USA – Un réseau national pour l’innovation
Les Etats-Unis bénéficient d’un leadership mondial dans la recherche et l’innovation, qui semble aujourd’hui menacé par le déplacement de la production à l’étranger et les difficultés à transformer les avancées scientifiques en nouveaux produits. Réunissant des acteurs publics et privés, le National Network for Manufacturing Innovation (NNMI) ambitionne de construire un ensemble de « communs industriels » destiné à stimuler l’innovation.
Les Etats-Unis sont mondialement réputés pour le dynamisme de leur entrepreneuriat high-tech. Et pourtant, les miracles de la Silicon Valley n’empêchent pas les Américains de se diagnostiquer un handicap dans tous les autres domaines de l’industrie manufacturière. Comme les Européens, ils jugent que trop peu d’avancées scientifiques et de résultats de R&D débouchent sur des nouveaux produits et des opportunités d’affaires. Le National Network for Manufacturing Innovation (NNMI) a pour objectif de combler ce fossé entre la R&D et la production domestique, en resserrant les liens entre les industriels, les universités et les agences fédérales. Ce réseau est constitué de nœuds régionaux, les Institutes for Manufaturing Innovation (IMI). Souvent comparés aux Fraunhofer Institute allemands, ces instituts ont pour mission de former les étudiants et les travailleurs, conseiller les entreprises et faciliter la création de start-ups, ou encore mettre à disposition des équipements pour développer de nouveaux produits et procédés. En bref, via un partenariat public-privé permettant de répartir le risque lié à l’investissement, ce réseau a pour ambition de construire un ensemble de « communs industriels » [1] afin de stimuler l’économie locale et nationale.
Le concept de NNMI a été introduit pour la première fois par le Président Obama dans son discours du 9 mars 2012 prononcé en Virginie [2]. Dans la foulée, plusieurs agences dont le Department of Defense ont sollicité la création d’un institut pilote, centré sur la fabrication additive ou « impression 3D ». En août 2012 le premier des IMIs, le National Additive Manufacturing Innovation Institute (NAMII ou encore appelé America Makes) est créé à Youngstown dans l’Ohio. L’idée est qu’il est vital d’éviter un sous-investissement dans l’impression 3D car les gains générés par cette technologie seront rapidement diffusés à de nombreuses firmes.
Dans ses discours sur l’état de l’Union de 2013 et 2014, Barack Obama a demandé au Congrès d’autoriser un investissement d’un milliard de dollars pour la création de 15 instituts et plaidé pour la mise en place d’un réseau comprenant 45 nœuds (IMIs) dans les 10 ans à venir. L’objectif affiché est de voir chaque institut devenir financièrement indépendant dans les 7 ans suivant son lancement en générant des revenus à travers des contrats de recherche, des licences de propriété, des droits d’adhésion, etc. [3]. Devant l’inaction du Congrès, Barack Obama annonça la création de trois autres instituts : le Next Generation Power Electronics Manufacturing Innovation Institute dans l’Université de Caroline du Nord, le Digital Manufacturing and Design Innovation Institute à Chicago et le Lightweight and Modern Metals Manufacturing Innovation Institute dans la région de Détroit. En 2014, il déclare que l’administration procédera à la création de quatre nœuds supplémentaires dont un consacré au développement d’énergies propres et un autre à la « biofabrication » [4].
Avec quatre instituts actifs à ce jour, le NNMI est encore loin de constituer un réseau national. Si quatre instituts supplémentaires sont sur les rails, il reste du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs manifestés par le président Obama. En outre, compte tenu de l’immensité du territoire et du poids économique et démographique des Etats-Unis, la création de 15 nœuds pour un budget d’un milliard d’euros ne semble pas relever d’une ambition démesurée. En Allemagne, le pays modèle en la matière, les 67 instituts Fraunhofer (fondés en 1949) représentent 2 milliards d’euros de budget. En France, une poignée d’instituts de recherche technologique (IRT) bénéficie d’un investissement comparable via le Programme d’investissements d’avenir (PIA).
Au final, cette initiative n’est en réalité qu’une pièce qui vient s’insérer dans un écosystème plutôt riche. Les agences fédérales ont déjà une activité de transfert technologique et il existe des programmes fédéraux suivant des ambitions assez similaires. A titre d’exemples, les deux programmes phares dédiés aux PME (SBIR et STTR), représentent une dépense fédérale de 2,2 milliards de dollars par an. De la même manière, le Hollings Manufacturing Extension Partnership, qui vise à peu près les mêmes objectifs que le NNMI avec ciblage sur les entreprises de taille modeste, draine 100 millions d’aide fédérale par an.