Risque industriel et territoires : le coût d’une information partielle

Dans cet article, il est question des conséquences socio-économiques de l’accident d’AZF à Toulouse (2001) sur les marchés des logements exposés à un risque industriel mais qui n’ont pas été directement touchés par l’accident.

Dans cet article, il est question des conséquences socio-économiques de l’accident d’AZF à Toulouse (2001) sur les marchés des logements exposés à un risque industriel mais qui n’ont pas été directement touchés par l’accident. Plus particulièrement, cet accident est considéré comme un révélateur du risque industriel sur le territoire français : très médiatisé et lourd de conséquences humaines et matérielles, il a conduit la population à réévaluer ce risque. Dans les zones exposées au risque industriel, on peut s’attendre à ce que cette prise de conscience conduise à des  changements de comportement, notamment en termes de choix résidentiels. À l’aide de données exhaustives originales, cet article montre en effet que l’accident s’est traduit par une baisse à court terme des prix immobiliers dans les zones à risque (de l’ordre de 2 %). À moyen terme, les prix décroissent encore de l’ordre de 5 % supplémentaires. En outre, le taux de vacance augmente également à court terme dans ces zones de manière significative. L’ensemble de ces éléments est cohérent avec une première phase, de court terme, pendant laquelle les acheteurs ont ajusté le prix qu’ils sont prêts à payer à la baisse tandis que les vendeurs sont encore réticents à accepter une décote. Dans un second temps, à moyen terme, la baisse de prix est acceptée comme inévitable et l’ensemble des vendeurs potentiels ajustent leur prix à la baisse également. Enfin, certains éléments sont cohérents avec une forme de sélection des ménages les moins favorisés dans ces zones à risque. Logiquement, les effets mesurés sont plus importants dans le quart sud-ouest de la France (dans lequel se situait l’usine), et les voisinages d’usines chimiques (l’usine AZF était elle même un site de production chimique). Enfin, l’effet dépréciatif est extrêmement local et décroît très rapidement à mesure que l’on s’éloigne des sites à risque. En conclusion, augmenter l’information sur le risque industriel conduit à dégrader le marché immobilier dans les zones à risque par rapport aux autres.

Intérêt pour l’industrie

L’élément central de cet article est la notion d’information. Dans les zones qui n’ont pas été touchées par l’accident d’AZF, le risque industriel avant et après l’accident est le même. L’information apportée par ce dernier conduit cependant à modifier de manière durable les caractéristiques des marchés immobiliers locaux soumis au risque industriel. En d’autres termes, la situation initiale, avant l’accident de 2001, était caractérisée par un manque d’information des populations locales. Ce manque a d’ailleurs bien été identifié par les responsables politiques, conduisant en 2003 à l’adoption des lois dites Bachelot qui renforcent la réglementation du risque industriel en France. Un volet crucial de cette réglementation est l’information des populations, via le dispositif des plans de prévention des risques technologiques (mis en oeuvre à partir de 2006). La spécificité de ce dispositif est son caractère local : pour chaque bassin de risque, l’ensemble des acteurs concernés est associé à une concertation visant à mesurer, expliquer et limiter les risques spécifiques à ce bassin. L’enjeu pour les industriels est évidemment très fort, puisqu’ils  se doivent d’adopter une politique de transparence et de communication auprès des populations concernées. Il ne s’agit cependant pas de stigmatiser ces activités indispensables à l’économie, mais de permettre une meilleure prise en compte des conséquences tant négatives que positives qu’elles impliquent. Au final,  une meilleure information dès le départ aurait pu éviter aux ménages résidant dans les zones à risque d’avoir à subir la dépréciation de leur bien suite à la révélation « forcée » de ce que le risque industriel peut engendrer de pire – une catastrophe technologique.

Marianne Bléhaut - La Fabrique de l'industrie

Marianne Bléhaut

Actuellement en post-doctorat au CNRS où elle étudie les comportements de consommation d’énergie, son article a pour titre How does a change in risk perception affect the...

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