Développer l’apprentissage, concrètement
L’apprentissage est une filière de formation dévalorisée. Les signatures de contrats d’apprentissage ont reculé de 8 % en 2013, et cette baisse s’est même aggravée sur les huit premiers mois de l’année 2014 (-10 %). Les annonces du gouvernement pour relancer une nouvelle fois ce dispositif suffiront-elles à inverser la tendance ? Il y a aujourd’hui urgence à développer ces formations, largement plébiscitées par les industriels.
Compte tenu de ses résultats positifs sur l’emploi des jeunes, le développement de l’apprentissage constitue depuis de nombreuses années un enjeu prioritaire des politiques de formation. Il permet aux jeunes d’acquérir des compétences très proches des besoins des entreprises, ce qui facilite leur insertion professionnelle. En février 2013, 65 % des apprentis étaient en emploi sept mois après la fin de leurs études et 58 % d’entre eux étaient en CDI. Pour l’entreprise, l’apprentissage est un formidable outil pour assurer la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée et pallier les tensions au recrutement sur certains métiers.
Engager l’Education nationale dans la valorisation de l’apprentissage
Au-delà des campagnes visant à valoriser l’apprentissage auprès du grand public, les structures en charge de l’orientation qui dépendent de l’Education nationale doivent davantage promouvoir ces filières de formation. Pour certains observateurs, cela ne pourra être envisageable qu’à condition de revenir sur la loi Jospin, fixant comme objectif que 80 % d’une classe d’âge accède au baccalauréat.
En effet, l’Education nationale est enjointe à placer les élèves dans « ses » formations en lycées professionnels, introduisant ainsi une certaine forme de concurrence avec les centres de formation en apprentissage (CFA). Ces deux filières de formation n’ont pourtant pas les mêmes objectifs en termes d’acquisition de savoir-faire et de compétences.
L’offre des CFA n’est toujours pas répertoriée dans le dispositif Affelnet1. Cette carence prive les collégiens d’un tableau complet des choix possibles d’orientation en sortie de troisième. Dans la même perspective, les régions ont un rôle à jouer et ne doivent pas se laisser contraindre par la gestion de l’offre de formation en lycée professionnel sur leurs territoires. Les « campus des métiers et des qualifications », qui proposent sur un même lieu une « offre globale de formation » en regroupant des lycées professionnels, des CFA, des IUT, etc. autour d’une thématique industrielle, constituent un des moyens pour pallier ce problème. A titre d’exemple, Le Plasti Campus d’Oyonnax-Bellignat regroupe ainsi le lycée Arbez-Carme (Bellignat), le lycée Robert-Doisneau (Vaulx-en-Velin), le GRETA Val Bugey Léman, le CIRFAP et le CFAI, l’INSA de Lyon, le pôle de compétitivité Plastipolis, le pôle européen de la plasturgie et 200 entreprises du secteur d’activité.
Garantir la qualité des formations dispensées
Si les jeunes hésitent à s’engager dans l’apprentissage, les entreprises sont également de plus en plus frileuses à l’idée d’embaucher des apprentis. Outre les freins financiers fréquemment cités par les industriels, le contenu même des formations dispensées est parfois remis en cause.De nombreuses mesures ont pourtant fait leurs preuves et mériteraient d’être généralisées. Elles apportent aux industriels des repères fiables attestant de la réalité des compétences de l’apprenti. L’Aforp, par exemple, a revu l’organisation de ses enseignements de manière à adapter les formations à la méthode de travail en entreprise. Ce CFA a développé sa pédagogie dans une logique de projet, c’est-à-dire sur un mode transversal de travail en équipe, nécessitant de mobiliser à la fois des compétences générales et techniques, de faire preuve d’autonomie et d’esprit d’initiative.
L’Aforp mise sur le développement d’une culture de la certification qui se traduit par l’obligation pour tous les apprentis en Bac et en BTS de passer, en plus de la validation des diplômes, des certifications en anglais, en informatique, en français, etc.
Il faut par ailleurs s’assurer que les missions confiées aux jeunes par le milieu professionnel soient satisfaisantes et permettent de mettre en application ce qu’ils ont appris. Sur ce point précis, la responsabilité des entreprises doit être engagée pour considérer l’apprentissage comme un investissement de long terme. Cela suppose de mettre en place un accompagnement et un suivi personnalisé, tant à l’école que dans l’entreprise. Cela soulève donc plusieurs interrogations sur le statut du maître d’apprentissage et sur la qualité des formateurs. Une des difficultés exprimée par certains CFA est de pouvoir recruter des enseignants non seulement capables de transmettre des savoirs mais aussi dotés d’une véritable expérience professionnelle qu’ils pourront valoriser face aux élèves.
Construire un système en prise avec les besoins de l’économie en s’inspirant de l’exemple suisse
La Suisse connaît l’un des taux de chômage des jeunes les plus faibles au monde (3 %) qui s’explique essentiellement par l’efficacité de son système de formation dual. Près des deux tiers des jeunes Suisses (15 ans) choisissent de combiner des études à temps partiel dans une école professionnelle et des apprentissages en entreprise.
C’est au secteur privé de définir le contenu de la formation. De plus, il existe en Suisse un véritable « marché des places d’apprentissage », au sein duquel ce sont les entreprises qui fixent le nombre de places ouvertes en fonction de leurs besoins.
Par ailleurs, il faut noter que la formation professionnelle et la formation académique ne sont pas en concurrence mais se complètent, ce qui offre aux apprentis des perspectives de carrière attrayantes et non déterminées par leur diplôme initial. De nombreux dirigeants de grandes entreprises suisses sont d’ailleurs connus pour avoir débuté leur carrière par l’apprentissage.
On ne le dira jamais assez : l’apprentissage est aujourd’hui un levier négligé de la compétitivité. On ne peut être que surpris du décalage existant entre les discours pessimistes sur ces formations et l’enthousiasme des jeunes apprentis. Ces derniers y trouvent un moyen d’être autonomes, d’accéder rapidement à un métier et de s’y épanouir.
Article d’Economie Matin