Allier efficacité énergétique et compétitivité industrielle : l’exemple suédois
L’Institut français des relations internationales (IFRI) a publié en juin une étude passionnante de Michel Cruciani sur la transition énergétique en Suède. La politique suédoise se caractérise par la recherche active de consensus entre les parties prenantes, la constance dans le respect des décisions prises, indépendamment des fréquentes alternances politiques, le pragmatisme qui permet de revisiter les choix lorsque l’évolution du contexte le justifie.
L’Institut français des relations internationales (IFRI) a publié en juin une étude passionnante de Michel Cruciani sur la transition énergétique en Suède.
La politique suédoise se caractérise par la recherche active de consensus entre les parties prenantes, la constance dans le respect des décisions prises, indépendamment des fréquentes alternances politiques, le pragmatisme qui permet de revisiter les choix lorsque l’évolution du contexte le justifie.
Des choix volontaristes, pragmatiques et négociés
Dès 1991, la Suède a mis en place une taxe sur les émissions de CO2, en allégeant en contrepartie (et même pour un montant supérieur) les charges pesant sur le travail et sur les entreprises. Cette taxe a cru progressivement. Elle atteint, en 2015, 117€/t pour les secteurs résidentiels et tertiaires et 67,4€/t pour l’industrie et l’agriculture, même si certaines entreprises grosses consommatrices soumises au marché européen des droits d’émission (ETS) sont exemptées. Les émissions d’autres polluants (SOx, NOx) sont également taxées.
Les producteurs d’électricité doivent produire des certificats verts (accordés pour la production d’électricité à partir d’énergie renouvelable, et échangeables) pour un pourcentage donné (croissant) de leur production. Ceci les conduit à investir dans les solutions les plus rentables, alors qu’en France les subventions sont définies pour chaque type d’énergie (photovoltaïque, éolien terrestre, éolien en mer, méthanisation) selon des règles parfois instables.
L’État et les collectivités apportent un soutien aux solutions d’efficacité énergétique (réseaux de chaleur, installation de procédés économes dans l’industrie, subvention à l’achat des véhicules électriques ou hybrides…)
Malgré la réticence d’une partie de la population vis-à-vis de l’énergie nucléaire, il a été décidé de prolonger, voire de renouveler certaines installations (mais pas de construire de nouveaux sites), afin de pouvoir attendre que la capacité des énergies renouvelables soit suffisante pour éviter d’augmenter le recours aux énergies fossiles.
Les objectifs de cette politique sont ambitieux : 50 % d’énergies renouvelables en 2020 (10 % dans le secteur des transports, le plus lent à convertir). Leur révision se fait plutôt à la hausse : l’échéance de 2050 pour l’absence d’émission nette de gaz à effet de serre décidée en 2009 a été avancée à 2045 dans un nouvel accord politique en juin 2016. Cet accord prévoit aussi une sortie du nucléaire un peu plus lente, la priorité étant clairement donnée à la lutte contre le changement climatique.
Des résultats remarquables
Michel Cruciani montre dans son étude combien les résultats de cette politique pragmatique sont impressionnants.
En 2014, les combustibles fossiles ne représentent que 31 % de la consommation d’énergie primaire (contre 72 % en moyenne dans l’Union européenne)
La Suède, malgré son climat rude, n’émet que 5,8 tonnes d’équivalents CO2 par habitant et par an (contre 8,8 pour l’Union européenne et 7,5 pour la France)
La Suède a réduit sa consommation par habitant de 16,5 % en 20 ans (la France de 8 %), tout en maintenant une forte activité industrielle. L’intensité énergétique (consommation par unité de PIB) a diminué de moitié (47 %), deux fois plus vite que dans le reste de l’Union européenne
Ces résultats ont été obtenus sans sacrifier l’accès du consommateur et de l’industrie à une énergie compétitive : le consommateur domestique suédois ne paye que 187€ le MWh électrique, à peine plus cher que le Français (168€) et beaucoup moins que l’Allemand (295€) ou le Danois (304€). Le consommateur industriel bénéficie aussi d’une électricité parmi les moins chères d’Europe.
Le volontarisme suédois dans la transition énergétique n’a donc pas pénalisé l’économie du pays, ni en termes de croissance (le PIB par habitant a augmenté de 41 % en 20 ans), ni en termes d’emploi.
Cet article a été initialement publié sur le site TheConversation.fr