Plaidoyer pour un développement industriel et durable
En 2050, nous serons probablement 9 milliards sur la planète.
Nous sommes à la croisée des chemins.
La naissance de l’industrie en Occident a engendré la fabrication d’objets en séries de façon plus économique que l’artisanat qui l’avait précédée, les rendant ainsi accessibles à un plus grand nombre d’humains. L’innovation industrielle, suscitée par l’évolution des besoins, a construit progressivement le confort des populations occidentales, notamment pendant les Trente Glorieuses, permettant l’émergence des classes populaires et moyennes, salariés, directs ou indirects, et clients de cette dynamique industrielle. La Corée, Taiwan, puis l’Asie du Sud-Est ont compris que la seule façon de sortir leurs populations de la misère était de devenir de vraies puissances industrielles : elles ont montré la voie dans laquelle la Chine, l’Amérique latine, puis l’Inde et désormais bien d’autres pays émergents se sont engouffrés.
En 1950, il y avait 2,5 milliards d’habitants sur terre dont 1,5 milliard, le « Tiers Monde », souffrait de malnutrition et d’absence totale de confort. En 2012, sur 7 milliards d’habitants, plus d’1 milliard est malheureusement toujours exclu du progrès, mais cela veut dire que près de 5 milliards d’habitants supplémentaires ont bénéficié des technologies facilitant l’hygiène, les soins, l’alimentation, le logement, l’accès à l’énergie, la communication, l’éducation. Toutes ces technologies sont issues de la diffusion des innovations industrielles. On comprend pourquoi les responsables des ex-pays du Tiers Monde, où s’est située la dynamique démographique la plus spectaculaire de toute l’histoire de l’humanité, ont été tellement motivés à attirer et encourager l’essor de l’industrie sur leurs territoires.
Curieusement, simultanément, certains (futurs ex- ?) pays riches ont semblé oublier, après les Trente Glorieuses, que l’innovation industrielle avait été leur poule aux œufs d’or. Les entreprises industrielles de toutes tailles, y compris les petites qui ne demandaient qu’à grandir, ont été alors plutôt considérées comme des vaches à lait que comme les locomotives économiques qui avaient permis le progrès social. Notamment en France, les grandes entreprises, souvent issues d’entreprises d’Etat, avec une culture parfois hautaine pour les entreprises de plus petite taille, ont oublié qu’elles avaient besoin de fournisseurs innovants, et ont eu tendance à les considérer comme banquiers, assureurs, et fournisseurs gratuits de savoir-faire. L’efficacité court-termiste de certains acheteurs et de certains juristes a malheureusement coïncidé avec les exigences court-termistes de certains actionnaires qui ont, eux aussi, oublié qu’une petite entreprise doit grandir avant d’être traite, et qu’elle a besoin de temps pour recruter, former, investir, innover, déployer commercialement l’innovation, et réussir l’exportation de ses innovations. L’inflation administrative exceptionnelle en France depuis trente ans, conjuguée à une chasse au capital, ont été également de puissants poisons anti-croissance pour nos PMI.
Où est désormais notre intérêt collectif ?
D’abord de bien comprendre qu’en 2050, nous serons probablement 9 milliards d’habitants sur terre, et que pour faire face aux défis mondiaux de l’alimentation, de la santé, de l’énergie, du logement, du transport, de la communication, il va falloir être collectivement très innovants en termes de réponses technologiques et industrielles. Les limites de la planète en ressources nécessiteront, si nous voulons continuer à offrir du confort aux humains, des procédés industriels plus efficaces, donc plus sobres, fabriquant des objets également plus sobres et plus recyclables.
Avons-nous l’ambition que nos entreprises industrielles françaises de toutes tailles s’emparent de ces challenges autant que leurs concurrents? Créerons-nous collectivement les conditions de la meilleure croissance possible de nos entreprises par l’innovation ? Avons-nous bien accepté collectivement que le potentiel de croissance de nos entreprises industrielles innovantes se situait à l’exportation ? Et donc que la compétitivité, c’est-à-dire avoir un meilleur rapport qualité/prix que nos concurrents étrangers, serait le gage de notre réussite ? Passerons-nous d’une culture myope égocentriste et court-termiste à une culture visionnaire du long terme et de la conscience assumée de nos interdépendances, y compris au plan international?
Si oui, la régénération de notre tissu industriel, en coopération avec le monde de l’éducation, de la recherche et de l’enseignement supérieur, permettra de créer des emplois industriels qui irrigueront financièrement l’ensemble de l’économie : les services, les commerces, les banques, les assurances, la fonction publique, et permettront le remboursement de nos dettes. La culture de notre pays restera ainsi connectée avec les réalités d’un monde qui est chaque jour inédit et plus complexe. Contribuer à satisfaire les besoins des 99% d’autres humains non-Français, dont la moyenne d’âge est de 28 ans, se ressourcer dans la diversité de leurs cultures, est, de mon point de vue, le seul moyen de s’adapter aux transformations rapides de notre environnement global planétaire. Le repli sur soi, la régression sur une monoculture relève, d’après les psychologues, de la névrose et entraîne la dépression. Ce qui est vrai pour les individus semble intuitivement vrai pour les groupes d’individus et pour les nations. Des historiens, des sociologues et des psychologues pourraient-ils coopérer pour nous aider à approfondir ces réalités et à les diffuser auprès du public ?
Comment nous-mêmes, et tous ceux qui contribuent à l’éducation de nos enfants, y compris les médias, nous emparons-nous de ces défis motivants pour leur inculquer l’ouverture d’esprit, la curiosité, l’attirance pour la diversité, la créativité, la coopération, pour que notre pays soit fertile en entrepreneurs et en salariés développeurs d’entreprises industrielles innovantes et exportatrices ?
Je suis convaincu que l’évolution culturelle collective passe autant par les micro-actions que chaque entrepreneur mène dans son entreprise et dans l’environnement de celle-ci, que par des prises de conscience plus macroscopiques, mais plus lentes. Il faut faire toucher du doigt à nos classes populaires et moyennes que leur avenir économique, social, et culturel est fortement corrélé à l’avenir de notre industrie nationale, donc à la croissance par l’innovation et l’exportation de nos PMI. Peut-être alors les électeurs seront-ils prêts à accepter les choix et efforts nécessaires à court terme pour privilégier une performance collective à long terme ? Si non, pourquoi l’accepteraient-ils ?
Notre challenge, celui de la « Fabrique de l’Industrie », m’apparait être essentiellement d’approfondir ces réalités et de savoir les communiquer au grand public. Pour cela, il va falloir être « innovants » !