Coopération public-privé en recherche : un enjeu humain d’abord !

Pendant longtemps, les mondes de la recherche privée et de la recherche publique ont entretenu peu de liens. Des passerelles ont été créées ces dernières années, permettant aux acteurs économiques d’accéder plus aisément aux résultats de la recherche académique.

Pendant longtemps, les mondes de la recherche privée et de la recherche publique ont entretenu peu de liens : on parlait de « recherche appliquée » et de « recherche fondamentale » comme de deux mondes distincts. Des passerelles ont été créées ces dernières années, permettant aux acteurs économiques d’accéder plus aisément aux résultats de la recherche académique. Néanmoins, pour renforcer ces coopérations, tous vont devoir désormais partager un vocabulaire commun et s’appuyer sur des profils, des savoir-faire et des outils nouveaux.

 

Une première étape a été franchie : la généralisation des politiques de transfert et de valorisation

Les universités, les écoles et les organismes de recherche, depuis plusieurs années, ont généralisé leurs politiques de transfert et de valorisation des travaux scientifiques, à destination notamment des entreprises, comprenant même parfois la création de start-up.

Cette dynamique a reposé sur la création de services dédiés, parfois externalisés, voire partagés entre plusieurs acteurs publics. Des femmes et des hommes ont ainsi été recrutés et formés pour créer et piloter les démarches de transfert et valorisation. Ces équipes (celles des SATT, des services valorisation des universités, des écoles, des organismes de recherche, des Instituts Carnot, etc.) ont été choisies avec un fort niveau d’expertise scientifique et juridique, notamment en matière de propriété intellectuelle et industrielle. En effet, pour bien transférer, il faut savoir valoriser, c’est-à-dire évaluer, négocier et défendre le patrimoine que représentent les résultats de recherche et les travaux issus des laboratoires publics. L’accent a ainsi été mis sur le recrutement de juristes, sur l’évaluation des retombées économiques possibles et sur la protection du patrimoine scientifique.

Cette stratégie a permis de faciliter l’accès des acteurs économiques aux résultats de recherche mais elle doit encore évoluer pour répondre à un besoin pressant d’innovation de rupture.

La recherche pluridisciplinaire, une ressource stratégique pour les entreprises

En effet, pour répondre aux nouveaux défis sociétaux et environnementaux, les acteurs économiques ont compris l’intérêt de se ressourcer, notamment en se rapprochant de la recherche académique et des organismes publics. Pas seulement pour créer de nouveaux produits ou technologies mais aussi pour éclairer leur vision et construire de nouvelles stratégies.

Nombre d’entreprises ont amorcé un changement dans leur manière de développer ou d’acheter des technologies. Elles ne les achètent plus « sur étagère », indépendamment des conditions dans lesquelles elles vont être mises en œuvre et des clients pour lesquels elles sont conçues. Elles recherchent des technologies pensées dans un cadre plus global et « acceptable », c’est-à-dire intégrant les préoccupations environnementales (par exemple la recyclabilité ou le coût énergétique) et répondant aux nouveaux besoins de la société (plus inclusives, plus solidaires, respectueuses de la vie privée). Les besoins des entreprises sont désormais pluridisciplinaires et interdisciplinaires.

La recherche académique doit donc pouvoir proposer des projets faisant appel à de nombreuses sciences, composer des équipes des scientifiques issus de domaines très différents, capables de travailler ensemble à la résolution de problèmes.

En parallèle, puisqu’il faut construire désormais des projets complexes et pluridisciplinaires, il est essentiel de dépasser la relation dite de « transfert » ou « valorisation » pour créer une vraie relation partenariale entre entreprises et recherche publique.

 

De nouveaux profils et de nouveaux métiers à valoriser

Les organismes de recherche l’ont bien compris. Ils se renforcent donc de compétences nouvelles pour créer les conditions de tels partenariats.

S’appuyant sur les équipes de valorisation et de transfert, les nouveaux collaborateurs en charge des relations partenariales ont des profils à la fois hybrides et experts. Ce sont des seniors dotés d’une double expérience professionnelle : anciens chercheurs, connaisseurs ou amateurs de sciences, ils ont aussi une connaissance de l’entreprise ou du secteur privé avec une expérience du management d’équipe, experte ou généraliste.

En matière de compétences, ils possèdent un bagage scientifique et une connaissance de la pratique de la recherche, mais également une expertise en intelligence économique, en stratégie d’entreprise, en pilotage de projets complexes, en vulgarisation et communication. À l’écoute des besoins respectifs des chercheurs et des entreprises, ils ont des qualités de négociation et surtout, ils sont créatifs pour construire les partenariats les plus solides.

Encore récents dans l’écosystème, ils doivent néanmoins bénéficier d’un encadrement, de conditions de travail et de rémunération adaptés à leur mission. Pour rendre leur mission attractive, il faut aménager les conditions de rémunération (intégrer des parts variables par exemple) et les statuts (recours au CDI par exemple), créer les conditions de mobilité interne et des parcours de carrière, faciliter la mobilité externe pour les passages d’un employeur académique à une entreprise, proposer des formations adaptées à ces profils et encourager le partage des bonnes pratiques. Et comme dans tout métier, il est aussi nécessaire de créer des communautés au sein de ces profils.

En amont, pour capter ces profils, il est nécessaire de faire évoluer le système de recrutement : adapter la marque employeur, diversifier les canaux de diffusion des annonces d’emploi hors du seul écosystème public, en cas de besoin utiliser des techniques de « chasse » de profils atypiques. En sus de l’évolution des ressources humaines pour attirer et valoriser ces nouveaux profils, le monde académique doit également se doter de nouveaux outils de travail (par exemple CRM, cartographies d’acteurs, outils de veille économique…) et réserver des lignes budgétaires pour des actions spécifiques (par exemple des évènements, des bases de données, des études).

L’ensemble de ces évolutions évidemment doit se faire au regard des besoins des laboratoires et des chercheurs. Se doter des moyens pour nouer une vraie relation partenariale avec les acteurs économiques n’est pas une fin en soi mais doit se faire au service des laboratoires, des projets scientifiques des chercheurs… en plus des entreprises, bien sûr.

Un enjeu humain aussi pour les entreprises ?

Une deuxième étape est en train d’être franchie par le secteur public de la recherche, qui se dote de ressources nouvelles pour faciliter ses échanges avec le monde économique. Mais, dans le même temps, que s’est-il passé du côté des entreprises ?

En dehors des équipes de recherche et développement, des équipes de R & T ou des juristes, il y persiste un fort besoin d’acculturation et de sensibilisation aux enjeux scientifiques, au fonctionnement de la recherche publique et à la qualité des ressources qui sont à la disposition de la société.

Carole_Chretien

Carole Chrétien

Directrice des relations avec les entreprises du CNRS depuis 2019, Carole Chrétien a pour mission de développer les coopérations avec le monde économique.
Elle a acquis son...

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