Robotique, former pour employer
Depuis 20 ans, l’industrie subit une réelle dévalorisation en France. Cette tendance s’accompagne d’une idée reçue : la robotisation tuerait les emplois…
Lors des Journées pour l’économie, qui se sont tenues à Lyon en novembre 2014, une table ronde a abordé la question de l’impact du développement de la robotique sur l’emploi. Depuis 20 ans, l’industrie subit une réelle dévalorisation en France. Cette tendance s’accompagne d’une idée reçue : la robotisation tuerait les emplois. Dans un pays meurtri par le chômage de masse, mais fier de sa capacité technologique, et qui se jette à corps perdu dans les défis du numérique, cette question est diabolique : allons-nous avec enthousiasme et fierté aggraver le mal qui nous ronge ?
Je ne suis pas économiste, et je leur laisse l’appréciation des effets globaux. J’observerai seulement que la question de l’impact des nouvelles technologies sur l’emploi n’est pas nouvelle. On relira avec admiration et intérêt le livre d’Alfred Sauvy « la machine et le chômage » (1980), dont un élément – en substance – me revient : le chômage ne provient jamais d’un excès d’hommes, mais d’une inadaptation de leurs capacités avec le système d’emploi. La formation est un acteur majeur de cette adaptation : si de toute façon les robots du futur sont fabriqués et programmés en dehors de France, alors oui des emplois seront perdus.
Le secteur présente 3 caractéristiques :
- une technicité et une pluridisciplinarité affirmées
- un lien fort avec la perception relationnelle de l’environnement – une « interface homme-machine », avec un objet qui cherche à faire oublier qu’il est une machine
- des modèles d’affaires (les fameux « business models ») encore à inventer.
Le premier point impose une vision système dans la formation, en cassant la structure disciplinaire classique : génie électrique (les courants forts), informatique (les 1 et les 0), télécommunications (les courants faibles, voire les ondes). Un ingénieur roboticien doit avoir une compétence dans ces 3 domaines, et les intégrer, parce que l’objet de son travail est un système de systèmes complexe, qui doit être cohérent sur tous les aspects techniques. Savez-vous que la faiblesse de certains robots est simplement liée au dégagement de chaleur des composants ?
Le deuxième oblige à une ouverture sur les sciences de la perception, sur les sciences cognitives : pourquoi trouve-t-on certains robots agréables, au point de les vouloir comme compagnons, et peut-on pester contre d’autres machines apparemment de même sophistication ? Notre rapport aux objets – comme à la nature – est un sujet d’étude de psychologues, de neuroscientifiques, et ce sans même aborder la question philosophique de leur âme. Les roboticiens doivent être sensibles à ces questions, et comprendre l’impact de leurs propres projections et de la culture de chacun sur ces perceptions.
Enfin, comment tout cela sera-t-il économiquement durable ? Vendra-t-on des robots, des services rendus par des robots, des robots dont on pourra soi-même programmer les services, des robots qui échangeront entre eux, via les nuages informatiques qui nous surplombent plus que les cumulo-nimbus de nos campagnes. Surement tout cela, selon les secteurs, les clients, le temps. De nouveaux métiers émergeront. Les roboticiens doivent donc aussi être des entrepreneurs, car beaucoup est à imaginer et essayer.
C’est en développant ce type de formation – comme nous le proposons à CPE Lyon et dans d’autres grandes écoles et universités – que ce secteur deviendra créateur d’emplois, et que nous aurons transformé une crainte sulfureuse en aventure créatrice.