Les robots et l’emploi, un éclairage de La Fabrique de l’industrie

La Fabrique de l’industrie vient de publier une contribution sur cette question qui a le mérite de rappeler quelques fondamentaux relatifs aux innovations techniques. Cette contribution évoque notamment les incertitudes de la communauté des experts à l’égard des effets des nouvelles technologies sur l’emploi.

Article initialement publié sur le blog de l’Afpa (www.debatformation.fr)

Retrouvez la Synthèse de La Fabrique sur l’automatisation en cliquant ici.

Nous avons déjà, dans des chroniques précédentes, mis en garde contre les discours catastrophistes et déterministes annonçant la destruction de centaines de milliers d’emplois liée au développement des robots. La Fabrique de l’industrie vient de publier une contribution  sur cette question qui a le mérite de rappeler quelques fondamentaux relatifs aux innovations techniques. Cette contribution évoque notamment les incertitudes de la communauté des experts à l’égard des effets des nouvelles technologies sur l’emploi : « Une étude d’août 2014 réalisée par le Think Tank américain Pew Research Center (“AI, Robotics, and the Future of Jobs”), est révélatrice des doutes qui subsistent à ce sujet. Parmi les 2 000 spécialistes des nouvelles technologies interrogés sur la question, 52 % estiment que les créations d’emplois l’emporteront alors que les 48 % restant s’attendent à ce que le solde final soit négatif. »

Ces divergences relativisent largement les thèses qui nous expliquent que l’avenir est déjà écrit et que la robotisation se développe selon un schéma pré-déterminé échappant aux arbitrages humains. Or, si l’avenir technologique en termes d’emplois est déjà écrit selon un pseudo-modèle nord-américain, nul besoin de tenter de réguler la production d’énergie ou de concilier les organisations de travail avec la qualité de vie des salariés. De même, comment croire une seconde à une politique d’emploi efficace si les technologies s’organisent indépendamment des modèles sociaux, des choix organisationnels et des politiques RH ?

En fait le défi des innovations technologiques et de la robotisation nécessite, d’une part, une articulation plus forte entre politique d’emploi, politique économique et système éducatif. D’autre part, elle implique une synergie des acteurs privés et des pouvoirs publics autour d’objectifs stratégiques partagés qui dépassent le seul secteur industriel classique. Comme l’évoque l’étude de La Fabrique de l’industrie, il faut s’interroger sur les critères de mesure de l’activité industrielle focalisés, traditionnellement, sur la production, voire sur la notion même d’industrialisation. Cette réflexion ne peut plus être dissociée : « de la définition du périmètre statistique de l’industrie et de la frontière de plus en plus poreuse entre ce secteur et celui des services. (…) Les nouveaux métiers créés suite aux évolutions techniques sont en effet nombreux à être comptabilisés dans les services bien qu’ils soient totalement orientés vers l’industrie. C’est par exemple le cas des intégrateurs de robots, des bureaux d’études, d’organisation de la production, etc. »

Cette porosité entre industrie et services qu’il faudrait élargir à certains segments innovants de la construction (essor de l’imprimante 3D comme modalité industrielle de construction de bâtiments élémentaires), réinterroge le volet technologique de notre système de formation professionnelle initiale et continue, encore fortement structuré et organisé selon un modèle tourné vers la production, au détriment des compétences de services « techniques », de production abstraite, de maintenance, de gestion des incidents liés aux systèmes technologiques complexes, de raisonnement technologique, d’amélioration de la qualité et d’interaction des systèmes connectés…

Si la mutualisation des fonds de la formation professionnelle possède un sens, c’est bien dans un plan global de rénovation de l’appareil de formation aux techniques industrielles et aux nouvelles technologies (qui suppose un état des lieux réalisé région par région). Sans montée en compétences et en qualification des salariés travaillant directement ou indirectement pour l’industrie du futur, c’est le schéma d’une robotisation unilatérale peu porteuse d’emplois qui s’imposera et qui aggravera le chômage structurel et les tensions sociales. L’avenir technologique n’est pas écrit et les évolutions du travail aux États-Unis n’esquissent pas ce qui se construira en Europe ou dans les pays émergents. Il est peut-être temps que l’Europe se définisse un avenir partagé en matière d’emploi et d’organisation du travail et ne s’en remette plus aux études approximatives des cabinets d’études américains.

Paul Santelmann

Responsable de la veille « emploi & qualification » à la Direction de l’ingénierie de l’AFPA, Paul Santelmann est également chargé d’enseignement à Paris I (Sorbonne) ainsi...

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