercommunalité réalisé par l’Insee sur son site à partir des données du recensement de la population.
- 4 ‒ Les zones d’emplois comprises dans le Territoire d’industrie sont : Nord-du-Lot, Figeac Villefranche, Rodez, Aurillac, Saint-Flour, Cahors.
- 5 – On peut notamment citer le cas d’Alès, qui a connu par ailleurs le même mouvement de reconversion appuyé sur de grands groupes (Granier, 2023).
- 6 – Cette nouvelle stratégie, fondée sur des PME ainsi que sur la diversification des activités, n’est pas non plus propre à Decazeville (voir le cas d’Alès, ibid.).
Un territoire spécialisé et organisé autour d’acteurs clés
Le territoire Aurillac-Figeac-Rodez, l’un des plus vastes Territoires d’industrie labellisés, se distingue à la fois par sa forte spécialisation et par la concentration de l’emploi autour d’un petit nombre d’entreprises dans chaque EPCI. Dans le cas de l’axe Figeac-Rodez, cette spécialisation se définit moins par la domination d’un secteur au sens de la nomenclature statistique que par divers secteurs de cette nomenclature mobilisant des savoir-faire en mécanique.
Une dynamique positive de l’emploi industriel assez diffuse entre intercommunalités
L’emploi salarié privé industriel dans le territoire a connu une évolution positive entre 2013 et 2023 : il a augmenté de 2,25 %, ce qui est supérieur à la croissance de 1,5 % observée à l’échelle nationale. Sur les 17 intercommunalités composant le Territoire d’industrie, 10 ont connu une croissance de leur emploi industriel sur cette période. Dans chacune d’elles, le poids de l’industrie dans l’emploi total est supérieur à 12 %7, ce qui illustre leur identité industrielle (et justifie leur inclusion dans le programme Territoires d’industrie).
Figure 2.1 – Évolution de l’emploi salarié privé industriel sur la période 2013-2023 par intercommunalités
Sources : Acoss, Urssaf.
Plusieurs territoires connaissent un bon dynamisme en matière d’emploi industriel : ceux du Lot, historiquement industriels et rassemblant un grand nombre d’emplois (Causses et Vallées de la Dordogne et Grand-Figeac), ainsi que ceux du Cantal (Bassin d’Aurillac, Saint-Flour Communauté et l’intercommunalité de la Châtaigneraie cantalienne). En revanche, Rodez Communauté et Decazeville Communauté laissent malheureusement apparaître les stigmates des chocs industriels présents (automobile pour Rodez) et passés (mines) pour Decazeville. Le Grand-Figeac semble avoir souffert de la crise liée au Covid, mais dans une proportion moindre que Decazeville ou Rodez. Dans l’Aveyron, le Pays Rignacois et le Pays Ségali Communauté se distinguent par leur dynamisme même si ces deux communautés de communes ne concentrent que peu d’emplois.
Une spécialisation dans l’agroalimentaire et la mécanique
D’après les données de l’Acoss, basées sur les déclarations des salariés des entreprises privées, deux secteurs-clés, c’est-à-dire à la fois spécialisés et spécifiques8, se détachent dans ce Territoire d’industrie : les industries alimentaires9 et la fabrication de produits métalliques. Tous deux fournissent une part significative des emplois du territoire et y sont environ 2,5 fois plus présents que dans l’économie française. Ce résultat est en lien direct avec la surreprésentation de l’agriculture dans le territoire – sa part dans l’emploi total est égale à 7,1 % en 2021, bien au-delà de la moyenne nationale de 2,5 % selon les données du recensement de l’INSEE.
Si les secteurs du bois et de la fabrication de meubles ne sont pas les principaux pourvoyeurs d’emplois, ils constituent pourtant eux aussi des secteurs clés du territoire dans la mesure où leur coefficient de spécificité est supérieur à 2. Suivent ensuite les secteurs liés au transport (aéronautique et automobile) : la fabrication d’autres matériels de transport et l’industrie automobile fournissent respectivement 1,60 % et 1,53 % de l’emploi total et sont davantage représentées dans le territoire qu’à l’échelon national.
Lorsqu’on ajoute les contributions des différents secteurs (fabrication de produits métalliques, d’autres produits minéraux, de machines et d’équipement, d’autres matériels de transport et industrie automobile), on observe une spécialisation autour des savoir-faire en mécanique.
Figure 2.2 – Spécialisation et spécificité du Territoire d’industrie en 2023
Sources : Acoss, Urssaf.
Note : Si le coefficient de spécificité est inférieur à 1, cela signifie que le secteur est moins représenté dans le Territoire d’industrie qu’en France.
Une spécificité relativement homogène entre intercommunalités
En décomposant ces chiffres par intercommunalités, deux constats peuvent être dressés. Le premier est l’importance des industries agroalimentaires et du travail du bois dans une grande partie des intercommunalités du Territoire d’industrie. Les industries agroalimentaires sont néanmoins diverses : production de fromages, de plats cuisinés, de viande, de foie gras ou de fruits. C’est la même chose pour le travail du bois qui rassemble des producteurs de charpentes, de placage ou encore de parquets.
Le second constat est l’importance du secteur de la « Fabrication de produits métalliques, à l’exception des machines et des équipements » (secteur 25) dans un grand nombre d’intercommunalités. Ce secteur correspond à la principale activité des adhérents de la Mecanic Vallée (chapitre 4) et reflète bien l’importance des opérations de mécanique industrielle, de décolletage, de traitement des métaux, de découpage, d’emboutissage et de forge dans le territoire.
Figure 2.3 – La spécificité par secteur industriel (Naf 88) et par intercommunalité en 2023
Sources : Acoss, Urssaf et société.com.
Toutefois, plusieurs activités en lien avec les secteurs aéronautique et automobile sont manquantes dans le territoire. C’est le cas des activités de maintenance des avions, du démontage des équipements durables et de leur recyclage. Or, ces activités sont amenées à croître en raison des objectifs bas-carbone à respecter et du fait que les pièces des appareils sont continuellement inspectées, remplacées, mises à niveau, améliorées : Airbus estime ce marché à 150 milliards de dollars en 2024 et à 290 milliards en 2043 (Trévidic, 2024). Le Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, peu éloigné de celui d’Aurillac-Figeac-Rodez, dispose déjà de la présence de Tarmac Aerosave, spécialisé dans la garde d’avions, le maintien en conditions opérationnelles, mais aussi dans le démontage et le recyclage d’aéronefs. À ce jour, les deux territoires n’ont pas développé de liens concernant ces activités de maintenance et de recyclage.
Enfin, le secteur pharmaceutique constitue une spécificité du bassin d’Aurillac. Traditionnellement tourné vers les activités laitières et fromagères, le bassin d’Aurillac se tourne progressivement vers les produits issus de la microbiologie, notamment les produits fermentés et les probiotiques. Cette production s’organise aujourd’hui autour du pôle d’excellence Microbiologie Industrie Innovation (PEM2I) créé en 2023 et rassemblant les acteurs publics et les entreprises de l’agroalimentaire, de la santé et de l’agroécologie. Le secteur de la fabrication de plastique et de caoutchouc est l’autre secteur spécifique du territoire.
La concentration autour de grands acteurs
Le territoire présente également la particularité d’être concentré autour de grands acteurs qui emploient localement plus de 500 salariés : Ratier-Figeac, Figeac Aéro et Blanc Aéro (sous-traitants de rang 1 dans l’aéronautique), Bosch (équipementier automobile), Andros (agro-alimentaire), Qualipac (emballages pour parfums). Dans chaque intercommunalité, une seule entreprise pourvoit la majeure partie de l’emploi industriel (Figure 2.4).
Figure 2.4 – Le secteur (NAF 88) et les entreprises représentatifs des intercommunalités en 2023
Sources : Acoss, Urssaf et société.com.
Une spécialisation risquée ?
La dimension conjoncturelle
Entre 2008 et 2022, le chiffre d’affaires des entreprises métallurgiques et mécaniques, adhérentes de la Mecanic Vallée (voir chapitre 4), est passé de 1,635 à 1,862 milliards d’euros (rapport d’activité de la Mecanic Vallée, 2022). Le secteur a connu une longue période d’expansion, entre 2011 et 2019, mais il a aussi connu des périodes de fort repli de l’activité (2008-2009 et 2019-2020). L’anticipation du plan de charge des entreprises de la mécanique, exprimée dans le rapport annuel de la Mecanic Vallée10, en est très représentative. Lors des crises de 2009 et de 2020, les baisses de charge ont frappé 70 à 80 % de l’effectif interrogé. Toutefois, la reprise d’activité a été assez rapide, avec une augmentation des charges dès l’année suivante pour plus de 40 % des entreprises et des charges « normales » dans les années suivantes pour 50 % des entreprises.
Majoritairement sous-traitantes, les entreprises dépendent de la bonne santé du secteur de leurs donneurs d’ordre : constructeurs aéronautiques, constructeurs automobiles11. Plusieurs crises notables ont frappé le territoire avec de lourdes conséquences sociales (voir figure 2.5). Dans le secteur automobile, les fermetures de Bosch Rodez et de la Société Aveyronnaise de la métallurgie (SAM) ont généré environ 1 080 suppressions de postes en Aveyron. Les sites concernés dépendaient fortement d’un donneur d’ordre automobile : Renault pour la SAM (Le Monde/AFP, 2021) et Volkswagen pour Bosch Rodez (Born, 2015). Les productions du site de Bosch Rodez (injecteurs, bougies de préchauffage) dépendaient directement du marché automobile thermique, dont la fin est programmée pour 203512. La SAM, reprise en 2017 par Jinjiang SAM, a connu des difficultés financières, puis une liquidation judiciaire13, en raison d’une mauvaise gestion de l’entreprise et du manque d’investissement qui a conduit Renault à chercher d’autres sous-traitants. Dans les deux cas, un projet de reprise fondé sur la diversification des activités a été avancé : Bosch a testé les pistes de l’aéronautique, de l’horlogerie, des caisses frigorifiques sans que ces projets n’aillent au-delà du stade de l’étude. La SAM aurait pu être intégrée dans le dispositif industriel de MH Industrie en se désengageant de l’automobile pour aller vers le ferroviaire, la défense et l’aéronautique (Marcaillou, 2022), mais ce projet n’a pas abouti en raison d’un problème de visibilité du carnet de commandes à court terme.
Figure 2.5 – Les crises des entreprises locales et leurs conséquences
Ces difficultés sont toutefois atténuées par des dispositifs de chômage partiel, de formation et par l’intervention d’acteurs industriels et territoriaux, ce qui explique le maintien de l’emploi industriel observé précédemment. Par exemple, lorsque le groupe Fives a repris Forest Liné, fabricant de machines-outils spécialisé dans le fraisage appartenant dans les années 1960 et 1970 à Ratier Figeac, il a apporté non seulement des financements mais aussi des débouchés commerciaux. Lorsque la SAM a fermé ses portes, un salon de l’emploi a été mis en place localement pour que les salariés ne partent pas vers le secteur des services ou dans un territoire voisin.
Des difficultés de recrutement
Depuis 2011, les difficultés de recrutement se sont accrues dans les secteurs liés à la mécanique. Les besoins en recrutement sont passés de 388 en 2011 à 855 en 2022 dans les entreprises adhérentes de la Mecanic Vallée, principalement des opérateurs sur des machines à commandes pour des opérations de tournage et fraisage et, dans une moindre mesure, des ingénieurs, des techniciens et plus récemment des monteurs-ajusteurs (figure 2.6).
Une hausse des commandes liée à une amélioration de la conjoncture des industries de l’aéronautique et l’automobile provoque, dans des bassins de sous-traitance tels que Figeac-Rodez, des engorgements soudains sur le marché du travail. Cette raréfaction est en outre aggravée par la désaffection des jeunes pour les formations de la mécanique.
Autre source importante des difficultés de recrutement : la mobilité due à la poursuite d’études. Les départs pour suivre des études non proposées localement constituent généralement des pertes pour le territoire puisque les partants reviennent rarement. Cet effet intervient notamment pour les post-bac et post « bac + 2 ».
Figure 2.6 – Évolution des besoins en recrutement entre 2011 et 2022 dans les entreprises liées à la mécanique
Sources : rapports d’activité Mecanic Vallée 2021 et 2022.
Note : les chiffres sont issus d’une enquête auprès des adhérents de la Mecanic Vallée.
Une filière bois bien représentée
Le travail du bois apparaît comme une autre des spécificités du territoire, partagée par un grand nombre d’intercommunalités (figure 2.3) : cela explique qu’une fiche action du programme Territoire d’industrie a été dédiée à la création d’un cluster bois (voir chapitre 6). Plus généralement et d’après le rapport du SCET (2024), il existe plusieurs dizaines d’entreprises dans la filière bois, principalement des PME. Par exemple, le spécialiste de la literie et de la construction en bois, Finadorm, acteur national originaire de l’Aveyron, possède plusieurs PME dont Chalets Fabre et Mathou création.
Figure 2.7 – Les acteurs les plus importants de la filière bois du territoire en termes d’emplois en 2024
Sources : sites des sociétés.
Le Territoire d’industrie ne dispose pas d’acteurs industriels majeurs dans ce secteur du bois, alors même que les régions voisines – le Massif central (côté Loire), les Pyrénées et les Landes – comptent dans leur territoire les poids lourds du secteur que sont Fibre Excellence et Smurfit Kappa. En outre, parmi les entreprises présentes, plusieurs ont connu des difficultés financières notables, qui ont amené à leur restructuration (par exemple Pyram à Vic-sur-Cère en 2018) voire à leur disparition (Cauval Industrie à Bozouls et Entraygues-sur-Truyère en 2012, Confort et systèmes en 2013). Les entreprises qui transforment le bois ont eu des difficultés d’approvisionnement en matières premières, surtout après la pandémie de Covid. Molénat (Aveyron) a constaté notamment une hausse globale des prix d’approvisionnement, pouvant aller jusqu’à 30 % (Born, 2021). Toutefois, le territoire dispose déjà d’instances représentatives de la filière avec des organisations professionnelles (Fibois Occitanie, Fibois Auvergne-Rhône-Alpes), les syndicats et des associations de propriétaires (Fransylva Occitanie, le Centre régional de la propriété forestière, le Centre d’étude technique environnemental et forestier ou CETEF, le Centre régional de la propriété forestière Occitanie et AURA). Un centre régional d’innovation et de transfert de technologie (CRITT) bois est implanté à Rodez. En revanche, le Territoire d’industrie ne compte aucun cluster organisé autour de la filière bois, comme la filière bois atlantique structurée autour du Pôle de compétitivité Xylofutur.
- 7 – Comme nous mobilisons les données Acoss de l’emploi salarié privé, ce taux de 12 % ne correspond pas au taux national de l’Insee calculé pour les salariés et non-salariés, pour le public et le privé.
- 8 – Les secteurs spécialisés sont ceux qui pèsent le plus dans l’emploi d’un territoire, en l’occurrence ici, le commerce de détail. Les secteurs spécifiques, eux, sont les secteurs qui pèsent plus dans le territoire d’étude que dans le territoire national. On retient ici parmi les secteurs clés ceux qui ont des indices de spécialisation et de spécificité supérieurs à 1.
- 9 – Il conviendrait d’ajouter l’emploi non salarié, très présent dans les secteurs agricoles et agro-alimentaires mais qui n’est pas compris dans le périmètre des données Acoss de l’Urssaf.
- 10 – La Mecanic Vallée réalise une enquête conjoncturelle annuelle auprès de ses adhérents depuis 2009 ; le nombre de répondants varie selon les années, mais, à titre d’exemple, pour 2022, 81 % des entreprises ont répondu à l’enquête.
- 11 – Plus particulièrement, le secteur aéronautique est soumis aux aléas conjoncturels en raison de sa dépendance au trafic aérien. Par ailleurs, les avions sont des biens qui durent plusieurs dizaines d’années et qui ne sont remplacés que par vagues. Les industriels jouent sur les cycles pour lisser leur activité.
- 12 – La réglementation européenne prévoit l’interdiction de vendre des véhicules thermiques neufs à compter de 2035.
- 13 – Sa fermeture fait écho à d’autres fermetures de fonderies automobiles en France, notamment celles de MBF dans le Jura en 2021 et de la Fonderie Aluminium du Poitou en 2022.
Un ancrage local des activités mécaniques par les compétences et les réseaux
S’appuyant sur les métiers de la mécanique, les entreprises se sont positionnées sur des segments spécialisés de produits pour répondre aux commandes de différents secteurs. Cette spécialisation requiert des techniques et des savoir-faire spécifiques qui favorisent l’ancrage des entreprises dans les territoires (Colletis et Pecqueur, 2018). La construction de systèmes relationnels, divers par leur nature et leur échelle géographique, y a également participé.
L’essaimage des années 1980 par les grands groupes à l’origine de la sous-traitance
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, plusieurs grandes entreprises locales, dont Ratier-Figeac, ont mis en place une stratégie d’essaimage qui a structuré les relations productives locales (Laviolette et Everaere-Roussel, 2008). Ces donneurs d’ordres se sont recentrés sur leur cœur de métier afin de répondre avec souplesse à la croissance de leur secteur d’activité (Guillaume, 2005, 2008). Ces entreprises ont également cherché à partager avec leurs fournisseurs le risque inhérent à la R&D et aux études. Cette stratégie d’essaimage consiste donc, du point de vue de ces grandes entreprises, à externaliser certaines productions et à s’assurer les services de partenaires locaux spécialisés dans des productions techniques. Dans le territoire, cette stratégie se matérialise par la création d’un ensemble d’entreprises dans le secteur de la mécanique et de bureaux d’études, créés par des techniciens et des ingénieurs issus de ces grandes entreprises et disposant de débouchés auprès de divers donneurs d’ordres régionaux. Fem Technologies, spécialisée à ses débuts dans le câblage aéronautique, est une entreprise essaimée par Ratier-Figeac qui a été l’employeur de Christian Lafon, fondateur de l’entreprise. VPM Automation (bureau d’études spécialisé dans l’automatisme) a été créé par un ancien salarié de Figeac Aéro, et Sud-Ouest Système (fabrication et rénovation de machines-outils) par un ancien salarié de Forest-Liné.
L’organisation de la chaîne de valeur dans le secteur aéronautique
En amont des avionneurs (Airbus, Boeing, Bombardier, etc.), le secteur aéronautique est constitué d’un vaste réseau de sous-traitants. La charge d’organiser le réseau de sous-traitance revient aux systémiers, qui sont des fournisseurs de rang 1. Les systémiers et les sous-systémiers sont les entreprises qui réalisent entièrement les sous-ensembles (conception, production, certification) et sont les seules à interagir avec les grands constructeurs que sont Airbus et Boeing. Les équipementiers, qui sont également des fournisseurs de rang 1, fabriquent et fournissent des modules complets ou intégrés dans des systèmes plus complets (logique de modularisation mise en lumière par Frigant et Jullien, 2014).
Parmi les acteurs de rang inférieur figurent les sous-traitants de spécialité – quand ce sont leurs savoir-faire spécifiques qui sont recherchés par les acteurs de rang 1 – et les sous-traitants de capacité – quand c’est leur capacité de production qui est recherchée. Le plus souvent constitués en PME de moins de 50 salariés, ils doivent faire face à la concurrence des entreprises étrangères et répondre aux attentes spécifiques des équipementiers et des systémiers. Pour cela, ils doivent combiner maîtrise technologique et échelle suffisante de production, ce qui est plus simple s’ils appartiennent à des groupes ou à des réseaux d’entreprises.
Source : Ravix, J. T. et Mouchnino, N. (2009). L’évolution de l’industrie aéronautique : les incidences de la production modulaire.
Auparavant, le tissu productif était centré sur les besoins des donneurs d’ordres locaux, dans les domaines de la production d’injecteurs pour l’automobile, d’hélices et de sous-ensembles pour l’aéronautique ainsi que de machines-outils pour ces deux secteurs. Il était également fondé sur des relations de sous-traitance (Chaillou, 1977 ; Grossetti, 2004), où le donneur d’ordres construit seul le cahier des charges. Cette technique du build-to-print14, très courante dans les productions de grande série des secteurs de l’automobile ou de l’aéronautique, l’aide à faire jouer la concurrence sur les prix et la productivité. Dans ces conditions, les sous-traitants ont un niveau d’activité élevé mais une rentabilité plus faible.
Progressivement, les sous-traitants sont montés en compétences et certains ont pu devenir co-traitants.
Des PME sous-traitantes aux PME co-traitantes
Maîtriser le cahier des charges pour équilibrer le rapport de force
Les industriels répondent aux besoins des clients en proposant des solutions adaptées, spécifiques. Ils définissent un projet, en spécifient les besoins techniques, le budget, et enfin le cahier des charges, ce qui leur offre une visibilité sur le chiffre d’affaires réalisable. La maîtrise du cahier des charges confère aux sous-traitants davantage de latitude pour déterminer leurs prix, car elle réduit la concurrence en augmentant la spécificité du produit. Cela leur permet donc d’améliorer leur marge.
Certes, cela les expose aussi à des risques, des incompatibilités, des imprévus, qui peuvent très rapidement rendre un projet déficitaire. Néanmoins, développer des produits inédits permet de capitaliser sur les savoir-faire développés. Une fois le cahier des charges spécifique élaboré, il est plus difficile pour un client de se passer de son fournisseur, d’autant plus que bâtir une relation de confiance avec un fournisseur concurrent prendrait du temps.
Ces solutions spécifiques sont généralement développées en petites ou moyennes séries. La rentabilité de ces produits s’obtient alors à condition de vendre des « solutions globales » et de mettre en œuvre des processus rationalisés de production. Pour une entreprise localisée dans l’Aveyron et servant le marché automobile, les PME du territoire doivent se penser comme « des artisans qui s’industrialisent », capables de répondre aux besoins particuliers des clients en créant des niches tout en s’inspirant des solutions industrielles, plus compétitives. Ainsi, plusieurs industriels du secteur de la fabrication de machines industrielles indiquent qu’ils créent des familles de produits de base, c’est-à-dire des biens fabriqués en série qui permettent l’étalement des coûts de production. Toutefois, le nombre de ces produits de base doit demeurer limité pour être efficace et ne pas multiplier les coûts. Le plus important est que ces produits soient facilement adaptables aux attentes des clients.
Ces PME locales dégagent aussi de la valeur en proposant des services, notamment dans le secteur de la métallurgie. Elles proposent ainsi du rétrofit, un service après-vente (entretien et réparations), des consommables, des services d’optimisation de l’utilisation, etc.
L’importance des réseaux pour identifier les besoins et se diversifier
Cette stratégie des sous-traitants n’est possible que s’ils peuvent anticiper les attentes de leurs clients. Les réseaux d’acteurs constituent, selon les acteurs interrogés, un premier moyen d’y parvenir. Un industriel de l’Aveyron, sous-traitant pour le secteur automobile, organise par exemple des groupes de réflexion auxquels il invite ses clients. Ces groupes peuvent aussi devenir prescripteurs auprès d’autres acteurs du secteur. Chez d’autres industriels, les commerciaux font chaque année le tour des clients afin d’évaluer leur satisfaction et d’identifier l’émergence de nouveaux besoins. D’autres dirigeants, on l’a vu plus haut, bénéficient des contacts et de la recommandation de leur ancien employeur.
Ainsi, progressivement, le nombre de secteurs servis par les entreprises du territoire a augmenté ; les acteurs industriels s’adressent désormais aux filières spatiales, médicales, ferroviaires, nucléaires et pétrolières (Bezzon, 2018 ; rapport grappe d’entreprises exemplaires Mecanic Vallée, 2009).
Le rachat comme révélateur de la niche occupée par certaines entreprises du territoire
Dans de nombreux cas, les entreprises du Territoire d’industrie font partie d’un groupe d’entreprises. Ces entreprises ont été achetées précisément car elles permettent aux groupes, souvent extérieurs au territoire, de compléter leur gamme de produits. De nombreux exemples existent en la matière (voir figure 3.1)15.
Figure 3.1 – Les rachats d’entreprises locales
Sources : sites des sociétés et articles de presse (indiqués entre parenthèses)
Les entreprises du Territoire d’industrie intéressent fortement les groupes industriels en raison des niches qu’elles occupent ou de la technologie qu’elles maîtrisent. En retour, l’intégration à un groupe aide les PME à faire face aux difficultés inhérentes à leur taille et aux aléas des secteurs qu’elles servent, tout en assurant leur croissance et leur pérennité. En plus de la capacité financière du groupe, l’entreprise dispose alors de ses services support, qui permettent de réduire les risques et les coûts. On aurait certes pu imaginer que les entreprises locales tentent de mettre leurs fonctions support ou productives en commun, mais elles sont positionnées sur des niches trop éloignées les unes des autres pour y parvenir.
Les PME locales peuvent aussi être à l’initiative de nouvelles filiales dans leur territoire. Le groupe Avantis (société d’ingénierie mécanique) a ainsi organisé ses activités en trois filiales (Project, Manufacturing, Concept) afin de séparer les bureaux d’études des activités d’usinage, de microsoudure et de contrôle. L’entreprise RGI (fabrication de machines-outils pour le travail des métaux) a également acquis l’usineur FGD afin de disposer des capacités utiles d’usinage pour son activité. Fem Technologies (fabrication de matériel de distribution et de commande électrique) a constitué le bureau d’études Simequip pour créer des synergies entre conception et production, mais aussi pour proposer des prestations de production ou d’ingénierie de manière séparée. Le groupe MH industrie, équipementier spécialisé dans les pièces métalliques pour l’industrie, rassemble sept entités industrielles dans et hors du Territoire d’industrie.
Les compétences, ressources clés pour les entreprises
Ces productions spécifiques exigent toutefois des qualifications et des compétences particulières qui créent une très forte dépendance des entreprises à l’égard de leur main-d’œuvre, tant d’un point de vue technique que géographique.
Pour les sous-traitants, la spécialisation est à la base d’une relation de long terme avec les donneurs d’ordre d’autant plus que, pour certaines pièces critiques dans l’aéronautique notamment (comme les éléments d’hélice), les contrats signés représentent des contrats à vie. Cela s’est notamment matérialisé durant la pandémie de Covid, quand les donneurs d’ordres qui ne voulaient pas perdre leurs fournisseurs critiques les ont aidés en maintenant leurs commandes ou leurs paiements réguliers, pour en assurer la santé financière.
Par ailleurs, dans les filières aéronautique, nucléaire, spatiale ou automobile, les qualifications techniques sont nécessaires à l’obtention des certifications exigées. On peut citer par exemple la norme ISO 9 100 sur le management de la qualité ou la norme ISO 50 001 sur l’efficacité et le management énergétiques. La maîtrise de ces qualifications est un processus qui peut être long et qui nécessite d’importants investissements, qu’il faut rentabiliser. Les certifications permettent également d’économiser du temps et des moyens en phase de prospection commerciale : elles placent les entreprises sur une short list de sous-traitants fiables, qui se transmet entre donneurs d’ordres de l’aéronautique.
La fidélisation de la main-d’œuvre est donc cruciale pour les entreprises. À tel point qu’en cas de diminution des commandes, plusieurs entreprises interrogées disent ne pas procéder à des licenciements de peur qu’à la reprise des activités, elles ne soient plus en mesure de tenir les délais et la qualité des produits.
Cela est d’autant plus vrai qu’aucune formation à proximité ne permet d’acquérir les compétences techniques nécessaires à l’activité des marchés de niche. Les compétences indispensables s’acquièrent en réalité avec l’expérience, comme « savoir repérer d’un coup d’œil les défauts sur les pièces » note un chef d’entreprise fabriquant des petites pièces métalliques dans le Lot. Par ailleurs, certaines formations dédiées à des métiers très spécifiques manquent sur le territoire, faute de moyens ou d’effectifs. La plupart des compétences stratégiques sont ainsi transmises dans le cadre de formations internes ou d’un compagnonnage assuré par les salariés les plus qualifiés. Ce mode d’enseignement aux plus jeunes est particulièrement pratiqué dans des calculs en mécanique, dans le façonnage des métaux ou en robotique. Un dirigeant de PME servant le marché automobile indique avoir inauguré récemment un service interne de formation pour que l’ensemble des salariés soient formés aux standards et aux méthodes utiles à l’entreprise. La formation en interne peut toutefois poser certains problèmes, notamment lorsque la charge de travail s’alourdit et que tout retard dans la production entraîne des pénalités, rappelle un acteur de l’automobile.
Les acteurs de la formation, parties prenantes du système relationnel
Face aux besoins de formation dans les métiers industriels, les acteurs publics et privés ont apporté un certain nombre de réponses.
Les Instituts universitaires de technologie (IUT) de Figeac et de Rodez ont ouvert plusieurs départements (un bachelor universitaire de technologie – BUT – génie mécanique et productique et une licence professionnelle Qualité Contrôle Métrologie pour le premier, une licence professionnelle Maintenance de l’industrie du futur pour le second).
Le Centre des Métiers et des Qualifications* (CMQ) « Industrie du futur », créé en 2017, vise à développer les liens entre organismes de formation, les lycéens, les étudiants et les entreprises. Il met notamment en place des actions éducatives afin de sensibiliser les élèves aux métiers de la mécanique et permet la diffusion d‘informations concernant les formations locales.
L’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a construit un centre de formation de l’industrie (CFI) à Cambes dans le Lot en 2020. Ciblant à la fois des jeunes et des personnes en reconversion industrielle ou éloignées de l’emploi, le CFI offre des formations continues et en alternance en usinage, montage mécanique, aéronautique, peinture, maintenance et soudure.
Des manques demeurent toutefois tels que l’absence d’une école d’ingénieurs généralistes et l’absence de masters entravant la montée locale en compétences (le territoire est certes doté de sites décentralisés d’universités mais ces derniers sont dépourvus de professeurs et d’un laboratoire de recherche nécessaires au cursus de master).
*Le label CMQ est attribué par l’État à un réseau d’acteurs composé d’établissements de formation, de centres de recherche et d’entreprises agissant dans une filière ou un secteur d’activité spécifique et représentant un enjeu économique national ou régional.
Afin de motiver et de conserver leurs salariés, les PME misent aussi sur la diversité des projets à mener et sur les défis qu’ils représentent. Comme le résume très bien un chef d’entreprise qui fabrique des machines industrielles dans l’Aveyron : « On ne vend que du projet. » Cela lui permet de construire une marque employeur qui attire les compétences. Un dirigeant de PME du même secteur, dans le Lot, raconte d’ailleurs qu’un de ses anciens salariés, lassé de la routine de la grande entreprise dans laquelle il était parti pour gagner un salaire plus élevé, a demandé à réintégrer l’entreprise. Les employeurs interrogés sont à peu près tous d’accord sur un point : se spécialiser sur une niche permet d’attirer des profils intéressants, qui bénéficieront d’une expérience et de projets qu’ils ne trouveront pas ailleurs ou qui détecteront dans les projets proposés la possibilité de construire une solide carrière. Les entreprises locales bénéficient alors d’un avantage substantiel pour recruter des salariés : leur marque est connue des initiés et dispose d’une grande visibilité dans un petit monde. Ainsi, des ingénieurs spécialisés, dont les profils sont en phase avec les attentes des entreprises, viendront plus volontiers sur le territoire car ils auront des missions motivantes. Mais pour conserver ces profils très spécialisés, l’entreprise doit leur proposer continûment des projets motivants, y compris en cas de baisse d’activité.
Le territoire n’est toutefois pas exempt de conflits liés au partage de la valeur. Par exemple, en 2015, Figeac Aéro a connu plusieurs journées de blocage des approvisionnements durant la période de négociation annuelle obligatoire, à cause d’un désaccord sur les grilles salariales et les primes notamment (La Dépêche du Midi, 2015). Des tensions sur les salaires ont à nouveau surgi en 2022, lors d’une courte grève des salariés de Figeac Aéro, qui a mené à une augmentation de 2 % des salaires (Lecomte et Boyer, 2022). La même année, une grève de trois semaines chez Ratier-Figeac s’est soldée par un compromis sur des hausses de salaires (Sommazi, 2022 ; Calmel, 2022). En 2016, les salariés de Sogefi Filtration, un équipementier automobile implanté à Marcillac, ont également entamé une grève pour des motifs salariaux. Ils ont obtenu une prime ainsi qu’une hausse de 0,8 % des salaires.
La démarche de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPECT) pilotée par la Mecanic Vallée et le cabinet de conseil Terre d’avance sur le Territoire d’industrie évoque d’ailleurs les revalorisations des salaires dans les actions à mener comme moyen de fidéliser les salariés.
Pour certaines entreprises, le manque de main-d’œuvre locale est une limite à la croissance, alors même que les carnets de commandes sont pleins. Une entreprise de mécanique industrielle du Lot explique qu’elle ne peut pas confier les commandes à ses rares confrères, leurs carnets de commandes étant pleins également. Un fabricant de machines industrielles Aveyronnais formule ce problème d’une autre manière : « Si on était plus nombreux, on pourrait dépasser certains caps. »
Bien que ce manque de main-d’œuvre puisse pénaliser leur développement, les entreprises n’envisagent pas de se délocaliser dans un bassin d’emplois plus important. Plusieurs dirigeants indiquent qu’ils ne pourraient pas non plus déplacer leur équipe hors du territoire, même à une distance de quelques dizaines de kilomètres en raison de leur très faible mobilité géographique : « Déplacer les hommes ? impossible », estime un fabricant de machines industrielles Aveyronnais. Comme le souligne un chef d’entreprise dans le traitement des métaux en Aveyron, le fait que ses salariés soient originaires du territoire et y habitent permet de créer plus facilement une solidarité et une cohésion dans l’entreprise. Cela renforce la spécificité et l’ancrage des compétences (Pham, 2018).
Les entreprises cherchent aussi à mettre en avant la qualité de vie de leur territoire pour recruter au-delà de ses frontières. Le territoire rural dispose d’avantages que les grandes villes n’ont pas comme la tranquillité, la faible densité de population et un meilleur pouvoir d’achat.
Un industriel du secteur de l’ingénierie et des études techniques implanté dans le Lot reconnaît avoir eu beaucoup de chance dans son recrutement, parce que le projet de son entreprise a convaincu des personnes issues du territoire. Il était donc assuré que leur projet de vie et leur projet professionnel étaient en parfaite adéquation : il s’agissait de travailler dans l’industrie en milieu rural. Ainsi, par exemple, un ingénieur a candidaté dans l’entreprise parce que sa compagne était originaire d’un village proche de l’entreprise et qu’elle souhaitait y vivre à nouveau. Si le projet n’avait pas convaincu une main-d’œuvre locale, son projet aurait pu avorter par manque de personnes désirant s’installer dans le territoire.
Des relations interpersonnelles plus que des relations d’affaires
Lorsqu’on interroge les industriels sur le poids du tissu local dans leur activité, plusieurs cas de figure se dégagent. Dans le premier cas, il est inexistant, la clientèle étant extérieure au territoire. Dans le deuxième, l’entreprise a quelques clients locaux qui génèrent de l’activité sans être stratégiques. Le troisième cas correspond à trois entreprises déclarant dépendre fortement de clients implantés au sein du Territoire d’industrie, dont ils sont fournisseurs stratégiques et historiques.
Toutes les entreprises interrogées reconnaissent mobiliser les sous-traitants locaux, à une échelle variable néanmoins, le Territoire d’industrie ne permettant pas de déployer de nombreuses relations de sous-traitance. Les entreprises d’ingénierie externalisent le traitement de surface, l’usinage, la rectification vers des acteurs locaux car elles se concentrent sur l’ingénierie et la définition des produits. Les qualités des sous-traitants locaux sont reconnues : un chef d’entreprise du Lot évoque les avantages des « partenaires locaux » : ils sont réactifs, ils réalisent des productions de niche, ils sont capables de proposer des prototypes comme de respecter des cahiers des charges très exigeants car ils sont habitués à l’aéronautique. Un fabricant lotois de petites pièces métalliques apprécie la qualité de service de ses quelques fournisseurs locaux qui s’efforcent d’être ponctuels dans leurs livraisons, ce qui le rassure étant donné ses productions par séries à livrer dans des délais soigneusement définis. Une entreprise spécialisée dans le traitement des métaux implantée dans le Lot précise de son côté avoir construit ses équipements en fonction de certains de ses clients locaux, pour répondre à des attentes spécifiques.
Bien qu’il s’agisse de cas rares, certaines entreprises se sont implantées sur le territoire pour se rapprocher de leur client. On peut ainsi citer l’entreprise Bodycote qui a créé un site à proximité de Figeac Aéro pour fluidifier leurs relations et économiser les coûts de transport (Figeac Aéro, 2015).
Pour certains industriels, bien que le tissu industriel local soit marginal dans leur chiffre d’affaires, il n’en est pas moins stratégique pour leur activité. Ils en ont alors besoin pour régler des problèmes quotidiens : des pièces à réaliser en urgence, une étude à valider, des machines à régler, à réparer. Sans ce support local, l’activité serait régulièrement entravée, dans l’attente de l’intervention d’acteurs extérieurs au territoire. Le dirigeant d’une entreprise Aveyronnaise dans le traitement des métaux dit même « savourer la solidarité locale » à laquelle il contribue à la hauteur de ses possibilités, en rendant service à certains de ses confrères locaux, notamment s’il faut avancer les paiements ou les aider dans leurs compétences et leur outillage.
On a même vu certaines entreprises en aider d’autres pour s’implanter sur le territoire avant d’en faire des prestataires technologiques.
Enfin, des liens d’affaires existent entre les activités agroalimentaire et mécanique, comme en témoignent les déclarations de certains industriels dans leurs fiches sur le site Mecanic Vallée. Andros, un des principaux acteurs agroalimentaire du Territoire d’industrie, fait ainsi appel à des acteurs de la mécanique pour la fabrication des équipements de ses lignes de production.
La spécialisation pour allier industrie agroalimentaire et territoire
Dans l’agroalimentaire, les entreprises ont également fait le choix de se positionner sur des segments spécialisés de produits. Les acteurs de l’agroalimentaire se tournent principalement vers la fabrication de produits reconnus pour leur qualité, et associés au territoire. Cette stratégie est souvent choisie par les acteurs des territoires ruraux car elle leur permet de se différencier et de valoriser leurs ressources (Hirczak, 2007).
Parmi les activités agroalimentaires bien représentées figurent les activités de transformation de la viande et du lait ainsi que la production de nourriture animale en raison de la présence d’un cheptel important et la fabrication de plats préparés.
Le secteur est composé de grands groupes et de leurs filiales – les sociétés laitières Sodiaal et Lactalis, le transformateur de fruit Andros – ainsi que d’une multitude de PME et de coopératives. Destrel Viandes et Bigard (transformation et conservation de la viande de boucherie), Prodial (fabrication d’aliments pour animaux), Sudreau et Larnaudie (foie gras), Raynal & Roquelaure, Cœur d’Aveyron, La Naucelloise (plats cuisinés) constituent les principales entreprises du territoire en matière de chiffre d’affaires.
L’achat d’entreprises par un groupe relève d’une stratégie de complément de gamme, chaque unité de fabrication étant en charge de produire un produit typique ou un plat traditionnel. Le groupe permet de massifier les productions et d’avoir plus de poids face aux réseaux de distributeurs ; selon une entreprise du secteur présent dans le Lot et l’Aveyron, l’appartenance au groupe permet de financer plus facilement un outil industriel productif et performant dans un temps restreint.
L’ancrage des activités dans le territoire est notamment favorisé par l’utilisation de labels alimentaires comme l’IGP (indication géographique protégée), qui imposent que l’étape de transformation soit assurée dans une zone géographique particulière. Plusieurs produits bénéficient de ces labels alimentaires comme l’IGP Canard à foie gras du Sud-Ouest, l’IGP Veau de l’Aveyron et du Ségala, IGP Viande bovine des Monts du Cantal, IGP agneau fermier du Quercy.
Interrogés sur la structuration de leur filière, les acteurs agroalimentaires indiquent qu’il y a peu de relations entre les industriels du territoire ; si elles existent, elles se réalisent entre entités d’un même groupe. Ils ont surtout des relations avec des agriculteurs locaux qui sont leurs fournisseurs. C’est particulièrement le cas pour les transformateurs de produits primaires (carnés et maraîchers) générés dans le Territoire d’industrie. Par ailleurs, il n’existe pas d’organisme représentatif du secteur à l’échelle territoriale et peu d’occasions d’échanger, de se connaître, ce qui constitue une grande différence avec le secteur de la mécanique.
Enfin, la spécialisation dans l’industrie agroalimentaire présente des risques. Elle est particulièrement exposée aux maladies animales (grippe aviaire) et aux conditions climatiques défavorables (épisode de sécheresse qui pénalise les élevages nourris uniquement en herbe de pâturage par exemple).
- 14 – Cette pratique qui consiste à faire fabriquer une pièce ou un système par un sous- traitant à partir des plans, dessins d’assemblage et spécifications exacts du client, sans co-développement.
- 15 – D’autres rapprochements peuvent être soulignés, sans qu’il n’y ait majorité au capital : la participation de Renault au capital de Whylot pour produire en série des moteurs électriques compacts et efficaces ; la participation du fonds d’investissement Tikehau au capital de Figeac Aéro afin de conforter sa surface financière et de sécuriser un sous-traitant essentiel pour les constructeurs aéronautiques.
La Mecanic Vallée, intermédiaire territorial
La Mecanic Vallée remplit les fonctions dévolues à un « intermédiaire territorial » tel que défini par Bourdin et al. (2020). Elle met en relation les acteurs (entremetteur), aide à la circulation des savoirs (facilitateur), représente ses adhérents (médiateur) et met en œuvre des stratégies de réseautage (orchestrateur).
L’orchestrateur de l’action collective en faveur des industriels
La réappropriation du développement industriel local
Gramat, novembre 2000. La capitale du Causse du Lot est déserte et plutôt sombre, sauf dans une petite pièce où sont réunis 15 industriels et quelques observateurs pour créer l’association Mecanic Vallée. C’est le temps où la Sillicon Valley inspire les acteurs économiques, jusqu’au nom des associations dont ils vont se doter. Issus de trois départements, le Lot, la Corrèze et l’Aveyron, les industriels sont 5 par département, pour donner le même poids à chacun. À travers cette association, ils veulent promouvoir l’industrie sur le territoire et se réapproprier une démarche publique portée de 1999 à 2000 par une branche locale de la Datar16 : l’ADIMAC (association pour le développement industriel en Massif central), dirigée par Bernard Lelong. À cette période, les départements du Lot et de l’Aveyron avaient chacun élaboré un projet de système productif local (SPL)17 dans le cadre d’un programme dédié mené par la DATAR. Néanmoins, celle-ci avait refusé de soutenir deux projets voisins : les deux départements devaient trouver une entente pour obtenir un appui financier de sa part, essentiel à la concrétisation des initiatives. L’ADIMAC a alors joué un rôle de conciliateur en reprenant les dossiers des départements, en les fusionnant, en apportant son expertise et ses ressources pour porter la démarche commune.
Ce projet prévoyait d’appuyer le développement industriel local sur une fédération d’entreprises de toutes tailles pour gagner en masse critique, obtenir un avantage concurrentiel et faire se rencontrer les industriels. Il associait aussi les collectivités locales (notamment les départements qui, en 2000, disposaient de la compétence économique) ainsi que les agences de développement et les chambres de commerce et d’industrie. L’association visait à simplifier le travail de discussion et de coordination entre les acteurs. Le succès du projet était en outre conditionné au fait que l’ADIMAC conserverait un rôle limité dans le temps, le leadership devant rapidement être assuré par les industriels.
Les activités mécaniques au cœur du réacteur
Entre 2000 et 2023, le nombre d’adhérents a augmenté sans discontinuer, passant de 15 à 204. La majorité des adhérents actuels sont des industriels (155 au total, voir figure 4.1). Les autres (49 au total) sont des collectivités locales, des acteurs de l’enseignement, des structures de développement économique ou des pôles de compétitivité18.
Figure 4.1 – Répartition des effectifs par secteur d’activité des entreprises adhérentes de la Mecanic Vallée en octobre 2024
Sources : annuaire des entreprises, site de la Mecanic Vallée.
Toutefois, n’adhère pas à la Mecanic Vallée qui veut. Le conseil d’administration valide les demandes d’adhésion, préalablement examinées par le bureau. Il existe certaines candidatures directes, mais d’autres se font par parrainage, cooptation ou recommandation. Les entreprises adhérentes doivent en outre disposer de compétences dans la métallurgie et la mécanique ; elles appartiennent principalement aux secteurs aéronautique, automobile, des machines-outils et de la défense, mais aussi du luxe, de l’énergie et du médical. L’association reflète ainsi la richesse des activités métallurgiques dans le territoire. En revanche, les activités support comme la logistique, le conseil ou les activités bancaires sont exclues de l’association.
Ratier-Figeac apparaît comme l’entreprise centrale du réseau. En effet, trois des sept présidents de l’association ont été P-DG de l’entreprise. Les adhérents interrogés notent d’ailleurs la très grande implication de Ratier-Figeac dans le développement local, là où d’autres entreprises sont beaucoup moins sensibilisées. Le modèle de l’essaimage impulsé par Ratier-Figeac dans les années 1990 a permis une externalisation locale et de qualité. Comme le dit avec humour Robert Vitrat, ancien P-DG de Ratier, « Ratier a fait un système productif local comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir »19.
Un périmètre plus étendu que celui du Territoire d’industrie
Le regroupement sous statut associatif permet aux industriels d’adhérer librement à l’action commune, sans limitation liée à leur territoire d’implantation. Couvrant les départements du Lot, de l’Aveyron et de la Corrèze à sa création, l’association s’est depuis étendue statutairement aux départements de la Dordogne, de la Haute-Vienne et de la Creuse. Quelques années plus tard, le Cantal a été intégré à son tour dans les statuts. L’augmentation du nombre d’adhérents est d’ailleurs enregistrée dans l’ensemble des départements20. Toutefois, la majorité des adhérents relève toujours des trois départements historiques, notamment du Lot et l’Aveyron.
Le statut associatif permet également d’interagir avec l’ensemble des collectivités locales et d’en obtenir des subventions. Pour les industriels, une des premières difficultés à l’action collective tient en effet aux périmètres géographiques et aux compétences des collectivités locales et des organismes consulaires (CCI notamment) : des actions concurrentes sont parfois mises en place par les collectivités sur les mêmes périmètres et sur les mêmes thématiques. Or, pour les industriels, cette concurrence n’a pas lieu d’être : les problématiques qu’ils rencontrent dépassent les limites des territoires et il est donc préférable que le cluster rassemble un maximum d’adhérents.
Le leadership des industriels
Les statuts de la Mecanic Vallée font apparaître depuis 2000 une distribution du pouvoir au bénéfice des entreprises. En effet, ces dernières ont la majorité des sièges au conseil d’administration (CA) ; elles proposent les initiatives, approuvent les décisions par vote majoritaire simple. Le plan d’action proposé dans les statuts est d’ailleurs de nature à bénéficier directement aux entreprises : proposer des actions aux partenaires publics, faciliter les recrutements, identifier des marchés, développer la R&D (voir figure 4.2). Le CA doit comporter des industriels issus des principaux secteurs d’activités en mécanique (aéronautique, équipement automobile et machine-outil) et des 6 départements (avec une répartition des postes équitable entre les départements historiques du Lot, de l’Aveyron et de la Corrèze) ; il comprend aussi les membres fondateurs, les anciens présidents et certaines collectivités territoriales et organismes publics (jusqu’en 2010).
Figure 4.2 – Les grands chantiers de l’association Mecanic Vallée depuis sa création
Source : site de la Mecanic Vallée.
Un animateur dédié à l’impulsion d’une dynamique collective
Hervé Danton est délégué général de la Mecanic Vallée depuis le milieu des années 2000. Sa première mission à ce poste a été de structurer la Mecanic Vallée autour d’une équipe et d’appliquer la feuille de route décidée en 1999 conjointement avec l’Adimac pour la labellisation en SPL. À partir de 2009, il a participé à l’élaboration d’une nouvelle feuille de route, sans l’Adimac cette fois, autour du label « grappe d’entreprises exemplaire »21. Il est ainsi l’un des artisans du rapprochement de Mecanic Vallée et des pôles de compétitivité voisins Aerospace Valley, ViaMéca et Ellopsys. Il est aussi un des instigateurs de l’ouverture internationale de l’association vers les projets MEMAN et Erasmus+. Plus généralement, il est en charge de l’animation de la dynamique collective.
L’entremetteur: un acteur au service du réseautage local et des rencontres d’affaires
Une des premières initiatives de l’association fut de créer un salon d’affaires : les rencontres annuelles de la Mecanic Vallée sont ainsi nées en 1999. L’objectif de ces rencontres est simple : convier le maximum d’entreprises adhérentes à une journée de rencontres et d’échanges. De cette façon, l’association entend favoriser la localisation des activités au sein du territoire, en améliorant la connaissance mutuelle des acteurs locaux compétents (dossier SPL Mecanic Vallée, 1999). Pour favoriser les échanges, des rendez-vous préprogrammés sont organisés en parallèle des ateliers et des conférences. En 2023, ce sont 1 100 rendez-vous qui ont été programmés pour environ 120 entreprises (Bouquet Littre, 2023).
Ces rencontres d’affaires ne sont pas pensées pour conclure des marchés (Bertoni, 2012), même si bien entendu quelques contrats sont signés dans la journée. Elles sont surtout utilisées par les industriels locaux pour nouer des contacts, rappeler leur présence, prendre connaissance des changements de dirigeants ou d’équipes (Bezzon et Levy, 2020). Il s’agit pour chacun de « créer son réseau de connaissances professionnelles, de rencontrer des personnes qui rencontrent les mêmes enjeux, les mêmes difficultés », explique un chef d’entreprise lotois spécialisé dans le traitement des métaux. Les industriels vont aussi aux rencontres pour confronter leurs idées à celles de leurs pairs, dans des conversations en off : comprendre l’évolution des marchés, tester l’opportunité que représente un donneur d’ordres, connaître une opinion sur la technologie. La confiance règne entre les acteurs impliqués, ce qui les amène à parler plus facilement selon un fabricant de machines industrielles Aveyronnais.
Figure 4.3 – Les participants aux rencontres d’affaires de la Mecanic Vallée entre 2006 et 2021
Source : rapport d’activité 2022 de la Mecanic Vallée.
Les rencontres informelles entre dirigeants d’entreprise : un appui au développement industriel
La nécessité de se construire un réseau personnel local est soulignée par plusieurs des dirigeants interrogés. Pour un chef d’entreprise lotoise de la mécanique industrielle, la meilleure méthode consiste à faire savoir qu’il existe, en rendant public son parcours de vie, en s’exprimant régulièrement dans la presse, en participant à des initiatives locales et au-delà, en prenant part à des actions de sensibilisation organisées sur le territoire, notamment auprès des plus jeunes.
Un autre acteur a bénéficié du réseau de son employeur. Ce dernier lui a permis d’explorer des marchés, mais aussi, et surtout, de rencontrer des personnes de confiance dans un petit monde. Depuis, il a rejoint plusieurs de ses confrères locaux dans une amicale informelle où les dirigeants se rencontrent fréquemment. Ce groupe de parole garantit une totale discrétion. Il permet aux dirigeants de s’exprimer sur leurs difficultés les plus secrètes, celles qu’ils n’évoqueraient pas hors de ce cadre.
Les dirigeants d’entreprise expriment d’ailleurs régulièrement « le besoin d’être considérés comme des êtres humains plutôt que comme des chefs d’entreprise ». Loin d’être des timoniers totalement assurés, les chefs d’entreprises interrogés disent subir les évènements le plus souvent, et chercher des conseils pour gagner en assurance. La nécessité de « valoriser l’être humain et sa sensibilité » revient dans plusieurs échanges. Recevoir l’appel désintéressé d’un confrère ou d’une connaissance, qui veut juste savoir si tout se passe bien, est essentiel pour « sortir de l’isolement du chef ». Nombre de dirigeants d’entreprises expriment ainsi leur besoin de participer à des échanges conviviaux, informels, pour partager les succès comme les interrogations et les craintes avec des acteurs capables de les comprendre.
La participation à ce salon, organisé de façon ininterrompue depuis sa création, se fait en outre à un prix symbolique, alors que les coûts d’entrée sur la plupart des salons sont élevés. Les adhérents industriels de la Mecanic Vallée représentent les trois quarts des participants (figure 4.2).
Le médiateur pour renforcer la visibilité des adhérents en dehors du territoire
Ces rencontres sont aussi l’occasion d’inviter des donneurs d’ordres d’autres régions et d’autres secteurs que l’aéronautique. L’édition 2023 a ainsi accueilli la SNCF, Liebherr Aerospace, EDF, l’Armée, eXcent (concepteur et intégrateur de solutions industrielles), Actia (fabricant de composants électroniques pour l’automobile), Wind’Occ (collectif de l’éolien marin) et Hydeo (filière hydrogène en Occitanie), des noms révélateurs des marchés que souhaite explorer la Mecanic Vallée.
Néanmoins, du fait de l’enclavement du territoire qui rend compliqué l’aller-retour en une journée, Mecanic Vallée peine à rendre ses rencontres attractives auprès de certains donneurs d’ordre. La Mecanic Vallée a donc décidé de rassembler ses adhérents sous sa bannière commune lors d’autres salons, partout en France (SIANE de Toulouse, Nantes, Lyon, Global Industrie, Paris, Le Bourget). Elle loue alors un îlot (un ensemble de stands contigus) et le divise en autant de stands qu’elle compte d’entreprises souhaitant participer au salon. Cette stratégie permet à des petites entreprises de présenter leur savoir-faire à un tarif accessible, souligne un chef d’entreprise Aveyronnais du secteur aéronautique-défense. « En outre, l’association s’occupe de la réservation et de l’organisation, ce qui fait gagner du temps à des dirigeants assez occupés », ajoute-t-il.
Même les entreprises qui pourraient financer leur propre stand choisissent d’intégrer cet « îlot Mecanic Vallée » dans un souci de solidarité : « leur contribution permet de réduire le coût payé par chaque adhérent », explique un chef d’entreprise lotois du secteur du traitement des métaux. Le label Mecanic Vallée permet en outre d’augmenter la visibilité des entreprises adhérentes auprès des prospects, qui les identifient comme appartenant à un tissu industriel.
Outre les salons, des visites d’entreprises sont régulièrement organisées par l’association. Il s’agit d’inviter les adhérents à visiter l’usine ou les locaux d’une entreprise hôte et d’échanger avec elle sur une thématique qu’elle a définie au préalable.
Le facilitateur, soutien des petites entreprises grâce au partage de compétences
Plusieurs chefs de petites entreprises témoignent de l’apport de la Mecanic Vallée dans leur stratégie. À leurs yeux, cette dernière est une boîte à idées : « elle leur permet d’agir et de faire ce qu’elles ne pourraient faire seules », affirme le chef d’une entreprise de l’Aveyron spécialisée dans le traitement des métaux. « En diffusant des bonnes pratiques et des informations, l’association nous fait gagner du temps et des idées », souligne un fabricant de machines industrielles Aveyronnais. La Mecanic Vallée permet aussi de découvrir de nouveaux process, de meilleures habitudes ou des outils plus efficaces, testés et validés par des industriels de référence. Pour diffuser ces connaissances, l’association fonctionne en groupes de travail thématiques réunissant une dizaine d’acteurs locaux à chaque fois.
Ces groupes de travail permettent un « partage de connaissances » ou un « mécénat de compétences » entre les grandes entreprises et les plus petites, selon les mots des chefs d’entreprise du secteur aéronautique. Un des sujets abordés est celui des démarches qualité et des certifications aéronautiques, essentielles pour travailler avec les grands acteurs du secteur. Un autre domaine est celui des démarches environnementales, en particulier le management énergétique et les démarches de RSE.
La Mecanic Vallée mobilise ses adhérents pour structurer les groupes de travail. Elle valorise cet apport avec des jours de participation à l’activité collective. Ces journées sont consacrées au fonctionnement de l’association, à la préparation des rencontres annuelles, au suivi des actions menées, à la prospective. Selon le rapport annuel 2022 de la Mecanic Vallée, le nombre de jours de participation est croissant depuis 2007, il est passé de 446 à 994 en 2021, démontrant l’implication des adhérents.
La Mecanic Vallée apparaît également comme un interlocuteur privilégié pour nouer des relations entre enseignement et industrie locale en collectant et en diffusant des informations concernant les besoins des industriels en matière de main-d’œuvre et les demandes d’emplois, de stages et d’alternance.
Le PTCE Figeacteurs, l’autre intermédiaire territorial
Figeacteurs, pôle territorial de coopération économique (PTCE), a été fondé en 2015 par la coopérative Fermes de Figeac, l’IUT de Figeac et les associations Regains et Mode d’emplois consacrées à l’insertion professionnelle. Comme tous les PTCE en France, il regroupe un ensemble d’acteurs au service de projets économiques de développement local, organisés autour d’un modèle de gouvernance issu de l’ESS. Il remplit les fonctions d’intermédiation que nous avons vues auparavant.
L’ouverture de Figeacteurs à l’industrie est apparue évidente à ses fondateurs en raison des besoins qu’elle a exprimés mais aussi des ressources dont elle dispose et qui font régulièrement défaut à l’ESS, explique un acteur du développement économique local. Des acteurs industriels font ainsi partie des 140 membres du PTCE en 2024. Figeacteurs constitue une boîte à idées que le Maire de Figeac a qualifié de « matière grise gratuite » à disposition des acteurs locaux (Laboulais et Kirchner, 2018).
Figeacteurs a mené plusieurs actions notables sur des thématiques intéressant l’industrie et les autres acteurs économiques locaux. Par exemple, une conciergerie locale destinée à faciliter la vie des salariés a été créée en 2018 et sert aujourd’hui les zones de Figeac et de Gramat. Un autre exemple est celui d’une cantine collective, à proximité de la zone industrielle de l’Aiguille, à Figeac, où se situent de nombreuses entreprises dont Figeac Aéro et plusieurs milliers de salariés. Cette cantine a permis de répondre aux besoins de restauration des salariés, de recourir aux produits locaux et d’insérer des personnes en situation d’handicap ou de chômage longue durée.
Le PTCE est également partie prenante de la démarche territoriale de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, apportant une réflexion au sujet de la cybersécurité. Cette GPEC est doublée d’une réflexion sur l’amélioration des conditions de vie dans le territoire et d’un accompagnement des nouveaux salariés et de leur famille. La nouvelle mission de Figeacteurs, Mob’Aveylot, est orientée vers les mobilités partagées et douces (La Dépêche du Midi, 01/08/2024) et se fait en partenariat avec Mecanic Vallée. Répondant à l’appel à manifestations d’intérêt « Territoires Inclusion Mobilité & Sobriété » en 2023, le projet propose une application de covoiturage et le développement des lignes de bus pour desservir les principaux pôles d’emploi. Des vélos électriques en location ont aussi été mis à disposition des habitants de Figeac en 2022 par l’association Figeac Mobilité, en partenariat avec Figeacteurs et la ville de Figeac.
Focus – La gestion de l’énergie et des déchets : un axe de développement des acteurs de la mécanique
Centrales dans les activités des acteurs de la mécanique, les questions de la gestion de l’énergie et des déchets mobilisent l’inventivité et la coopération des industriels et de leurs organisations représentatives.
L’Umotique, la production et la diffusion locale de bonnes pratiques industrielles
Afin d’encourager l’adoption de la norme ISO 50 001 qui fournit aux entreprises des lignes directrices pour améliorer leur performance énergétique, les acteurs de la Mecanic Vallée ont mis en place en 2013 un « mécénat de compétences ». Portant le nom d’Umotique, cette démarche partenariale vise à diffuser les bonnes pratiques énergétiques (utilisation des machines, maintien en condition des bâtiments, pratiques de salariés) en privilégiant la domotique.
Concrètement, les grands acteurs de la Mecanic Vallée comme Ratier-Figeac, Bosch, AD Industrie et Figeac Aéro, qui ont déployé la norme ISO 50001, partagent désormais leur retour d’expérience sous la forme de fiches de bonnes pratiques. Cette démarche permet notamment aux plus petites entreprises d’économiser du temps et des ressources. Un groupe de travail a été constitué autour de l’Agence française de normalisation (Afnor), des CCI (chambres de commerce et d’industrie), de l’agence de développement de Midi-Pyrénées (future Occitanie), Mecanic Vallée, avec l’appui d’un ingénieur énergéticien de Bosch Rodez et des industriels précités.
Chaque fiche porte sur un équipement, une pratique consommant de l’énergie (achat de machines, comptage de la consommation énergétique, utilisation de l’air comprimé, diagnostic énergétique…). Les fiches d’action sont orientées vers des actions à fort impact et à coût modéré pour être opérationnelles rapidement. Elles conseillent, par exemple, sur le réagencement de l’outil de production ou la réutilisation de la chaleur générée par la production. D’autres fiches proposent la modulation de la consommation selon le travail effectué. Ainsi, la généralisation du mode veille sur les appareils permet de réduire fortement les consommations. Enfin, certaines fiches proposent de remplacer les appareils défaillants, peu efficients (notamment pneumatiques) et de tenir compte des paramètres du prix, de l’efficacité énergétique ou encore de la maintenance, lors d’une décision d’achat d’équipement. Par exemple, dans le cas de la ressource en eau, les fiches Umotique prônent l’utilisation de compteurs pour mieux mesurer et maîtriser les productions, la baisse des températures lorsque l’eau est utilisée pour refroidir les systèmes, le pompage dans la nappe phréatique pour rafraîchir l’eau en replacement des chaînes de froid. Les résultats sont à apprécier sur plusieurs années et varient selon les équipements. En 2022, lors de la crise énergétique, la Mecanic Vallée a largement distribué ces fiches actions à ses adhérents, dont un certain nombre ignoraient l’existence. Malheureusement, les résultats globaux de l’initiative ne sont pas connus, chaque industriel les conservant pour lui.
Meman, une initiative originale pour modéliser et réduire les consommations de matières
Dans le prolongement du projet Umotique, la Mecanic Vallée et le CETIM (centre technique des industries mécaniques) ont participé entre 2015 et 2018 au projet européen Meman (Integral Material and Energy flow Management in Manufacturing). L’objectif du projet était de disposer d’une vision la plus complète possible de l’énergie, de l’eau et des matières premières utilisées dans les processus d’approvisionnement, de production et de vente. Il s’agissait donc de modéliser l’activité de l’entreprise, en lien avec ses clients et ses fournisseurs, pour optimiser les flux d’intrants et ainsi gagner en compétitivité et en écoresponsabilité.
Le projet reposait sur des interactions fortes entre des universités (allemande et espagnole), la Mecanic Vallée et quelques industriels locaux volontaires. Il faut noter que Mecanic Vallée était l’un des terrains d’expérimentation, parmi plusieurs en Europe. Le projet s’est globalement déroulé en quatre temps : compréhension des chaînes de valeur des entreprises concernées, mise en place des outils de modélisation et de mesure d’utilisation des matières premières, développement d’un outil d’aide à la décision, et analyse des résultats obtenus pour validation des modèles développés.
Deux entreprises locales se sont prêtées au jeu : AD Industrie et Figeac Aéro. Les résultats de ce projet sont de deux ordres. Pédagogiques d’abord. Meman a permis de mettre en œuvre un outil d’aide à la décision sous la forme d’un simulateur. Concrètement, l’utilisateur peut prendre des décisions et en simuler les conséquences en matière de consommation des ressources en conditions réelles. En outre, des fiches de bonnes pratiques en matière d’économie de ressources ont été rédigées par les universitaires, les praticiens et les chercheurs. Ce projet a par ailleurs été intégré à un programme de formation Erasmus. Pratiques ensuite, puisque les résultats d’analyse ont pu être mis à disposition des industriels impliqués. Ces derniers ont ainsi pu réaliser un diagnostic de leur consommation de matières premières et mener des actions correctives.
La réglementation, guide des acteurs
Au titre de la directive européenne CSRD22, les acteurs du territoire cotés à la Bourse, comme Figeac Aéro, doivent réaliser une déclaration de performance extra-financière qui rend compte à la fois de l’impact de l’environnement et de la société sur leur performance financière et de l’impact de leur activité sur l’environnement et la société (on parle de « double matérialité »). Le rapport extra-financier 2024 de Figeac Aéro montre que l’achat de matière première est un de ses principaux postes de dépense mais aussi d’émission de CO2. Pour réduire l’impact de ces achats, Figeac Aéro a mobilisé deux outils : la norme ISO 14 001 destinée à réduire l’utilisation de matériaux et les déchets, et la comptabilité carbone destinée à quantifier les émissions de CO2 émises par son activité. L’industriel doit également composer avec les exigences de ses clients tels que Airbus ou Safran en matière d’économies de matière et d’énergie, puisqu’ils sont eux aussi soumis au reporting extra-financier et à la comptabilité carbone.
Afin de se conformer à ces obligations, le groupe a construit une équipe dédiée à la RSE, composée d’un directeur et d’ingénieurs. Des ambassadeurs ont été formés pour diffuser les bonnes pratiques environnementales au sein de l’entreprise : tri des déchets, utilisation raisonnée des machines, des robots et des locaux, etc. Des pratiques de mesure de la consommation d’énergie et de matière première ont été mises en œuvre, notamment grâce au projet Meman. Enfin, Figeac Aéro a dû mobiliser des acteurs pour l’accompagner dans sa démarche de gestion des déchets : une fois triés, ces déchets doivent être recyclés ou valorisés (comme matière première secondaire par exemple), ce qui demande une expertise spécifique et des partenaires. Figeacteurs a d’ailleurs été sollicité pour réfléchir à une stratégie d’économie circulaire locale sur certains déchets.
Le tri des déchets, un facteur de compétitivité
Les récentes crises géopolitiques et énergétiques ont fait flamber le cours des matières premières énergétiques et métallurgiques. Elles ont eu le mérite de faire prendre conscience aux industriels locaux que « leurs poubelles valaient cher ». Certains de ces industriels ont donc mis en œuvre une stratégie pour valoriser les déchets et rebuts.
Figeac Aéro et Ratier-Figeac ont initié une stratégie de recyclage (Fernandez Rodriguez, 2024) et de réutilisation des matériaux. Les deux entreprises parient sur un effort structuré de tri des déchets et des sous-produits générés par leur activité. Le tri des matériaux (titane, aluminium…) permet de produire des déchets homogènes, plus facilement réutilisables. Ils peuvent être envoyés chez des acteurs spécialisés qui les réutiliseront. L’intérêt des deux entreprises est alors de dégager une marge arrière, les déchets métalliques triés se vendant à un prix plus élevé que les bennes de tout-venant. Elles font l’effort d’expédier des déchets de qualité constante, qu’un fondeur peut ainsi réutiliser quasi instantanément. Par ailleurs, en recyclant ainsi ses déchets de manière fine, un industriel réduit son bilan global d’émissions de CO2 puisque la réutilisation des matériaux évite l’exploitation de ressources naturelles. Parallèlement, les chutes et les copeaux étant réutilisés, les émissions de carbone associées sont transférées au fondeur ou au recycleur qui les achète. L’opération est donc écologiquement et économiquement intéressante.
Cette approche est décrite par un chef d’entreprise lotois spécialisée dans l’aéronautique comme assez originale pour une entreprise métallurgique. Historiquement, dans ce secteur, le tri des déchets n’avait pas d’impact sur leur valorisation et constituait plutôt une charge en termes de personnel, d’espace et de location de bennes ; encore aujourd’hui, nombre d’entreprises du secteur vendent leurs chutes et leurs copeaux en vrac à des recycleurs qui se chargent de la valorisation et du tri. Ce choix est peut-être à remettre en question aujourd’hui, au vu de l’« anoblissement » des matières premières utilisées, notamment dans l’aéronautique. C’est le cas du titane notamment, dont le tri fin permet de réduire le coût d’acquisition et d’utilisation.
Un acteur Aveyronnais du secteur automobile reconnait que le recyclage des métaux lui a permis de conquérir facilement des marchés. D’une part, il a pu proposer un bilan carbone attractif à ses clients qui le réclamaient. En outre, cela l’a aidé à réduire ses coûts dans un marché assez concurrentiel, les chutes étant réutilisées en interne. Il s’agit aussi pour lui de développer les bonnes pratiques nécessaires pour répondre aux éventuelles exigences de certification des clients. En effet, en développant le recyclage, l’industriel a aussi développé sa méthodologie carbone afin de connaître le résultat exact de ses actions de recyclage en matière de CO2 économisé. Il est donc prêt si un client lui réclame une certification ISO. L’industriel a aussi repensé ses produits afin d’intégrer des matériaux à la fois plus légers et plus facilement recyclables. Cela permet de réutiliser plus facilement la matière (en passant par un fondeur) mais aussi de proposer des produits moins lourds.
Le recyclage vaut aussi pour le bois et le carton. L’association Figeacteurs milite auprès des industriels pour mieux valoriser ces ressources mises en vrac dans des bennes puis évacuées par des recycleurs. L’association Figeacteurs et ses partenaires cherchent activement à mieux trier ces déchets pour mieux les valoriser. En effet, l’industrie mécanique et métallurgique utilise de nombreuses caisses (pour les pièces fragiles notamment), des cartons et des palettes. Or, ces éléments peuvent aider les acteurs locaux comme les associations ayant besoin de réaliser de la logistique. Il s’agit donc de mettre en place une économie circulaire, où les déchets des uns constituent les ressources des autres. Par ailleurs, le tri du bois permet de classer différentes qualités de matières, et ainsi d’orienter vers les chaufferies23 et les incinérateurs les seuls bois et cartons de faible qualité.
- 16 – Créée en 1963, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale était en charge de la définition et de la mise en œuvre des politiques d’aménagement du territoire menées par l’État. Appelée DIACT (Délégation interministérielle à la compétitivité des territoires) entre 2005 et 2009 puis à nouveau DATAR (action régionale étant remplacée par attractivité régionale dans l’acronyme), elle change à nouveau de nom en 2014 pour CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires) puis en 2020 pour ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires).
- 17 – Un SPL est une forme de district industriels (voir les travaux de A. Marshall, 1890 et de Becattini, 1992) : une concentration géographique de PME-PMI, spécialisées dans un secteur d’activité, un métier ou un type de produit, qui entretiennent des relations plus ou moins étroites entre elles – pouvant relever à la fois de la concurrence et de la complémentarité – et avec d’autres acteurs du territoire (acteurs de la formation par exemple). Un SPL est également doté de structures d’animation. Selon Courlet (2002), un SPL est alors considéré comme un type d’organisation qui a ses logiques propres de reproduction et de développement.
- 18 – Selon le rapport d’activités 2022 de la Mecanic Vallée.
- 19 – Ce témoignage émane d’un entretien entre Bastien Bezzon et Robert Vitrat mené en 2012.
- 20 – D’après le rapport Mecanic Vallée (2021), les départements «non-historiques» comme le Cantal, la Dordogne et la Haute-Vienne ont vu leur nombre d’adhérents doubler entre 2009 et 2021 (de 21 à 42). Ce chiffre reste à relativiser au regard des populations d’entreprises potentiellement concernées sur ces territoires, nettement plus nombreuses. Le nombre d’adhérents industriels a augmenté de moitié en Aveyron, a diminué légèrement en Corrèze et a augmenté d’un tiers dans le Lot, entre 2009 et 2021. Pour ce qui concerne les collectivités locales et les agences de développement, les adhésions sont contrastées. Elles doublent en Aveyron entre 2009 et 2021 mais restent stables dans le Lot et la Corrèze. Elles augmentent également dans les départements « non historiques ».
- 21 – Le label « grappe d’entreprises » est créé par la Datar en 2009 dans la lignée des SPL. Contrairement aux pôles de compétitivité, forme spécifique de cluster mise en place en 2004 pour renforcer notamment l’innovation, une grappe d’entreprises vise à développer une filière économique.
- 22 – Applicable depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fixe de nouvelles obligations de reporting extra-financier aux grandes entreprises et PME cotées en Bourse.
- 23 – Les chaufferies au bois ont été développées dans le Lot notamment, sous l’impulsion du Syndicat départementale d’élimination des déchets (Syded).
Vers un nouveau système d’acteurs ?
Le dynamisme industriel de l’axe Figeac-Rodez doit historiquement beaucoup à l’action d’un entrepreneur politique24, Martin Malvy, et de deux dirigeants de Ratier-Figeac entre les années 1980 et 2010. Aujourd’hui, les intercommunalités et Bpifrance semblent participer plus activement au développement industriel du territoire, notamment à travers le programme Territoires d’industrie.
Une action d’abord portée par quelques hommes
L’influence notable de Martin Malvy sur la définition d’un périmètre pour l’action économique
Vice-président du conseil général du Lot (1970-2001), maire de Figeac (1977-2001), président du Grand-Figeac (2014-2018), président de la région Midi-Pyrénées puis Occitanie (1998-2015) et député du Lot à plusieurs reprises dans les années 1980 et 1990, Martin Malvy a posé de nombreux jalons dans les territoires lotois et régional, les dotant de nombreuses ressources matérielles ou idéelles.
En tant que vice-président du conseil général du Lot en charge des affaires économiques, Martin Malvy était à la tête de l’Agence lotoise de développement (ALD), destinée à soutenir l’activité économique et notamment industrielle dans le département. Sous son mandat, l’ALD a bénéficié du programme ADAPT de l’Union européenne, qui finance des actions, du personnel et des consultants pour assurer le développement des régions. L’ALD a également accompagné les industries métallurgiques dans la constitution de réseaux locaux de sous-traitance, dans le renforcement des méthodes de recrutement ainsi que dans la structuration de leur gestion financière. L’un des objectifs de l’agence était de générer une masse critique d’acteurs pour les amener à coopérer en matière de R&D (dossier ALD, 1997). Afin de constituer ces réseaux dans le département, l’ALD a engagé des cabinets de consultants chargés d’étudier les entreprises et de faire émerger des pistes d’action.
C’est l’ALD qui propose en 1998 un projet « d’arc industriel nord lotois », concomitant avec un autre projet de SPL déposé par l’Agence de développement de l’Aveyron. Comme cela a été décrit plus haut, la fusion de ces deux projets est à l’origine de la création de la Mecanic Vallée. L’ADIMAC propose que le SPL soit interterritorial ; aux côtés de l’Aveyron et du Lot, la Corrèze est également appelée pour donner du poids à l’initiative25 . Cette idée est soutenue par Martin Malvy, qui propose même de créer un Pays26 qui dépasserait les frontières habituelles des départements. La stratégie serait axée sur le désenclavement et la formation notamment (La Dépêche du Midi, 1999).
Néanmoins, ce projet est affaibli par plusieurs écueils. Le premier est politique. Martin Malvy est socialiste tandis que Jean Puech, du conseil général de l’Aveyron, appartient au RPR puis à l’UMP. Le deuxième point d’achoppement entre Martin Malvy et Jean Puech est la feuille de route attribuée au Pays et plus généralement leur vision du développement territorial. Il faut qu’il y ait une cohérence forte entre les acteurs réunis. Or, les dissensions entre les deux hommes sont nombreuses sur le périmètre, la légitimité et les missions (La Dépêche du Midi, 2002, 2003). Finalement, le Pays est créé mais sur un périmètre bien plus réduit que celui initialement prévu, le Lot et quelques communes en Aveyron limitrophes du Lot (La Dépêche du Midi, 2009). Ce Pays a notamment été orienté vers les aides et l’accompagnement des entreprises. Son conseil de développement était présidé par un industriel impliqué dans la Mecanic Vallée, Yves Chassint. Quelques années plus tard, les communautés de communes sont créées, centralisant désormais les projets et les ressources. La démarche de Martin Malvy a finalement été appliquée par la Mecanic Vallée, qui ne s’est jamais beaucoup souciée des frontières administratives. Si le Territoire d’industrie a suivi cette stratégie interterritoriale en s’étendant sur trois départements et deux régions, son périmètre ne recouvre que partiellement celui de la Mecanic Vallée. En écartant les territoires de la Corrèze et de la Haute-Vienne et en comprenant davantage d’intercommunalités du Cantal (les CC Cère et Goul en Carladès et Saint-Flour), le Territoire d’industrie s’appuie sur un système relationnel « incomplet » dans le sens où les acteurs ne se connaissent pas forcément et n’ont pas l’habitude de dialoguer ni de fonctionner ensemble.
Une implication par le biais de la ville de Figeac et de la région Midi-Pyrénées
Dans la première moitié des années 1990, Martin Malvy, alors maire de Figeac, député, brièvement ministre du Budget et président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, se bat pour obtenir la création d’un IUT à Figeac. Il est aidé dans sa démarche par les industriels locaux, Ratier-Figeac en tête, qui s’engagent notamment à fournir des stages, des contrats d’alternance, des vacataires d’enseignement mais aussi des visites et des immersions en usine. Il obtient l’ouverture d’une section Génie mécanique et productique (GMP) en 1995 dans le cadre du plan Université 2000, dédié à l’enseignement supérieur et à la recherche dans les villes moyennes, faisant de Figeac la plus petite ville de France accueillant un IUT. Cette section constitue la base de l’IUT Figeac désormais renforcé d’une section Carrières sociales et techniques de commercialisation.
Entre 1998 et 2015, Martin Malvy est à la tête de la région Midi-Pyrénées. Durant cette période, une stratégie de maillage du territoire se met en place pour accompagner les entreprises. L’agence Midi-Pyrénées Croissance-Midi-Pyrénées Expansion implante ainsi une succursale à Viviez, dans l’Aveyron, en 2009. En tant que président de l’intercommunalité du Grand-Figeac, Martin Malvy a également impulsé la création de plusieurs équipements, aujourd’hui utilisés par l’industrie locale. On peut notamment citer la zone d’activités Quercypôle, créée en réponse à la saturation des zones d’activités de Figeac, dont celle de l’Aiguille où est implanté Figeac Aéro à quelques kilomètres de Figeac (La Dépêche du Midi, 2005). La zone de Cambes regroupe aujourd’hui une pépinière d’entreprises, Calfatech et plusieurs entreprises dynamiques du territoire, comme AT2D (ingénierie mécanique), Potez Composites (fabrication d’aérostructures métalliques et composites, fabrication d’équipements de cabine et services de réparations et d’assemblage), Whylot (conception et fabrication de moteurs électriques), Lotoquine (fabricant de matériel pour loto notamment) ou encore Motowatt (fabrication de motos électriques). Par ailleurs, Cambes accueille le Centre de formation de l’industrie de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM).
L’ensemble de ces réalisations n’est pas seulement le fait de Martin Malvy mais plutôt d’un duo technico-politique efficace. En effet, Martin Malvy a longtemps été secondé par Jean-Claude Lugan, professeur des universités en sociologie à Toulouse 1 Capitole et adjoint à Figeac. Ce dernier a été particulièrement actif sur les questions de formation et de prospective. D’ailleurs, il a consacré une partie de sa carrière universitaire à l’étude de Figeac, acquérant ainsi des repères clés pour participer à la politique de la ville et de l’intercommunalité. Jean-Claude Lugan a établi en partie la stratégie de la zone d’activités Quercypôle de Cambes et a aussi largement contribué à structurer le projet d’IUT (La Dépêche du Midi, 2000).
Robert G. et Robert V., cartes maîtresses du développement dans le figeacois
Robert Vitrat, directeur général de Ratier-Figeac entre 1986 et 1998, et Robert Gaïani, directeur général adjoint de Ratier-Figeac entre 1981 et 2005, personnifient également le développement industriel local.
Ils ont tout d’abord contribué à la revitalisation et à l’ancrage territorial de Ratier-Figeac, en tant qu’artisans majeurs de sa montée en gamme technologique et de sa transformation en équipementier. Ces deux industriels ont également été à l’origine de l’essaimage d’entreprises destiné à rompre l’isolement de Ratier, en parvenant à convaincre plusieurs cadres de l’entreprise de devenir entrepreneurs.
Robert Vitrat a décidé de quitter ses fonctions exécutives chez Ratier mais a été rappelé en 2004 pour en reprendre les rênes pour quelques mois (Bertoni, 2004). Membre fondateur et premier président de la Mecanic Vallée, Robert Vitrat a eu un cours mandat à la CCI où il a été marqué par « l’isolationnisme des chefs d’entreprises industrielles, les laissant en proie à des difficultés conséquentes qui pouvaient être résorbées par une action collective confiante et résolue »27.
De son côté, Robert Gaïani engagé dans l’UIMM du Lot depuis 1997 dont il est l’actuel président, a porté le projet de centre de formation à l’industrie à Cambes. Il est également administrateur de l’IUT de Figeac, en raison de son intérêt pour les questions de recherche et de technique, nous a indiqué un proche.
Depuis leur fin de mandat chez Ratier-Figeac, Robert Vitrat et Robert Gaïani sont devenus actionnaires de l’entreprise Whylot, créée en 2011, spécialisée dans la fabrication de moteurs électriques performants.
Les intercommunalités, nouveaux acteurs du développement industriel ?
Développer le tissu existant et se méfier des « éléphants blancs »
Selon un acteur du développement économique local, les collectivités visent en priorité le développement des entreprises existantes, leur accompagnement stratégique et, in fine, leur croissance. En d’autres termes, elles ne sont pas à la poursuite de grands projets exogènes, qui seraient portés par des entreprises sans ancrage local ou des multinationales28. De tels projets seraient en effet peu adaptés au territoire, qui connaît un faible taux de chômage, un foncier peu abondant et des compétences assez orientées, peu généralistes, note un responsable du développement économique. Ainsi, en 2021, après avoir envisagé Rodez comme lieu d’implantation pour sa giga-factory de batteries, l’entreprise Verkor lui a finalement préféré Dunkerque pour ces raisons. Ce projet portant sur 1,2 milliard d’euros et 2 000 emplois avait pourtant attiré l’attention des élus (Merlet, 2021). En revanche, les intercommunalités ont soutenu récemment des entreprises locales (Soben à Cahors, Whylot à Cambes et Interlab à Aurillac) car elles avaient une stratégie de croissance dans le territoire – la création d’emplois et l’activité ont été conservées sur la commune d’implantation.
L’action des intercommunalités via le programme Territoires d’industrie
Le programme Territoires d’industrie29, lancé en novembre 2018, a permis aux intercommunalités et aux industriels de définir ensemble une feuille de route, avec des actions concrètes à mener en faveur de la redynamisation du tissu industriel autour de quatre grands axes : les compétences, l’innovation, la simplification administrative et l’attractivité. Ces axes ont été redéfinis au lancement de la phase 2 du programme, en 2023, la simplification administrative et l’attractivité ayant été remplacées par le foncier industriel et la transition écologique. Initialement pensé comme un accompagnement en ingénierie, le programme est aussi devenu un moyen de flécher des financements de France Relance vers des projets d’entreprise. Dans le territoire, il a aidé à finaliser la mise en œuvre de projets pensés et entamés avant le lancement même du programme (Granier et Ellie, 2021 ; Granier, 2023) ; plusieurs fiches action déposées dans le cadre du programme correspondent à ce cas de figure.
Figure 5.1 – Bilan des fiches actions du programme Territoires d’industrie
Sources : contrat Territoires d’industrie 2019 et sites des institutions concernées.
Des entreprises en difficulté de l’Aveyron, notamment dans la filière automobile, ont bénéficié en 2023 du dispositif « choc industriel », qui permettait de déployer des consultants. Une première mission a été menée auprès de la SAM en 2020 pour identifier des repreneurs et préparer le reclassement des salariés dans le tissu économique local. Une seconde mission a été déployée auprès des salariés de Bosch Rodez pour faciliter le reclassement des salariés touchés par la réduction importante du nombre de postes de travail en 2021. D’autres entreprises qui participaient à l’industrialisation des territoires ou à la constitution de secteurs stratégiques ont également reçu des aides lors de la crise liée au Covid (Figure 5.2).
Figure 5.2 – Les financements reçus par les entreprises dans le cadre du dispositif France Relance
Sources : sites officiels du Gouvernement et des services de l’État dans les départements.
Certaines entreprises du Territoire d’industrie ont également bénéficié du dispositif « Rebond industriel », qui visait à transformer les filières dédiées aux transports, notamment à accompagner leur décarbonation. Ce dispositif a permis d’identifier des projets d’entreprise, qui ont ensuite reçu des financements, notamment de la part de Bpifrance.
Figure 5.3 – Les financements reçus par les entreprises dans le cadre du dispositif Rebond Industriel
Source : Banque des Territoires.
Le nouveau contrat, signé dans le cadre de la phase 2 du programme Territoires d’industrie sur la période 2023-2027, a été structuré autour de plusieurs axes : la structuration de nouveaux réseaux, dont un pourrait être dédié au bois (Saint-Paul, 2024) ; le développement d’actions de (re)valorisation du foncier à usage industriel ; la construction de démarches de transition énergétique locale et de solutions d’implantation de salariés sur le territoire, notamment de salariés hautement qualifiés.
Un accompagnement humain nécessaire mais limité
Selon les acteurs locaux, le programme Territoires d’industrie a créé des opportunités mais surtout un accompagnement humain dont ils apprécient les bénéfices.
En 2019, lorsque Aurillac-Figeac-Rodez a été labellisé Territoire d’industrie, Jean-François Chanut, l’industriel co-présidant le dispositif, est à la fois le P-DG de Ratier-Figeac et président de la Mecanic Vallée. Hervé Danton, chargé de mission du Territoire d’industrie, est également délégué général de la Mecanic Vallée. Dans ce cadre, il anime à la fois les actions de l’association et celles du Territoire d’industrie. Dans les premiers temps, ce cumul de mandats apparaissait bienvenu car une partie importante des actions du Territoire d’industrie était engagée par des industriels de la Mecanic Vallée.
En 2021, une nouvelle chargée de mission a été recrutée, Minoï Marchand30, aidant à mieux différencier les projets de la Mecanic Vallée et du Territoire d’industrie tout en augmentant les moyens humains de cette action collective. Une de ses principales missions consiste à aider les entreprises à répondre aux différents appels à projets à travers trois étapes : les informer des appels à projet, les aider dans la rédaction des candidatures pour qu’elles postulent, les accompagner dans le montage et la constitution du dossier.
Une autre mission de la chargée de mission est de chercher de nouvelles opportunités aux dossiers refusés dans des appels à projets, en restant à l’écoute et à la disposition des entreprises. Elle participe donc à un maximum d’évènements locaux impliquant des industriels, notamment ceux organisés par les partenaires (Mecanic Vallée, Ad’Occ, organismes consulaires). Elle propose aussi des journées de sensibilisation et d’information sur des thématiques originales. Dans le Territoire d’industrie, ces animations ont porté sur l’écologie industrielle et territoriale ainsi que sur le foncier industriel. Des déjeuners, des rencontres et des visites en entreprises ont également été organisés.
L’immensité du territoire est une des limites de la fonction de chargé de mission pour qui les temps de déplacement peuvent être très longs. Par exemple, un déplacement Figeac-Saint-Flour représente 130 kilomètres et près de deux heures de trajet. L’intégration du Grand Cahors dans le Territoire d’industrie ne fait qu’accentuer cette problématique en élargissant davantage le périmètre géographique d’intervention et le nombre d’entreprises à accompagner.
Outre l’action du chargé de mission, le programme est organisé autour d’une gouvernance bipartite – un binôme élu-industriel pour chaque région. Les organismes consulaires comme les chambres des métiers ou les chambres de commerce et d’industrie participent au dispositif mais restent extérieures à sa gouvernance.
L’émergence de la BPI dans l’écosystème local de conseil au développement
L’implantation de Bpifrance à Rodez en 2024 répond à un besoin de proximité : auparavant, les chargés d’affaires venaient de Toulouse pour rencontrer les acteurs locaux, ce qui réduisait d’autant leur capacité à rencontrer un nombre important de prospects et d’acteurs du développement local. Cette implantation répond aussi aux besoins des départements du Lot, de l’Aveyron et du Tarn, qui représentent environ 20 % de l’activité de Bpifrance au niveau régional (Dos Santos, 2024). Plusieurs opérations notables avaient auparavant été réalisées dans la région. ATS Laser (Aveyron), spécialisée dans la tôlerie industrielle, a par exemple bénéficié en 2023 d’une entrée de Bpifrance à son capital. Il s’agissait de soutenir à la fois la montée dans le capital des dirigeants actuels et un déploiement de l’entreprise dans l’industrie 4.0. Bpifrance est aussi intervenue dans le rachat de l’entreprise 2PS, spécialiste des revêtements métalliques. Enfin, Bpifrance a accordé un prêt atout31 de 14,8 millions d’euros à Figeac Aéro.
Avec cette nouvelle implantation, la stratégie du directeur d’agence de Rodez est de réaliser un « porte-à-porte de masse » (La Dépêche du Midi, 2024) afin de détecter des dossiers déjà mobilisables et de montrer la disponibilité de l’agence auprès de potentiels clients. Au-delà du financement, l’accompagnement de Bpifrance peut concerner la cybersécurité, le lean management ou encore la performance industrielle via un réseau de consultants labellisés.
Bpifrance souhaite aussi accompagner les chefs d’entreprise locaux dans leur réflexion stratégique, notamment en matière de transmission d’entreprise. L’implantation locale de Bpifrance Rodez doit ainsi lui permettre de renforcer l’écosystème local, en particulier avec les CCI et les banques32.
Une bonne complémentarité entre les acteurs
Les intercommunalités, le Territoire d’industrie, Bpifrance et la Mecanic Vallée jouent sur leurs complémentarités, chacun évitant d’investir le champ de compétences de l’autre. Par exemple, la Mecanic Vallée, qui connaît parfaitement les acteurs industriels, sert d’intermédiaire entre ces derniers et les acteurs du développement industriel local, explique un fabricant de machines industrielles Aveyronnais. Lorsqu’une question sort de leur domaine de compétences, les acteurs du développement local transfèrent les informations et les dossiers directement au chargé de mission du Territoire d’industrie. Bpifrance, quant à elle, est seule à intervenir sur le segment du financement.
Par ailleurs, les acteurs sont liés entre eux par des représentations croisées, matérialisant l’entente mutuelle entre eux : le binôme industriel-élu à la tête du Territoire d’industrie fait le lien avec les différentes collectivités (région, communautés de communes), la Mecanic Vallée est le binôme industriel (en Occitanie) des représentants du programme Territoires d’industrie, etc.
En outre, qu’elles soient organisées par l’État, la Mecanic Vallée ou le Territoire d’industrie, les réunions des acteurs économiques se veulent les plus ouvertes possible, de façon à donner l’opportunité à tous les acteurs de s’exprimer, d’éviter les comportements opportunistes et la rétention d’informations.
Les acteurs interrogés soulignent d’ailleurs qu’il y a peu de concurrence entre les collectivités locales pour attirer les projets industriels car ces derniers sont plutôt rares si on les compare aux projets liés au tourisme, à l’agroalimentaire ou aux services. Les quelques points d’achoppement entre collectivités portent plutôt sur les capacités foncières offertes par les territoires.
- 24 – Voir Coussy et Bernela (2024).
- 25 – C’est en tout cas l’argument retenu dans le dossier de presse présentant le SPL nouvellement constitué.
- 26 – Les Pays, créés en 1995 par la Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, sont des entités chargées d’impulser le développement local sur des questions économiques et sociales dans les territoires ruraux, en s’appuyant sur des territoires présentant une certaine cohérence. Les entreprises des bassins de Figeac et de Capdenac ont des activités similaires et une histoire commune.
- 27 – Ce témoignage émane d’un entretien entre Bastien Bezzon et Robert Vitrat mené en 2012.
- 28 – Cette analyse s’appuie notamment sur l’expérience de développeurs locaux qui, au cours de leur carrière, ont pu comparer des projets menés par des entreprises locales et des projets venant d’acteurs extérieurs.
- 29 – Les programmes nationaux Systèmes productifs locaux (années 1990) et Grappes d’entreprises (années 2010) peuvent être considérés comme les ancêtres du programme Territoires d’industrie. Ces démarches visaient notamment à favoriser une action collégiale territorialisée pour répondre à des problématiques locales grâce à des ressources locales. Les deux ont labellisé la Mecanic Vallée.
- 30 – Minoï Marchand a été remplacée par Clément Delrieu en 2024.
- 31 – Le prêt Atout est conçu pour renforcer la trésorerie des entreprises lorsqu’elles rencontrent des tensions liées à la situation conjoncturelle.
- 32 – Le réseau Capitole Angels, constitué de business angels régionaux et locaux, a évoqué la possibilité d’implanter une agence à Rodez d’ici quelques années (Kallenbrun et Rey, 2024).
Penser le futur du Territoire d’industrie
À la lecture des trois précédents chapitres, on se rend compte que l’intégration des bassins d’Aurillac et de Saint-Flour dans le territoire Figeac-Rodez ne se fera pas par la seule labellisation du Territoire d’industrie. L’organisation territoriale des activités de la mécanique s’est construite sur le temps long, par des individus et des collectifs qui se sont mobilisés dans cet objectif. À ce jour, le périmètre du Territoire d’industrie relève davantage d’un choix politique porté par les créateurs du programme que de la projection du fonctionnement industriel du territoire (d’un système d’acteurs existant ou d’une spécialisation cohérente). Mais il ne faut pas oublier que l’implantation de Ratier et de Bosch dans les années 1930 s’est faite de la même façon, il y a bien longtemps. Deux enjeux du programme Territoires d’industrie, le foncier et la formation d’écosystèmes d’excellence, apparaissent comme des points d’entrée pour développer un dialogue entre l’ensemble des intercommunalités concernées.
Le foncier, enjeu partagé du développement industriel
Concentrer et densifier
Sur le Territoire d’industrie, entre 2009 et 2020, 22,19 % des hectares consommés ont été dédiés aux activités productives. Certaines communautés de communes ont une dynamique plus soutenue pour la consommation de foncier à usage industriel : c’est le cas de Grand-Figeac, Bassin d’Aurillac, Cère et Goul en Carladès, Conques-Marcillac, Réquistanais (Cerema, 2022).
Comme partout en France, la contrainte de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) à horizon 2050 oblige les acteurs à trouver des solutions pour optimiser l’usage des sols. La faible densité du bâti et la dispersion des activités industrielles sont identifiées par le Cerema dans son rapport de 2022 comme des axes sur lesquels travailler. En particulier, les activités industrielles sont loin d’être concentrées dans des zones d’activités aménagées par les collectivités locales. Ainsi, 56 % des établissements et 63 % des emplois de la communauté d’agglomération du Bassin d’Aurillac se situent en dehors des zones d’activités.
La densification du bâti se heurte en revanche aux contraintes liées à l’organisation productive des entreprises. Deux industriels interrogés ont clairement exprimé leur volonté de disposer de foncier suffisamment plat pour limiter les coûts de terrassement et d’aménagement. Un industriel interrogé indique d’ailleurs « être heureux d’avoir constitué une réserve foncière de terrain plat, pour réaliser de futures extensions de ses bâtiments ». En 2012, Figeac Aéro, qui n’a pas pu disposer de terrains plats pour réaliser ses extensions en raison de la topographie du territoire (La Dépêche du Midi, 2012), a réalisé un système de terrasses pour aménager ses locaux. Le coût prévisionnel était estimé à 12 millions d’euros.
La méconnaissance des friches par les acteurs locaux quant à leur localisation et leur qualité est également une limite à la mise en œuvre d’une stratégie de densification (Cerema, 2022). Selon le site Cartofriches, en septembre 2024, sur le périmètre du territoire d’industrie Aurillac-Figeac-Rodez, 209 friches étaient répertoriées parmi lesquelles 112 disposent d’un projet de valorisation, 96 sont sans projet de valorisation et une seule a fait l’objet d’une conversion. Plusieurs friches sont concentrées autour de Aubin-Cransac-Decazeville, de Villefranche-de-Rouergue et de Rodez. Néanmoins, les friches sont très majoritairement dispersées dans le Territoire d’industrie, notamment dans des zones peu denses, et sont de différentes natures : commerciales (locaux commerciaux laissés à l’abandon), industrielles (activités fermées ou transférées), zones de décharge non réhabilitées, zones militaires désaffectées (Viroulou près de Rocamadour). Deux appels à projets ont été émis pour subventionner la réhabilitation et la réutilisation de friches. Plusieurs projets ont pu être identifiés sur le Territoire d’industrie, notamment la ZAC des Grands Camps à Mercuès, près de Cahors, et Halles Vallourec (ZAC du Centre) à Decazeville. D’autres opérations de réhabilitation sont répertoriées mais elles sont destinées en majorité à un usage résidentiel et non productif.
Enfin, la région Occitanie est récemment devenue acquéreuse de l’usine SAM de Decazeville, afin d’éviter que le bâtiment ne devienne une friche. L’usine de la SAM a été le seul « site industriel clés en main » reconnu par l’État dans le Territoire d’industrie.
La diversité des solutions immobilières proposées par les collectivités locales du territoire
La responsable d’une structure publique indique que la collectivité doit prévoir des réserves foncières pour être en mesure de répondre rapidement aux demandes des industriels, certaines de leurs décisions pouvant en effet y être conditionnées. Toutefois, ces demandes sont souvent spécifiques, puisque le foncier doit être en adéquation avec leurs équipements et leur activité.
Selon cette même responsable, le foncier le plus prisé, plat, proche des réseaux et des infrastructures de transport, n’est plus disponible. Et si le reste du foncier local existant ne répond pas aux demandes en termes de prix et d’accessibilité, elle souligne qu’il est donc désormais essentiel de chercher de nouvelles propositions pour répondre aux demandes des acteurs économiques.
Plusieurs solutions émergent. Par exemple, pour accompagner les entreprises dans leur croissance tout en allégeant leurs charges immobilières, des hôtels d’entreprises voient le jour. Celui de Cambes (Lot) propose à la fois des bureaux et des petits ateliers destinés aux entreprises très jeunes. La zone d’activités Quercypôle de Cambes propose aussi des ateliers relais qui ont notamment profité à la société Whylot et à l’établissement et service d’accompagnement par le travail (ESAT) APEAI. Saint-Flour communauté propose des bâtiments adaptés aux activités, comme des ateliers spécialement conçus et équipés pour les productions agroalimentaires. Ce type d’action est partenarial puisque les collectivités s’entraident dans leur financement. Ainsi, Cauvaldor a attribué de nombreuses aides immobilières aux entreprises du territoire : chaque euro apporté par la communauté de communes pouvait ouvrir jusqu’à 9 euros d’aides de la Région (La Dépêche du Midi, 2021).
Les aides financières directes aux entreprises sont assez nombreuses. Rodez Agglomération indique conditionner ses aides immobilières à des créations d’emplois et à des critères d’écoresponsabilité. De cette façon, Rodez Agglomération entend réduire l’impact environnemental du foncier sur l’environnement, en encourageant par exemple des économies d’eau et d’énergie. La communauté d’agglomération du Grand Cahors opère avec les mêmes critères, auxquels elle ajoute des éléments d’esthétique des bâtiments. Il s’agit d’harmoniser l’immobilier pour éviter un urbanisme anarchique à l’origine de la « France moche »33. La communauté de communes de Decazeville propose quant à elle une bourse à l’immobilier d’entreprises, qui vise à un meilleur appariement entre offre et demande en recensant notamment le foncier et l’immobilier économiques disponibles dans le territoire. Un acteur public interrogé souhaite le développement d’une offre locative publique pour réduire les prix, éviter les escroqueries et adapter l’offre aux étapes de la vie de l’entreprise.
Les zones d’activités constituent une autre réponse des collectivités, qui peuvent ainsi encourager le rassemblement des industries au sein d’un même pôle afin de limiter les nuisances sonores et olfactives et centraliser le trafic routier (figure 6.1).
Figure 6.1 – Les zones d’activités par EPCI dans le Territoire d’industrie en 2024
Sources : sites des collectivités locales.
Les zones d’activité sont de taille variable et assez concentrées autour des villes les plus importantes du Territoire d’industrie ou autour des grands groupes. C’est le cas de la zone d’activités de La Glèbe structurée autour de Lisi Aerospace dans Ouest Aveyron communauté, la zone industrielle de l’Aiguille autour de Figeac Aéro dans le Grand-Figeac ou la zone industrielle de Biars-sur-Cère autour d’Andros. Plusieurs zones sont en cours de création pour répondre aux besoins fonciers des entreprises, notamment dans le Cauvaldor à Cressensac, à proximité de l’aéroport Brive Souillac-Vallée de la Dordogne.
Les zones d’intérêt régional, un apport des régions à l’aménagement industriel du territoire
Les régions Occitanie et Auvergne-Rhône Alpes ont structuré des zones d’activité à vocation régionale. La région AURA a ainsi lancé un appel à projets pour labelliser des parcs d’activité économique à intérêt régional (PAIR). Pour attirer les entreprises, ces zones offrent aux entreprises des services tels que l’accompagnement des entreprises dans leurs démarches. Au sein du Territoire d’industrie, seule la zone du Rozier-Coren (Saint-Flour) a été labellisée par le conseil régional AURA. Elle accueille notamment TPS Coliservice (transports routiers de frêt de proximité), Uniplanèze (fabrication de plats cuisinés) et France boissons (distributeur de boissons). Cette zone comprend également un village d’entreprises dédié à l’accueil et à l’accompagnement des entreprises de moins d’un an. Sa labellisation répond à la fois à la volonté de renforcer les capacités d’accueil des entreprises à Saint-Flour, l’autre zone (Crozatier) étant saturée et de profiter de la proximité avec l’A75.
De son côté, la région Occitanie contribue au développement foncier et immobilier par le biais du dispositif Occitanie zones économiques (OZE). Ce dispositif donne accès à des services partagés dans la zone (restauration, pépinière), ouvre droit à certaines aides financières et à un accès clé en main à l’immobilier. Au sein du Territoire d’industrie, plusieurs OZE ont été créées. La zone de Fontanes implantée dans le Grand Cahors a été labellisée « clé en main » c’est-à-dire que l’ensemble des démarches préalables à l’implantation d’une entreprise ont été simplifiées ou effectuées en amont, de façon à diminuer les délais d’implantation (site OZE Occitanie). Une autre OZE, la zone des Landes (Biars-sur-Cère), comporte 20 entreprises mais a été fortement structurée autour d’Andros pour accompagner le géant européen de la confiture. La zone Arsac à Sainte-Radegonde (Aveyron) est, elle, destinée à accueillir de nombreuses entreprises agroalimentaires, notamment celles qui travaillent la viande, à proximité de Rodez. Elle accueille 37 entreprises dont Unicor et Alliance porc. La zone Bel Air (Druelle, Rodez) accueille une entreprise de charpentes (Charles et Mouysset), une de menuiserie industrielle (Devic) ainsi qu’une compagnie d’autocars (Verdié). La zone de La Glèbe (Savignac, Villefranche de Rouergue) est vouée à accompagner le déploiement d’une grande entreprise, LISI Aerospace (aéronautique), mais 36 autres entreprises aux activités hétérogènes (aliments pour animaux, maintenance poids lourds, plâtrerie…) y sont également implantées. Enfin, la zone Quercypôle (Cambes) accueille 19 entreprises des secteurs mécanique et métallurgique comme Potez, Whylot, AT2D, ainsi que Lotoquine (divertissement).
Une nouvelle « valley » autour du bois ?
Un projet porté par le Territoire d’industrie
À l’heure actuelle, les acteurs du Territoire d’industrie cherchent à développer un cluster local dédié au bois. On se souvient que le bois de noyer a amené Paulin Ratier à acheter une scierie à Figeac, pour produire les hélices en grande série. Sur le modèle de la Mecanic Vallée, cette initiative initialement portée par Guillaume Raymond, alors sous-préfet de Villefranche-de-Rouergue (Saint-Paul, 2023), doit faciliter la coopération entre acteurs de la filière et les sortir de leur isolement. Une étude de l’ANCT a été lancée fin février 2024 pour étudier la pertinence de ce cluster (Saint-Paul, 2024).
L’impulsion publique répond à l’attente de certains acteurs du territoire, qui souhaitent travailler ensemble et éviter que leur isolement ne devienne insoutenable. Le cluster doit permettre aux acteurs de créer des synergies facilitant leur activité mais aussi leur compétitivité. Cela leur permettra par exemple de traiter de plus forts volumes de bois, d’intervenir sur de nombreuses zones géographiques, de proposer de produits et de services innovants.
L’originalité de ce projet est de parier sur un cluster, et donc d’encourager une action volontaire basée sur l’adhésion. Néanmoins, une tentative de coopération entre acteurs de la filière bois avait déjà vu le jour en 2013 dans un territoire voisin : il s’agissait de la Grappe Auvergne bois innovation (Gabi), orientée vers l’écoconstruction (Vacherot, 2015). Selon une étude du SCET34 (2024), la grappe a été dissoute en 2018 pour des raisons de budget, dans une conjoncture morose. La dissolution tiendrait également au manque de coopération des acteurs, parfois concurrents. Or, ces deux caractéristiques sont à nouveau identifiées dans l’étude du SCET portant sur le projet de cluster bois au sein du Territoire d’industrie : les acteurs locaux interrogés confessent ne pas avoir de culture de coopération, être enclins à agir isolément, voire être mus par des inimitiés personnelles solides.
En tout état de cause, la création d’un cluster ne peut s’envisager sans financement ni acteur chargé d’animer le projet. Or, à ce jour, aucun crédit n’est fléché en ce sens. Des acteurs de la recherche et de la formation, le CRIIT Bois et le centre des métiers et des qualifications Forêt-Bois Occitanie, ont été nommés afin d’animer le projet.
La reproduction de la Mecanic Vallée pour les activités du bois est-elle possible ? 35
Les scénarios proposés par le SCET pour créer un cluster bois – développement des relations entre acteurs, renforcement des missions d’animation et création d’un cluster – peuvent correspondre à l’histoire de la structuration de la Mecanic Vallée. Pourtant, un certain nombre de conditions initiales diffèrent entre la mécanique et le bois, rendant le projet de cluster incertain.
Au départ, la Mecanic Vallée visait le renforcement des synergies entre acteurs à un niveau interterritorial. Dans la filière bois, des initiatives existent déjà : les Fermes de Figeac, SCIC Bel par exemple. Néanmoins, ce sont des initiatives isolées et leurs acteurs ne sont pas prêts à aller au-delà, en raison d’un manque de ressources mais aussi parce qu’ils ne souhaitent pas consacrer de ressources pour leurs concurrents. Plus généralement, les acteurs du bois sont décrits comme étant souvent concurrents, plutôt méfiants et n’ayant pas une forte volonté de travailler ensemble (Cour des Comptes, 2020 ; SCET, 2024). Cela réduit fortement toute idée d’action collective efficace à court et moyen terme sur ces thématiques.
La Mecanic Vallée rassemble des entreprises sur des niches, et ont peu de clients locaux. C’est une situation assez différente de la filière bois, où les acteurs se ressemblent fortement que ce soit par leur activité, leur zone d’approvisionnement et leurs débouchés locaux. L’action collective des acteurs du bois au sein d’un cluster devrait plutôt être imaginée dans les activités support : communication, ressources humaines, achats, innovation par exemple. L’idée est de développer des interactions en pointant des thématiques communes qui méritent d’être traitées de manière collective. On pourrait alors parler d’une forme de coopétition, dans laquelle des acteurs en concurrence coopéreraient sur certaines thématiques.
Ensuite, la Mecanic Vallée a été structurée avec l’appel à projets SPL de la DATAR. La labellisation en SPL s’est accompagnée de financements et a permis de rassembler une masse critique d’acteurs. Elle a favorisé la mise en œuvre d’actions telles que des échanges interentreprises, des actions de communication ou des formations. Elle a en outre fait émerger le besoin de disposer de personnel dédié à l’animation des réseaux. La labellisation Territoire d’industrie et l’accompagnement des acteurs peuvent participer à la structuration du cluster. Selon la Cour des Comptes (2021), la coordination entre acteurs est rendue possible par l’incitation voire la pression des autorités publiques (les régions par exemple) qui financent une partie de la filière.
L’association développe à présent ses ressources internes par le biais de projets, de personnes-ressources mais aussi de financements pérennes (subventions notamment).
- 33 – Cette formule est une manière de qualifier les effets de l’étalement urbain, avec ses zones commerciales notamment, sur nos paysages.
- 34 – La SCET, filiale de la Caisse des dépôts, est une société de conseil et d’ingénierie de projets qui accompagne les collectivités et leurs satellites dans la recherche de solutions innovantes et performantes.
- 35 – Cette section est directement inspirée d’un document envoyé par l’auteur au cours de l’été 2024 au SCET suite à la parution de son étude.
Conclusion
Parmi les enseignements que livre ce cas d’école du territoire Aurillac-Figeac-Rodez, on retiendra que le caractère rural d’un territoire n’est pas déterminant de ce qui fait ou ne fait pas sa réussite. Il s’agit d’une contrainte à prendre en considération, notamment dans la gestion de la main-d’œuvre, de la même manière que le relief et l’enclavement des territoires agissent comme des barrières. Ce qui fait la dynamique des territoires, tout au contraire, c’est la nature des relations entre acteurs et leur manière de faire système.
Entre donneurs d’ordres et sous-traitants, la relation hiérarchique – nécessaire en phase d’essaimage – doit laisser place à une relation équilibrée, dans laquelle les sous-traitants façonnent leur spécificité et assurent leur survie. Dans le même temps, cette construction de savoir-faire spécifiques permet d’ancrer les entreprises au territoire et de mettre les compétences au cœur des relations. Ce qui lie les acteurs dans ce territoire n’est pas leur appartenance à un unique secteur d’activité – ils servent aujourd’hui différents marchés – mais le partage des compétences et des métiers de la mécanique.
Entre industriels locaux, les liens interpersonnels comptent éminemment : la présence d’interlocuteurs disponibles et à l’écoute, avec qui partager des problématiques communes, est un facteur important d’attractivité dans un territoire.
Entre industriels et acteurs publics, un équilibre a été trouvé entre la mobilisation dans des combats communs – l’ouverture d’une formation par exemple – et le respect mutuel des domaines de compétences.
L’étude de l’axe Figeac-Rodez met aussi en évidence le rôle des événements historiques et des personnalités individuelles.
En ce qui concerne le programme Territoires d’industrie, on retiendra que la labellisation du territoire Aurillac-Figeac-Rodez s’inscrit dans la lignée d’actions entreprises depuis des décennies, à la fois par les acteurs industriels et par les décideurs publics, pour dynamiser et valoriser les activités de la mécanique. En ce sens, elle vient pérenniser des efforts existants en faveur de l’industrie plus que réindustrialiser le territoire (ce qui est l’objectif affiché du programme). Surtout, elle met en lumière la réussite d’un territoire rural et enclavé en matière de dynamique économique.
Toutefois, le périmètre choisi pour le Territoire d’industrie ne reflète pas le fait que les réseaux d’acteurs sont les éléments structurants de la dynamique territoriale. En effet, aucun réseau notable n’est apparu entre Aurillac et Figeac-Rodez au cours de nos entretiens, que ce soit dans une filière, dans des métiers ou dans les compétences des acteurs publics. Nous suivrons donc attentivement la mise en œuvre de la fiche action dédiée à la structuration de la filière bois censée couvrir l’ensemble du territoire labellisé et l’émergence d’un nouveau réseau d’acteurs.
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Annexe
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ISBN : 978-2-38542-651-4
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