« C’est aussi aux industriels de se prendre en main »

Louis Gallois, président exécutif d’EADS, annonce la naissance du think tank La Fabrique de l’Industrie, dont il est le premier président. Créé par des organisations professionnelles de l’industrie, le groupe de réflexion pluraliste réunit toutes les sensibilités patronales et syndicales.

L’Usine Nouvelle – Vous allez présider La Fabrique, un nouveau laboratoire d’idées dédié à l’industrie. A quoi servira-t-il ?
Louis Gallois –
Nous avons besoin d’industrie en France ! C’est en partant de ce simple constat que trois organisations, l’UIMM, le Groupe des fédérations industrielles (GFI) et le Cercle de l’industrie, ont considéré qu’il y avait une certaine urgence à porter cette thématique dans le débat public. Aux fatalistes et aux défaitistes qui pourraient penser que « l’industrie, ce n’est plus pour nous », nous voulons démontrer qu’il est possible de recréer des emplois, de restaurer notre balance commerciale, et d’innover grâce à elle. Elle constitue le moteur d’une économie prospère, pas seulement dans les pays émergents, mais aussi dans nos nations développées. L’industrie doit avoir toute sa place dans la campagne électorale. Elle doit attirer les feux de la rampe pour que l’opinion s’en saisisse. Avec « la Fabrique de l’industrie », nous fournirons de la matière, des faits documentés et compréhensibles, que nous partagerons avec l’ensemble des Français grâce à Internet et aux réseaux sociaux.

Mais la politique industrielle est déjà entrée dans le débat de 2012.
C’est vrai que le débat émerge. La presse parle à nouveau de réindustrialisation. Le Parlement européen lui-même a produit un rapport sur la « politique industrielle », ce qui n’était pas dans ses habitudes.

Justement, pourquoi n’avoir pas créé un « think tank » à l’échelle européenne plutôt qu’hexagonale ?

Parce qu’il y a une spécificité française en la matière. Nous ne devons pas reprendre telles quelles les solutions qui marchent ailleurs. Recopier chez nous le « Mittelstand » (ces grosses PME qui sont l’un des principaux moteurs de l’industrie allemande) n’aurait pas de sens. Pour autant, la Fabrique étudiera les expériences réussies, que ce soit en Allemagne, en Italie du Nord, en Catalogne, aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande, au Canada ou ailleurs.

Pourquoi avoir accepté d’en prendre la présidence ?

Le sujet me passionne ! Si les industriels ne prennent pas leur part du chantier, personne ne le fera à leur place. J’ai été, il y a longtemps, directeur général de l’industrie. Et j’ai écrit l’an dernier un article dans la revue Commentaire (« Pour une nouvelle ambition industrielle« ). C’est peut-être pour cette raison que l’UIMM, le GFI et le Cercle de l’industrie ont pensé à moi.

Quel est votre objectif ? Changer le regard sur l’industrie, ou plutôt l’industrie elle-même ?

Les deux ! Le regard, bien entendu. Mais certains d’entre nous considèrent que c’est aussi aux industriels de se prendre en main. Prenons l’exemple de l’outsourcing. Le schéma d’outsourcing de l’industrie allemande est très différent du nôtre. En étant plus sélective dans les délocalisations, n’a-t-elle pas fait un choix plus judicieux ? Il est possible de faire de la pédagogie auprès des industriels – ou plutôt de créer les conditions pour qu’ils réfléchissent entre eux, entre pairs. Prenez le Gifas (le groupement des industries aéronautiques et spatiales). Tous les mois, l’ensemble des acteurs du secteur, toutes tailles confondues, se réunissent pour échanger sur la conjoncture, ou des questions plus pointues, comme la logistique ou le PLM (product life management, la gestion du cycle de vie des produits). C’est probablement l’une des filières où le sentiment de solidarité fonctionne le mieux.

Comment définissez-vous le concept de « politique industrielle » aujourd’hui ?

A mon sens, c’est l’ensemble des politiques publiques qui permettent de renforcer la compétitivité de l’industrie française et européenne. Il s’agit, d’abord, de prendre en compte, au moment d’arrêter toute décision, son impact global sur la compétitivité. Outre-Rhin, je vous assure que les pouvoirs publics ne prennent aucune mesure sans évaluer ses conséquences sur l’industrie. Je ne dis pas que le gouvernement fédéral va toujours dans le sens de l’intérêt des entreprises (si c’était le cas, il n’aurait pas décidé l’abandon du nucléaire), mais au moins analyse-t-il systématiquement l’effet qu’aura sa politique. Mais la politique industrielle, c’est aussi un ensemble de politiques ciblées, horizontales ou sectorielles.

La Fabrique

La Fabrique de l’industrie est une plateforme de réflexion, créé en 2011, consacrée aux perspectives de l’industrie en France et à l’international. Nous travaillons sur les...

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