Les outils numériques collaboratifs : rêve ou cauchemar ?
Pour maintenir leur activité à distance durant la pandémie de covid-19, les entreprises ont accéléré l’adoption des outils « collaboratifs », souvent sans modifier en profondeur leur organisation du travail. Pour les fournisseurs de solutions comme pour les entreprises, ils doivent apporter de réels gains d’efficacité. À la sortie de la crise sanitaire, ces outils tiennent-ils toujours leurs promesses ?
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Sur la base de nombreux entretiens, l’ouvrage de Suzy Canivenc et Marie-Laure Cahier « Numérique collaboratif et organisation du travail – Au-delà des promesses », publié par La Fabrique de l’industrie à l’initiative de la Chaire FIT2, vise à examiner les effets des nouveaux outils collaboratifs (nouveaux types de messagerie de groupe, espaces de partage documentaire, outils d’animation des réunion, etc.) sur les pratiques de travail. Loin des promesses de simplification et d’amélioration des pratiques, leurs effets se révèlent assez ambivalents.
La transformation digitale : une source de stress pour les salariés
Du fait de la brutalité de l’épisode pandémique, le déploiement de ces outils s’est fait souvent dans l’urgence. Ils ne se sont pas substitués aux dispositifs de communication préexistants et ont donc produit un effet « millefeuille », avec un empilement d’outils et une intensification de leurs usages. Les observations qualitatives des auteures confirment ainsi les résultats de plusieurs sondages récents sur les conséquences néfastes de cette multiplication des canaux de communication pour les salariés : un sentiment de chaos informationnel, une fragmentation de l’activité venant alourdir la charge cognitive, ainsi qu’une tendance à l’hyperconnexion.
Les outils n’ont pas le pouvoir magique de structurer les processus organisationnels et sociaux
Les études de terrain réalisées par les auteures révèlent de nombreux effets bénéfiques possibles sur l’autonomie individuelle ressentie, la coopération, la proximité avec les managers et la transparence de l’information. Mais ceux-ci ne se réalisent ni spontanément, ni systématiquement. Ces outils de communication ne peuvent pas se passer de règles d’usage communes, s’appuyant sur la connaissance des besoins opérationnels et des contraintes des équipes. L’apparition de ces nouveaux outils, de même que les nouvelles modalités de travail flexibles qu’ils autorisent, se révèlent surtout une occasion de mettre les pratiques de travail au cœur de la réflexion.
Une régulation nécessaire à tous les niveaux de l’entreprise
Face à la complexité de cet écosystème numérique, le travail de Suzy Canivenc et Marie-Laure Cahier souligne le besoin d’une régulation à la fois individuelle, managériale, collective et institutionnelle. Si la régulation individuelle repose sur le seul salarié, la définition des règles encadrant les pratiques aura tout intérêt à se déplacer des managers vers l’équipe, dans le cadre d’un dialogue professionnel collectif qui partirait de l’analyse des irritants, des besoins du terrain et des réalités des métiers. Enfin, une régulation institutionnelle reste nécessaire pour favoriser la diffusion des meilleures pratiques entre les équipes et éviter ainsi les effets de silos, ou encore pour garantir la cybersécurité.
Julie Celeste Meunier
Chargée des relations presse
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