Etats-Unis : réindustrialiser pour se réinventer

Le numéro de mars de la Harvard Business Review est entièrement consacré au thème « reinventing America ». Michael Porter et ses collègues placent le renouveau industriel au cœur de cette « réinvention ».

Reinventing America. Ce fut en novembre dernier le titre d’un colloque de la Harvard Business School, organisé par le professeur Michael Porter. C’est désormais le thème d’un numéro spécial de la Harvard Business Review. Il mérite le détour.

Premier article significatif : une longue interview du PDG de General Electric, Jeffrey Immelt. Il n’y va pas par quatre chemins, annonçant que pour GE : « les délocalisations motivées uniquement par les bas salaires sont de l’histoire ancienne ». La politique de GE en matière d’implantation est désormais plus raisonnée et, dit-il : « quand nous décidons du lieu d’implantation d’un site de production nous nous posons cette question : ‘Est-ce que nos salariés américains et notre technologie nous offrent un avantage concurrentiel ?’ De plus en plus souvent, la réponse est oui ».

Il détaille ainsi la stratégie industrielle mise en œuvre pour le redéploiement de la production de produits électroménagers (réfrigérateurs…) aux Etats-Unis avec l’investissement de 800 M$ consenti pour le site de Louisville (Kentucky).

La délocalisation, ou plus précisément la détermination de l’implantation d’un site de production, est le thème de l’article de Michael Porter et Jan Rivkin. A partir d’une enquête menée auprès de 10 000 anciens de la HBS, ils mettent notamment en évidence les coûts cachés de l’outsourcing et relèvent que ces décisions, aux implications complexes, tiennent rarement compte de tous les paramètres. Surtout, ils soulignent que très peu d’entreprises sont en mesure de dire a posteriori si les bénéfices attendus de la délocalisation sont effectivement au rendez-vous.

Deux autres professeurs de la HBS, Gary Pisano et William Shih, s’intéressent, eux, aux conséquences de l’outsourcing de la production. Ils montrent que souvent l’innovation, et donc la compétitivité, est liée à la présence d’un site de production. Ils en concluent que conserver et relancer la production manufacturière aux US est crucial. Leur recommandation : il faut que le gouvernement consacre une somme conséquente (ils avancent le chiffre d’un milliard de dollars par an) à la R&D sur le manufacturing, qui a été délaissée depuis des décennies.

Un second article de Michael Porter et Jan Rivkin se pose la question de la compétitivité des Etats-Unis. Il est l’occasion de donner une intéressante définition de la compétitivité d’un pays : « Les Etats-Unis sont un pays compétitif dans la mesure où les entreprises installées aux US sont capables d’affronter avec succès la compétition mondiale tout en assumant les standards, actuels et croissants, de niveau de vie de l’américain moyen ».

Tirant les conséquences de cette définition, ils soulignent : « Des salaires en baisse, pas plus qu’un dollar plus faible, ne peuvent être considérés comme une amélioration de la compétitivité américaine » et « l’augmentation à court terme de la compétitivité obtenue en licenciant des travailleurs n’est pas un signe de compétitivité du pays, mais une preuve de faiblesse ».

Autrement dit, pour eux, la compétitivité se mesure sur le long terme, c’est-à-dire en augmentant la valeur des biens et services produits par unité de capital, de travail et de ressources. Ils concluent : « l’augmentation de compétitivité à long terme devrait être l’objet principal d’une politique économique. Cela demande un environnement économique propre à soutenir l’innovation permanente en termes de produits, de process et de management ».

Franck Barnu

Après des études de physique, Franck Barnu s’est dirigée vers la presse industrielle et technologique. Comme journaliste, il a en particulier suivi le domaine des technologies...

Lire la bio de l'auteur
Devenez contributeurs !

Vous souhaitez partager votre point de vue sur une problématique industrielle ? Contactez-nous en nous proposant un sujet et un texte court.

Devenir contributeur
Partager
Imprimer
Pour réagir