Convictions sans concessions

Dans son nouvel ouvrage, La France doit choisir, Jean-Louis Beffa dénonce l’emprise pernicieuse du modèle libéral-financier consumériste anglo-saxon, et appelle la France et l’Europe à choisir un modèle commercial-industriel privilégiant « l’ayant-droit national » sur l’actionnaire, soucieux de la qualité et de l’efficacité du système d’innovation et du dialogue social.

 

Après avoir passé en revue les divers modèles de systèmes industriels, illustrés par un tour du monde des grandes économies, Jean-Louis Beffa dénonce l’inconstance française et son tropisme récent pour le modèle libéral-financier qui n’a profité qu’aux entreprises exerçant des métiers régionaux proches du consommateur, telles Saint-Gobain, Lafarge, Carrefour, Air Liquide, Vinci, Véolia, Suez ou les banques de détail, qui contribuent peu à l’équilibre du commerce extérieur.

Il appelle la France à consolider ses acquis, d’une part dans les secteurs dont la prospérité actuelle résulte de la politique industrielle volontariste d’antan (nucléaire, transports et spatial), d’autre part dans le domaine de l’art de vivre : luxe et cosmétique, agroalimentaire et tourisme.

Il promeut aussi un nouveau pacte national, « raisonnable et réaliste », fondé sur une meilleure représentation des salariés et des actionnaires de long terme dans les instances de gouvernance  des entreprises, sur une politique réglementaire pénalisant moins les producteurs (réglementation écologique ou droits des consommateurs, fiscalité reposant moins sur les entreprises), sur la relance de grands programmes d’innovation (au détriment de mesures plus diffuses comme le crédit d’impôt recherche), sur une nouvelle politique énergétique permettant d’exploiter nos réserves de gaz de schiste dans des conditions environnementales satisfaisantes, sur une politique fiscale favorable aux entreprises et surtout à celles qui sont exposées à la concurrence internationale, sur une coopération avec le continent africain et sur une séparation claire entre les intérêts public et privé.

Quant à l’Europe, elle doit désormais choisir rapidement entre l’effondrement de la monnaie unique ou le renforcement de l’intégration européenne, autour de l’axe franco-allemand et d’un compromis clair en faveur d’un modèle commercial-industriel privilégiant « l’ayant-droit national » sur l’actionnaire.


Le point de vue de La Fabrique

Homme de convictions, Jean-Louis Beffa cherche à faire partager celles-ci, mais pas à séduire. Son livre lui attirera les foudres des libéraux, de nombreux financiers, voire des « groupes propriétaires de médias réalisant une part importante de leur chiffre d’affaires avec l’Etat ».

On se réjouira qu’alors que tant de discours préconisent des dépenses utiles et des investissements d’avenir sans se risquer à dire où prendre l’argent, Jean-Louis Beffa indique clairement les dépenses qu’il juge non prioritaires, comme le crédit d’impôt recherche, et déclare qu’une hausse des impôts est inévitable.

On pourra cependant, sur certains point, nuancer son diagnostic (la compétitivité de certaines filières agro-alimentaires semble connaître des difficultés), ou discuter ses convictions : les grands programmes d’innovation, qui ont montré leur utilité pour certaines filières, ne semblent pas en favoriser d’autres, notamment les divers secteurs de l’art de vivre dont il fait un pilier possible de la réindustrialisation de la France. Il faut sans doute les combiner avec d’autres outils, notamment si l’on veut encourager la régénération du tissu industriel dans les hautes technologies.

Conférence du 19 mars 2012 « Quel chemin pour une réindustrialisation en France ? »

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