L’industrie crée-t-elle des emplois ?
L’industrie crée de la richesse qui à son tour crée les emplois.
Le maintien et le développement de l’industrie sont nécessaires à la prospérité de nos sociétés1. Pourtant, il faut être conscient que l’industrie crée peu d’emplois directs en Europe ou aux Etats-Unis.
Même en Suède, pays européen qui a le mieux su préserver son industrie durant ces deux dernières décennies (son PIB industriel a plus que doublé entre 1990 et 2008 alors qu’il croissait d’environ 30% en France et d’environ 20% en Allemagne), la proportion de la population active employée dans l’industrie est passée de 28% à 20%, et la part de l’industrie dans le PIB a décru (certes de seulement 11%, tandis qu’elle chutait de 24% en Allemagne et de 38% en France).2
C’est que, comme le résumait de façon percutante François Dalle à la fin des années 19803, l’industrie ne crée pas directement des emplois, elle crée des richesses qui permettent la création de nombreux emplois dans les services. Des entreprises industrielles de plus en plus productives (dont la valeur ajoutée croît donc plus vite que les emplois), distribuent plus de richesses à leurs employés (salaires), à leurs actionnaires (dividendes et plus-values) et à leurs clients (sous forme de baisse du prix de vente des produits, donc d’augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs). Cette richesse permet à ceux qui en bénéficient de consommer plus de services. Beaucoup de ces services sont produits à proximité du consommateur et créent donc des emplois locaux.
Ce qui précède est bien connu, mais les conséquences n’en sont pas toujours tirées. Ainsi des élus qui consentent de gros efforts pour aider une entreprise industrielle à s’implanter ou à se maintenir dans leur territoire déplorent souvent le peu d’emplois directs créés. Ainsi des observateurs partant du constat que les grandes entreprises créent peu d’emplois tirent un peu vite la prescription de concentrer toutes les aides sur les petites. Or les petites entreprises industrielles ne créent pas forcément plus d’emploi que les grandes. Les richesses créées dans l’industrie, même par moins d’ouvriers, permettent à des boulangers, coiffeurs, artistes, libraires, restaurateurs ou artisans de prospérer, souvent dans le cadre de petites entreprises, qui se développent tant que la population s’enrichit, en fabriquant plus de produits qu’elle n’en consomme4.
1 Voir l’éditorial de Louis Gallois http://www.la-fabrique.fr/Actualite/se-prendre-en-main
2 Contribution de Messieurs Briquet et Migeon sur la Suède http://www.la-fabrique.fr/Chantier/Suede.
3 Notamment dans sa préface au livre de Jean-Louis Levet, Une France sans usines, Economica,1988.
4 Des produits manufacturés, mais aussi des matières premières, des produits agricoles et des biens et services exportables