Mieux comprendre l’évolution de l’emploi en France
L’imbrication de l’industrie et des services est aujourd’hui si forte qu’elle rend inopérante la distinction traditionnelle entre emplois industriels et tertiaires. Avec la mondialisation, il faut plutôt distinguer les emplois exposés à la concurrence internationale, c’est-à-dire en compétition avec des emplois situés dans d’autres pays, et ceux qui en sont abrités. À cet égard, comprendre le déséquilibre de l’économie française permet de mieux saisir l’enjeu de la compétitivité et de l’emploi.
L’emploi exposé est minoritaire et en recul
Le premier enseignement de la note est que l’emploi exposé (ouvriers de la métallurgie, viticulteurs, employés de centres d’appel, ingénieurs en logiciel, guides touristique, etc.) est nettement minoritaire en France. Il est par ailleurs en recul : il est passé de 30 % à 27 % de l’emploi total entre 1999 et 2013, ce qui correspond à une diminution de 204 000 postes. Néanmoins c’est ce secteur exposé qui réalise l’essentiel des gains de productivité, tirant ainsi la croissance. Les salaires y sont en moyenne 25 % plus élevés que dans le secteur abrité (coiffeurs, kinésithérapeutes, enseignants du secondaire, boulangers, etc.) et croissent plus rapidement, alors que les niveaux de qualification sont comparables. C’est un phénomène que l’on observe également en Europe et aux États-Unis.
Des territoires différemment exposés à la mondialisation
L’emploi exposé est assez inégalement réparti sur le territoire français. L’essor des activités tertiaires exposées, principalement dans les espaces métropolitains, la façade atlantique et le pourtour méditerranéen, profite à un grand nombre de personnes mais dans un nombre relativement restreint de bassins d’emploi. À l’inverse, l’érosion de l’emploi manufacturier déstabilise la plupart des zones d’emploi, en particulier les bassins industriels traditionnels (Hauts-de-France, Grand-Est, et Ile-de-France). Finalement, seules 29 % des zones d’emploi françaises ont enregistré une hausse du nombre de leurs emplois exposés.
Un enjeu majeur : concilier les impératifs de compétitivité internationale et de solidarité économique
Les emplois exposés et abrités, quoique distincts, n’en demeurent pas moins interdépendants. On estime que, lorsque 100 emplois exposés apparaissent, environ 64 emplois abrités sont créés au sein de la même zone. Le secteur exposé tire donc l’emploi. Dans le même temps, la compétitivité des exposés sur les marchés internationaux dépend en partie du rapport efficacité/prix des emplois abrités. Ils sont donc tentés d’en contenir les prix, donc indirectement les salaires, mais cela accroît des inégalités de salaires déjà perceptibles entre les deux groupes. Il ne faut donc pas négliger un secteur au profit de l’autre. Une « sortie par le haut » possible consiste à stimuler la productivité des secteurs abrités.