L’industrie high-tech américaine : une puissance menacée
S’il y a bien un domaine dans lequel on ne doute pas de la suprématie des Etats-Unis, c’est celui de la recherche et de l’innovation. Les prix Nobel ne sont-ils pas très régulièrement décernés à des chercheurs américains ? Notre téléphone portable et notre ordinateur ne sont-ils pas très souvent le fruit d’innovations américaines ? Les Etats-Unis sont le pays qui investit le plus au monde dans les activités de recherche et développement (R&D). Ils affichent pourtant un déficit commercial colossal dans les produits de haute-technologie. Les Américains peuvent-ils rester leaders dans l’industrie high-tech ?
La part des dépenses en R&D dans le PIB américain est restée relativement stable au cours des vingt dernières années. Elle est aujourd’hui de l’ordre de 2,8 %, contre 2,3 % pour la France, 2,9 % pour l’Allemagne ou encore 3,4% pour le Japon [1]. Du fait de leur poids économique plus important, cet effort de 2,8 % fait des Etats-Unis le pays qui investit le plus au monde en R&D.
Ces dépenses sont fortement concentrées : elles sont principalement réalisées par les entreprises des secteurs de l’informatique et de l’électronique, de la pharmacie et de l’aérospatial (voir Figure 2).
Malgré cet effort important, et bien que l’industrie de haute-technologie [2] américaine soit la plus importante du monde, cette dernière est déficitaire sur le plan commercial depuis 2002 (voir Figure 3). En 2011, elle affichait un déficit commercial de l’ordre de 100 milliards de dollars, soit environ 18 % du déficit total de la balance des biens et services américaine – cela équivaut par exemple au déficit commercial global de la France à la même période.
Cette mauvaise performance à l’international résulte du choix de nombreuses firmes américaines de délocaliser leur production, en particulier vers l’Asie. Elle témoigne par ailleurs du rattrapage technologique dont bénéficient les pays émergents, alimenté notamment par les transferts de savoir-faire réalisés lors de l’implantation d’entreprises étrangères. Elle révèle enfin la difficulté éprouvée par l’industrie américaine pour transformer les avancées de la recherche appliquée en développement et commercialisation de nouveaux produits [3].
Susan Berger affirme, ainsi que plusieurs autres observateurs, que les Etats-Unis ont vu disparaître des pans entiers de leur industrie, notamment dans le secteur des hautes technologies [4]. Par ailleurs, elle souligne que l’éloignement des activités de production menace grandement le leadership américain dans la recherche et l’innovation. En effet, les savoir-faire de conception se nourrissent des interactions avec les unités de production et des retours des utilisateurs [5]. Le National Research Council [6] montre que la disparition d’un secteur de l’industrie sur un territoire peut empêcher le développement d’un nouveau. Il explique ainsi que l’abandon de la production d’écrans à cristaux liquides au profit des producteurs asiatiques pose de sérieux problèmes pour le développement d’écrans souples aux Etats-Unis, alors que ce sont des firmes américaines qui ont réalisé les développements majeurs dans ce domaine. L’équipement, l’expertise, les fournisseurs et la technologie nécessaires à la production se situent en Asie. Les efforts importants de R&D réalisés par les pays émergents les rendent par ailleurs de plus en plus attractifs pour le développement de produits sophistiqués. Les Etats-Unis risquent donc de voir les activités de R&D s’implanter de plus en plus là-bas.
Un basculement massif des hautes technologies américaines vers les pays d’Asie n’est cependant pas une fatalité : l’aéronautique reste par exemple en très large partie réalisée sur le territoire américain. En outre, l’administration Obama met en œuvre d’importantes mesures de soutien à la recherche et au développement de produits innovants. Nous présenterons une de ces mesures, les National Network for Manufacturing Innovation dans un prochain papier.