L’autonomie, pierre angulaire de la qualité de vie au travail
Une étude réalisée par La Fabrique de l’industrie, Terra Nova et le réseau Anact-Aract, appréhende la qualité de vie au travail comme un levier de compétitivité pour l’entreprise. Ce qui ressort de cette enquête, c’est que l’autonomie des collaborateurs constitue un pilier des démarches de refonte de l’organisation du travail.
C’est son heure, elle centralise toutes les attentions : la qualité de vie au travail (QVT) suscite un intérêt grandissant. « Il y a une décennie, c’était les risques psychosociaux. Avant eux, c’était la souffrance au travail. Aujourd’hui, c’est la QVT. La différence avec les deux sujets précédents, c’est que la QVT, elle, fait l’objet de réunions des comex et des codir, illustration qu’elle est perçue comme stratégique », observe Martin Richer, coordonnateur du pôle Entreprise, Travail et Emploi de Terra Nova. Ce think-tank a réalisé, avec La Fabrique de l’industrie et le réseau Anact-Aract, une étude intitulée « La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité ».
« Ce qui ressort de nos entretiens avec les interlocuteurs de la dizaine d’entreprises que nous avons auditionnés, c’est un dénominateur commun : toutes les organisations qui abordent concrètement le lien entre qualité de vie au travail et performance se penchent de facto sur la notion d’autonomie », pointe Marie-Madeleine Péretié, représentante du réseau Anact-Aract. Concrètement, l’autonomie s’appréhende suivant trois niveaux : l’autonomie dans la tâche (le collaborateur a la main sur ses missions quotidiennes), l’autonomie dans le collectif (le collaborateur est impliqué au sein d’une équipe), l’autonomie en lien avec la gouvernance (le collaborateur est associé à la stratégie de l’entreprise).
L’étude met l’accent sur trois formes organisationnelles émergentes qui favorisent ces différents niveaux d’autonomie : le lean management, centré sur la tâche ; l’entreprise libérée, qui se focalise sur le collectif ; et l’entreprise responsable, plutôt axée sur la gouvernance. « Des entreprises de toute taille et de tout secteur mènent une réflexion sur l’autonomie. Dans l’industrie, il s’agit d’en finir avec le modèle taylorien pour favoriser une meilleure production. Dans les services, la relation client impose d’avoir des collaborateurs bien dans leurs baskets. Dans les start-up, l’autonomie est perçue comme un générateur d’innovation », détaille Martin Richer.
Dans les entreprises rencontrées dans le cadre de l’étude, la mise en œuvre de l’autonomie prend diverses formes. Chez Michelin, une organisation responsabilisante permet aux salariés de trouver un épanouissement dans leur travail tout en contribuant à la performance globale de l’entreprise. Dans la PME de textile Maille Verte des Vosges (qui a réussi à survivre à un dépôt de bilan), le nouveau projet d’entreprise a été soumis à l’adhésion des trente collaborateurs. Chez BlaBlaCar, l’esprit entrepreneurial des membres de l’équipe est valorisé. « En favorisant l’engagement, l’autonomie se révèle être un vecteur d’attractivité et de fidélisation des talents », souligne Émilie Bourdu, chef de projet à La Fabrique de l’industrie.
Si elle est identifiée comme la pierre angulaire de la qualité de vie au travail, la mise en œuvre de l’autonomie conserve néanmoins une importante marge de progression : en 1998, 14,2 % des salariés interrogés par la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) indiquaient que c’était leur supérieur qui leur indiquait comment faire leur travail. En 2013, ils étaient plus nombreux (19,3%) à faire ce constat. « Cette régression s’explique notamment par l’intensification du travail », analyse Martin Richer.
Ce qui explique aussi le sinueux parcours qui attend le déploiement de l’autonomie, c’est le gouffre abyssal qui existe entre la théorie et la mise en pratique de certains modèles… Pour exemple, le concept d’entreprise libérée est parfois perverti, conduisant à une sur-mobilisation des équipes et à la suppression du management intermédiaire. Pour ce qui est de l’entreprise responsable, il s’agit encore parfois de « green washing », les démarches s’intéressant davantage à la gouvernance qu’au travail quotidien des équipes. Idem dans le lean management, supposé être respectueux des ressources. Mais lean signifiant « maigre », plutôt que d’être respectées, les ressources (y compris humaines) sont réduites…