La géographie de l’industrie américaine

Le monde n’est pas plat : la géographie industrielle américaine révèle au contraire une grande diversité selon les régions, avec des concentrations et des spécialisations bien identifiables. Dans leur étude, Susan Helper, Timothy Krueger et Howard Wial soutiennent que les considérations géographiques sont essentielles, à la fois pour identifier les gagnants et les perdants au cours de la période récente et pour mettre en place des politiques adaptées.

 

 

Quelques repères sur la géographie de l’industrie aux Etats-Unis [1]

Champ : 100 plus grandes aires métropolitaines des Etats-Unis

 

Légende
Aires métropolitaines les plus spécialisées dans un secteur [2]
Aires métropolitaines les plus dynamiques en termes d’emploi
Aire métropolitaine concentrant le plus grand nombre de salariés de l’industrie

 

« Locating American Manufacturing: Trends in the Geography of Production » : cette étude propose un travail cartographique admirable et des statistiques variées, rendant compte de la géographie de l’industrie américaine. On peut dégager quelques tendances clés de cette analyse très dense.

D’abord, les données montrent que l’on trouve environ 80 % des emplois industriels dans les aires métropolitaines. Pour les industries spécialisées dans la haute technologie, ce taux frôle même les 95 %. En effet, la concentration géographique de l’activité permet aux industriels d’accéder facilement à une main-d’œuvre et des services spécialisés, des fournisseurs, des clients ou encore des centres de recherche. Ces regroupements sont déterminants pour le développement de l’innovation, les gains de productivité et la progression des salaires.

Les auteurs insistent également sur le fait que les clusters ne sont pas répartis de façon uniforme sur le territoire. Les spécialisations industrielles sont par ailleurs souvent associées à une zone géographique particulière. On trouve ainsi davantage de villes spécialisées dans la chimie dans le sud du pays, à l’image de Bâton-Rouge ou de Houston. Les activités d’informatique et d’électronique sont quant à elles localisées principalement dans l’Ouest et dans le Nord-est des Etats-Unis.

De la même manière, les salaires varient considérablement d’une zone métropolitaine à une autre, même lorsque les spécialisations sont comparables. Par exemple, les salaires dans l’industrie à San Jose sont deux fois plus élevés que dans la majorité des grandes villes du pays

 

Champ : 100 plus grandes aires métropolitaines des Etats-Unis

 

San Jose est spécialisée dans le secteur très dynamique des technologies de l’information et se situe au cœur de la Silicon Valley, où le niveau de qualification des travailleurs est très élevé et les salaires particulièrement attractifs. Toutefois, même lorsque l’on annule les effets liés au type d’activité industrielle, les salaires à San Jose restent particulièrement élevés. Ce phénomène s’explique par des différences de productivité et de pouvoir de négociation au sein même des secteurs.

 

 

Champ : 100 plus grandes aires métropolitaines des Etats-Unis

 

 

Enfin, le déplacement de long terme de l’emploi vers le sud du pays, où la réglementation est plus souple, les salaires moins élevés et les subventions importantes, semble avoir pris fin. D’autres régions deviennent attractives, à l’image du Midwest qui connaît une progression de l’emploi industriel spectaculaire depuis quelques années (+5,2 % entre 2010 et 2012).

L’étude suggère que les politiques publiques doivent davantage prendre en compte la géographie. Si elle se confirme, la renaissance industrielle va varier considérablement selon les régions, dont les spécialisations diffèrent. Par ailleurs, les seules forces du marché ne permettront pas d’atteindre le niveau optimal de concentration de l’activité, rendant les politiques de clusters nécessaires, selon les auteurs. Ces high-road policies, permettant de développer une industrie innovante et très productive basée sur une main-d’œuvre hautement qualifiée, peuvent prendre notamment la forme d’un soutien à la formation professionnelle et à la R&D dans les clusters. Or, remarquent-ils, certains Etats américains cherchent à développer l’activité dans des zones peu denses et favorisent une sorte de « dé-métropolisation » de l’industrie. Ces stratégies de développement basées sur les subventions et les bas salaires semblent ignorer les bénéfices de la concentration. Elles risquent également d’engager une course au nivellement vers le bas, qui pourrait nuire à l’innovation et réduire les investissements publics, notamment dans la formation et le développement des technologies.


[1] Pour accéder aux résultats complets : www.brookings.edu/research/interactives/manufacturing-interactive
[2] Les auteurs de l’étude calculent des indices de spécialisation en rapportant la part des emplois d’un secteur dans chaque aire métropolitaine au poids des emplois dans ce même secteur au niveau national.

La Fabrique

La Fabrique de l’industrie est une plateforme de réflexion, créé en 2011, consacrée aux perspectives de l’industrie en France et à l’international. Nous travaillons sur les...

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