Vers un rôle accru du secteur privé dans le contrôle des exportations d’armement
Cet article résume le mémoire La responsabilisation du secteur privé dans le contrôle des exportations de défense en France de Yann Wendel « , finaliste du concours « étudiants et jeunes chercheurs ».
La production et l’exportation d’armements nécessitent de concilier la logique régalienne des États et la logique économique des entreprises. Les changements d’organisation du secteur, tels que l’internationalisation des chaînes de valeur et la mise en oeuvre de programmes multinationaux, ont bouleversé les modalités de commercialisation des produits de défense. Cette nouvelle donne a en effet entraîné un besoin de fluidifier les échanges de composants entre pays européens, au moyen de dispositifs de contrôle export adaptés à l’émergence d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) à l’échelon européen.
La directive européenne 43/2009 dite « directive sur les transferts intracommunautaires » (TIC) a constitué le point de départ du renouvellement des pratiques de contrôle export en France, qu’elles concernent les transferts entre États européens ou bien des exportations vers des pays tiers. Elle a permis la mise en place d’outils tels que le contrôle a posteriori, les licences générales de produits ou la certification d’entreprises, qui vont tous dans le sens d’une plus grande responsabilisation du secteur privé.
Le contrôle des opérations courantes se déplace alors au niveau des entreprises exportatrices, ce qui permet une gestion plus fluide de la chaîne de valeurs et un allégement des contrôles administratifs traditionnels. Cette privatisation d’attributions régaliennes a entraîné une redéfinition des liens entre les secteurs public et privé dans un esprit davantage collaboratif.
L’acteur industriel participe de ce fait à la décision éminemment politique de l’exportation d’armement, laissant à l’État le soin de se concentrer sur la détermination de règles, la délivrance de licences plus englobantes et le contrôle du respect de ces normes par les entreprises. Cet état de fait permet peu à peu de voir émerger un système sécuritaroindustriel, les capacités d’intervention
de l’État se retrouvant mieux adaptées aux nouveaux enjeux des exportations d’armement.
Intérêt pour l’industrie
Les résultats de cette étude convergent vers le besoin pour l’État de renouveler ses modes de régulation du champ économique, suivant une logique d’accompagnement du secteur privé de type « leadership from behind ». Ce caractère est rendu encore plus prégnant dans le secteur des industries de défense, étant donné l’importance du besoin de suivi étatique d’affaires très sensibles.
Les entreprises de défense doivent, pour préserver leur compétitivité, pouvoir s’échanger des composants de manière fluide, malgré la présence de nombreuses régulations nationales. La refonte du système de contrôle intracommunautaire, caractérisée par une plus grande latitude couplée à une plus grande responsabilité des entreprises, leur permet de devenir « délégataires » d’une partie de la gestion des flux en contrôlant elles mêmes les opérations courantes. La puissance publique concentre quant à elle ses ressources sur le suivi de l’organisation interne des industriels
dans une logique de contrôle a posteriori. Les services de l’État deviennent un partenaire garant de la qualité des contrôles internes des acteurs privés.
Compte tenu de son rôle englobant et de ses prérogatives particulières, la puissance publique est en mesure d’établir la confiance et le dialogue entre les différents acteurs économiques (banques, fournisseurs…) au moyen de référentiels communs, tels que des labels de qualité de type ISO. Ces marqueurs seraient attribués à des entreprises de défense dont le processus interne de contrôle aurait été vérifié. Cette innovation apporterait davantage de lisibilité au contrôle des exportations, et incarnerait pleinement la logique partenariale public-privé défendue dans ce mémoire.