La France peut-elle rester compétitive ?
A travers les points de vue de nombreux experts, le dernier numéro des Cahiers français propose un état des lieux de l’économie française face à la mondialisation. Parmi les contributions, Vincent Charlet, directeur de La Fabrique de l’industrie, revient sur les différents outils de politiques industrielles mobilisés en France.
De 1958 à 2014, bien des querelles académiques et bien des conflits de valeurs se sont joués autour des politiques industrielles, c’est-à-dire des manières pertinentes pour les États d’aider les entreprises à prospérer dans un environnement mondial compétitif. À trop écouter ces débats, on finirait par penser, à tort, que les politiques industrielles changent tous les quatre matins, sous l’effet de modes intellectuelles et du goût des décideurs pour le lancement de dispositifs qui porteront leur nom.
Que les économistes ne soient pas toujours unanimes ni sûrs de leurs conclusions, ou que les décideurs successifs soient amenés à compléter certains outils de politiques publiques est bien le moins que l’on puisse attendre face à un environnement économique d’une infinie complexité, alternant des phases d’euphorie comme la « bulle Internet » des années 2000 et des phases de grave dépression. En présence d’une telle asymétrie des forces, le procès en amateurisme relève très souvent de la facilité. En prenant un peu de recul, on voit au contraire que l’on peut poser un regard apaisé sur les divers outils de politique industrielle en place et sur leurs évolutions.
Alors que les entreprises se déploient sur des marchés de plus en plus mondialisés et qu’elles doivent sans cesse faire preuve de réactivité, on dispose aujourd’hui d’outils renouvelés sur les trois champs fondamentaux des politiques industrielles : la préservation des conditions de la compétitivité, l’appui vertical aux chaînes de valeur et le soutien aux pôles à fort potentiel. Bien sûr, en pratique, il arrive que ces outils réclament un perfectionnement ou une mise au point ; il n’est pas question ici de réfuter l’importance d’une évaluation rigoureuse des différents postes de dépense de l’État. On peut même prédire sans risque d’erreur que, le contexte évoluant, certains des outils flambant neufs dont on dispose aujourd’hui devront être corrigés voire réorientés dans quelques années. Mais, fondamentalement, les pôles de compétitivité, le crédit impôt recherche, les filières et les investissements d’avenir, pour ne prendre que ces quatre exemples, ont été maintenus voire abondés, après une alternance politique, par un Gouvernement qui travaille par ailleurs à la baisse des dépenses publiques et du coût du travail.
Cela montre que la cohérence de l’action publique se construit dans le temps. C’est un devoir partagé que de préserver cette cohérence, eu égard aux défis immenses qui attendent les entreprises sur leurs marchés dans les décennies à venir.