Ne fondez plus des start-up, créez des géants !

Nicolas Colin, fondateur de l’accélérateur de start-up « The Family », pense qu’il est temps de créer les géants de demain : des start-up verticalement intégrées qui maîtrisent toutes les composantes d’un métier. Il s’y lance.

Le numérique suscite une flambée de start-up. Une bonne idée, un peu de capital-risque et c’est parti. Pour Nicolas Colin, fondateur entre autres de l’accélérateur de start-up « The Family », il est temps de passer à la vitesse supérieure et de créer des start-up nettement plus ambitieuses. Pas des entreprises qui se contentent de réaliser un bon produit (et qui finissent souvent par être rachetées par des plus gros). Des start-up qui fondent réellement les géants industriels de demain. C’est ce qu’il a décidé de faire au sein de The Family.

Ce faisant, Nicolas Colin reprend une idée introduite il y a quelques mois par l’américain Chris Dixon du fonds Andreessen-Horowitz qui a baptisé cette doctrine d’investissement « full stack ». Le terme vient du monde des développeurs de logiciel : un développeur full stack, polyvalent, maîtrise toutes les facettes de son métier, aussi bien l’architecture serveur que le développement d’interfaces. Une entreprise full stack n’est ainsi rien d’autre qu’une entreprise intégrée verticalement qui maîtrise l’intégralité de son métier et non pas un maillon d’une chaîne.

Pourquoi cette idée jaillit-elle aujourd’hui ? Parce que le numérique s’apprête à bouleverser profondément les industries et services (certains, dont la musique, les voyages ont déjà vécu le tsunami…). Il est désormais question de « transformation numérique » de toutes les entreprises. Un processus déjà entamé mais qui sera long et difficile. Dès lors, pourquoi attendre que la banque, l’assurance ou les constructeurs d’automobiles par exemple achèvent leur transformation ? Prenons un raccourci, semble dire Nicolas Colin : créons de toutes pièces l’assureur numérique, le constructeur automobile numérique de demain !

Ainsi, regardez ce qui se passe déjà dans l’automobile. Qui a inventé ce qui pourrait être la mobilité de demain ? Pas Renault, pas Ford, pas Mercedes. Tesla, qui est parti de zéro, est nativement numérique et réalise aussi l’intégralité de sa voiture et de son environnement (batteries et stations de recharge incluses). Ou encore Bolloré : il a créé le concept de voiture en libre accès, fabrique sa propre batterie, sa propre voiture et toute l’infrastructure numérique qui permet de faire vivre ce service (même si c’est désormais Renault qui produira les Blue Car).

Il y a un autre bénéfice à créer ainsi ces futurs géants : numériques par naissance, ils ont vocation à devenir des « plates-formes », c’est-à-dire acteurs incontournables autour desquels tout un écosystème est appelé à développer des outils et des services. Comme Apple avec son App Store. Nicolas Colin et Henri Verdier, ont abondamment développé le concept dans un livre devenu référence, L’âge de la multitude.

Cela dit, que faut-il pour créer une start-up full stack ? De bonnes idées, des âmes bien nées pour les développer et, avant tout, beaucoup, mais vraiment beaucoup de capital. Est-ce possible en France ? Nicolas Colin raconte : « initialement je pensais que la France n’était pas prête à rentrer dans ce jeu ; qu’elle était un trop petit pays, que la protection de la rente l’y emportait toujours sur l’innovation, que nos fonds de capital-risque étaient des nains comparés à Andreessen-Horowitz et que nos entrepreneurs n’avaient pas encore l’envergure pour relever le défi du full stack. »

Sévère jugement ! Mais des rencontres l’ont fait changer d’avis. Notamment parce que, dit-il, il a trouvé des investisseurs prêts à se lancer, c’est à dire à investir dans un jeu où le ticket d’entrée se situe « entre 5 et 50 millions d’euros pour commencer ».

L’aventure peut désormais débuter. Nicolas Colin indique que The Family « est prêt à allouer sur les 18 prochains mois la somme d’un million d’euros à l’amorçage d’une série de projets full stack. »

Franck Barnu

Après des études de physique, Franck Barnu s’est dirigée vers la presse industrielle et technologique. Comme journaliste, il a en particulier suivi le domaine des technologies...

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