Le Royaume-Uni esquisse l’avenir de son industrie
Un rapport remis au gouvernement projette l’évolution de l’industrie à horizon 2050 et propose des pistes pour une stratégie industrielle.
Plusieurs signes avant-coureurs l’ont déjà indiqué, en voici une confirmation : le Royaume-Uni s’intéresse à nouveau de très près à son industrie manufacturière. En témoigne le récent rapport The Future of Manufacturing : A New Era of Opportunity and Challenge for the UK, copieux document de pas moins de 247 pages qui s’avère être une mine d’informations.
Ce rapport, commandé par le gouvernement à l’institut Foresight, étudie l’évolution de la production manufacturière à l’horizon 2050. Il en déduit également un ensemble de recommandations au gouvernement, concernant des mesures propres à favoriser le développement de l’industrie. Surtout, il commence par affirmer l’importance cruciale de la production manufacturière – « Manufacturing matters! », rappelant qu’elle représente plus de 10 % du PIB britannique, plus de la moitié de ses exportations et 2,5 millions d’emplois.
L’institut Foresight souligne qu’à l’horizon 2050, la production manufacturière aura évolué de façon très significative. Il met en lumière cinq changements majeurs. Premièrement, la technologie est appelée à jouer un rôle central. Les technologies de l’information, les capteurs et les techniques telles que l’impression 3D conduiront l’industrie à être plus rapide, plus réactive et plus proche des clients, notamment en permettant la personnalisation des produits, même ceux à faible coût. Deuxièmement, les usines seront beaucoup plus diverses et réparties qu’aujourd’hui avec d’un côté des super centres de production réclamant de très gros investissements pour des produits très complexes et, de l’autre, des unités reconfigurables et des centres de production locaux, voire mobiles. Troisièmement, au-delà de la fabrication et de la vente de produits, la part de revenus fournie par les services est appelée à croître significativement. Le rapport indique que, déjà, une entreprise comme Rolls Royce tire 49 % de ses revenus des services et que ce taux est de 29 % pour Arcelor Mittal. Quatrièmement, la production sera plus « durable », via des progrès dans l’utilisation plus efficiente de l’énergie et des matériaux, imposés par la volatilité des prix et celle de la disponibilité des ressources. Cinquièmement et enfin, les emplois exigeront une main d’œuvre très qualifiée et seront bien payés. Foresight indique que, au Royaume-Uni, 800 000 emplois seront à pourvoir d’ici à 2020 du fait du départ à la retraite de nombreux employés de l’industrie.
Du côté des recommandations, l’étude propose au gouvernement britannique de définir une politique industrielle adaptée à cette évolution du paysage, en commençant par quelques nouveaux domaines d’action. D’abord, exploiter de nouvelles formes de veille stratégique pour obtenir des données plus précises sur le secteur manufacturier et sur les domaines où est créée la valeur. Ensuite, parvenir à mieux cibler le soutien public au secteur manufacturier tout en améliorant la coordination des actions gouvernementales, à la faveur d’une compréhension systémique des politiques publiques en sciences, technologie, innovation et dans le domaine industriel. Enfin, créer un Office for Manufacturing inspiré de l’exemple américain, capable de détecter et suivre l’évolution des pratiques de façon à nourrir la réflexion stratégique du gouvernement, à évaluer l’impact des programmes mis en œuvre et à améliorer la coordination entre les différentes institutions gouvernementales.
On notera également le soutien des auteurs de ce rapport à une initiative gouvernementale de 2011 : les centres Catapult, centres de transfert technologique équivalant aux SATT français, et notamment celui destiné au High Value Manufacturing, autrement dit à la production avancée. Le rapport, qui le considère comme un outil clé, recommande d’accroître son financement.
Lorsqu’il a commenté la présentation de ce document, Vince Cable, Secretary of State for Business, Innovation and Skills, en a validé les grandes lignes, a reconnu l’importance des centres Catapult mais, selon le magazine The Manufacturer, s’est montré « plus que sceptique sur l’opportunité de la création d’un Office for Manufacturing ».