Enseigner le code à l’école ?
Le citoyen de demain devra savoir lire, écrire, compter et coder.
Dans l’ouvrage L’Industrie, notre avenir, Stéphane Distinguin insiste sur l’urgence d’enseigner le code à tous les citoyens. Extrait de l’article « #Code, une rupture culturelle programmée ».
Apprendre à programmer n’est pas seulement important pour votre avenir, mais pour celui de votre pays.
Barack Obama, 44e président des États-Unis.
Pour répondre à l’explosion du numérique, non seulement les start-up mais les grandes entreprises vont avoir besoin d’un très grand nombre de salariés formés au code. Rien qu’aux États-Unis, on estime qu’en 2020, 1,4 million de postes seront à pourvoir dans les métiers informatiques pour seulement 400 000 étudiants diplômés disponibles.
Face à cette demande, il est urgent d’enseigner le code le plus largement possible. C’est ce qu’a compris Barack Obama, selon qui « apprendre à programmer n’est pas seulement important pour votre avenir, mais pour celui de votre pays. » Le citoyen de demain devra savoir lire, écrire, compter et coder. Malheureusement, dans notre pays, l’enseignement de l’informatique, qui avait été introduit en 1985, a été abandonné en 1993 au profit de la bureautique, c’est-à-dire de l’usage des outils informatiques, ce qui n’est pas du tout la même chose. Le B2I, un brevet informatique mis en place en 2012 et délivré dès l’école primaire, sanctionne la faculté à utiliser les outils informatiques et non à les développer. Or, comme le souligne Gilles Dowek, informaticien français et professeur à l’école Polytechnique, « notre but n’est pas de faire de nos élèves des utilisateurs d’outils créés par d’autres, mais de leur montrer qu’eux aussi peuvent créer ces outils et penser et innover par eux-mêmes. »
Pour réintroduire le code à l’école, faut-il lui conserver le statut d’une discipline technique ou en faire une discipline aussi « noble » que les mathématiques ? Doit-on lui consacrer un baccalauréat technique spécialisé ou l’enseigner à tout le monde ? Mon père était enseignant dans des lycées techniques et professionnels et j’ai gardé le souvenir de la condescendance dont faisaient l’objet, en général, les jeunes gens qui préparaient des CAP, des BEP, des bacs professionnel, voire des BTS. Il y a quelques années, je participais au fameux TechShop de San Francisco, et je me rappelle m’être demandé, en observant des jeunes gens qui travaillaient eux aussi sur des machines, lesquels deviendraient les prochains milliardaires. Aussi bien Mark Zuckerberg que Bill Gates ont tous deux arrêté leurs études pour devenir codeurs et entrepreneurs. Pour Harry Lewis, ancien doyen d’Harvard, « la programmation permettra à la prochaine génération de maîtriser n’importe quelle autre discipline. »
Notre but n’est pas de faire de nos élèves des utilisateurs d’outils créés par d’autres, mais de leur montrer qu’eux aussi peuvent créer ces outils
Gilles Dowek, informaticien français et professeur à l’école Polytechnique
Quand nous avons créé La Cantine, c’était, entre autres, pour pallier un déficit dans l’offre publique et privée d’apprentissage du code. Quand je devais expliquer à des élus ce qu’était ce nouvel équipement, je leur disais « c’est une MJC 2.0. » Lors de leur création, les MJC (Maisons des jeunes et de la culture) étaient destinées à permettre aux jeunes de s’initier au théâtre ou à la musique. Aujourd’hui, les amateurs de théâtre ou de rock disposent de salles de répétition un peu partout de France mais, avant les initiatives du type de La Cantine, il n’existait pas de lieux pour s’entraîner à faire du code.
De son côté, Xavier Niel, fondateur d’Iliad et de Free, a créé l’École 42, ouverte à tous les jeunes de 18 à 30 ans. Elle propose un enseignement en programmation et en innovation numérique relativement poussé, même s’il est non diplômant. L’Épitech, dont l’École 42 s’est inspirée, est une école privée ouverte aux bacheliers. Elle forme en cinq ans des experts en technologie de l’information. L’école Simplon.co, une « fabrique de codeurs entrepreneurs » située à Montreuil, est prioritairement dédiée aux débutants en informatique, avec des profils sous-représentés dans l’entrepreneuriat digital et le web, en particulier les filles, les jeunes issus des quartiers populaires ou de zones rurales, les personnes en situation de handicap, les seniors. Grâce à cette école, par exemple, une jeune femme, Audrey Sovignet, a pu coder WheelShare, une plateforme permettant aux personnes handicapées de partager des témoignages géolocalisés pour mieux circuler en ville.
Certaines structures proposent l’apprentissage du code dès six ans, à travers la création de jeux, l’animation de robots, la fabrication d’objets connectés. Le CoderDojo, un mouvement international présent dans 43 pays, forme gratuitement les plus jeunes au code. Les Coding goûters sont des événements mensuels réunissant enfants, parents et développeurs autour du code et de briques Lego.
De nombreuses plateformes web permettent aussi d’apprendre à coder tout seul.
C’est de cette façon que le fondateur d’Instagram, Kevin Systrom, s’est formé. Spécialiste en marketing, il a appris le code sur Internet, le soir après son travail. En 2010, il a lancé Burbn, une application web écrite en code Html5, combinant des fonctionnalités du média social Foursquare et des éléments du jeu Mafia Wars. Après une levée de fonds de cinq cent mille dollars, il a décidé de faire « pivoter » Burbn vers un concept de photographie géolocalisée. Ce programme est devenu Instagram, racheté en avril 2012 par Facebook pour un milliard de dollars. C’est aujourd’hui un réseau social majeur.
Parmi les plateformes d’apprentissage du code, on peut citer Code.org, qui offre une heure d’enseignement gratuite et, en quelques mois, a déjà vu passer plus de 30 millions d’utilisateurs ; Codecademy, qui compte 5 millions d’utilisateurs depuis 2012 ; Open Classrooms, qui offre huit cents cours gratuits en ligne sur des thèmes en lien avec l’informatique et les sciences ; ou encore Khan Academy, qui accueille 10 millions d’utilisateurs par mois.
Il existe aussi des logiciels simplifiant l’apprentissage du code, comme MIT Scratch, un outil de programmation intuitif développé par le MIT depuis 2006. Ce programme génère automatiquement des lignes de code, ce qui permet de se concentrer sur la logique informatique. On peut citer également Kodu, un logiciel de création de jeux vidéo pour les enfants, développé par Microsoft, qui utilise le principe de la programmation graphique : les programmes sont réalisés par assemblage d’éléments graphiques et non par l’écriture de lignes de code.
Enfin, il existe des éléments de hardware programmables, comme l’ordinateur Arduino, un circuit imprimé disponible pour environ quarante euros, qui permet de réaliser des projets de robotique et de domotique en s’appuyant sur une communauté extrêmement développée. On peut citer également Lego Mindstorms et WeDo, des modules permettant de créer des petits robots.
Parce que cela vous apprend à penser, tout le monde devrait apprendre comment programmer.
Steve Jobs, Co-fondateur d’Apple
Au-delà de son caractère indispensable aujourd’hui pour le développement de l’industrie et pour l’émergence de nouveaux métiers et emplois, le code présente l’intérêt de familiariser ceux qui le pratiquent avec la logique de résolution de problèmes qui est au fondement de la théorie informatique. Comme le disait Steve Jobs, fondateur d’Apple, « parce que cela vous apprend à penser, tout le monde devrait apprendre comment programmer. » L’apprentissage du code permet l’empowerment des individus et peut les inciter à s’engager pour améliorer notre monde et défendre nos libertés.