Comment le français BeAM a revisité la fabrication additive

La recherche publique puis un partenariat public-privé ont donné naissance à une technologie originale de fabrication additive, déjà exploitée par la start-up BeAM  pour la réparation de pièces aéronautiques.

Son nom est tout un programme : BeAM pour « Be Additive Manufacturing » ! Créée fin 2012, cette start-up alsacienne produit des machines de fabrication additive pour le métal uniques en Europe, voire dans le monde à ce stade d’industrialisation. Son histoire est un cas d’école. Elle montre ce qu’un écosystème hybride public-privé peut produire de mieux en matière d’innovation. Les lourdes machines qu’elle fabrique – qui coûtent jusqu’à 1,5 million d’euros – sont en effet le fruit de la mobilisation d’un ensemble d’industriels et de laboratoires publics, soutenus au passage par le Fonds unique interministériel. Elles s’adressent en premier lieu à l’industrie aéronautique.

BeAM se concentre sur la technologie originale dite LMD, pour « Laser Metal Deposition ». Les machines les plus courantes de fabrication additive produisent des pièces en métal en solidifiant, couche après couche, un lit de poudre métallique par frittage laser. Chez BeAM, la poudre métallique est injectée directement dans la buse, devant le laser : c’est donc un cordon de métal en fusion qui est déposé couche par couche, et ça change tout.

Les deux technologies, frittage et LMD, sont complémentaires. D’un côté, les machines LMD ne peuvent pas produire des pièces aussi complexes que celles obtenues par frittage ; de l’autre, elles permettent non seulement la production de pièces neuves mais également le dépôt de métal sur des pièces existantes. Autrement dit, le procédé LMD ouvre un champ immense : celui de la réparation de pièces d’usure. Un formidable marché existe pour l’aéronautique, sur lequel la start-up entend dans un premier temps se développer.

Emmanuel Laubriat, président-fondateur explique : « notre technologie permet d’effectuer des réparations impossibles à réaliser autrement. De plus, elle permet d’effectuer ce travail beaucoup plus facilement, c’est-à-dire sans avoir recours à des hyper spécialistes qui sont en nombre très limité. »

Il poursuit, détaillant les raisons de son positionnement : « il y a dès aujourd’hui une très forte demande de l’industrie aéronautique – nous avons déjà réalisé plus de 800 réparations sur 5 types de pièces pour une entreprise américaine – alors que le marché des pièces neuves est moins immédiat. » En effet, il est hors de question pour l’aéronautique de requalifier pour un nouveau procédé des pièces existantes. Ce n’est donc qu’à l’occasion de nouveaux programmes que la demande se manifestera.

En attendant, BeAM a déjà vendu trois machines (une à Safran, deux au réparateur américain Chromalloy) et songe à élargir son marché aux domaines du nucléaire, des turbines à gaz, du pétrole, voire du ferroviaire.

La technologie LMD est née il y a plus de dix ans à l’Irepa-Laser, le Critt Matériaux Alsace aujourd’hui partenaire de l’institut Carnot Mica. Elle a été finalisée dans le cadre d’un programme de recherche de 4 ans et de 7 M€ d’euros, soutenu par le FUI, auquel participait le Gotha de l’aéronautique (Dassault, EADS, Snecma, Airbus Hélicoptère, MBDA), deux PME (Ares et TPSH) et des laboratoires de l’école des Mines, des Arts et Métiers, de l’Enise et de l’UTBM.

Le partenariat avec l’écosystème industriel français se poursuit. Spin-off de l’Irepa-Laser, BeAM s’est adjoint de solides compétences. Son équipe compte notamment Emeric d’Arcimoles, conseiller du président de Safran, Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva ou encore Hervé Guillou, PDG de la DCNS et Frederic Sanchez, président du directoire de Fives. La plupart sont des utilisateurs potentiels de ses machines ; tous sont actionnaires à titre individuel de l’entreprise. En outre, celle-ci a noué des partenariats privilégiés avec Safran et, surtout, avec Fives qui fabrique la base de ses machines et lui permet de disposer d’une structure propre à assurer leur maintenance dans le monde entier.

BeAM a-t-il des concurrents ? De fait, la technologie LMD a également été développée en Allemagne par le Fraunhofer Institute. Il a mis au point sa propre version mais celle-ci n’a pas encore donné lieu à des machines spécifiques pour la fabrication additive. Elle est toutefois déjà utilisée par plusieurs constructeurs de machines-outils qui proposent des machines hybrides mêlant usinage classique (fraisage par exemple) et fabrication additive.

Emmanuel Laubriat ne craint pas cette concurrence. Selon lui, « ces machines hybrides souffrent d’un handicap majeur : elles prétendent réaliser une pièce par impression puis effectuer dans la foulée l’indispensable usinage qui doit avoir lieu. Intéressant en théorie mais peu praticable dans les faits, ne serait-ce que parce que, la plupart du temps, la pièce réalisée par fabrication additive doit subir un traitement thermique avant l’usinage. »

Il est en revanche beaucoup plus attentif à l’arrivée de machines directement concurrentes, comme celle qui est en développement aux États-Unis mais n’a pas encore atteint le même niveau d’industrialisation ni, surtout, de qualification. BeAM se targue en effet d’être aujourd’hui le seul à être qualifié par l’industrie aéronautique pour la réparation de pièces. Ce n’est pas un mince atout.

Prochaine étape, une levée de fonds « importante », prévue dans un proche avenir.

 

Franck Barnu

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