Refonder les politiques de recherche pour être à la hauteur des grands défis du siècle
Dans les pays de l’OCDE, le concept des « politiques orientées mission » (POM) prend une place grandissante pour doper la recherche et l’innovation. Cette nouvelle approche, particulièrement appropriée à la résolution des grands défis sociétaux, fait également son apparition en France avec les stratégies d’accélération de France 2030.
Changement climatique, raréfaction des ressources, tensions géopolitiques… : nos sociétés doivent simultanément relever plusieurs défis systémiques. C’est ce qui explique l’attention grandissante portée aux politiques de recherche et d’innovation dites « orientées mission » (POM), spécialement conçues pour s’attaquer à ces défis. Philippe Larrue, expert des politiques de recherche et d’innovation à l’OCDE, décrypte ces nouveaux outils de politique publique dans le nouveau Doc de La Fabrique de l’industrie qui paraît aujourd’hui, Répondre aux défis sociétaux : le retour en grâce des politiques « orientées mission » ?.
Qu’est-ce qu’une politique « orientée mission » ?
Tout le monde se souvient d’Apollo. À l’instar de ce précurseur légendaire, les politiques « orientées mission » se reconnaissent au fait qu’elles visent un objectif précis, selon un calendrier préétabli, et autour duquel elles fédèrent de nombreux acteurs. Elles couvrent ainsi toute la chaîne d’innovation, de la recherche jusqu’à la mise sur le marché, tout en gardant une ouverture multidisciplinaire et multisectorielle. Cela étant, les premières POM pouvaient se satisfaire d’objectifs circonscrits sur le plan scientifique et technologique, si ambitieux soient-ils. Les POM d’aujourd’hui ont en général des ambitions encore plus vastes, comme l’élimination des émissions de carbone dans les transports (programme Pilot-E en Norvège) ou la neutralité carbone du système agricole d’ici 2050 (aux Pays-Bas).
Trois catégories de POM
Cet ouvrage de synthèse permet de distinguer trois catégories de POM, selon leur étendue, leur niveau principal d’intervention ou encore leurs process, ce qui leur confère des forces et des limites propres. Par exemple, les « cadres stratégiques d’ensemble », de très grande envergure comme le programme-cadre Horizon Europe de l’Union européenne, sont très visibles et très légitimes mais peinent à coordonner les différents partenaires impliqués. À l’inverse, les « programmes fondés sur des défis » (comme Pilot-E), plus étroits et souvent plus concrets, sont moins complexes à mettre en œuvre mais manquent parfois des ressources nécessaires à la diffusion des solutions qu’ils ont permis de développer.
Les stratégies d’accélération de France 2030, des POM « à la française »
En France, après une longue hibernation, cette approche est en train de reprendre forme avec les « stratégies d’accélération » du plan France 2030, visant la réalisation de 10 objectifs1. La SA « Hydrogène décarbonée » présente ainsi des objectifs précis et mesurables, s’est dotée de sa propre structure de gouvernance et dispose d’un budget propre (7 milliards d’euros jusqu’en 2030). Elle couvre toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, de la recherche à la production, sur différents volets : compétences, infrastructures et marchés. Comme elle, les stratégies d’accélération intègrent tous les instruments d’intervention, des programmes de recherche exploratoire aux mécanismes de soutien au déploiement basés sur les prix. Après plusieurs décennies d’atermoiements entre interventionnisme et laisser-faire, l’émergence de ces outils d’un genre nouveau est assurément une bonne nouvelle pour l’effort d’innovation français. Il se pourrait même, selon l’auteur, que la France soit plutôt en avance sur ses voisins à cet égard. Cocorico ?
[1] France 2030 est construit autour de 10 objectifs pour 2030 comme devenir leader de l’hydrogène vert ou produire en France 20 biomédicaments contre les cancers et les maladies chroniques.
Julie Celeste Meunier
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