La transformation numérique au cœur des nouveaux enjeux du travail

Aujourd’hui, solutions numériques et solutions organisationnelles sont intimement liées. L’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (Ugict-CGT) a investi le sujet. Marie-José Kotlicki, secrétaire générale, explique la démarche.

Quel est l’intérêt de ce guide, « Utiliser la transformation numérique pour changer le travail », que vous venez de publier ?

Il s’agit d’un outil synthétique et opérationnel pour négocier, sous l’angle numérique, des accords de qualité de vie au travail (QVT). Aujourd’hui, solutions organisationnelles et solutions numériques vont de pair. La négociation de la QVT revêt donc de nouveaux enjeux car ce thème de négociation obligatoire s’inscrit désormais dans le cadre de la transformation numérique des entreprises, qui modifie le fonctionnement des organisations et les conditions de travail des salariés. Le guide a volontairement été conçu sous la forme de fiches1 pour répondre aux besoins concrets des négociateurs. Elles sont organisées autour de quatre axes : l’organisation du travail, son environnement et ses espaces ; le temps de travail et la déconnexion ; le management et la formation ; le droit d’expression. Outre une formation de trois jours pour les équipes syndicales, nous avons associé à ce guide un outil de diagnostic. Il permet, en amont des négociations, d’établir un état des lieux partagé entre l’employeur et les IRP.

Le guide est donc un outil complet, qui apporte des éléments d’analyse et des propositions pour éclairer les négociateurs sur les points essentiels à aborder pour améliorer la qualité de vie au travail des salariés, dans le cadre des évolutions liées à la transformation numérique.

Quelle est la légitimité de l’Ugict-CGT sur le sujet ?

Première organisation syndicale française à avoir tiré la sonnette d’alarme sur l’explosion du travail numérique en dehors du temps et du lieu de travail des salarié-e-s, l’Ugict-CGT est à l’origine de cette prise en compte dans le débat public et des avancées obtenues dans certaines entreprises sur le droit à la déconnexion. Notre guide2, mis à disposition des équipes syndicales pour négocier sur le droit à la déconnexion, prolonge notre démarche syndicale lancée en septembre 2014.

L’Ugict-CGT anticipe donc les enjeux sociaux pour construire le travail de demain et les nouveaux droits qui doivent accompagner les évolutions. C’est cette démarche qui nous a incités à répondre en 2016 à l’appel à projet « Qualité de vie au Travail et numérique », lancé par l’Anact et soutenu par le Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (Fact). Notre projet a été retenu. Cette reconnaissance nous a aidés à réaliser ces nouveaux outils, maintenant à disposition des équipes syndicales.

Comment avez-vous conçu ce guide et quelle a été votre méthodologie ?

Nous avons sollicité des entreprises de différents secteurs particulièrement concernés par la mutation numérique. Ce guide est le fruit d’enquêtes de terrain, basées sur l’expression collective et par métier, qui ont rassemblé 52 professionnels de l’encadrement des secteurs de l’énergie, la banque, les télécoms, le journalisme, l’édition, les services et l’industrie. Lors de ces entretiens, deux axes essentiels ont été traités : les évolutions constatées et les évolutions souhaitables des conditions d’exercice professionnel et de l’expertise métier. Nous avons ensuite exploité les entretiens dits « experts », qui ont mis en évidence quatre enjeux liés au numérique en matière de qualité de vie au travail. Les propositions du guide et la construction de l’outil de diagnostic sont issues de ce travail.

Quelles suites envisagez-vous ?

Début 2018, nous publierons deux nouveaux guides sur le même sujet, l’un à destination des RH de proximité, l’autre à destination des cadres de proximité. D’une manière plus large, nous avons lancé le 12 octobre dernier, lors de nos Rencontres d’Options3 sur le numérique et le management, une démarche intitulée « Construire #LeNumériqueAutrement », qui questionne les modes d’organisation et de management des collectifs de travail et a pour ambition d’apporter des solutions alternatives au modèle dominant. Nous considérons que les ingénieurs, cadres et techniciens, en tant que concepteurs des technologies et chargés de mettre en œuvre les transformations numériques des entreprises et des administrations, sont en première ligne des bouleversements. L’enjeu de cette démarche syndicale est que les progrès technologiques se traduisent par des progrès économiques, sociaux et environnementaux. Dans cet objectif, nous engageons six chantiers pour construire le numérique autrement, en ouvrant le débat autour de 24 propositions interprofessionnelles4 concernant l’emploi, la formation, le management, la santé au travail, les droits collectifs et d’expression. Construire, avec toutes celles et ceux qui sont parties prenantes, les nouveaux droits qui doivent accompagner la révolution numérique est notre fil conducteur.


1  https://lenumeriqueautrement.fr/les-outils/qvt-numerique-fiches/

https://lenumeriqueautrement.fr/les-outils/le-guide-du-droit-a-la-deconnexion/

http://www.ugict.cgt.fr/articles/actus/le-numerique-uberisation-ou-levier-dun-management-alternatif-_-la-reponse-en-podcasts-des-rencontres-doptions

https://lenumeriqueautrement.fr/blog/consultation-en-ligne-24-propositions-pour-construire-le-numerique-autrement/

Marie-José Kotlicki

Cadre de la Fonction publique, secrétaire générale de l’Ugict-CGT et membre de la direction confédérale de la CGT. Membre du conseil d’administration de l’APEC, membre du...

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