Autonomie, responsabilisation, participation : faut-il libérer le travail ?
Du 13 au 20 septembre a eu lieu, au sein du centre culturel international de Cerisy, un colloque intitulé : « Le travail en mouvement : organisations, frontières, reconnaissances ». Co-organisé par la nouvelle chaire « Futurs de l’industrie et du travail : formation, innovation, territoires » (FIT2) de Mines ParisTech, dont la Fabrique de l’industrie est membre fondateur, il a rassemblé chercheurs, praticiens et citoyens intéressés.
L’entreprise délibérée : instituer un dialogue sur la qualité du travail – Yves Clot
L’année 2018 restera celle de modifications significatives du code du travail et du code civil. Les instances représentatives du personnel sont bel et bien en cours de transformation avec la disparition des CHSCT. D’un autre côté, l’objet social de l’entreprise est, au moins formellement bousculé par l’affirmation souhaitée d’une « raison d’être » complémentaire aux critères financiers dominants. Dans cette intervention, le lien entre les deux a été questionné. Il a été montré que le trait d’union entre la performance et la santé se trouve probablement du côté de la qualité du travail, qualité des produits et des services comprise. La qualité du travail peut être vue autant du côté de la santé publique avec la multiplication des scandales sanitaires qui affectent usagers et consommateurs que du côté de la santé au travail. Mais, il a été aussi fait une garantie possible de la performance elle-même. L’expérience des interventions en entreprises ou en institutions protège pourtant de toute naïveté sociale: la qualité du travail est d’abord un problème à résoudre et ce problème révèle des conflits de critères récurrents et, en un sens, inéliminables. Si l’entreprise mérite bien d’avoir des « raisons d’être », c’est qu’elle a d’abord les « soucis du faire ». Ces « soucis » de la qualité du travail ne peuvent être abordés qu’en instituant entre toutes les « parties prenantes », contre un déni trop fréquent, une coopération conflictuelle autour de la qualité du travail. C’est sous cet angle qu’ont été abordées les questions de l’autonomie, de la responsabilité et de la participation.
Pour écouter le podcast de Yves Clot, cliquez ici.
L’expérience DQT à l’usine Renault de Flins – Jean-Yves Bonnefond
À partir d’une expérimentation menée avec Renault, à l’usine de Flins, par l’équipe de psychologie du travail du Cnam, nous exposerons les modalités d’institution d’un dispositif de dialogue et d’action sur la qualité du travail (DQT) qui dure depuis 4 ans. Il vise à faire reculer les atteintes à la santé et à l’efficacité à partir de l’initiative des opérateurs: responsables hiérarchiques, direction et organisations syndicales, en organisant entre eux le dialogue sur la qualité de leur travail. Les tentatives organisationnelles pour se porter à la rencontre de l’initiative, de l’intelligence individuelle et collective des salariés ne sont pas nouvelles. Dès la fin des années 80, chez Renault comme ailleurs, pour relever les défis technologiques, économiques et sociaux de « l’usine du futur » d’alors (Irion 1990), l’organisation taylorienne du travail devait se transformer par le développement du professionnalisme, l’expression et la participation des salariés. Aujourd’hui la question se pose car le travail contemporain est souvent bien loin de ces transformations escomptées. Et ce d’autant plus que la qualité des produits et des services, dans un monde que les technologies numériques transforment, dépendent de plus en plus de nouveaux modes de coopération sur le travail. Des innovations organisationnelles se cherchent donc à nouveau car il en va de la performance comme de la santé. Avec prudence au regard de l’histoire, le dispositif que nous présenterons est de nature à nourrir la réflexion sur cette question.