Les multinationales, actrices de la mise en oeuvre des droits des travailleurs
La thèse de droit social de Mathilde Frapard La protection négociée des droits sociaux fondamentaux des travailleurs : contribution à l’étude des accords d’entreprise transnationaux propose aux acteurs sociaux des modèles de négociation d’accords et des outils d’amélioration de leur effectivité. Retrouvez ici le résumé de son travail.
Les accords d’entreprise transnationaux s’inscrivent au coeur des thèmes de la mondialisation de l’économie et des relations professionnelles internationales. De tels accords sont conclus au sein de multinationales, par un représentant de la direction et des fédérations syndicales internationales, européennes ou des comités d’entreprise européens.
Face à la globalisation des échanges financiers et économiques, et dans un contexte où les entreprises s’étendent à plusieurs pays, il est devenu important de rendre les droits sociaux saisissables, notamment par la privatisation des normes internationales et européennes du travail. En effet, la protection des droits des travailleurs ne relève plus uniquement de la responsabilité des États
mais se révèle davantage comme appartenant à la responsabilité sociale des entreprises via la négociation. Ainsi ces accords, qui se sont développés en l’absence de cadre juridique, visent notamment à encadrer les relations de travail et à offrir une protection des droits sociaux fondamentaux aux travailleurs des filiales, voire à ceux des sous-traitants et fournisseurs.
Depuis la signature du premier accord en 1988 par le groupe Danone, près de 300 accords ont été conclus, portant sur diverses thématiques et s’inscrivant dans une politique RSE de l’entreprise.
L’ambition de la thèse est de démontrer que ces accords, initiés volontairement par les acteurs d’entreprises via la négociation, ne poursuivent pas un simple objectif de marketing social, mais s’inscrivent dans une forme de gouvernance d’entreprise et dans une volonté de faire bénéficier l’ensemble des salariés des droits contenus dans l’accord. Dès lors, l’analyse de ces accords nécessite d’étudier leur élaboration, leur contenu et leur mise en oeuvre au sein des entreprises transnationales tout en s’intéressant au comportement et aux pratiques des acteurs sociaux et à la manière dont ceux-ci les mobilisent.
Intérêt pour l’industrie
Ce travail de recherche participe à une meilleure connaissance de 267 accords d’entreprise transnationaux et de leur contribution à la protection des droits des travailleurs.
Tout en interrogeant les préoccupations des acteurs de multinationales appelés à les élaborer, ce travail propose des modèles de négociation d’accords et des outils d’amélioration de leur effectivité. Au préalable, la thèse définit des typologies d’accords selon des critères géographiques, le secteur d’activité et leur objet. Ces accords sont empreints d’une spécificité européenne qui s’exporte au-delà des frontières de l’Union européenne. En effet, ce sont principalement des entreprises européennes (notamment françaises et allemandes) qui concluent ce type d’accords.
Cette spécificité se retrouve lorsqu’on étudie l’objet des accords qui renvoie notamment aux thèmes des restructurations, l’anticipation du changement, la santé sécurité ou l’égalité des chances. Ensuite, la thèse apporte des réponses sur les moyens pratiques de mise en oeuvre de ces accords pour rendre les droits effectifs, notamment par l’identification d’outils de transposition et de suivi de l’accord au niveau local (reporting, indicateurs de suivi, clauses de règlement des conflits). Chacun de ces outils a pour particularité d’associer les acteurs sociaux. Enfin, la thèse propose des réponses aux questions que soulève l’articulation de l’accord avec le droit local.