Réorienter la formation professionnelle continue dans le champ de l’industrie…

Les multiples registres de la formation continue se déclinent essentiellement autour de deux dimensions : l’adaptation et l’entretien des compétences des emplois existants, un objectif qui correspond à l’essentiel des budgets de formation (plan de formation, professionnalisation, formation des chômeurs) et les dispositifs plus modestes répondant aux projets des personnes (CIF, DIF, cours du CNAM, etc.). Dans les deux cas les actions de formation répondent à des besoins conjoncturels et spécifiques qui n’obéissent pas à des enjeux structurels.

Les multiples registres de la formation continue se déclinent essentiellement autour de deux dimensions : l’adaptation et l’entretien des compétences des emplois existants, un objectif qui correspond à l’essentiel des budgets de formation (plan de formation, professionnalisation, formation des chômeurs) et les dispositifs plus modestes répondant aux projets des personnes (CIF, DIF, cours du CNAM, etc.). Dans les deux cas les actions de formation répondent à des besoins conjoncturels et spécifiques qui n’obéissent pas à des enjeux structurels.

Or la formation professionnelle continue est nécessaire dans un certain nombre de situations où des pans entiers du système de production sont traversés par des transformations ou des mutations lourdes liées à des périodes de reconstruction économique ou à des innovations technologiques majeures. La relance d’une politique industrielle relève d’un tel enjeu et exige un usage ciblé de la formation professionnelle qui dépasse à la fois les besoins ponctuels des entreprises et les projets des personnes.

Le fonctionnement du marché de la formation continue a été dominé ces dernières décennies par des logiques de dispersion et d’atomisation (plus de 55 000 prestataires de formation) qui ont pénalisé le secteur industriel au sens large. Ainsi, en 2010 la formation continue dans les domaines de la production représentait 9 % des entrées en formation. Or le nombre de salariés relevant des métiers des techniques industrielles et de la construction  pèse plus de 25 % de l’ensemble. Sous un autre angle, une évaluation des pôles de compétitivité (BearingPoint France SAS – Erdyn – Technopolis Group-ITD – 2012 [1]) soulignait le faible investissement des pôles sur les dimensions « formation et RH » malgré une évolution favorable entre 2008 et 2011 (page 50).

De fait, les dynamiques d’innovation dans l’industrie se heurtent à une insuffisance de traduction en termes de fabrication liée aux difficultés de recrutement d’opérateurs et de techniciens qualifiés. Des difficultés liées à la dévalorisation ancienne des métiers industriels et au repli de l’emploi global dans ce secteur. Bien pire on constate que nombre de jeunes formés aux métiers de l’industrie n’exercent pas dans ce secteur…

En fait l’appareil de formation industriel de niveau V, IV et III est hypertrophié (et trop spécialisé) en formation initiale et sous-développé dans ses missions auprès des chômeurs et des salariés en place. Cette inadaptation de l’appareil de formation continue a été compensée par l’implication formative des entreprises elles-mêmes. Mais cette compensation est marquée par les travers des structures intégrées trop faiblement porteuses d’innovations et d’anticipation des mutations.

Il y a aujourd’hui des centaines de milliers de trentenaires et de quadragénaires qui ont obtenu un Bac professionnel ou un BTS industriels dans les années 90 et suivantes et qui n’ont guère bénéficié d’une politique d’optimisation et de diversification de leurs compétences. C’est cette population qui devrait être au cœur d’une politique de montée en compétences irriguée par les innovations technologiques en œuvre.

Car la relance d’une politique industrielle nécessite une priorisation de l’effort de formation vers les qualifications intermédiaires où les acquis expérientiels devront être combinés avec des compétences nouvelles. Comme le souligne une étude juin 2013 du CEDEFOP : « La plupart des nouveaux emplois exigeront des qualifications plus élevées mais pas forcément des certifications de haut niveau. C’est dans les professions intermédiaires qu’est attendue la plus forte création d’emploi. » . Les qualifications et compétences à développer seront caractérisées par des dimensions de diagnostic opérationnel, d’expertise technique, de maintenance, de maîtrise de techniques et de technologies nouvelles, de processus spécifiques de traitement de matériaux, etc.  En lien avec les enjeux environnementaux ces compétences se diffuseront d’autant plus facilement qu’elles seront portées par les professionnels en place plutôt que dans un scénario fondé sur le seul apport de nouvelles générations formées à des nouvelles techniques ou de nouveaux métiers.

Encore faut-il que les organismes de formation des adultes soient en phase avec une telle perspective. Insuffisamment connecté aux transformations des entreprises et aux travaux de recherche et d’innovation technologique l’appareil de formation dans le champ industriel doit être profondément réorganisé et revitalisé dans ses dimensions et finalités initiale et continue. Cela suppose de dépasser les représentations anciennes qui faisaient de l’hyperspécialisation des ouvriers et de l’omniscience des ingénieurs les seuls pivots de l’excellence industrielle.

[1] http://competitivite.gouv.fr/documents/commun/Politique_des_poles/2eme_phase_2009-2011/evaluation/Synth%C3%A8se-rapport-evaluation-2012.pdf

[2] http://www.cedefop.europa.eu/EN/Files/9081_fr.pdf

 

Paul Santelmann

Responsable de la veille « emploi & qualification » à la Direction de l’ingénierie de l’AFPA, Paul Santelmann est également chargé d’enseignement à Paris I (Sorbonne) ainsi...

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