Peut-on trop attendre du CICE ?Pacte de compétitivité, un an après
Il y a un an, Louis Gallois remettait au Premier ministre son rapport sur la compétitivité. Le lendemain, le gouvernement annonçait l’adoption du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, dont le CICE est depuis la mesure phare. Cet anniversaire donne lieu, ces jours-ci, à un premier bilan sur fond de nouvelles annonces.
En déplacement à Saint-Etienne le 4 novembre dernier, un an presque jour pour jour après l’adoption du pacte national de compétitivité et la mise en place du CICE, le Premier ministre a annoncé un plan de mesures, préparé par Fleur Pellerin et Genevière Fioraso et destiné à soutenir « une nouvelle donne pour l’innovation » : bourse pour encourager la création de startups, fonds souverain de propriété intellectuelle…
Plusieurs publications ont également cherché à dresser un tout premier bilan du CICE, dans la foulée du rapport du comité d’audit chargé de son suivi. On retiendra notamment l’étude de Natixis, qui reprend une à une les différentes attentes formulées à l’endroit de ce crédit d’impôt, trop nombreuses et contradictoires : renforcement des marges des entreprises, stimulation de l’investissement, création d’emploi… Toutes ne pourront pas être satisfaites, préviennent Patrick Artus et Jean-Christophe Caffet.
Les auteurs notent pour commencer que le CICE a été doté d’une enveloppe de 30 milliards, commensurable avec les préconisations du rapport Gallois. Ceci représente 1,9 point de la valeur ajoutée des sociétés non financières, c’est-à-dire moins de la moitié de la perte de profitabilité que celles-ci ont enregistrée depuis la crise de 2008 (4 points) ou depuis le début des années 2000 (5 points).
La note aborde ensuite la question du ciblage de l’outil. Reprenant les travaux du Comité de suivi, elle souligne que le CICE ne cible pas particulièrement les entreprises industrielles ni les entreprises exportatrices. Les deux auteurs pointent ici un défaut de construction initial du CICE, victime de la pluralité des objectifs qui lui sont assignés. Il aurait été plus facile de soutenir principalement la création d’emplois en faisant porter l’assiette du crédit d’impôt sur les bas salaires, où l’élasticité de l’emploi au coût du travail est la plus élevée. Symétriquement, le dispositif aurait soutenu plus efficacement la reconstitution des marges industrielles s’il avait porté sur des salaires plus élevés. La recherche d’un compromis entre ces deux objectifs aboutit à une dilution de l’effet du crédit d’impôt sur un grand nombre de secteurs, très différents.
Le document conclut ce rappel au discernement en expliquant que, au-delà de ces deux objectifs, le CICE a parfois été surinvesti : il ne saurait, du moins à court terme, stimuler tout à la fois la restauration de la compétitivité, l’investissement en R&D et la montée en gamme, la création d’emplois et l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés. Selon les auteurs, compte tenu de leur situation actuelle et des contraintes bancaires qui pèsent sur elles, la réaction la plus probable des entreprises devrait être la reconstitution progressive de leur capacité d’autofinancement. Cet effet ne devrait pas permettre, à lui seul, d’amorcer un nouveau cycle d’investissement, d’abord parce que les taux d’utilisation des capacités de production sont encore assez faibles, ensuite parce que c’est plus souvent la demande morose qu’une saturation de l’offre qui obère aujourd’hui l’activité des entreprises. Les salaires réels, eux, ne devraient pas augmenter mais au contraire supporter cette reconstitution des marges, compte tenu du contexte actuel de l’emploi. Si des créations d’emplois peuvent être envisagées pour le travail peu qualifié, cet effet se produirait au prix d’une nouvelle dégradation du rythme des gains de productivité.
Franck Barnu