Entre « laisser-faire » et patriotisme économique, quelle nouvelle politique industrielle pour le Royaume-Uni ?
Le Royaume-Uni a historiquement mené une politique économique de « laisser-faire » et d’ouverture aux investissements étrangers (IDE). Comme le montre cette synthèse, l’ouverture aux échanges a compensé et non renforcé les faiblesses de l’industrie britannique, même si elle ne peut constituer un remède unique. La difficulté de Theresa May est de maintenir un contexte économique attractif pour les IDE, dont le Royaume a besoin, tout en répondant aux attentes contraires de son électorat et aux défis liés au Brexit.
Avantages et effets controversés des IDE
Les entreprises à capitaux étrangers sont deux fois plus productives que leurs homologues nationales et la productivité est justement un défi économique du Royaume-Uni. Elles consacrent également cinq fois plus de fonds à la R&D, nouent plus de collaborations avec les universités et tendent à avoir de meilleures pratiques de management.
Contrairement à une idée reçue, l’entrée de capitaux étrangers a soutenu la création d’emplois industriels mais cette relance du secteur ne s’est pas faite par une montée en gamme. La flexibilité du marché du travail a favorisé la progression d’emplois peu qualifiés dans l’industrie, avec des tâches élémentaires, plutôt que des postes à forte valeur ajoutée dans des secteurs high-tech.
Cependant, les entreprises étrangères choisissent les localités les mieux dotées en compétences et les plus dynamiques, renforçant ainsi les inégalités sur un territoire. Par exemple, l’implantation de Nissan à Sunderland en 1986 a certes contribué au dynamisme global du secteur automobile mais a accentué la polarisation des ressources de la zone au détriment d’autres bassins d’emplois.
Le pays a laissé vendre des pans entiers de son industrie, y compris dans des domaines stratégiques (télécommunications, hautes technologies, énergie…). Certains parlementaires britanniques jugent cette situation très préoccupante. En 2016, la Chine a investi 11,15 milliards de dollars, soit le double du montant investi en 2015.
Quelle politique industrielle post-Brexit ?
Le Royaume-Uni est la destination privilégiée des investisseurs en Europe et son stock total d’IDE entrants est 1,7 fois plus élevé que celui de la France. La forte dépendance du pays aux IDE interroge sur la capacité du gouvernement à conduire avec succès une stratégie industrielle lui permettant de sortir de l’UE par le haut. Theresa May doit démontrer que le Royaume-Uni reste une économie ouverte pour continuer à attirer les IDE. Le Centre for Economic Performance de la London School of Economics estime que le Brexit pourrait faire perdre 22 % des IDE entrants au cours de la prochaine décennie. Le gouvernement a donc annoncé vouloir ramener l’impôt sur les sociétés de 20 % à 17 % à l’horizon 2020, mais ce choix risque de peser sur les finances publiques. Dans le même temps, il doit prendre en compte le sentiment nationaliste grandissant parmi les électeurs, qui souhaitent que le Royaume se protège des rachats étrangers « hostiles ».