Stratégie Nationale Bas-Carbone : des efforts à poursuivre pour les grandes entreprises
À l’heure où les 50 sites industriels les plus émetteurs de CO₂ remettent leur feuille de route au gouvernement, où en sont les grandes entreprises dans leur décarbonation ? L’enquête de terrain réalisée en partenariat avec le cabinet KPMG apporte des éléments de réponse : l’état des lieux est nuancé, soulignent Ahmed Diop et David Lolo, auteurs de la Note Les grandes entreprises sur la voie de la sobriété énergétique, et chargés d’étude à La Fabrique de l’industrie.
La décarbonation est bien à l’agenda des grandes entreprises
Toutes les entreprises du panel déclarent avoir un plan de transition énergétique, et 71 % se disent en phase voire en avance par rapport à leurs objectifs. Mais les ambitions chiffrées que les entreprises se fixent elles-mêmes ne coïncident pas toujours avec la feuille de route nationale. Parmi les entreprises industrielles interrogées, seules 39 % ont des objectifs compatibles avec le rythme de décarbonation de l’industrie prévu par la nouvelle stratégie nationale bas carbone attendue pour 2024. Les leviers mobilisés par les entreprises sont-ils à la mesure de cette ambition ? Sur les 14 leviers de décarbonation énumérés dans l’enquête, les 6 les plus fréquemment évoqués relèvent de la sobriété et de l’efficacité énergétique. En top 3, l’amélioration de l’éclairage et du chauffage (100 %), le recours à des machines moins énergivores (86 %) et l’amélioration du rendement des installations (83 %) : en somme des axes connus et déjà éprouvés.
La question du financement au cœur des préoccupations des entreprises
Les montants élevés des investissements sont identifiés dans l’enquête comme le premier obstacle ressenti par les grandes entreprises. Elles déplorent une faible visibilité sur la rentabilité de leurs investissements, a fortiori dans le contexte actuel d’inflation énergétique, et composent avec une réglementation en matière d’aides d’État plus stricte que pour les PME. Cela est d’autant plus vrai que les technologies sont jeunes : en effet, des innovations telles que l’hydrogène, le captage et la valorisation du CO₂ font certes l’objet de projets prometteurs, mais leur déploiement est encore assez lent, sans compter le fait qu’elles ne concernent qu’une poignée d’entreprises. Dans l’ensemble il reste donc nécessaire de lever le verrou financier, en partie par le soutien de l’Etat, pour réaliser ces chantiers incontournables.
La réduction des émissions indirectes, le vaste chantier à venir
La réduction des émissions indirectes de scope 3, produites de façon diffuse sur l’ensemble des chaînes de valeur (liées par exemple l’approvisionnement en matières premières, au transport de marchandises, aux prestations de services, etc.), est un chantier encore plus lointain pour les entreprises. Il faut dire que la stratégie nationale bas carbone couvre uniquement les émissions directes et la réglementation nationale ou européenne qui concerne les émissions importées est encore balbutiante. Dans ce cadre, les grandes entreprises privilégient pour l’heure la collaboration avec leurs fournisseurs (72 %) et le développement de la seconde vie de leurs produits (59 %). Des démarches dont les retombées peuvent être plus lentes, surtout au regard de l’asymétrie des politiques climatiques à l’échelle mondiale.