Stéphane Dehoche : « ce qui freine la croissance des start-up du logiciel »
Le rachat de Neolane, ETI du numérique, par l’américain Adobe pose une fois de plus la question de la croissance des start-up françaises, en particulier dans le numérique. Stéphane Dehoche, fondateur et PDG de Neolane donne son point de vue.
Neolane, start-up française fondée en 2001 était devenue une ETI de 350 personnes (180 en France) réalisant un tiers de son CA de 44 M€ aux USA. Pionnière en la matière, elle se situait aux avants-postes du marketing conversationnel, autrement dit du marketing via les outils numériques. Elle excellait en particulier sur le marketing multi-canal (e-mail, Web, mobile, réseaux sociaux etc.), un secteur en plein boom. Elle a été achetée début juillet par l’éditeur américain de logiciel, Adobe.
D’où la question : quelle malédiction pèse sur les entreprises françaises de logiciel ? Depuis trois décennies, il n’a pas manqué de start-up prometteuses. Et pourtant, à part Dassault Systèmes qui dépasse allègrement les 2 milliards d’euros de CA et Ubisoft qui dépasse le milliard, aucune n’arrive à croître significativement.
Si l’on en croit Stéphane Dehoche, interrogé par La Fabrique de l’industrie, il y a au moins deux facteurs qui freinent significativement la croissance des start-up françaises du logiciel.
Le premier est « la taille limitée du marché français » par rapport au marché américain qui, lui, donne un des ailes aux start-up d’Outre-Atlantique. Pour le fondateur de Neolane cela se traduit de façon significative sur la croissance de ces entreprises. « Si l’on considère deux entreprises équivalentes, la start-up américaine pèsera 50 millions de dollars quand la française atteindra les 10 millions d’euros » estime-t-il. Le phénomène n’est d’ailleurs pas spécifiquement français, le Royaume-Uni, par exemple souffre du même mal.
Solution à ce problème ? « Il serait souhaitable de disposer d’un marché européen beaucoup plus fluide » pense Stéphane Dehoche. L’alternative est de s’installer très tôt aux Etats-Unis voire de procéder encore plus radicalement comme le font les entreprises israéliennes : créer la start-up aux Etats-Unis et conserver la R&D sur le sol national.
Second frein. Deux voies d’évolutions s’offrent à une start-up financée par le capital risque : l’entrée en bourse et le rachat. Avant l’offre d’Adobe, Stéphane Dehoche, envisageait sérieusement la première solution. Mais il constate toutefois : « en France la valorisation des entreprises de logiciel est très sous estimée. Un facteur deux ou trois sépare la valorisation obtenue sur le Nasdaq par exemple de celle qu’une entreprise peut espérer en France. » Ce qui conduit d’ailleurs certaines entreprises à se faire coter aux Etats-Unis, comme l’avait fait en son temps Business Objects.
On n’insistera pas sur les remarques concernant l’instabilité fiscale, le poids des charges, la réglementation extrêmement contraignante etc., elles n’ont rien de spécifique. Mais, à cela Stéphane Dehoche ajoute quelques griefs issus de son expérience de « serial entrepreneur » (Neolane est sa troisième start-up). Il déplore en particulier que le monde du logiciel soit mal compris de l’administration. Il regrette également l’absence de l’équivalent d’un « small business act » et se souvient des difficultés que Neolane a connues non seulement pour être choisie par certains grands groupes mais même pour être simplement prise en compte lors de passages de marchés…
Pesant le pour et le contre, il ajoute toutefois que deux dispositifs sont très efficaces et remplissent bien leur fonction : le crédit d’impôt recherche et la Coface. Surtout, il souligne l’excellente qualité des ingénieurs français. « Nous disposons vraiment de formidables talents pour ce qui concerne le logiciel et c’est notamment à eux que Neolane doit son succès. » Ce qui fait évidemment encore plus regretter la disparition des « pépites ».