Bilan carbone de l’industrie : pourquoi la France devance l’Allemagne ?

Le secteur industriel pèse 21 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE : il joue donc un rôle déterminant dans la capacité de l’Europe à atteindre les objectifs du Pacte vert à horizons 2030 et 2050. La France et l’Allemagne, deux puissances industrielles majeures de l’Union, sont parmi les pays les plus concernés. Des données inédites d’émissions carbone, à l’échelle nationale et à l’échelle sectorielle, font apparaître un niveau de décarbonation de l’industrie plus avancé en France. Les émissions industrielles directes des principaux secteurs sont assez similaires entre les deux pays, l’avantage tricolore tenant principalement au mix électrique, parmi les plus décarbonés d’Europe. Une carte à jouer à l’heure de l’électrification de l’industrie, indique David Lolo, auteur de la note de La Fabrique de l’industrie, en collaboration avec le cabinet McKinsey, L’industrie est-elle plus verte ailleurs ? La France face à l’Allemagne.

Dans les principaux secteurs émetteurs, pas d’écart franco-allemand en scope 1

À l’issue d’un travail inédit de collecte et de croisement de données d’émissions et de volumes d’activité, cet ouvrage démontre que les intensités d’émissions directes (scope 1) sont très proches entre les sites industriels des deux pays. Dans les grandes industries lourdes étudiées (acier, ciment, verre, raffinage de pétrole et chimie), les écarts d’intensité carbone, exprimée en tonne de CO2 par tonne de production, sont le plus souvent très faibles. Plutôt que de refléter une avance ou un retard en matière de décarbonation, ces écarts sectoriels, quand ils existent, tiennent tantôt à la structure de production, tantôt à des biais d’analyse dont peuvent souffrir les données (ruptures statistiques, périmètres de chiffrage différents…). Il en va de même quand on élargit l’analyse à l’industrie manufacturière dans son ensemble. À cette échelle, l’écart franco-allemand peut souffrir d’une lecture défavorable à l’industrie française, du fait de biais de composition sectorielle et de gamme. Plus précisément, la part des industries carbo- intensives en France est plus importante qu’en Allemagne (21,0 % de la valeur ajoutée manufacturière française en 2021, contre 15,5 % outre-Rhin). Si l’on raisonne à tissu industriel identique, l’écart franco-allemand disparaît pratiquement.

Le mix électrique, l’atout compétitif français

L’intégration des émissions de scope 2 (liées à la consommation d’électricité) joue largement en la faveur de la France. Pour cause, le facteur d’émission moyen de la production d’électricité est 6 fois supérieur en Allemagne (347 gCO2eq / kWh d’électricité produite en 2021) par rapport à la France (56 gCO2eq / kWh d’électricité), qui se hisse sur le podium européen du mix électrique le plus décarboné, derrière la Suède et le Luxembourg. En 2021, le nucléaire représentait 68 % du mix de production brute d’électricité en France, tandis que les énergies fossiles sont encore incontournables outre-Rhin (47 % du mix en Allemagne contre 8 % en France en 2021). Un choix historique qui pénalise le bilan carbone de l’industrie allemande alerte l’auteur.

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