Les 7 piliers de la croissance » : réflexions et tribulations dun entrepreneur de terrain
Pierre Gattaz, PDG de l’équipementier aéronautique Radiall, livre un ouvrage qu’il définit comme un petit précis de bon sens économique à l’attention des décideurs publics et des citoyens. Il revient sur le mal-être de la France et nous donne sept clés pour sortir le pays de la crise. Décryptage.
Face au déclin de l’industrie française et dans le contexte de crise actuel, Pierre Gattaz propose un « projet économique et social de conquête et de croissance pour la France » qui se décline en sept points.
1. Redonner « un cap », une ambition collective pour porter la stratégie de croissance de la France. L’auteur plaide pour une politique globale et cohérente en faveur de l’industrie et des services portée par un Etat visionnaire, stratège et volontariste. Selon lui, les acteurs qui nous gouvernent doivent être « pragmatiques et non dogmatiques ». Leur mission est de privilégier une approche bottom up, impliquant l’ensemble des parties prenantes (acteurs économiques, chercheurs, experts, chefs d’entreprises, économistes, hauts fonctionnaires, représentants des salariés…) afin de construire comme dans d’autres pays un véritable pacte de croissance et d’emploi.
2. Créer un environnement de confiance et de considération pour les forces économiques du pays. Cela passe par la promotion d’un cadre règlementaire et législatif simplifié, stabilisé, serein fiscalement (fiscalité juste, non confiscatoire, socialement équitable).
3. Améliorer la compétitivité-coût pour aider les entreprises à innover, investir, à embaucher. Pour redresser les marges, l’auteur préconise d’agir sur le coût du travail, la fiscalité, l’euro fort et les 35 heures, le coût du financement, de l’énergie, du secteur public. L’auteur préconise d’appliquer au pays, des méthodes de gestion, de management, de productivité et de stratégies pratiquées dans les entreprises. A ce titre, il recommande de lancer un plan de qualité totale (lean management, gestion par objectifs, plan d’excellence) au sein des administrations publiques.
4. Promouvoir la compétitivité hors-coût pour asseoir une différenciation durable de l’offre France. Pour l’auteur, il convient de miser sur l’innovation au sens large (en R&D mais aussi dans la gestion des ressources humaines, dans l’optimisation constante, par le design, les services, l’utilisation du numérique…), l’excellence opérationnelle et la gestion de la qualité, le service client, la mobilisation des hommes, leur formation et leur management.
5. Mobiliser l’ensemble des parties prenantes autour d’un projet économique clair. Il est impératif d’apprendre à travailler ensemble à tous les niveaux, de rapprocher des mondes encore trop éloignés. Des initiatives concrètes existent déjà pour mettre en relation les entreprises avec l’éducation nationale (dispositif « classe en entreprises ») ou encore avec la recherche (« prix de l’innovation »). Ces actions mériteraient d’être généralisées et élargies notamment pour rapprocher les hauts-fonctionnaires du monde économique.
6. Faire accepter les règles de la mondialisation de l’économie. Pour l’auteur, « c’est l’économique qui tire le social et non l’inverse ». L’économie devrait être la « première arme du politique ». Il rappelle qu’il faut des entreprises pour créer de la richesse et de l’emploi et que « la sphère publique ne vit que grâce à la sphère privée ». L’absence de priorités économiques dans tout programme politique conduit à un appauvrissement progressif du pays et du peuple. Pour Pierre Gattaz, c’est une « règle de base » qui doit être entendue et admise par l’ensemble des parties prenantes. Elle est essentielle pour porter le changement de notre modèle social et retrouver de la compétitivité et de la croissance.
7. Communiquer positivement pour inciter l’ensemble des Français à adhérer pleinement à ce projet de conquête et de croissance. Valoriser « l’aventure entrepreneuriale » est l’affaire de tous : politiques, médias, dirigeants d’entreprises, salariés, etc. La France a des atouts historiques dont il faut avoir collectivement conscience et sur lesquels il est nécessaire de s’appuyer pour construire notre croissance. Loin des discours défaitistes, l’auteur affirme que l’avenir reste à construire. Il s’agit notamment de récréer des marchés en France et en Europe, d’accompagner les grandes ruptures (numérique et énergie) et de saisir les opportunités liées au rattrapage des pays émergents. Il rappelle, à ce titre, que la moitié de l’humanité est à équiper.
Le propos n’est pas neutre, le PDG de Radiall, président de la Fieec (Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication) et du GFI (Groupe des Fédérations Industrielles), et à ce titre administrateur de La Fabrique de l’industrie, souhaite incarner la voix des entreprises. Si le discours se veut apolitique, l’auteur n’en prône pas moins un « libéralisme responsable ». Dans sa quête de réconcilier l’économique et le social, Pierre Gattaz condamne les excès du capitalisme sauvage, d’une financiarisation de l’économie à outrance, des spécialistes des petits et grands « délits d’initiés » tout comme des syndicalismes ultras qui ruinent l’image du chef d’entreprise. L’auteur se prête à un véritable exercice de pédagogie : le langage est simple et clair, avec de nombreuses illustrations. De ce point de vue, le lecteur y trouvera de nombreuses clés pour comprendre les préoccupations des entrepreneurs face aux défis liés à la crise, à la mondialisation. Sans juger le parti-pris, on regrette parfois que, par souci de vulgarisation et de synthèse, certaines thématiques (sur l’Europe notamment) ne soient pas davantage développées.