Banque de l’industrie : au-delà du consensus apparent
Droite et gauche s’accordent sur la création d’une banque pour l’industrie… aux modalités près.
Rappel des faits. Les Etats généraux de l’industrie avaient vu naître l’idée d’une banque spécifique pour financer l’industrie et, en particulier, les PME et ETI. L’idée, reprise par le candidat François Hollande, a conduit le président Sarkozy à pousser les feux. Il a annoncé la création de cette banque fin janvier. Ce sera une filiale d’Oséo, Oséo Industrie. Elle sera dotée d’un milliard d’euros de fonds propres, redéployés à partir des Investissements d’avenir. Cela lui donne une capacité de crédit de douze milliards d’euros, voire vingt-cinq selon les estimations qui incluent les fonds privés des banques partenaires.
De son côté, François Hollande proposait une banque spécifique qui unifierait les financements existants (Oséo, Caisse des dépôts, FSI, fonds régionaux…). Autrement dit, un guichet unique pour l’industrie propre à soutenir de façon cohérente une stratégie industrielle. Une logique qui avait été à l’origine de la construction d’Oséo, par fusion des dispositifs Anvar, BDPME, Sofaris en 2005, puis absorption de l’AII en 2007. La création du FSI s’en démarquait pour la première fois.
Alors guichet unique ou sources de financement diverses ? Pour Jean-Yves Gilet, en tout cas, directeur général du Fonds stratégique d’investissement, la réponse est claire : «Oséo est le champion du prêt aux entreprises ; au FSI nous sommes les spécialistes de l’apport de fonds propres, directement ou indirectement via des fonds privés. Ce sont deux activités très différentes. Il est bon qu’il y ait une séparation claire entre les deux métiers, celui de banque d’investissement et celui de banque de prêt. Si nous avons comme point commun de nous adresser aux mêmes entreprises, nous sommes en réalité dans deux approches très différentes».
A ses yeux, le plus important est d’éviter deux écueils majeurs : «Il faut à tout prix éviter de faire peser trop de contraintes sur les financements ; ils doivent être faciles d’accès et très rapides à mettre en œuvre pour répondre au besoin des entreprises. Le second point auquel il faut être attentif est naturellement la bonne coordination entre les interventions d’Oséo et celles du FSI. Elle se fait bien sûr au plus haut niveau mais elle se concrétisera au niveau local par la proximité de nos équipes avec celles d’Oséo».
A ce propos, justement, Jean-Yves Gilet rappelle que la régionalisation du FSI est en place depuis le début de l’année. «Désormais, tout investissement en capital d’une somme inférieure à 4 millions d’euros est géré directement pas nos antennes régionales», dit-il.
La banque de l’industrie ferait-elle l’unanimité ? Pas tout à fait. Dans L’Usine Nouvelle du 2 février dernier, Gilles Leblanc, professeur d’économie à Mines ParisTech, fait entendre une voix discordante. «Plutôt que de créer une banque publique, peut-être vaudrait-il mieux lever les freins restreignant l’implication des banques dans le financement des PME ?». Il pointe, d’une part, le niveau insuffisant de concurrence réelle entre les banques. Par ailleurs, il explique : «Un investissement industriel sera forcément délaissé tant que la profitabilité de l’immobilier sera ce qu’elle est […]. Suggérer les moyens de corriger ces deux obstacles majeurs […] ne serait-ce pas, au fond, la façon la plus efficace de traiter le problème et de soutenir durablement la croissance nécessaire de nos PME ?».