L’entreprise jardinière et le terreau territorial

Chaque territoire a une longue histoire et ses champions. Mais les connaît-il vraiment et surtout connaît-il leurs écosystèmes, les tendances de leurs marchés, leurs stratégies ?

Une entreprise n’est jamais seule. Elle a ses clients, les clients de ses clients, ses fournisseurs, les fournisseurs de ses fournisseurs et un ensemble important de parties prenantes.
Elle oeuvre dans un écosystème global où des acteurs sont liés par une chaîne de valeur de production de produits et services, par des communautés d’intérêts et de pratiques.
Au sein de cet ensemble, une entreprise se développe de façon pérenne non pas en filière mais en étoile en s’aidant des reliefs pour s’étendre et, si nécessaire, faire le pas de côté. Pour survivre ou conquérir de nouveaux marchés, elle adapte ses savoir-faire, en intègre de nouveaux au travers d’alliances, d’innovations et de co-innovations.

Il n’y a pas de beaux jardins sans bonne terre 

La collectivité territoriale est soumise aux mêmes pressions concurrentielles que les entreprises.
Elle prend toute sa dimension si elle sait produire des offres inscrites dans une stratégie long terme comprise par tous, unifiée et soutenue dans la durée (où serai-je dans 20 ou 30 ans) la positionnant sur les marchés de demain et répondant aux attentes des entreprises.
En d’autres termes, elle doit savoir répondre à la question : Comment le territoire aide-t-il les dirigeants d’entreprise à résoudre en partie les problèmes qui les empêchent de dormir la nuit ?

Ainsi, l’intelligence économique est la base de la stratégie de la province du Hunan (Chine) et oriente sa politique industrielle. L’action s’articule comme suit :

• identification des tendances par un mapping objectif des activités sociétales et des réflexions humaines ;
• collecte systématique de toutes les données disponibles ;
• extraction, analyse, cartographie et évaluation systématique des informations collectées ;
• transformation des informations en connaissances ;
• définition de la stratégie.

En France, il existe quelques exemples réussis de clusters spécialisés créés autour d’une unité de production (par exemple, à Pau autour de l’usine de production de turbines d’hélicoptères de Turbomeca, à Toulouse autour de l’usine d’Airbus, à Méaulte autour de l’usine d’Aerolia, ou encore à Marignane autour de l’usine d’Eurocopter).
Une autre façon d’aider les entreprises d’une région à se développer consiste à leur ouvrir les portes des marchés export, à l’instar des Länder allemands qui savent parfaitement accompagner leurs PME en dehors de leur pays.

La clé du succès consiste à créer de la valeur pour chaque partie prenante en relation avec ses enjeux.
L’objectif est d’apporter les conditions nécessaires à l’épanouissement des acteurs économiques du territoire et d’attirer les nouveaux venus pour les aider à s’enraciner profondément, à créer des emplois durables. Dans la durée, l’identité se renforce et devient intrinsèque : tu veux faire des textiles intelligents, c’est ici qu’il faut être !

La collectivité devient un animateur de réseaux et le terreau d’écosystèmes au service de sa stratégie de développement économique et de celles des acteurs économiques.
Elle doit savoir créer les opportunités et les conditions à l’ancrage de clusters, ferments des filières de demain et à la consolidation de celles existantes.
A titre d’illustration, la CCI de Lyon a développé un cluster « Défense », EDEN, qui fédère une quarantaine de PME de cette région spécialisées dans le domaine de la défense : ce cluster organise la participation de ces sociétés aux grands salons spécialisés dans la défense (Eurosatory, IDEX, etc.) ou des missions collectives dans des pays ciblés.

Source : L’intelligence économique au service de l’innovation – Editions Eyrolles – ouvrage collectif dirigé par Christian Coutenceau, fondateur et animateur du think tank du groupe Technologies Avancées de HEC Alumni