Le système dual suisse : une réponse aux besoins en compétence des entreprises
Le système de formation en Suisse est unanimement reconnu pour son efficacité. Une des clés de sa réussite tient à la large participation du monde économique dans son pilotage. Cela explique en grande partie pourquoi la Suisse connaît un des plus faibles taux de chômage des jeunes au monde (8 %).
Des formations qui offrent de réelles perspectives d’évolution
A l’instar de l’Allemagne, le système éducatif est principalement proposé dans un format dual, combinant des études à temps partiel dans une école professionnelle et des apprentissages en entreprise : près des deux tiers des jeunes Suisses choisissent l’apprentissage à l’issue de la scolarité obligatoire (15 ans).
Les jeunes ont le choix entre environ 250 spécialités de formation, en lien avec les besoins du marché. L’enseignement pratique offre aux apprentis une employabilité forte1 dès la fin de leur cursus. Les trois quarts des jeunes rejoignent directement le marché du travail au terme de la formation professionnelle initiale.
Le système suisse propose également de nombreuses passerelles pour rejoindre des filières de plus haut niveau. Un quart des titularisés de la formation professionnelle initiale poursuivent ainsi leurs études dans l’enseignement supérieur2.
Enfin, la mobilité des apprentis est importante sur le marché du travail. Seuls 35,5 % des diplômés de la formation professionnelle initiale s’engageaient dans une profession directement liée à leurs qualifications professionnelles en 20073. Les opportunités d’évolutions sont réelles : 75 % des jeunes Suisses considèrent que l’apprentissage permet de garder toutes les options ouvertes en termes d’évolution de carrière4. De nombreux dirigeants de grandes entreprises suisses sont d’ailleurs connus pour avoir débuté leur carrière par l’apprentissage.
Un système « piloté par le marché »
Contrairement aux autres domaines de l’éducation qui relèvent essentiellement de la responsabilité cantonale, la formation professionnelle est gérée à l’échelon fédéral par trois partenaires : la Confédération, les cantons et les partenaires sociaux – les « organisations du monde du travail » ou ORTRA.
Au sein de cette gouvernance tripartite, les ORTRA élaborent le contenu des programmes, les qualifications ainsi que les examens. Ils jouent donc un rôle prépondérant dans la définition de l’offre de formation professionnelle. Ce rôle est d’autant plus important qu’il existe en Suisse un véritable « marché des places d’apprentissage », au sein duquel ce sont les entreprises qui fixent le nombre de places ouvertes en fonction de leurs besoins. Concrètement, une plateforme de mise en relation a été créée afin que les élèves souhaitant démarrer une formation duale puissent démarcher directement les entreprises qui recherchent des apprentis. Une fois leur contrat de travail signé, les organismes de formation sont ensuite chargés de proposer les enseignements adaptés aux besoins des entreprises.
En cas d’inadéquation entre l’offre et la demande, le SEFRI intervient par exemple pour financer la création de réseaux d’entreprises formatrices, pour aider les élèves dont le niveau est plus faible à trouver une place d’apprentissage (case management) ou pour encourager les entreprises à proposer des places d’apprentissage.
Des conditions propices au développement de la formation duale
Les premières filières de formation duales sont apparues en Suisse dès la fin du XIXe siècle, sous l’impulsion des corporations. A l’époque, cet enseignement combinant théorie et pratique était déjà orienté vers le maintien d’une main d’œuvre hautement qualifiée, capable de répondre aux exigences de qualité imposées aux produits suisses.
Cette proximité historique entre école et entreprise explique aujourd’hui encore la bonne adaptation de l’offre de formation aux besoins des industriels. De même, la spécialisation de l’industrie suisse dans des secteurs de niche tels que l’ingénierie de précision, qui nécessitent des savoir-faire pointus, s’accorde particulièrement bien avec la formation en apprentissage.
L’importance dans le tissu industriel suisse des PME familiales, ancrées dans le territoire, favorise également l’investissement dans la formation professionnelle, en raison de leur souci permanent de développer et transmettre leurs savoir-faire.
Vers une remise en cause du système ?
Des inquiétudes commencent à se faire sentir en Suisse quant à la possibilité de perpétuer ce modèle de formation professionnelle. D’un côté, le système éducatif suisse suit une tendance à l’« universitarisation » des formations. Cela est lié à la concurrence croissante entre le système de formation professionnelle et les universités, exacerbée par une évolution démographique défavorable. Elle s’explique également par la place croissante que tiennent les enseignements théoriques au détriment de la pratique au sein des formations professionnelles. D’un autre côté, alors que les grandes entreprises industrielles ont joué un rôle pionnier dans le développement de l’apprentissage à la fin du XIXe siècle, la place grandissante des groupes multinationaux ne s’identifiant pas à la tradition suisse en matière de formation constitue une menace pour le système dual5.
1Une étude menée par l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT, 2011) auprès de 159 entreprises multinationales implantées en Suisse indique que ces dernières citent spontanément « l’orientation pratique de la formation duale » comme principal point fort du système de formation suisse.
2Office fédéral de la statistique, 2012.
3OCDE, 2009.
4Crédit Suisse, 2013.
5Müller, B., Schweri, J., (2008) in OCDE, 2009.