Devialet réinvente la hifi made in France
La start-up qui a su s’imposer sur le marché du très haut de gamme vise aujourd’hui un plus vaste public, avec des produits conçus et fabriqués en France.
En quelques années, le français Devialet s’est fait une enviable réputation mondiale auprès des audiophiles avec ses amplificateurs très haut de gamme. Ils ont collectionné les distinctions, pas moins de 37 prix dans le monde, comme le « Best of innovations » du CES 2012 de Las Vegas ou le « Best Product of the year » de divers magazines spécialisés, dont l’anglais Hifi +, le suédois Bild & Ljud et même… le chinois HIFI Review. A la base de ce succès, sa technologie brevetée mêlant le meilleur des technologies analogiques et numériques.
La start-up, fondée en 2007 par Pierre-Emmanuel Calmel (ingénieur), Quentin Sannié (entrepreneur) et Emmanuel Nardin (designer), exporte 95 % de sa production. Elle s’attaque désormais à un public beaucoup plus large, avec un produit extrêmement innovant : Phantom, une enceinte intégrant ses amplis, communiquant via Wifi avec les sources numériques et offrant la même qualité de son que ses produits précédents. Les prix, qui commencent à 1 700 €, n’ont plus rien de commun avec ceux de l’ampli, initialement supérieurs à 10 000 €. C’est clairement un premier pas vers les marchés de masse pour l’entreprise, une volonté qu’exprime sans ambiguïté la devise : « un Devialet pour tous. »
Pour ce faire, la démarche de Devialet s’appuie sur quatre piliers. Primo : l’entreprise veut garder les mains libres et n’a pas souhaité se faire financer par le capital-risque. En revanche, elle a su trouver de bonnes fées qui lui ont apporté une quinzaine de millions d’euros, en plus des sommes levées initialement. Le développement de Phantom a réclamé à lui seul plus de 20 M€. Ces investisseurs s’appellent Bernard Arnault (LVMH), Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (fondateur de Meetic) et Jacques-Antoine Granjon (ventes privées.com). Tous font partie de son conseil d’administration.
Second choix de l’équipe Devialet : développer en interne l’intégralité des technologies. L’entreprise dispose pour cela de plus de 40 ingénieurs, sur un effectif de 90 personnes, maîtrisant l’électronique, la microélectronique, l’acoustique, le traitement du signal, la mécanique, le design… « C’est fondamental car, par exemple, la solution à problème d’acoustique peut se trouver dans le domaine du traitement du signal. Sans ces compétences multiples et la fertilisation croisée qu’elles autorisent, nous n’aurions jamais pu pousser si loin l’innovation » explique Pierre-Emmanuel Calmel.
Devialet a ainsi conçu Phantom de A à Z avec ses propres équipes, depuis la mise au point de hauts-parleurs radicalement nouveaux jusqu’au circuit intégré, qui remplace la vaste carte électronique utilisée pour ses amplis et qui comportait un millier de composants.
Troisième axe de la stratégie : une attention portée à l’industrialisation dès la conception. « Nous nous sommes efforcés de concevoir Phantom de façon à ce que la fabrication ne nécessite pas une main d’œuvre importante, afin qu’elle puisse être produite en France à un coût compétitif » explique Pierre-Emmanuel Calmel. Ainsi, il n’y a absolument aucun câble électrique, synonyme de pose manuelle, dans toute l’enceinte. Mieux encore, l’entreprise a été jusqu’à concevoir sa propre cellule robotisée pour l’assemblage des hauts parleurs, une cellule qu’elle opère elle-même. Avec cinq robots, elle réalise un haut-parleur à la minute et pourra facilement être dupliquée pour répondre à la demande.
Aujourd’hui, forte de cet outil et des industriels sous-traitants qui participent à la production de Phantom (onze sont hexagonaux, seul le fondeur du circuit imprimé est allemand), Devialet dispose d’une capacité de production de 250 000 unités par an. Un bon départ vers une production de masse ! Mais, et c’est le quatrième pilier de la stratégie, production en grandes quantité ne signifie pas bas-de-gamme. Pas question de concurrencer les produits à bas coût. L’entreprise tient absolument à conserver son positionnement sur le segment « premium », quels que soient les volumes produits. Cela peut sembler contradictoire a priori. Les exemples d’Apple et de Louis Vuitton montrent toutefois que les notions de haut-de-gamme et de luxe peuvent s’accommoder d’une diffusion à grande échelle.