Quels sont les atouts de la France ?
Pendant la Révolution, la France a inventé le système métrique. Au cours de la crise actuelle, on a pu avoir l’impression qu’elle cherchait à y ajouter un mètre économique.
Pendant la Révolution, la France a inventé le système métrique. Au cours de la crise actuelle, on a pu avoir l’impression qu’elle cherchait à y ajouter un mètre économique. Avec une intensité parfois étonnante, la France a comparé sa fiscalité, sa compétitivité, son système de formation, de recherche ou de financement des entreprises à leurs équivalents allemands. La Fabrique de l’industrie y a d’ailleurs répondu par une note qui cherche à mettre en exergue non pas un « modèle », mais le système allemand et les défis de cohérence qu’il pose à la France.
Rarement, la France se mesure à plus petit qu’elle, comme par exemple la Suisse. De Paris, l’idée même semble saugrenue. Pourtant, la Suisse n’est pas qu’un paradis fiscal doté de pistes de ski et des pâtures idylliques ; c’est aussi et avant tout une économie qui réussit mieux que la France à maintenir un tissu industriel compétitif au niveau mondial. Depuis plus de vingt ans, grâce à une production à haute valeur ajoutée, la part de l’industrie y oscille autour de 20 pourcents du PIB… et ceci malgré des salaires élevés et une monnaie sous forte pression d’évaluation.
Sans que la France ne s’en rende compte, la Suisse, elle, mène un dialogue intensif avec le pays qui est son grand voisin occidental. Le décryptage de la France y est une sorte de sport intellectuel national. De grands noms de la Suisse romande comme de la Suisse alémanique le pratiquent ou l’ont pratiqué – Niklas Meienberg et François Bondy, Jürg Altwegg, Joseph Haniman, Roger de Weck et, le plus grand d’entre eux, Herbert Lüthy, auteur de « A l’heure de son clocher », portrait analytique traduit dans plusieurs langues au moment de sa parution (1955) et qui a depuis résisté au temps. La France – État centralisé, nation qui donne la priorité au politique, peuple rebelle qui élit un président-monarque, pays cultivant les valeurs universelles tout en refusant la globalisation – est à de nombreux égards à l’opposé de la confédération helvétique – qui ne se sent aucune mission civilisatrice, qui n’a pas le culte des élites ni du paraître, qui accepte la richesse comme un fait et un but à poursuivre, nation proche de ses racines paysannes tout en étant pleinement insérée dans la globalisation.
Le Schweizerisches Institut für Auslandsforschung de Zurich, entièrement privé, est un des lieux privilégiés de réflexion sur l’état du monde et sur son avenir. La Suisse ne serait pas la Suisse si cette réflexion ne comprenait pas une forte dimension économique, qui se reflète dans la liste de ses conférenciers comprenant des noms comme Christine Lagarde ou Niall Fergusson, pour la seule année passée. Suite à un livre publié au printemps à Zurich, l’institut m’a invitée à ouvrir son cycle de conférences d’automne par un discours sur la France.
Que dire ? Le discours n’était pas destiné à rendre compte des attraits de la France éternelle, mais de saisir sur le vif où se situe le pays par rapport au monde qui l’entoure et comment il est préparé à relever les défis devant lui. Les questions du public – industriels, banquiers, assureurs et universitaires – portaient moins sur l’actualité économique, qui est leur quotidien, que sur les tendances lourdes. Comment se fait-il que l’industrie française n’ait pas davantage tiré bénéfice de la monnaie forte qu’est l’euro pour augmenter sa compétitivité ? Face aux tergiversations de la politique européenne française, avec qui Mme Merkel va-t-elle avancer maintenant ? Après les émeutes de 2005, et au vu du chômage qui n’a pas baissé dans ce que l’on appelle aujourd’hui « les quartiers », la crise actuelle ne mène-t-elle pas droit vers une nouvelle explosion de violence ? Comment se fait-il qu’une si grande part de Français ait des salaires si faibles : ne voit-on pas l’inefficacité de la redistribution ?
Le tableau général qui se dégageait de la soirée devait être assez pessimiste pour que l’on m’interroge à plusieurs reprises sur les atouts de la France. Question intéressante, si l’on essaie de s’abstenir de paroles convenues. Spontanément, j’ai décrit les méthodes de travail qui sont enseignés dans les (bonnes) écoles françaises et la capacité de structuration intellectuelle qui en résulte. Le public suisse a touché un point qui pourrait bien être au cœur du débat sur la sortie de crise. J’ai donc envie de soumettre la question aux lecteurs de ce blog : quels sont les atouts de la France ?