De Bordeaux à Berlin, comment les villes opèrent leur réarmement industriel ?
L’industrie, après avoir été longtemps mise de côté ou bannie des politiques publiques de la ville, revient dans les travaux de recherche et le débat public à travers la question suivante : comment maintenir ou faire revenir l’industrie dans les villes ? À Rennes ou Bordeaux, comme à Vienne, Berlin ou Turin, c’est un jeu d’équilibriste qui s’opère – sur fond d’alliances et oppositions politiques – entre la volonté de préserver les implantations économiques, de rester attractif vis-à-vis des actifs comme des entreprises, et d’optimiser l’usage des parcelles et l’occupation des locaux.
Ce projet d’une ville viable et productive invite à une réflexion d’autant plus riche que nous sommes à l’heure des relocalisations industrielles, de l’industrie 4.0, de la réorganisation du travail et des investissements massifs en faveur de la transition énergétique et écologique. Comment y parvenir ? Réponse dans la dernière étude de La Fabrique de l’industrie « Aménager la ville productive ».
Face à la croissance économique, un éloignement des activités productives
Rennes et Bordeaux sont deux villes à la démographie et au développement économique et industriel bien distincts. Elles présentent pourtant des dynamiques similaires de localisation des activités productives entre 1995 et 2019. La croissance importante du nombre d’entreprises productives – liée à la croissance économique des villes – se traduit par un mouvement de desserrement, du fait d’une raréfaction des fonciers économiques dans le centre, lesquels ne peuvent plus accueillir les nouvelles arrivantes ni soutenir l’agrandissement des entreprises. L’analyse de parcours d’entreprise confirme que, si certaines d’entre elles gardent une antenne dans des quartiers ou des communes du centre, l’essentiel de l’activité est déployé ailleurs dans l’aire urbaine, voire dans une autre région.
Des leviers efficaces pour limiter la fuite ?
L’étude révèle pourtant qu’il existe, en France, un certain nombre de leviers à la disposition des collectivités pour maintenir ou faire revenir les activités productives et aménager la ville. Par exemple, pour réserver du foncier aux activités productives, les collectivités peuvent utiliser le zonage du plan local d’urbanisme. Quand leur objectif est plutôt de lutter contre l’augmentation des valeurs foncières, elles peuvent constituer des réserves à vocation économique, mettre à disposition des entreprises du foncier dans des conditions plus favorables que celles du marché ou encore mobiliser le droit de préemption. Pour optimiser l’espace, les collectivités peuvent encore expérimenter des dispositifs tels que la mutualisation ou la verticalisation des activités. Toutefois, la politique en faveur du maintien ou de l’accueil de ces activités n’est pas toujours formalisée. Des leviers opérationnels sont donc activés sans que des objectifs, notamment quantitatifs, ne soient annoncés ni partagés. À Bordeaux, la feuille de route économique de 2023 ne contient aucune fiche ciblant les activités productives, industrielles ou artisanales ne relevant pas de l’économie circulaire ou de l’économie de proximité, secteurs sur lesquels les enjeux politiques se concentrent principalement.
Et ailleurs en Europe ?
À Vienne, Berlin et Turin aussi, le foncier est désormais considéré comme un bien rare et précieux, dont les usages entrent en concurrence. D’autres enjeux, comme la construction de logements à Berlin par exemple, apparaissent nettement prioritaires. L’action publique ciblant les activités productives dans les pays européens est pour l’heure en phase de structuration, se caractérisant avant tout par des expérimentations diverses plus que par un cadre homogène et stabilisé.
Julie Celeste Meunier
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