Communiquer en image

De Duralex à bien d’autres acteurs industriels, la photographie s’affirme comme un levier clé pour valoriser les savoir-faire, les équipes et les métiers. Jérôme Poulalier, photographe engagé auprès des entreprises, éclaire pour nous ce rôle essentiel, entre mémoire collective, attractivité et rayonnement interne comme externe.

Communiquer en image : 3 questions à Jérôme Poulalier

Au service de l’image et de l’attractivité, la photographie prend peu à peu son essor dans le milieu industriel, donnant à voir les visages, les métiers et les savoir-faire. D’entreprise en entreprise, à travers son objectif, Jérôme Poulalier est de ceux qui ont pris part à ce mouvement. « Chute mais ne se brise pas. » Tel pourrait être l’adage de Duralex. Revenue d’une fermeture imminente grâce à sa mue en coopérative, l’usine tourne depuis à plein régime. En octobre 2024, à l’occasion d’un tournage pour un programme audiovisuel, La Fabrique de l’industrie s’est rendue sur le site du verrier français, situé à la Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret). L’occasion pour nous de rencontrer les salariés, de découvrir leur site de production, mais aussi de parler d’un sujet qui anime l’écosystème industriel depuis quelque temps : l’image de l’industrie et l’efficience de sa communication. Pour François Marciano et Nicolas
Rouffet, respectivement directeur général et directeur d’usine, Duralex est désormais « maître de son destin » : si pérenniser ce nouveau souffle passe certes par la stratégie de production, l’engouement public autour de la marque (Duralex a connu une augmentation de 323 % des commandes dans les premiers temps qui ont suivi le sauvetage administratif de l’entreprise) montre que cette partie est indissociable de la qualité de la communication publique. Et en son cœur, le travail du visuel. Pour approfondir la réflexion, nous avons échangé avec Jérôme Poulalier, qui après avoir passé plusieurs années à travailler dans l’industrie automobile, a décidé de mettre son expertise de la photographie au service des entreprises, et notamment de l’industrie.

La Fabrique de l’industrie : Quelle est la place de la photographie dans la construction de l’image
d’une entreprise ?

Jérôme Poulalier : Généralement, la première étape dans la construction de l’identité d’une entreprise passe par la création de sa charte graphique et de son logo, avec une attention portée sur les couleurs, les formes, la typographie. Véritable charpente de l’identité de l’entreprise, cette charte doit refléter les valeurs et la personnalité de l’entreprise, en faciliter la reconnaissance et l’identification par ses clients, prospects, partenaires, etc.
Souvent, la photographie est perçue comme un complément à cette charte graphique, alors qu’elle peut au contraire en être le socle. En capturant le réel, chaque photo est un témoin visuel des valeurs partagées au sein de l’entreprise, de son histoire et même de sa culture. C’est un ciment interne et un fer de lance en externe. Il y a par ailleurs autant de manière de photographier une entreprise que d’objectifs poursuivis. Si nous prenons le cas de la photographie au service du produit, cette dernière est souvent réalisée sur fond blanc ou coloré, et confiée à un photographe de studio spécialisé en packshot (photos des produits sous plusieurs les angles). Elle est indispensable pour illustrer les catalogues ou boutiques en ligne, mais ne suffit pas à raconter son histoire, à refléter son image en tant qu’entreprise ou marque. C’est là qu’intervient la photographie de reportage, pour une valorisation non pas produit mais cette fois métier. En immersion dans l’environnement de l’entreprise, le photographe montre le quotidien de l’entreprise, les étapes de fabrication – dans le respect du secret industriel toujours – et l’environnement de travail. Il cherche alors à sublimer les gestes, l’expertise, tout en valorisant les équipes via des portraits sur le vif, ou des photos en situation sur le poste de travail.

LFI : Selon une étude Bpifrance de 2023, 9 Français sur 10 sont convaincus de l’importance de l’industrie pour les territoires. En même temps, les industriels rencontrent des difficultés pour recruter. Comment la photographie peut-elle rendre les emplois industriels plus attractifs ?

J.P : En posant justement des images sur le savoir-faire, et en veillant à une certaine esthétique. Ce point est important quand on sait que bien des jeunes sont sensibles à l’esthétique dans leur consommation numérique. Elle joue un rôle de facilitatrice du premier contact. L’idée n’est pas de trahir une réalité en produisant absolument des photos spectaculaires, mais de partager des images professionnelles qui viendront incarner les valeurs et l’expertise de l’entreprise. Le sentiment d’appartenance est également un trait fort de la jeunesse. En montrant les visages derrière le produit et sa conception, ces images travaillent à cet attachement et répondent au besoin de s’identifier. Tout cela participe à l’attractivité de l’entreprise et du secteur.

LFI : Au-delà de l’image publique, quel rôle peut jouer la photographie dans la vie de l’entreprise ?

J.P : En interne, la photographie permet d’être la mémoire des moments clés de la vie de l’entreprise : les événements d’équipe, les initiatives de bénévolat voire les formations. Elle permet de se rappeler des bienfaits du collectif, des accomplissements de chacun. Elle participe à la perception que le salarié a de l’entreprise et de lui-même dans son exercice professionnel. Il est important aussi de rappeler que même les photographies à visée externe peuvent avoir une incidence en interne. Une campagne marketing qui repose sur des images fortes et bien travaillées peut réassurer les équipes sur le fait que l’activité de l’entreprise est qualitative et valorisante à tous les égards. À l’inverse, des images de mauvaise qualité ou mal choisies peuvent nuire à l’image de l’entreprise, mais aussi renvoyer aux équipes un signal de négligence, de dépriorisation du bon rayonnement de la société. À terme, certains salariés pourraient même intérioriser cette dévalorisation. C’est peut-être aussi parce que nous avons perdu de vue cette dynamique que des secteurs comme l’industrie luttent parfois pour regagner en attractivité.

crédits photo : Jérôme PoulalierLA ROCHETTE_CARTONBOARD

Jerome Poulalier

Ancien mécanicien devenu expert en photographie industrielle, Jérôme Poulalier allie passion et expérience pour valoriser l’humain et les métiers. Après un MBA et une carrière...

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