Territoires industriels : les ressorts de la performance et du déclin

La Fabrique de l’industrie publie aujourd’hui sa Note n°30 intitulée L’étonnante disparité des territoires industriels : comprendre la performance et le déclin. Cet ouvrage présente les résultats d’un projet de recherche conduit dans le cadre de l’observatoire des Territoires d’industrie, créé en 2019. Constatant la forte hétérogénéité des territoires industriels, à rebours de toute lecture déterministe, il montre l’effacement continu des logiques sectorielles au profit des dynamiques locales.

Une représentation simpliste, très reprise récemment pour tenter d’expliquer le mouvement des « gilets jaunes », oppose les espaces métropolitains « gagnants de la mondialisation » et les territoires périphériques, supposément désindustrialisés. Cette vision des « deux France » n’est pourtant pas scientifiquement fondée ; les auteurs de la note révèlent au contraire la grande diversité des trajectoires territoriales, l’absence de fatalité frappant les bassins industriels (y compris les plus spécialisés) et l’importance de l’effet local, c’est-à-dire des conditions socioéconomiques spécifiques à chaque zone.

La performance des territoires échappe aux prédictions macroscopiques intuitives

L’observation des créations et destructions d’emplois industriels vient démentir une idée reçue : il n’y a pas de lien entre le nombre initial d’emplois industriels sur un territoire et sa variation. Les grands bassins d’emploi industriels ne sont donc pas condamnés à décliner, pas plus que les grandes métropoles ne seraient mécaniquement promises au succès. Par ailleurs, la spécialisation sectorielle des territoires n’a qu’un effet limité sur la trajectoire territoriale. L’analyse structurelle-résiduelle le montre : les conditions macroéconomiques (productivité, dépenses des consommateurs, concurrence internationale…) expliquent 52 % de l’évolution de l’emploi industriel dans les territoires quand la spécialisation sectorielle n’en explique en moyenne que 10 %.

L’effet local est donc déterminant dans la variation de l’emploi

L’effet dit « local » reflète la dynamique propre à chaque territoire, sous l’effet des conditions économiques locales (prix du foncier, climat, infrastructures, transport, qualité de la gouvernance et des relations clients-fournisseurs, etc.). Selon les auteurs, il explique donc en moyenne 38 % des variations de l’emploi dans les territoires, et pèse même davantage que les conditions macroéconomiques dans 122 territoires (soit 40 % de l’échantillon). Les zones à effet local positif se retrouvent le plus souvent à l’ouest, dans le sud et en Rhône-Alpes, tandis que celles qui présentent un effet local négatif sont majoritairement localisées dans le nord et le centre de la France.

Des effets d’entraînement régionaux

Contrairement à l’idée que chacun peut se faire de secteurs d’activité « porteurs » ou au contraire « condamnés », la performance résulte donc de la combinaison de ressources propres à chaque territoire. Nombreux sont les facteurs qui entrent en jeu : dotations matérielles (géographie, infrastructures, technologies…), immatérielles (histoire des territoires, capital social, qualité des échanges entre acteurs…), caractéristiques de l’appareil productif local et l’efficience des firmes. En outre, un territoire ne constitue pas un système clos : leur performance dépend souvent des conditions qui prévalent chez leurs voisins, moyennant des effets d’entraînement (« qui se ressemble s’assemble ») plutôt que par éviction (très peu de « vases communicants »). Dans la suite de ses travaux, l’observatoire approfondira, avec le soutien de la Caisse des dépôts, de Mines ParisTech et de La Fabrique de l’industrie, l’analyse de ces déterminants par des études de cas qualitatives.

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