Ukraine : un nouveau choc pour l’industrie française ?

La guerre en Ukraine nous invite à poursuivre notre réflexion en matière de souveraineté économique : notre dépendance au gaz et aux métaux russes montre que la sécurisation des approvisionnements devient centrale dans un monde où les affrontements géopolitiques réapparaissent.

Certains grands groupes automobile et énergétique français s’étaient solidement implantés en Russie, et bon nombre d’autres entreprises françaises se préparent à des tensions sur leurs approvisionnements, dont les conséquences pourraient affecter des filières entières. À la lumière des relations économiques franco-russes, La Fabrique de l’industrie propose aujourd’hui un état des lieux des premières conséquences industrielles de la guerre en Ukraine.

La France, deuxième investisseur en Russie : Renault en première ligne

Les flux d’investissements français en Russie ont atteint plus de 3 milliards d’euros en 2019, faisant de la France son deuxième pourvoyeur en flux et en stock d’investissements directs étrangers. La France a principalement noué des partenariats industriels dans le domaine de l’énergie. Le deuxième secteur représenté est l’automobile, avec 3 % des investissements, attribuables majoritairement à Renault. À travers sa filiale locale Avtovaz, le groupe détient près de 30 % de parts de marché en Russie et a multiplié par 40 sa production locale de voitures entre 2005 et 2017. Les problèmes d’approvisionnement liés aux sanctions européennes ont obligé Renault à suspendre l’activité de son usine et provoqué l’effondrement du marché automobile russe (-62,9 % en mars selon l’Association of European Business), pénalisant Renault comme l’ensemble des constructeurs présents en Russie.

Les secteurs consommateurs de gaz sont en partie protégés, mais jusqu’à quand ?

La flambée du gaz russe expose directement les secteurs intensifs en gaz ou en électricité, l’aluminium et l’acier notamment, et indirectement ceux en aval de ces activités. En outre, l’ensemble des entreprises industrielles françaises pourraient voir leurs consommations intermédiaires se renchérir si leurs partenaires commerciaux – notamment les Allemands très dépendants du gaz russe – répercutaient cette hausse sur leurs prix. Certains dispositifs, toutefois, limitent cet impact : le contrat avec le fournisseur d’énergie qui fixe d’avance un prix déterminé, l’accès des secteurs électro-intensifs à l’énergie nucléaire historique et la subvention prévue par le gouvernement français, pouvant aller jusqu’à 25 millions d’euros, pour une entreprise faisant face à une hausse d’au moins 40 % de sa facture énergétique. Toutefois, si le conflit dure, les entreprises les plus exposées ne pourront pas éviter durablement une augmentation de leurs prix ou une contraction de leur marge.

Une dépendance critique aux métaux russes

Très dépendante de certains métaux russes, l’industrie française pourrait faire face à des tensions importantes en cas de restrictions d’importations depuis la Russie. Elle dépend notamment d’une raffinerie d’alumine basée en Irlande et détenue par Rusal, qui représente plus de 80 % des flux entrants en Europe. De même, une pénurie de titane russe (40 % des besoins de la filière aéronautique française, de palladium (dont la Russie contrôle 50 % du marché mondial) et de nickel, tous deux très utilisés dans le secteur automobile, serait très pénalisante. En effet, les capacités de substitution des entreprises françaises et européennes restent limitées. Les industriels paient déjà le prix fort de ces incertitudes puisque les cours des métaux flambent depuis le début du conflit. Tandis qu’il avoisinait les 20 000 dollars la tonne début janvier, le prix du nickel a atteint les 100 000 dollars début mars.

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