• Samuel Delcourt et Etienne Perrot, Comment décarboner le transport routier en France ?, Les Docs de La Fabrique, Paris, Presses des Mines, 2021.
    ISBN : 978-2-35671-649-1

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Comment décarboner le transport routier en France ?

Comment décarboner le transport routier en France ?

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Avant-propos

Pour honorer ses engagements pris en signant l’Accord de Paris, la France s’est donné comme objectif d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 – cet objectif est même inscrit dans la loi depuis le 8 novembre 2019. Pour y parvenir, le rythme de réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre doit s’accélérer. En effet, non seulement les émissions nationales n’ont reculé que de 0,9 % entre 2018 et 2019, quand la diminution prévue dans la stratégie nationale bas carbone est de 1,5 % par an en moyenne entre 2019 et 2023 (Haut conseil pour le climat, 2020) ; mais en outre, les émissions devront encore baisser de 3,2 % par an entre 2024 et 2028, soit environ trois fois plus que le rythme actuel. Le défi s’annonce donc ardu.

Avec 31 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, le secteur du transport est le premier poste émetteur du pays et joue donc un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique.

À cette fin, cet ouvrage analyse les solutions disponibles et les obstacles à surmonter pour accélérer la décarbonation du transport routier. Les auteurs étudient les moyens technologiques qui peuvent être déployés à court ou moyen terme, tout en tenant compte des usages et des contraintes économiques, écologiques et sociales.

Après avoir croisé tous ces paramètres, le cœur de leur proposition consiste à généraliser l’adoption du moteur électrique associé à des batteries d’autonomie limitée. Cela requiert cependant la mise en place d’infrastructures pour prendre le relais de telles « petites » batteries et redonner aux véhicules une autonomie acceptable (caténaires sur les autoroutes pour les poids lourds, prolongateurs d’autonomie pour les véhicules particuliers, bornes de recharge…).

Cette voie technologique est naturellement complémentaire à d’autres, également explorées par les industriels, comme les batteries à forte capacité et l’hydrogène. Cette étude ne préjuge absolument pas des solutions qui seront effectivement retenues dans les années à venir ni de leur poids relatif.

Ce travail est issu d’un mémoire de deux ingénieurs-élèves du Corps des mines en troisième année de formation. Ils ont rencontré de nombreux acteurs du transport pour analyser les différents points de vue exprimés sur leur sujet et pour approfondir les approches technico-économiques possibles.

La collection des Docs de La Fabrique rassemble des textes qui n’ont pas été élaborés à la demande ni sous le contrôle de son conseil d’orientation, mais qui apportent des éléments de réflexion stimulants pour le débat sur les enjeux de l’industrie. Nous espérons que celui-ci trouvera des lecteurs intéressés parmi les industriels et les décideurs publics et nous serons heureux de recueillir leurs réactions.

L’équipe de La Fabrique

Résumé

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, il est nécessaire que chaque pays réduise drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre (GES). En France, le principal poste d’émissions est le transport. Avec 137 Mt CO2eq, il représentait 31 % des émissions nationales de GES en 2018, et depuis les années 1990, il est le seul secteur à avoir augmenté ses émissions (+ 6 % depuis 1993) et celles-ci sont très majoritairement concentrées sur le secteur routier (près de 95 % d’entre elles)1. Il est donc primordial et urgent de décarboner le transport routier, afin de limiter l’aggravation du réchauffement climatique.

Pour réduire les émissions du transport routier, il est nécessaire d’actionner de multiples leviers : efficacité énergétique, nouvelles motorisations, augmentation du taux d’occupation des véhicules, report modal, choix d’aménagement du territoire pour réduire le besoin en transport. Considérant que ce mode de transport conservera malgré tout une place prépondérante dans les décennies à venir, nous avons choisi d’étudier plus particulièrement les évolutions du parc des véhicules et des infrastructures associées. En effet, ces évolutions se réalisent sur le long terme et nécessitent une implication forte, cohérente et constante de la puissance publique pour donner de la visibilité et de la confiance aux acteurs dans leurs choix d’investissement.

Dans les pages qui suivent, nous analysons les leviers disponibles, les difficultés à lever, et nous formulons des propositions pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport routier. Ces propositions peuvent conduire à de réelles opportunités industrielles (voitures électriques, caténaires pour les poids lourds), tout en contribuant à réduire la dépendance aux hydrocarbures. Elles mettent enfin en évidence la nécessité d’efforts de concertation et de coordination entre les acteurs publics et privés, aussi bien au niveau national qu’au niveau européen.

Sur un sujet aussi complexe et faisant l’objet d’un foisonnement d’initiatives aussi bien dans les technologies que les usages, il n’y a pas encore de consensus parmi les experts. Nos échanges avec les acteurs du secteur nous ont néanmoins conduits à formuler l’analyse suivante, que nous étayerons et illustrerons tout au long du document :

Pour engager efficacement la décarbonation des transports routiers en tenant compte des contraintes économiques, écologiques et sociales, nous pensons qu’il s’agira de :

– Généraliser le moteur électrique comme moyen de propulsion pour ces transports ;
– Alimenter ce moteur en électricité par des batteries embarquées d’autonomie limitée, couplées au déploiement progressif d’infrastructures permettant d’accroître l’autonomie pour la longue distance pour les particuliers et transporteurs de marchandises, comme l’électrification des autoroutes pour les poids lourds, les prolongateurs d’autonomie et l’infrastructure de recharge.

Dans ce document, nous évoquerons successivement les trois grandes catégories du transport routier2 :

• Les véhicules lourds (environ 24 % des émissions), en décrivant notamment les solutions d’électrification des autoroutes ;

• Les véhicules particuliers (environ 55 % des émissions), pour lesquels la batterie de moyenne autonomie présente un réel potentiel de décarbonation ;

• Les véhicules utilitaires légers (environ 20 % des émissions).

  • 1 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020.
  • 2 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020.

 

Organisation du document

Le plan général du mémoire est présenté à la page suivante. Le lecteur trouvera également en début de chaque chapitre un plan détaillé de son contenu.

Dans chaque partie, des encadrés permettent d’identifier les idées principales, dans le format suivant :

Synthèse des idées fortes de la partie et points clés de l’analyse

Au fil du document sont également formulées des propositions, destinées à faciliter et accélérer la décarbonation du transport routier. Ces propositions sont mises en évidence par l’utilisation du format ci-dessous :

Proposition : Résumé de la proposition

Descriptif plus détaillé de la proposition

Le type d’acteur qui pourrait mettre en œuvre l’action correspondante dépend des propositions. Les propositions peuvent notamment s’adresser aux acteurs suivants :

• L’État (ou l’Union Européenne) ;

• Les collectivités ;

• Les entreprises.

Vous trouverez dans les pages qui suivent la liste des mesures proposées dans le document.

Récapitulatif des propositions

Inciter à la consommation d’énergie décarbonée

Proposition 1.1 : Fixer un prix plancher des carburants fossiles

Anticiper dès à présent le risque de baisse du prix des énergies fossiles en définissant et en appliquant un prix plancher pour les carburants fossiles, sur le modèle de la TICPE flottante.

Proposition 1.2 : Homogénéiser les taxes sur les hydrocarbures selon leur contenu en CO2, au-delà des seuls carburants automobiles

Élargir la TICPE aux hydrocarbures utilisés en dehors de l’automobile (électricité, chauffage, autres moyens de transport), en particulier pour le kérosène utilisé par le transport aérien, et aller vers une uniformisation des taxes sur les hydrocarbures selon leur contenu en CO2 pour davantage de lisibilité.
Ces taxes pourraient se décomposer en une part incitative et une autre pour le financement des investissements pour la transition énergétique.

Promouvoir l’électrification des grands axes routiers pour le transport longue distance des poids lourds

Proposition 2.1 : Réunir les acteurs concernés par l’électrification des grands axes routiers pour identifier les facteurs clés de succès

Avant d’encourager une solution d’électrification des autoroutes pour les poids lourds, il est essentiel que l’État prenne bien en compte les besoins des différents acteurs impactés (transporteurs, électriciens, constructeurs, concessionnaires autoroutiers, entreprises industrielles, citoyens).

Proposition 2.2 : Mener une étude pour identifier les axes à équiper en priorité de caténaires pour les poids lourds à pantographes

Le choix des premières sections à équiper devra se faire en se concentrant sur des trajets à forte intensité logistique ou faisant l’objet de navettes par les transporteurs et sur lesquels il est possible de dédier des véhicules à un itinéraire. Pour cela, il sera nécessaire d’analyser les données de transport et de recueillir les besoins des industriels et des logisticiens.

Proposition 2.3 : Prévoir des incitations fiscales pour l’acquisition de poids lourds à pantographes

L’utilisation dans un premier temps de poids lourds hybrides à pantographes permet de conserver la polyvalence du véhicule en attendant que le taux d’électrification soit suffisamment élevé. À cet égard et pour encourager les transporteurs à s’équiper, il est nécessaire d’étudier la mise en place de mesures fiscales incitatives, par exemple un bonus à l’achat pour l’acquisition de tels véhicules.

Proposition 2.4 : Élaborer un standard au niveau européen pour l’autoroute électrique pour poids lourds avant 2024

La France doit agir avec ses partenaires européens mobilisés sur le sujet, dont l’Allemagne et la Suède, pour l’adoption par l’Union Européenne d’un standard d’électrification des autoroutes. En raison de l’urgence climatique et pour éviter le déploiement désordonné de solutions non compatibles entre elles, ce standard doit être adopté dès que possible, ce qui nous conduit à proposer l’échéance de 2023.

Proposition 2.5 : Construire des mécanismes d’accompagnement par l’UE pour l’électrification des grands axes

L’intensité du transport et la densité des réseaux routiers sont particulièrement élevées au sein de l’UE, et la question du transport est depuis longtemps un enjeu central de l’intégration européenne. Dans l’époque actuelle où d’importantes enveloppes financières sont dédiées au plan de relance, il paraît judicieux que l’UE prévoit des dispositifs d’aide pour investir dans l’infrastructure ou subventionner l’acquisition de poids lourds hybrides.

Développer les véhicules particuliers électriques à autonomie moyenne

Proposition 3.1 : Clarifier les trajectoires d’évolution des bonus à l’achat

Afin de permettre aux constructeurs et aux acheteurs de se préparer aux évolutions des incitations, il paraît important de clarifier les trajectoires d’évolution des bonus et malus.

Les bonus pour les véhicules électriques pourraient être progressivement recentrés sur les véhicules d’entrée de gamme et de moyenne gamme, pour inciter à la fabrication de véhicules accessibles au plus grand nombre, généralement plus légers et moins consommateurs.

Proposition 3.2 : Mieux informer les acheteurs sur la consommation de leur véhicule selon la vitesse

La vitesse influence de façon non négligeable la consommation du véhicule, et il serait utile de demander aux constructeurs de fournir la consommation du véhicule à 110 km/h et 130 km/h au futur utilisateur au moment de l’achat du véhicule (actuellement sont seulement mentionnées une « consommation urbaine », une « consommation extra-urbaine » et une « consommation mixte »). Cela consisterait une première étape avant une possible réduction des limitations de vitesse sur les autoroutes.

Proposition 3.3 : Étendre les dispositifs de bornes de recharge à la demande

Sur le modèle des dispositifs de « bornes à la demande », recueillir les besoins des utilisateurs pour optimiser le maillage et le taux d’utilisation des bornes publiques de recharge.

Proposition 3.4 : Mettre en place des facilités de circulation pour les usagers peu émetteurs (ex : lignes dédiées covoiturage ou électrique, péage réduit)

Ces modalités pourraient notamment concerner :
− Les véhicules électriques ;
− Les véhicules avec un taux d’occupation élevé, pour réduire la congestion, lutter contre l’auto-solisme et favoriser le covoiturage (de telles lignes existent déjà dans de nombreuses villes d’Amérique du Nord depuis quelques décennies).
Une option consisterait à moduler le péage autoroutier selon le taux de remplissage du véhicule. Ce type de mesure sur les autoroutes concédées nécessite un accord préalable de l’État.

Proposition 3.5 : Faciliter la multimodalité dans les gares

Dans le développement des villes et des gares, veiller à rendre facile l’interface entre train et voiture (dépose-minute, location de voiture, parcs relais).

Proposition 3.6 : Inclure la possibilité d’un rétrofit électrique dans les cahiers des charges des constructeurs

Cette proposition concerne en particulier les véhicules hybrides rechargeables, qui sont déjà dotés d’un moteur électrique.
Elle présente également un intérêt pour les véhicules électriques, pour permettre de bénéficier des évolutions des technologies de batteries (ou de changer l’autonomie de la batterie au cours de la vie du véhicule) sans avoir à changer le véhicule complet.

Proposition 3.7 : Prévoir la compatibilité des nouveaux véhicules électriques avec des prolongateurs externes

Afin de rendre la solution des prolongateurs d’autonomie plus attractive, les pistes suivantes pourraient être proposées :
− Systématiser l’homologation au tractage des nouveaux véhicules électriques ;
− Standardiser l’infrastructure électrique côté véhicule ;
− Prévoir un bonus dédié si l’option d’équipement est proposée par le constructeur.

Proposition 3.8 : Encourager la poursuite de la R&D sur les solutions de recharge dynamique

Bien que l’électrification des grands axes pour les véhicules légers soit aujourd’hui bien moins mature que pour les poids lourds, il nous paraît utile d’étudier la faisabilité des solutions émergentes sur le sujet.
À cet égard, l’État pourrait mener une veille sur les expérimentations à l’international, afin de promouvoir de façon avisée la R&D réalisée en France sur le sujet.

Prendre en compte les spécificités des véhicules utilitaires légers dans le passage à l’électrique

Proposition 4.1 : Mieux informer les consommateurs sur les émissions de leurs achats liées au transport (notamment pour les ventes en ligne)

L’État pourrait imposer aux acteurs du commerce en ligne d’informer l’acheteur des estimations des émissions de CO2 engendrées par les différents modes de livraison proposés (livraison 24h, livraison 3 jours, points relais).

Les méthodes de calcul développées par l’ADEME sur les bilans CO2 pourraient être transposées pour réaliser les calculs correspondants.

Proposition 4.2 : Prendre en compte les spécificités des VUL dans le système de bonus-malus

S’il est pertinent de prévoir un bonus plus faible ou nul pour les véhicules particuliers électriques de haute gamme, les plafonds de prix pour être éligible au bonus (qui sont aujourd’hui les mêmes pour les VUL et les véhicules particuliers) pourraient être adaptés pour les VUL.
En effet, les VUL de taille importante, nécessaires pour certains usages, sont en moyenne plus coûteux que les véhicules particuliers, et il s’agit de ne pas les pénaliser dans les trajectoires d’évolution de bonus.

Proposition 4.3 : Veiller à la cohérence des calendriers de restriction de circulation associés aux ZFE

Il s’agit de concevoir des calendriers de restrictions clairs et complémentaires de mesures incitatives et d’accompagnement.
On peut mentionner entre autres les moyens suivants :
− Accorder des facilités de stationnement aux véhicules les moins émetteurs ;
− Mener un dialogue avec les constructeurs pour s’assurer que les calendriers de mise sur le marché de véhicules utilitaires légers électriques et l’élargissement de leur gamme sont cohérents avec les échéances des restrictions de circulation.

Introduction

D’après les scientifiques du GIEC, la température moyenne à la surface de la planète a déjà augmenté d’environ 0,9°C depuis la fin du xixe siècle3 et cette augmentation résulte des importantes émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Le GIEC précise que les conséquences du réchauffement climatique sont déjà visibles4 : augmentation des températures extrêmes et des vagues de chaleur, fonte des glaciers alpins et de la banquise arctique, montée du niveau moyen de la mer et acidification des océans.

Pour éviter une aggravation de ces phénomènes (menaces pour la sécurité alimentaire, inondations de surfaces habitées), qui pourraient toucher des centaines de millions de personnes à travers le monde, il est donc indispensable de réduire significativement et rapidement les émissions de gaz à effet de serre – en premier lieu le dioxyde de carbone – tout en maintenant aussi haut que possible le niveau de captation des puits de carbone (océan, biosphère).

Si l’on se concentre sur l’espace intérieur national français, on constate que le secteur des transports représente un tiers des émissions de GES, et qu’elles proviennent en grande majorité du secteur routier (Figure 1 et Table 1). Par ailleurs, ces émissions proviennent essentiellement de la combustion d’hydrocarbures liquides (diesel, essence) importés, qui engendrent ainsi une dépendance de la France vis-à-vis des pays auprès desquels elle se fournit.

Figure 1 – Part du transport dans les émissions nationales de gaz à effet de serre sur le territoire français (hors émissions de CO2 du transport aérien international)

Source : Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020

Remarque : Bien qu’elles se situent en dehors du périmètre de ce rapport, on notera que les émissions annuelles du transport aérien représentent 23,2 millions de tonnes de CO2 (estimation sur la base des ventes de kérosène en France5), soit 15 % des émissions du transport et l’équivalent de 5 % des émissions nationales.

Les émissions du transport routier se répartissent de la façon suivante6 :

Table 1 – Le transport routier actuel : véhicules, kilométrage, consommation et émissions

Pour tenter de les réduire, la puissance publique a déjà agi, en cherchant à adopter des mesures fiscales encourageant l’adoption de moyens de transport moins émetteurs. Certaines mesures ambitieuses n’ont cependant pas abouti, en raison des fortes contestations sociales dont elles ont fait l’objet. On pense ici au mouvement des bonnets rouges (2013-2014) qui s’est conclu par l’abandon du projet d’écotaxe alors même que toute l’infrastructure était en place, ou plus récemment au mouvement des gilets jaunes (2018-2019) déclenché par une hausse des taxes sur les carburants automobiles.

Dans les deux cas, un fort sentiment de contrainte a agi comme déclencheur des mouvements contestataires. Les usagers ont eu l’impression de subir une augmentation des prix (du carburant ou d’un péage) sans pouvoir réagir, en étant prisonnier des choix d’urbanisation passés et des modes de distribution des biens, sans avoir d’alternative viable dans la durée.

C’est pourquoi nous avons choisi de réfléchir à la décarbonation du transport routier en veillant à :

• étudier des solutions technologiques implémentables à court ou moyen terme, en réfléchissant à leur adéquation aux besoins de déplacement et aux évolutions d’usages qu’elles pourraient accompagner ;

• Amorcer la décarbonation du transport routier avec les outils dont nous disposons, afin d’obtenir des résultats significatifs d’ici 2030 ;

• Nous interroger sur les infrastructures dont dépend le succès de telles solutions, et sur le rythme de leur mise en œuvre.

Ces trois axes ont guidé la formulation de nos propositions.

Cette approche repose en particulier sur l’utilisation et le déploiement de moteurs électriques, couplés à des batteries d’autonomie limitée (de l’ordre de 250 km en conditions réelles). Nous justifions la pertinence de cette stratégie dans le chapitre 1.

Hormis quelques cas d’application spécifiques, nous ne menons pas d’analyse approfondie de la filière hydrogène dans le cadre de ce rapport. Ce choix répond à la progression logique de notre réflexion sur la disponibilité des ressources et sur la maturité des technologies. Nous sommes toutefois parfaitement conscients du potentiel de cette technologie, qui peut s’avérer complémentaire de la solution d’électrification des grands axes notamment pour les poids lourds.

Nous déclinons ensuite nos propositions par type de mobilité : poids lourds (chapitre 2), véhicules particuliers (chapitre 3) et véhicules utilitaires légers (chapitre 4).

Le choix a été fait d’exclure de cette analyse le transport collectif de passagers par voie routière tels que les bus et les cars, qui correspondent à des émissions par passager limitées et à une faible part des émissions totales. Nous excluons également les deux-roues motorisés, qui ne représentent que quelques pourcents des émissions liées au transport routier.

Nous évoquons enfin brièvement dans le chapitre 5 les conséquences de l’électrification du transport routier sur les besoins en électricité et la capacité du réseau à supporter l’accroissement de la consommation électrique.

  • 3 – Rapport du GIEC, Réchauffement planétaire de 1,5°C, résumé à l’intention des décideurs, 2019, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special- Report-1.5-SPM_fr.pdf.
  • 4 – Rapport du GIEC, Climate Change Synthesis Report, 2014, https://www.ipcc.ch/site/ assets/uploads/2018/02/AR5_SYR_FINAL_SPM.pdf.
  • 5 – https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Emissions_gazeusesVF.pdf.
  • 6 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020. Union Routière de France.
Chapitre 1

Produire et consommer une énergie décarbonée : rôle du moteur électrique et de la batterie

Nous expliquons dans ce chapitre ce qui nous a amenés à donner une place importante aux utilisations du moteur électrique et de la batterie.

• La partie 1 décrit plusieurs technologies envisageables pour décarboner le transport routier. Elle amène à la conclusion que le moteur électrique jouera un rôle prépondérant et que la batterie est une technologie relativement mature et adaptée à une partie significative des besoins du transport routier.

• La partie 2 développe alors différentes caractéristiques de la batterie dédiée à la mobilité : ses caractéristiques techniques, ses avantages ainsi que les points de vigilance associés. Cette analyse met également en avant les atouts de la batterie d’autonomie limitée.

• La partie 3 souligne deux conditions nécessaires au succès de la décarbonation du transport routier : utilisation d’une énergie peu carbonée et importance de la compétitivité économique au roulage.

Potentiel des différentes technologies pour la mobilité

Étudions les technologies envisagées pour décarboner le transport routier en comparant d’abord les différentes énergies primaires et leur domaine de pertinence.

La Figure 2 représente de manière synthétique et schématique une répartition possible des sources d’énergie entre les différents secteurs du transport. Nous l’élaborons et l’argumentons dans les paragraphes qui suivent.

Figure 2 – Synthèse des débouchés privilégiés des différentes sources et vecteurs d’énergie pour la décarbonation du transport

Les différentes sources d’énergie

Tout déplacement de biens ou de personnes requiert nécessairement de l’énergie. Celle-ci provient initialement d’une des sources primaires suivantes : les carburants fossiles (gaz, pétrole, charbon), l’éolien, le solaire, l’hydraulique, le nucléaire ou la biomasse (conversion du rayonnement solaire en chaînes carbonées par la photosynthèse).

Si la biomasse et les carburants fossiles peuvent être utilisés directement dans un moteur à combustion, l’énergie issue des autres sources est généralement d’abord convertie en électricité.

Les carburants fossiles

Sans solution de capture directe du CO2 de l’atmosphère, l’utilisation massive de carburants fossiles pour la mobilité conduit mécaniquement à une augmentation de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.

La capture de CO2 étant fort coûteuse (coût estimé entre 600 et 800 € par tonne de CO2 capté, sans compter le coût de stockage) et gourmande en énergie (on estime qu’il faut environ 0,7 kWh d’énergie pour capter le CO2 émis par la combustion d’un kWh d’hydrocarbures), il ne paraît pas réaliste de compter sur son utilisation à grande échelle7.

Une trajectoire visant la neutralité carbone nécessite donc l’arrêt progressif de l’utilisation des carburants fossiles.

Les biocarburants

Le volume de biocarburants incorporé en France dans les carburants routiers en 2018 était de 4,4 milliards de litres, soit un peu moins de 9 % du volume de carburant dédié à la consommation, ce qui correspond à environ 7 % de la quantité totale d’énergie utilisée8. À titre indicatif, 84 % de la consommation de biocarburants est destinée à produire du biodiesel, et le reste sert à produire du bioéthanol – notamment utilisé dans l’essence SP95 et SP95-E109.

Les matières premières les plus utilisées dans la production des biocarburants sont :

• Le colza (53 %), la palme (22 %) et le soja (14 %) pour la filière diesel ;

• Le blé (32 %), le maïs (29 %), et la betterave (25 %) pour la filière essence.

En France, la surface agricole utilisée (près de 30 millions d’hectares) couvre environ 50 % du territoire10. Environ 3 % de cette surface agricole française est consacrée à la production de biocarburants11. Selon l’ADEME, une tonne de biocarburant en équivalent pétrole (tep) mobiliserait environ 0,3 hectare (hypothèse plutôt optimiste par rapport à d’autres sources) : il faudrait donc consacrer au moins 40 % de la surface agricole pour remplir les seuls besoins énergétiques du transport routier (autour de 40 millions de tep par an). Outre ce besoin massif en surface, le bilan carbone complet des biocarburants s’alourdirait par la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre induites par ces cultures (émission directe des autres GES par ces cultures, et émissions indirectes des GES comme la fabrication des engrais, les machines agricoles ou l’industrie de transformation).

Enfin, les prélèvements de biomasse aux fins de bioénergie s’effectuent sur une production de carbone organique qui pourrait constituer un puits de carbone : elles ne sont pas neutres du point de vue des émissions de CO2. Si la biomasse permet de synthétiser des biocarburants liquides à forte densité énergétique potentiellement substituables aux hydrocarbures fossiles, elle soulève donc des questions délicates : changements d’affectation et appauvrissement des sols12, concurrence avec les cultures destinées à l’alimentation, rendement, pollution au roulage.

En cohérence avec ce constat, la programmation pluriannuelle de l’énergie annonce que l’objectif d’incorporation de biocarburants de 1ère génération (produits à partir de cultures destinées traditionnellement à l’alimentation) ne dépassera pas 7 % de l’énergie contenue dans les carburants d’ici 2028 et préconise plutôt d’explorer le potentiel des biocarburants avancés (élaborés à partir de déchets, de résidus ou de matières premières non alimentaires), dont la filière est encore peu mature aujourd’hui. On notera d’ailleurs que ces biocarburants avancés ne permettent pas de s’affranchir de certaines limites mentionnées plus haut, comme le déstockage de carbone qui pourrait retourner dans le sol et dans certains cas le fertiliser.

Il semble que les biocarburants ne pourront couvrir qu’une fraction limitée des besoins énergétiques de secteur du transport. Leur utilisation se concentrera probablement sur les secteurs où le besoin d’une densité énergétique élevée rend difficile de trouver des alternatives aux alcanes, comme l’aéronautique.

À cet égard, on peut signaler une étude de 2020 réalisée par le ministère de la Transition écologique sur la mise en place d’une filière de biocarburants aéronautiques durables en France13. Elle indique qu’il est techniquement envisageable de monter jusqu’à 50 % la part des biocarburants dans les besoins énergétiques du transport aérien. Il est à noter que les ordres de grandeur du besoin sont cohérents avec la production actuelle de biocarburants. En effet, la quantité de carburants d’aviation vendus chaque année sur les aéroports métropolitains est estimée à 7 millions de tonnes, pour une production actuelle d’environ 4 millions de tonnes de biocarburants.

Pour mieux comprendre l’intérêt d’affecter les carburants liquides de haute densité énergétique au transport aérien, la Table 2 indique les rapports entre la masse de carburant et la masse du véhicule pour différents instruments de mobilité fonctionnant aujourd’hui avec du pétrole. On comprend dès lors que l’exigence de densité énergétique est beaucoup plus critique pour l’aérien que pour le routier.

Table 2 – Comparaison des rapports de masse entre carburant et véhicule pour différents modes de transport

Utilisation d’électricité décarbonée

Les sources d’énergie primaire moins émettrices de CO2 (nucléaire, hydraulique, éolien et photovoltaïque) sont converties en électricité avant de pouvoir être employées pour la mobilité. L’électricité, si elle est décarbonée, sera donc le vecteur privilégié pour répondre aux besoins énergétiques de demain, et en particulier à ceux du transport routier.

Nous écartons de notre analyse l’utilisation des produits pétroliers (absence de technologie mature et bon marché de capture du CO2) et de la biomasse (concurrence avec la culture alimentaire, gestion des forêts, rendement). Nous pensons que la réduction des émissions de CO2 passera donc avant tout par l’utilisation d’électricité décarbonée (renouvelable ou nucléaire).

Comment stocker l’électricité pour la convertir en mouvement ?

Une fois l’électricité d’origine décarbonée identifiée comme le vecteur énergétique privilégié pour la mobilité de demain, se pose la question de son stockage et de sa conversion en mouvement.

Plusieurs solutions sont possibles pour stocker puis convertir une électricité décarbonée en mouvement : batterie, hydrogène, hydrocarbures de synthèse (ainsi que les solutions hybrides combinant ces technologies).

Batterie

L’utilisation d’une batterie permet un stockage électrochimique de l’électricité, avant sa conversion en mouvement par un moteur électrique. Il existe plusieurs types de batteries, qui utilisent des espèces chimiques différentes pour leur anode, leur cathode et leur électrolyte. Pour la mobilité, les batteries lithium-ion sont celles qui sont aujourd’hui le plus largement répandues, notamment en raison de leur importante densité énergétique.

Nous développons davantage les caractéristiques de la batterie pour la mobilité dans la partie 2.

Hydrocarbures de synthèse

Il est possible de fabriquer des hydrocarbures de synthèse à partir d’électricité (captation de CO2, fabrication d’H2 par électrolyse, puis production de méthane par la réaction de Sabatier, ou production d’autres alcanes par la transformation de CO2 en CO, suivie d’une réaction de Fischer-Tropsch). Ces hydrocarbures pourraient ensuite être utilisés à bord d’un véhicule thermique traditionnel. Une alternative également explorée consiste à utiliser comme carburant du méthanol, synthétisé à partir du CO2 et de l’H2.

Le rendement complet très faible de ces différents procédés rend toutefois improbable leur utilisation à grande échelle, en tout cas pour la mobilité routière.

En effet, comme nous l’avons indiqué dans la partie sur les carburants fossiles page 27, la simple captation directe du CO2 atmosphérique nécessite d’importants apports en énergie. Les valeurs annoncées par deux sociétés proposant cette technologie – « Carbon Engineering » (Canada) et « Climeworks » (Suisse) – montrent qu’il faut de l’ordre de 2 500 kWh électriques pour capter une tonne de CO2. On peut comparer ce ratio aux 3 700 kWh de carburant liquide que l’on peut espérer fabriquer en la convertissant en alcanes.

La densité énergétique des hydrocarbures de synthèse pourrait toutefois rendre leur utilisation pertinente pour le transport aérien, en complément des biocarburants.

Hydrogène

Le dihydrogène (H2) peut être fabriqué par électrolyse avant d’être stocké dans un réservoir sous pression (par exemple dans un véhicule). La conversion en électricité à bord du véhicule est généralement assurée par une pile à combustible, rendant le fonctionnement du moteur électrique possible. Cette technologie permet notamment d’avoir une densité énergétique plus élevée qu’une batterie (et donc une plus longue autonomie), sans émettre de CO2 au roulage. Techniquement, l’hydrogène peut aussi être utilisé comme carburant dans un moteur thermique (sans être converti en électricité). Cette solution a toutefois été abandonnée par les constructeurs à partir de 2010, en raison du développement prometteur de la pile à combustible et des émissions d’oxydes d’azotes produites au roulage (NOx, gaz néfastes pour la santé et participant à la formation de gaz à effet de serre). Le potentiel de l’hydrogène réside donc dans sa capacité à alimenter un moteur électrique.

Cependant, le rendement total de la chaîne de transformation de l’énergie (de l’ordre de 20 % à 25 %, contre 70 % pour la batterie14 15, comme l’illustre la Figure 3) et le besoin de créer un réseau de distribution dédié sont des freins à son utilisation à grande échelle pour la mobilité routière.

Figure 3 – Rendement de la chaîne utilisant le dihydrogène comme vecteur énergétique (valeurs pour 1 kg d’H2 )

Source : ADEME, 2020

Le rendement total faible par rapport à une utilisation directe de l’électricité entraîne en particulier les deux inconvénients suivants :

1. Le prix de l’énergie utile est accru. Même dans l’hypothèse où une partie de la production d’hydrogène a lieu pendant des périodes de production électrique excédentaire par des sources renouvelables (électricité bon marché), la rentabilisation des installations d’électrolyse nécessite un taux d’utilisation significatif. Cela impose donc de produire également de l’hydrogène lorsque l’électricité est plus coûteuse.

2. Le besoin de production d’électricité est plus élevé, ce qui implique l’installation de nouveaux moyens de production (centrales nucléaires et/ou énergies renouvelables).

Notons que l’hydrogène peut aussi être obtenu à partir d’hydrocarbures (c’est le moyen très majoritairement utilisé aujourd’hui), par vaporeformage. Nous mettons de côté cette méthode puisque ce processus émet du dioxyde de carbone. Si certains acteurs envisagent de coupler à terme cette méthode avec de la capture du CO2 produit par le procédé, nous avons choisi de ne pas approfondir cette piste, qui fait l’objet d’études dédiées, et qui, outre les incertitudes autour du stockage du CO2 produit, ne résout pas la question de la dépendance aux énergies fossiles.

Dans toute la suite du document, lorsque nous écrivons hydrogène, nous nous référons uniquement au dihydrogène vert, c’est-à-dire obtenu par un processus n’émettant pas de gaz à effet de serre, comme l’électrolyse de l’eau réalisée à partir d’électricité décarbonée.

Autres utilisations de l’hydrogène

L’hydrogène « vert » pourra avoir un rôle important à jouer pour gérer l’équilibre entre production et consommation d’électricité au niveau intersaisonnier, notamment en cas de croissance importante de la part d’énergies renouvelables et de recul des centrales thermiques.

En effet, si l’équilibre au sein d’une journée peut probablement être assuré au moyen de mécanismes d’effacement et d’ajustement de la consommation électrique, ces mécanismes ne permettent pas de gérer les déséquilibres intersaisonniers (en particulier, le besoin actuel de chauffage en hiver cause un besoin accru en électricité par rapport au reste de l’année). Pour éviter l’utilisation de centrales thermiques pour ces besoins de pointe, une option consisterait par exemple à produire de l’hydrogène par électrolyse pendant les mois d’été, et à le stocker jusqu’à son utilisation pendant les périodes de tension (soit par mélange avec le méthane dans le réseau de gaz de ville, soit par conversion en chaleur et en électricité).

Concernant le stockage, on rappelle que les infrastructures de gaz naturel permettent aujourd’hui de stocker environ 130 TWh (énergie qui correspond à plus d’un quart de la consommation électrique annuelle en France) et elles sont susceptibles de jouer un rôle important dans le stockage intersaisonnier. Les conditions techniques actuelles permettent d’injecter dans ces réseaux de l’hydrogène jusqu’à 6 % en volume16, soit environ 2 % en énergie. En combinant plusieurs modes d’intégration (méthanation, mélange H2 et CH4 à divers taux, portions 100 % hydrogène), GRTgaz estime que, dans l’hypothèse haute, il serait possible d’injecter jusqu’à 40 TWh d’hydrogène dans les réseaux en 2050 (à titre de comparaison, c’est l’énergie produite en 2019 par les centrales thermiques à combustible fossile en France, utilisées notamment comme moyens de production de pointe en hiver).

Le rapport de RTE de janvier 202017 estime que le besoin de stockage sur le réseau électrique ne devrait pas justifier d’utilisation de l’hydrogène à l’horizon 2030 mais qu’il pourrait être nécessaire dans les décennies suivantes. À court terme, RTE préconise de travailler à décarboner l’hydrogène utilisé par les industriels (chimie, ammoniac, engrais), et il mentionne notamment les possibles utilisations suivantes : transport de marchandises lourdes, lignes de train dont la fréquentation ne rend pas rentable l’installation de caténaires, usages thermiques dans le bâtiment ou l’industrie, injection dans le réseau de gaz.

De notre point de vue, le rendement limité de la synthèse d’hydrogène par électrolyse et de sa conversion en électricité conduit à privilégier son usage dans les cas suivants :

Les utilisations industrielles d’hydrogène ;
Les utilisations qui permettent de valoriser les pertes thermiques lors de la combustion (injection sur le réseau de gaz, pile à combustible pour le résidentiel, piles à combustibles centralisées alimentant des réseaux de chaleur), permettant ainsi d’améliorer le rendement énergétique total ;
Les utilisations de transport où le besoin d’autonomie est important, et où il y a peu d’alternatives disposant d’un meilleur rendement, comme par exemple le transport maritime longue distance, et certains véhicules terrestres lourds gourmands en énergie ou parcourant des distances élevées.

Bilan

Chacune des solutions que nous venons de présenter possède ses atouts propres. Considérées sous l’angle de la mobilité, on identifie différents segments où chacune de ces technologies est particulièrement pertinente, comme nous le représentons dans le tableau ci-dessous.

Table 3 – Comparaison des caractéristiques des différentes technologies pour l’électrification du transport routier

En raison de sa maturité industrielle, de son bon rendement, et de sa faible pollution au roulage, nous pensons que le moteur électrique couplé à une batterie est une solution particulièrement pertinente pour amorcer une décarbonation rapide du transport routier d’ici 2030. C’est donc selon ce principe que nous avons orienté notre travail de recherche et que nous avons élaboré nos principales propositions.

En particulier, nous avons fait le choix de ne pas approfondir dans ce rapport les solutions basées sur l’hydrogène, dont nous avons déjà évoqué le potentiel pour le transport maritime, certains véhicules lourds, ou pour le stockage intersaisonnier d’électricité. Il n’en demeure pas moins que l’hydrogène reste compatible avec certaines solutions que nous décrivons dans la suite du document (notamment pour les camions, en dehors des tronçons électrifiés).

Utilisation des batteries pour la mobilité

Nous développons dans cette partie les caractéristiques de la batterie dédiée à la mobilité. Sauf mention contraire, les paragraphes qui suivent s’appuient sur des données issues du segment des véhicules légers. Ils permettent en effet une bonne compréhension des enjeux de la batterie pour la mobilité.

Dans toute la suite du document, lorsque nous évoquons les véhicules électriques sans davantage de précisions, nous désignons les véhicules à moteur électrique fonctionnant avec une batterie.

Le fonctionnement des batteries

Pour commencer, nous proposons quelques brefs rappels sur le fonctionnement des batteries, en prenant le cas de la batterie lithium-ion, qui est la plus utilisée pour la mobilité18.

Une cellule de batterie Li-Ion est constituée19 :

• D’une électrode positive (cathode), généralement composée d’un mélange nickel-manganèse-cobalt (NMC) ou nickel-cobalt-aluminium (NCA) ;

• D’une électrode négative (anode), souvent constituée de graphite ;

• D’un électrolyte (solvant organique) permettant le déplacement des ions Li entre les deux électrodes. Lors de la décharge, ce déplacement est provoqué par la différence de potentiel entre les deux électrodes ;

• D’un séparateur qui laisse passer les ions Li en s’assurant que les électrodes ne soient pas en contact ;

• De collecteurs reliant chaque électrode à la borne pour faire passer le courant (les électrons).

Son principe de fonctionnement est illustré dans la Figure 4.

Figure 4 – Principe de fonctionnement d’une cellule de batterie au lithium

Source : Eduscol20

Les cellules des batteries lithium-ion présentent une tension nominale de 3V à 4V (qui dépend de la composition chimique des électrodes), et l’énergie qu’elles peuvent stocker dépend de leur taille. La batterie d’un véhicule électrique est constituée d’un assemblage de cellules. Elles sont connectées entre elles et regroupées en « modules », eux-mêmes assemblés entre eux (voir Figure 5).

Figure 5 – De la cellule Li-Ion au pack batterie

Source : Renault, Eduscol

À titre indicatif, voici les caractéristiques de la batterie d’une Renault Zoe 52 kWh21 :

• Capacité : 52 kWh

• Nombre de modules : 12

• Nombre de cellules : 192 (soit 16 cellules par module)

• Masse : 326 kg (soit environ 6 kg par kWh)

On notera enfin que la France dispose d’acteurs industriels et d’organismes de recherche de premier plan sur le sujet des batteries et de leur utilisation pour la mobilité : le CEA sur les technologies des batteries (laboratoire LITEN), Renault qui a été parmi les premiers constructeurs à parier sur le véhicule électrique, PSA et Saft qui se sont récemment impliqués dans le projet européen d’Airbus des batteries.

Analyse en cycle de vie du véhicule électrique à batterie

L’estimation de l’empreinte écologique (notamment carbone) d’un véhicule doit se faire sur l’ensemble de sa durée de vie, afin d’intégrer les coûts environnementaux liés à sa construction et à sa fin de vie, en plus de ceux liés au roulage. L’analyse en cycle de vie (ACV) est l’outil conçu pour répondre à ce besoin.

Émissions de CO2

S’il n’émet pas de carbone au roulage, un véhicule électrique équipé d’une batterie est responsable d’émissions de gaz à effet de serre lors de sa construction (notamment pour la batterie et le châssis), lors de la production de l’électricité utilisée pour la charge et au moment du démantèlement. Il est donc important d’évaluer l’empreinte carbone de ce type de véhicule en le comparant aux autres, sur l’ensemble de sa durée d’utilisation.

La Fédération européenne pour le transport et l’environnement (T&E, regroupement d’une cinquantaine d’ONG européennes actives dans le domaine du transport et de l’environnement) a mis à jour en 2020 son ACV du véhicule électrique22. Les résultats issus des données de cette étude sont présentés en Figure 6. D’après cette étude (dont les détails se trouvent dans le rapport de T&E), un véhicule électrique médian dont la batterie est produite en Europe et roulant en France génère sur sa durée d’utilisation (soit après 225 000 km parcourus) quatre fois moins de gaz à effet de serre qu’un véhicule à essence équivalent. Notons que, dans cette analyse, les émissions au roulage sont quantifiées « du puits à la roue », c’est-à-dire qu’elles considèrent aussi bien les émissions au roulage que celles liées à la production de l’énergie (pétrole ou électricité).

Figure 6 – Émissions de gaz à effet de serre sur la vie de véhicules thermiques et électriques (ACV réalisée par T&E, avril 2020)

Compte tenu des nombreuses hypothèses prises pour la réalisation d’une ACV, il est important de comparer différentes sources. La Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme a publié en décembre 2017 un rapport sur la contribution du véhicule électrique à la transition énergétique23. D’après cette étude, une voiture citadine électrique émet deux à trois fois moins de gaz à effet de serre sur l’ensemble de sa vie qu’un véhicule thermique ou « mild-hybrid » (hybridation légère) équivalent.

Mentionnons une dernière étude. Le rapport du projet E4T de l’ADEME (l’Agence française de la transition écologique) en partenariat avec l’Institut Français du Pétrole (IFP)24 met en évidence l’intérêt du véhicule électrique à batterie de faible autonomie. En effet, d’après cette étude, une voiture électrique de segment A (disposant de petites batteries) est environ trois fois moins émettrice que les véhicules thermiques de même catégorie.

On peut signaler que le bilan de l’ACV des véhicules électriques pourrait être amélioré grâce à la seconde vie des batteries : utilisation pour d’autres formes de mobilité, pour stabiliser localement le réseau électrique (enjeu important dans un contexte de développement des énergies renouvelables intermittentes), ou pour d’autres usages. Cette deuxième vie pourrait être d’autant plus importante que la durée de vie réelle des batteries s’avère finalement plus longue qu’initialement anticipé par les constructeurs. À cet égard, Tesla prépare même son annonce d’une nouvelle batterie lithium-ion dont la durée de vie approcherait 1,6 million de km (1 million de miles)25.

Par ailleurs, la décarbonation progressive de l’électricité utilisée dans le processus de fabrication des batteries devrait contribuer à une amélioration de leur bilan carbone.

Ressources minières

La fabrication de batteries lithium-ion emploie différents métaux (qui représentent environ 25 % du coût de la batterie), dont certains pourraient poser des questions d’approvisionnement. C’est notamment le cas du lithium et du cobalt, composants essentiels de la batterie.

Davantage que l’existence de ressources, c’est le rythme de la mise en place des industries d’extraction et de transformation qui est limitant pour le moment, dans un contexte de forte croissance de la demande. Si les récents rapports26 sont plutôt optimistes concernant le lithium, le cas du cobalt est plus délicat. Outre le volume d’approvisionnement, des questions éthiques et géopolitiques se posent pour le cobalt : la majorité de l’approvisionnement vient de la République démocratique du Congo, dans des conditions de travail très critiquées. Les fabricants de batteries travaillent donc à la réduction du besoin en cobalt en le substituant par d’autres métaux dans les cathodes des batteries.

Pour réduire la tension prévisible sur les ressources minières des batteries, il est également essentiel de travailler à leur recyclage. Si des technologies existent déjà27 (récupération des métaux par hydrométallurgie : les métaux broyés sont solubilisés, généralement dans une solution acide, avant d’être purifiés, puis récupérés par électrolyse), elles doivent encore être industrialisées.

Une des difficultés pour les filières de recyclage des batteries est d’être compétitives face à l’extraction minière. En cas d’augmentation du cours de ces ressources, ce recyclage pourrait toutefois devenir rentable.

Pertinence économique en coût de détention

Passer du pétrole à la batterie est un vrai changement de paradigme, dont il faut comprendre les implications. Si le coût de l’énergie nécessaire pour parcourir un km est plus faible avec une batterie qu’avec de l’essence ou du diesel, il n’en va pas de même du coût de la capacité, c’est-à-dire de l’autonomie. Formulé très simplement, il est moins cher de rouler à l’électrique qu’au thermique (voir Table 4), mais il est plus coûteux de s’équiper d’une batterie (d’un coût proportionnel à son autonomie) que d’un réservoir d’essence.

Le principal surcoût du véhicule électrique par rapport au véhicule thermique réside donc dans le coût de la batterie. Pour un pack de batterie d’une capacité de 40 kWh (soit autour de 200 km d’autonomie), il faut compter environ 6 000 € (c’est d’ailleurs l’ordre de grandeur du bonus accordé aux véhicules électriques en France).

Sur les autres postes de dépense, les coûts du véhicule électrique sont plutôt inférieurs :

• Produit en série, un moteur électrique a un coût de fabrication équivalent ou inférieur à un moteur thermique28 ;

• Les coûts de maintenance d’un véhicule électrique sont estimés inférieurs à ceux d’un véhicule thermique ;

• Le coût de l’électricité pour recharger la batterie est actuellement inférieur au coût du carburant fossile permettant de parcourir la même distance (environ 0,10 €/km pour un véhicule léger essence, contre 0,03 €/km pour un véhicule électrique avec recharge lente à domicile)29.

Table 4 – Ordres de grandeur du prix de l’énergie au roulage pour un véhicule léger

L’étude réalisée par l’UFC Que Choisir en 201830 suggère ainsi que, grâce au bonus de 6 000 € accordé par l’État à l’achat d’un véhicule électrique neuf, le coût total de détention du véhicule électrique est déjà inférieur à celui d’un véhicule thermique (voir Figure 7). Si un tel constat est a priori une bonne nouvelle pour la mobilité électrique, il convient néanmoins de rester prudent avec ces assertions. En effet, d’autres études sont moins optimistes (voir Figure 8). Et il est aussi important de rappeler que, même à coût de détention égal, le véhicule électrique ne fournit pas un service équivalent à l’utilisateur (contraintes de recharge et d’autonomie).

Figure 7 – Coût de revient annuel par période de détention et selon la motorisation

Source : UFC Que Choisir

Figure 8 – Décomposition du coût de revient annuel pour un véhicule électrique et un véhicule thermique parcourant 10 000 km/an, en euros

Source : France Stratégie

Intérêt de la batterie de moyenne autonomie

Sous réserve que le véhicule puisse répondre aux besoins de l’utilisateur, ne pas surdimensionner la batterie permet de réaliser deux types d’économies (par rapport à l’usager d’un véhicule électrique à batterie de grande autonomie) : économies à l’achat et économies au roulage.

Malgré les baisses de coût importantes des dernières années (Figure 9), la batterie reste un composant particulièrement onéreux, qui peut représenter entre 25 % et 50 % du prix d’un véhicule neuf (Figure 10). Pour une consommation de 20 kWh/100 km (véhicule particulier), ajouter une batterie de 100 km d’autonomie coûte de l’ordre de 3 000 € et entraîne un poids supplémentaire d’environ 120 kg (hypothèses : 150 €/kWh et 6 kg/kWh31). Choisir une petite batterie peut donc réduire substantiellement le coût d’achat du véhicule ainsi que les dépenses d’usage (consommation moindre pour un véhicule plus léger).

Figure 9 – Évolution du prix des batteries lithium-ion32

Source : BloombergNEF

Figure 10 – Part relative des composants dans le prix d’une voiture électrique neuve

Source : An Overview of Costs for Vehicle Components, Fuels, Greenhouse Gas Émissions and Total Cost of Ownership Update 2017, M. Friesa, M. Kerlera, S. Rohra, S. Schickrama, M. Sinninga, M. Lienkamp

Outre l’argument économique, nous avons vu dans la partie consacrée aux analyses de cycle de vie page 40 que la fabrication de la batterie était intense en ressources et générait une part importante des émissions de gaz à effet de serre. De ce fait, réduire la capacité des batteries diminue les besoins en matières premières et améliore le bilan environnemental du véhicule électrique.

Il est donc important de dimensionner les batteries convenablement, tant pour des raisons de coûts que d’impact environnemental et de souveraineté (réduction de la dépendance en ressources minières).

L’usage de batteries d’autonomie limitée porte des avantages notables sur les plans économique et environnemental :
Économie : le prix de la batterie est proportionnel à sa capacité. De plus, des économies sont réalisées au roulage, grâce à la réduction du poids du véhicule et donc à une consommation réduite.
Environnement : une plus petite batterie permet des économies en matériaux et en énergie lors de la construction. De plus, le poids moindre de la petite batterie réduit le besoin en énergie pour se déplacer.

Facteurs de succès de la décarbonation du transport routier

Utiliser une électricité peu carbonée

L’électrification du transport routier permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre à condition que l’électricité utilisée soit générée sans émettre (ou en émettant peu) de CO2. Le caractère bas carbone de l’électricité est aujourd’hui assuré en France majoritairement grâce aux centrales nucléaires. Les énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire) sont aussi de bons moyens d’obtenir une électricité bas carbone.

L’avenir du nucléaire français est soumis à des incertitudes (construction ou non de nouveaux réacteurs EPR, débats sur la fermeture ou la prolongation des centrales existantes) et le parc d’installations produisant de l’électricité à base d’énergies renouvelables est aujourd’hui insuffisant pour répondre à la demande croissante en électricité.

Il est important de garantir la neutralité carbone de l’électricité dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, en anticipant les besoins croissants en électricité, notamment du secteur du transport. L’atteinte de cet objectif sera facilitée si l’électricité est utilisée par des solutions à rendement énergétique élevé, limitant ainsi l’ampleur de ces besoins supplémentaires.

Compétitivité économique au roulage

Par ailleurs, l’écart de coût entre les carburants fossiles et l’électricité rend possible la substitution des carburants pétroliers par l’électricité. Comme mentionné précédemment, il existe aujourd’hui un facteur trois entre le coût du carburant pour un km parcouru par une voiture électrique à batterie et par une voiture à essence.

Cet écart permet de rendre économiquement viable la conversion du transport routier à l’électricité. Toutefois, cette différence dépend de l’évolution des prix des carburants fossiles à la pompe. Certains experts annoncent que les prix des carburants fossiles pourraient chuter, notamment si la demande en pétrole vient à baisser avec le développement d’un parc de véhicules électriques. Une telle baisse pourrait mettre en péril le développement de l’électromobilité.

Pour se prémunir d’un tel risque, il pourrait être utile de fixer une limite inférieure au prix des carburants fossiles à la pompe, par la mise en place d’une fiscalité adéquate. L’histoire récente (crise des gilets jaunes) montre qu’il est socialement et politiquement difficile d’annoncer une augmentation des taxes sur le carburant. Il paraît donc intéressant d’étudier dès maintenant la mise en place d’un prix plancher à la pompe, pour éviter la déstabilisation que pourrait causer une baisse significative des prix de l’essence et conforter dans leur choix les acteurs qui souhaitent passer à l’électrique.

Proposition 1.1 : Fixer un prix plancher des carburants fossiles

Anticiper dès à présent le risque de baisse du prix des énergies fossiles en définissant et en appliquant un prix plancher pour les carburants fossiles, sur le modèle de la TICPE flottante.

Une telle anticipation par la puissance publique rendrait plus acceptable l’encadrement des prix des carburants en donnant de la lisibilité et de la visibilité sur les prix : il est plus facile d’annoncer que les prix ne diminueront pas que de les augmenter.

Stabilité budgétaire face à la possible baisse des recettes fiscales sur les carburants automobiles

Dans un contexte où de nombreux efforts sont faits pour réduire le déficit budgétaire national, on peut enfin soulever la question de l’évolution des recettes fiscales liées aux carburants automobiles. En effet, la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) – qui correspond à près d’un tiers du prix à la pompe de l’essence – représente près de 5 % du budget de l’État33.

Si la décarbonation du transport routier conduit à une réduction de ces recettes fiscales, cette diminution pourrait être dans un premier temps compensée par une extension de cette fiscalité à des énergies fossiles aujourd’hui peu taxées.

Proposition 1.2 : Homogénéiser les taxes sur les hydrocarbures selon leur contenu CO2, au-delà des seuls carburants automobiles

Élargir la TICPE aux hydrocarbures utilisés en dehors de l’automobile (électricité, chauffage, autres moyens de transport), en particulier pour le kérosène utilisé par le transport aérien, et aller vers une uniformisation des taxes sur les hydrocarbures selon leur contenu CO2 pour davantage de lisibilité.
Ces taxes pourraient se décomposer en une part incitative et une autre pour le financement des investissements pour la transition énergétique.

Compte tenu de cette recommandation, nous avons choisi de ne pas prendre en compte l’impact en termes de recettes fiscales dans l’analyse des stratégies de décarbonation que nous décrivons dans ce rapport.

  • 7 – Données fournies par l’entreprise suisse Climeworks.
  • 8 – Ministère de la Transition écologique et solidaire, Panorama 2018 des biocarburants incorporés en France, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/biocarburants.
  • 9 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés énergies renouvelables, Datalab, 2019.
  • 10 – Agreste Statistique agricole annuelle 2017-2018 – Données définitives , https://agreste. agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Chd1916/cd2019-16_ SAA%20donnees%20definitivesV4.pdf.
  • 11 – Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Qu’est-ce que les biocarburants ?, 2018, https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-les-biocarburants.
  • 12 – Food and Agriculture Organization, Les biocarburants : perspectives, risques et opportunités, Chapitre 2, 2008, http://www.fao.org/3/i0100f/i0100f02.pdf.
  • 13 – Ministère de la Transition écologique, Biocarburants, 2020, https://www.ecologique- solidaire.gouv.fr/biocarburants.
  • 14 – ADEME, Rendement de la chaîne hydrogène, fiche technique, janvier 2020 https:// www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/rendement-chaine-h2_fiche- technique-02-2020.pdf.
  • 15 -Il est permis d’espérer que le rendement de la technologie à hydrogène évoluera rapidement comme l’a montré l’histoire du progrès technique pour les moteurs thermiques (ndle).
  • 16 – GRTgaz et al., Conditions techniques et économiques d’injection d’hydrogène dans les réseaux de gaz naturel, rapport final, 2019, http://www.grtgaz.com/fileadmin/ plaquettes/fr/2019/Conditions-techniques-economiques-injection-hydrogene-reseaux- gaz-rapport-2019.pdf.
  • 17 – RTE, La transition vers un hydrogène bas carbone – Atouts et enjeux pour le système électrique à l’horizon 2030-2035, 2020, https://atee.fr/system/files/2020-04/rapport_ hydrogene_vf_2.pdf.
  • 18 – Le lithium présente notamment l’intérêt d’être le troisième élément chimique le plus léger du tableau des éléments.
  • 19 – Juton A., Orsini F., Sauvant-Moynot V., État de l’art et perspectives des batteries de voitures électriques, 2020, https://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ressources/ pedagogiques/12098/12098-etat-de-lart-et-perspectives-des-batteries-de-ve-ensps.pdf.
  • 20 – Lusseau C., Prensier J.-L., Principe de fonctionnement et constituants d’une batterie, annexe, 2004, https://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ ressources/pedagogiques/6107/6107-annexe-principe-de-fonctionnement-et-constituants- dune-batterie-ensps.pdf.
  • 21 – https://www.automobile-propre.com/voitures/renault-zoe/fiche-technique/
  • 22 – T&E, Life Cycle Analysis of the Climate Impact of Electric Vehicles, 2017, https://www. transportenvironment.org/sites/te/files/publications/TE%20-%20draft%20report%20 v04.pdf, et T&E, How clean are electric cars? T&E’s analysis of electric car lifecycle CO2 emissions, avril 2020, https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/downloads/ T%26E%E2%80%99s%20EV%20life%20cycle%20analysis%20LCA.pdf.
  • 23 – Fondation Nicolas Hulot, Le véhicule électrique dans la transition écologique en France, décembre 2017, http://www.fondation-nature-homme.org/sites/default/files/vehicule_ electrique_synthese.pdf.
  • 24 – ADEME et IFP, Bilan transversal de l’impact de l’électrification par segment, avril 2018, https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/sites/ifpen.fr/files/inline-images/NEWSROOM/ Communiqu%C3%A9s%20de%20presse/projet-e4t-bilan-impact-electrification-2018.pdf.
  • 25 – Les Echos, Après Space X, le nouveau projet fou d’Elon Musk, article paru le 12 juin 2020.
  • 26 – McKinsey&Company, Lithium and Cobalt – a tale of two commodities, juin 2018, https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/industries/metals%20and%20 mining/our%20insights/lithium%20and%20cobalt%20a%20tale%20of%20two%20 commodities/lithium-and-cobalt-a-tale-of-two-commodities.ashx.
  • 27 – L’Usine Nouvelle, Ce que l’on sait du procédé innovant de recyclage des batteries lithium- ion, 2019, https://www.usinenouvelle.com/article/ce-que-l-on-sait-du-procede-innovant- de-recyclage-des-batteries-lithium-ion-par-eramet-basf-et-suez.N883385.
  • 28 – ICCT (International Council on Clean Transportation), Update on electric vehicle costs in the United States through 2030, 2019, https://theicct.org/sites/default/files/publications/ EV_cost_2020_2030_20190401.pdf.
  • 29 – UFC Que Choisir, Véhicules à faibles émissions, l’intérêt économique des consommateurs rejoint enfin l’intérêt environnemental, octobre 2018, https://www.quechoisir.org/action-ufc- que-choisir-cout-de-detention-des-vehicules-gare-aux-idees-recues-n59369/?dl=38189.
  • 30 – France Stratégie, Les politiques publiques en faveur des véhicules à très faibles émissions, mai 2018, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2018- rapport_les-politiques-publiques-en-faveur-des-vehicules-a-tres-faibles-emissions_0.pdf.
  • 31 – ADEME et IFP, Bilan transversal de l’impact de l’électrification par segment, avril 2018, https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/sites/ifpen.fr/files/inline-images/NEWSROOM/ Communiqu%C3%A9s%20de%20presse/projet-e4t-bilan-impact-electrification-2018.pdf.
  • 32 – Bloomberg, https://www.forbes.com/sites/robday/2019/12/03/low-cost-batteries- are-about-to-transform-multiple-industries/
  • 33 – https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/budget-comptes-etat/budget- etat/approfondir/recettes-etat/recettes-fiscales.
Chapitre 2

Poids lourds : intérêt de l’électrification des grands axes pour le transport longue distance

Les poids lourds concentrent plus de 20 % des émissions de CO2 du transport routier. Malgré les politiques ambitieuses en faveur du report modal vers le train, ce dernier peut difficilement apporter une réponse pertinente pour toutes les marchandises, notamment pour des produits peu denses ou nécessitant une livraison rapide et non programmable. De plus, les poids lourds ont l’avantage de permettre l’acheminement direct de leur chargement jusqu’au point de livraison sans transbordement. Pour ces raisons, les poids lourds – qui représentent environ 90 % du transport intérieur de marchandises hors oléoducs (en tonnes-km)34 – continueront probablement de jouer un rôle majeur dans le transport de marchandises.

Les grandes distances parcourues par les poids lourds, pouvant souvent dépasser les 500 km, rendent difficile un équilibre économique reposant uniquement sur l’utilisation d’une batterie. Une grande batterie assurant une autonomie de 1 000 km pour un poids lourd serait non seulement fort coûteuse à l’achat, mais elle serait aussi volumineuse et lourde, limitant ainsi la charge utile du véhicule.

Cependant, on constate que ces distances sont principalement réalisées sur des grands axes tels que les autoroutes, qui représentent une faible part du réseau routier. En effet, il y a en France environ 12 000 km d’autoroutes, soit seulement 1 % du linéaire total des routes en France, mais elles représenteraient environ 30 % des distances totales parcourues tous véhicules confondus35 et 50 % des émissions des poids lourds36. La forte utilisation des grands axes par le fret routier nous a conduits à étudier avec attention la possibilité de leur électrification. Les solutions complémentaires (hydrogène, moyennes batteries) étudiées par différents constructeurs permettant de circuler de façon décarbonée également en dehors de ces grands axes ne sont en revanche pas détaillées dans cette partie.

Les solutions d’électrification des grands axes très fréquentés permettent d’alimenter en électricité au cours du roulage les poids lourds dotés d’un moteur électrique et d’une petite batterie, avec un très bon rendement global et des coûts d’infrastructure raisonnables. Pour le reste des distances à parcourir, les poids lourds peuvent dans un premier temps utiliser le diesel, et migrer ensuite vers d’autres technologies décarbonées comme la batterie ou la pile à combustible.

Dans ce chapitre, nous donnons d’abord quelques éléments de contexte sur les poids lourds et l’utilisation des grands axes pour la longue distance. Nous décrivons ensuite les différentes technologies permettant d’alimenter des poids lourds en électricité sur autoroute. Nous justifions dans la dernière partie du chapitre la pertinence de cette approche et précisons les facteurs clés de succès pour sa mise en œuvre.

Éléments de contexte

Cadre réglementaire européen sur les émissions des poids lourds

Avant de décrire les technologies d’électrification des autoroutes, il nous paraît utile de rappeler brièvement le cadre réglementaire européen qui encourage la réduction des émissions de CO2 des poids lourds.

S’il existe depuis plus de cinq ans un règlement européen plafonnant les émissions des véhicules particuliers neufs (réglementation CAFE, décrite dans le paragraphe sur le cadre réglementaire européen dans le chapitre 3), la première réglementation imposant des limites d’émissions de CO2 aux poids lourds neufs vendus dans l’Union Européenne date d’avril 201937. Elle prévoit une réduction de l’intensité carbone (en gCO2/t.km) des poids lourds neufs de 15 % d’ici 2025 et de 30 % d’ici 2030. De plus, à partir de 2025, le dépassement des limites d’émission conduira à une pénalité de 4 250 € par gCO2/t.km excédentaire.

Part des grands axes dans le transport routier

Les grands axes tels que les autoroutes sont utilisés de façon privilégiée par les poids lourds pour les longues distances, car ils permettent de rouler à une vitesse élevée et stabilisée, avec peu de changements de directions. Comme illustré dans la Figure 1138, les trajets de plus de 400 km – majoritairement parcourus par des tracteurs routiers pour compte d’autrui – représentent près de 35 % des tonnes-kilomètres réalisées.

Nomenclature :

• On parle de « compte d’autrui » quand le service de transport est rémunéré et réalisé pour le compte d’un tiers, et de « compte propre » sinon.

• Un tracteur routier est un véhicule routier conçu pour le remorquage d’autres véhicules routiers non automobiles (principalement des semi-remorques), alors qu’un camion est un véhicule routier rigide automobile conçu pour le transport de marchandises.

Enfin, le maillage actuel du réseau autoroutier en France (Figure 12) est tel que la majeure partie des points du territoire se situent à moins de 150 km d’une autoroute.

Figure 11 – Part des tonnes-km réalisées par les poids lourds français selon la distance et le type de véhicule

Source : données de l’enquête TRM 2018

Les longues distances, notamment sur les autoroutes, correspondent à une part importante des émissions de CO2 par les poids lourds. Selon l’Union Routière de France, 66 % des véhicules-kilomètres réalisés par les poids lourds s’effectuent sur les autoroutes (qui représentent un peu plus de 1 % du réseau routier français). D’après l’ASFA (l’association des sociétés françaises d’autoroutes)39, les émissions de CO2 des poids lourds sur les autoroutes concédées (9 200 km) s’élèvent à 14 MtCO2, soit la moitié des émissions annuelles des poids lourds en France (28 MtCO2).

Figure 12 – Le réseau autoroutier français

Source : Union Routière de France

Différentes technologies d’alimentation

Le principe de l’électrification des grands axes consiste à prévoir une alimentation du véhicule en électricité pendant que celui-ci roule. Si la puissance est suffisamment élevée, cette alimentation permet conjointement de faire avancer le véhicule et de recharger sa batterie s’il en possède une.

Plusieurs technologies sont envisageables pour y parvenir (Figure 13) ; nous listons puis comparons les trois grandes catégories dans le paragraphe suivant.

Figure 13 – Principales solutions d’électrification des autoroutes

Alimentation par induction

L’alimentation par induction est un système qui permet de transférer de l’énergie sans contact. Le système est installé à l’intérieur de la chaussée sous le bitume et il est activé lorsqu’un véhicule se trouve au-dessus de celui-ci.

Une telle technologie pourrait être adaptée pour une recharge lente à l’arrêt, mais son utilisation sur l’autoroute pour les poids lourds semble à ce jour délicate compte tenu de son coût d’installation élevé et de la puissance limitée qu’elle permet de transmettre au véhicule.

Alimentation conductive par le sol

Une deuxième solution consiste à alimenter le véhicule par le sol, mais cette fois par conduction (Figure 14a). Un contact est établi entre le poids lourd et deux rails affleurant la chaussée, par l’intermédiaire d’un bras sortant sous le véhicule (pantographe inversé).

Cette technologie possède l’avantage de pouvoir être utilisée non seulement par des poids lourds de tonnage important (tracteurs routiers et camions de 25 tonnes au moins), mais également par des véhicules plus petits, voire des utilitaires légers. Elle n’a cependant pas été prévue pour une compatibilité avec les véhicules particuliers.

Cette solution est notamment développée par Alstom, qui nous l’a présentée. Dans son fonctionnement actuel, le principe utilisé est le même que pour le tram : le rail d’alimentation est découpé en sections de quelques mètres qu’il est possible d’alimenter ou non selon la présence d’un véhicule en mouvement au-dessus.

Si ce choix de découpage en petites sections est parfaitement justifié pour un tramway dans un milieu urbain pour des raisons de sécurité, peut-être pourra-t-il être adapté pour une utilisation sur autoroute. En choisissant des segments plus longs (typiquement quelques centaines de mètres), qui seraient déconnectés en cas de détection d’un véhicule à l’arrêt sur l’autoroute, les coûts de matériel électronique et de maintenance pourraient en effet être réduits.

Figure 14 – Deux solutions d’électrification des autoroutes par conduction :

a) Solution conductive par le sol développée par Alstom. (Crédit photo : Volvo Group)
b) Solution conductive par caténaire développée par Siemens. (Crédit photo : Siemens)

Alimentation par caténaires

Une troisième solution réside dans l’alimentation conductive par des caténaires (Figure 14b). Les poids lourds peuvent alors s’y raccorder au moyen de pantographes.

Cette solution dispose d‘atouts significatifs : les briques technologiques nécessaires sont déjà bien connues par le monde du ferroviaire et l’installation ainsi que la maintenance de l’infrastructure ont un impact moindre sur la circulation (pas d’atteinte à l’intégrité de la chaussée).

Elle présente toutefois les inconvénients suivants par rapport à d’autres modes d’alimentation électrique :

• Polyvalence limitée des véhicules raccordables (petits et moyens véhicules exclus) ;

• Risque de chute de pylônes sur les voies (notamment en cas de vents violents) ;

• Désagrément visuel.

Cette solution d’électrification semble aujourd’hui la plus avancée, comme en témoignent les expérimentations de Siemens en Allemagne ou en Suède. L’eHighway (c’est le nom de la solution d’électrification par caténaires de Siemens) est développée depuis près d’une dizaine d’années, et nous avons pu échanger avec l’équipe en charge du produit.

Voici quelques précisions issues de ces discussions :

• Deux projets pilotes de 5 km ont été construits en Allemagne en 2018, et ils sont parcourus depuis près d’un an par cinq poids lourds équipés de pantographes.

• La solution technique retenue est adaptée aux poids lourds de plus de 26 tonnes.

• Les coûts de construction sont de l’ordre de 2 millions d’euros par km équipé (équipement des deux sens de circulation).

• Siemens se prépare à l’hypothèse d’un possible déploiement massif d’ici 2035, sur plusieurs milliers de kilomètres d’autoroutes en Allemagne.

Bilan : comparatif des avantages et inconvénients des solutions d’électrification des autoroutes

Les données de ce tableau comparatif sont notamment issues des éléments fournis par les constructeurs (Alstom, Siemens) et du rapport du PIARC (Association mondiale de la route) de 201840 sur l’électrification des routes. Les lecteurs souhaitant approfondir le sujet pourront utilement se référer à ce rapport, qui liste notamment les différents projets en cours dans le monde ainsi que les perceptions des différents acteurs sur les risques et facteurs de succès, aussi bien pour les poids lourds que les véhicules particuliers.

La comparaison des solutions d’électrification des autoroutes pour les poids lourds nous a conduits à mettre de côté la technologie inductive pour un déploiement à court terme chez les poids lourds. Si la solution conductive par le sol laisse ouverte l’alimentation d’un plus large panel de véhicules en offrant une flexibilité d’usage élargie, la solution par caténaire jouit d’une plus grande maturité et simplicité d’installation et pourrait être déployée rapidement.

Dans la suite de ce chapitre, nous discutons des modalités d’application de l’électrification par voie conductive, en détaillant le cas de l’alimentation par caténaires, qui est privilégiée en Allemagne et qui nous semble particulièrement prometteuse pour les poids lourds. Une grande partie de l’analyse reste néanmoins valable pour les solutions conductives par le sol.

Pertinence de l’autoroute électrique pour les poids lourds

Intérêt de l’électrification et complémentarité avec le train

Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2, les poids lourds seront vraisemblablement amenés à remplacer leurs moteurs thermiques par des moteurs électriques, comme nous l’avons expliqué dans le chapitre 1. Une grande partie des kilomètres étant parcourus sur quelques grands axes routiers, il paraît judicieux d’alimenter ces moteurs électriques par un apport direct en électricité sur ces axes, pour bénéficier d’un rendement élevé et éviter au véhicule de devoir transporter des quantités importantes d’énergie. Chaque kilomètre parcouru avec une alimentation électrique directe des poids lourds à la place de l’hydrogène sur les grands axes très fréquentés (même si la technologie devient plus mûre dans les prochaines années) permet en effet de diviser environ par trois le besoin associé en électricité nucléaire ou renouvelable.

À terme, l’objectif de l’électrification des autoroutes est donc de permettre aux poids lourds équipés d’un moteur électrique de réaliser des déplacements longue distance de manière efficace d’un point de vue économique, énergétique et environnemental.

• D’un point de vue économique, le coût total de détention peut s’avérer compétitif (voir la partie sur la pertinence économique page 69 pour plus de détails).

• D’un point de vue énergétique, le rendement élevé limite le besoin électrique par rapport à d’autres technologies.

• D’un point de vue environnemental, l’équipement d’un linéaire relativement faible mais très fréquenté permet de réduire significativement les émissions de CO2 (voir la partie sur l’investissement pour l’électrification des autoroutes et les résultats attendus page 80).

Cette électrification doit cibler les axes les plus fréquentés, comme cela a été historiquement le cas pour le train, pour lequel les lignes très parcourues ont été progressivement équipées à l’électrique, jusqu’à atteindre 55 % d’électrification des lignes aujourd’hui41.

L’électrification des autoroutes pour les poids lourds est loin de faire doublon avec le transport ferroviaire de marchandises. En effet, elle permet aux véhicules équipés d’un pantographe de bénéficier des conditions d’opération des poids lourds thermiques, conditions qui expliquent en partie la place actuelle du transport routier dans le transport intérieur de marchandises en France (89 % des tonnes-kilomètres en 2018)42.

Contrairement aux trains, les poids lourds sur une autoroute électrique ne sont pas captifs de l’infrastructure : ils peuvent se déplacer de façon autonome en dehors de celle-ci grâce à leur autonomie (que ce soit avec du diesel, une batterie ou de l’hydrogène). Ils bénéficient ainsi d’une plus grande diversité de desserte, d’une plus grande souplesse d’utilisation, et sont moins soumis aux ruptures de flux (transbordements). De plus, la gestion de la circulation est simplifiée puisque les poids lourds peuvent utiliser l’infrastructure de manière indépendante et non planifiée, avec la possibilité de se dépasser si besoin (il suffit qu’ils se décrochent quelques minutes du système d’alimentation), alors que les trains doivent se répartir les sillons par des planifications contraignantes.

Ceci étant dit, le rendement énergétique permis par le déplacement sur des rails continuera à faire du train la solution à privilégier et à promouvoir pour le transport longue distance de matières denses et lourdes, comme les céréales, les métaux ou les conteneurs.

L’électrification des autoroutes peut être vue comme une solution complémentaire du transport ferroviaire, particulièrement pertinente pour le transport de marchandises de faible ou moyenne densité, lorsque les délais de livraisons exigés sont courts ou que les points de desserte ne sont pas accessibles par un train.

Enjeu de la montée en puissance de l’infrastructure

Un enjeu majeur du succès de l’électrification des autoroutes est la période de mise en place de l’infrastructure, avec la nécessité d’atteindre rapidement un taux d’utilisation significatif, pour commencer à rentabiliser les investissements.

Déployer l’infrastructure jusqu’à un niveau de couverture la rendant attractive pour des véhicules 100 % électriques ou à hydrogène prendra probablement plus de dix ans. De plus, l’échéance de commercialisation de tels véhicules à des prix compétitifs reste soumise à d’importantes incertitudes.

C’est pourquoi, l’utilisation transitoire de poids lourds hybrides pourrait permettre d’accompagner la montée en puissance de l’infrastructure avant de passer à terme à des solutions totalement décarbonées comme l’illustre le scénario représenté dans la Figure 15.

Figure 15 – Évolution possible des ventes de poids lourds selon la technologie d’ici 2050, dans un scénario d’électrification des autoroutes

Source : European Climate Foundation – Trucking into a Greener Future – 2018

En effet, l’hybride est une technologie mieux maîtrisée et moins coûteuse, qui pourrait constituer assez rapidement une part significative des ventes, et qui, surtout, permettrait aux transporteurs d’utiliser leurs véhicules en mode thermique dans les zones où l’autoroute n’est pas encore électrifiée. Compte tenu de la durée de détention moyenne des tracteurs routiers (six ans)43, qui est bien plus courte que celle des véhicules particuliers, le déploiement de tracteurs hybrides pourrait avoir lieu parallèlement à l’avancée de l’infrastructure.

Dans un second temps, la conversion aux solutions totalement décarbonées pourrait s’opérer rapidement une fois l’infrastructure suffisamment étendue.

Opportunités : véhicules légers, platooning, électrification par morceaux

On notera que l’électrification des autoroutes pourrait également donner lieu aux synergies suivantes :

• Mise en place d’une alimentation électrique haute puissance sur les grands axes, qui pourrait à terme être valorisée pour les véhicules légers (recharge statique ou dynamique) qui y circulent aussi.

• Les technologies d’aide à la conduite ou de conduite autonome pourraient optimiser l’interaction entre le pantographe et l’alimentation électrique : avec les progrès de la conduite autonome, on peut attendre à terme une combinaison entre électrification et platooning (dispositif consistant à faire rouler les poids lourds en pelotons, les uns derrière les autres à une faible distance, ce qui contribue à réduire la consommation énergétique et la congestion)44.

Figure 16 – Un essai de platooning en circulation (Crédit : Radio France / Volvo Trucks)

Il est aussi théoriquement possible, comme exposé dans la Figure 17, de n’électrifier que certaines portions d’un itinéraire. Cette possibilité mérite d’être explorée et approfondie lors des discussions avec les acteurs du secteur.

Figure 17 – Principe d’électrification « en pointillé » pour un poids lourd à batterie – selon l’idée proposée par S. Dupré-Latour (Directeur Innovation Avancée chez EDF R&D)

Sur les autoroutes, les poids lourds pourraient s’alimenter en électricité au roulage, et avoir la possibilité de se recharger simultanément. En prévoyant des puissances d’alimentation suffisamment élevées (pour permettre la fourniture de l’énergie nécessaire au roulage et à la recharge), il serait envisageable de n’équiper qu’une partie du linéaire des grands axes.

Il serait alors possible de sélectionner les zones les plus pertinentes à équiper, en limitant ainsi les coûts d’installation de l’infrastructure et ses désagréments : évitement des zones éloignées du réseau électrique ou soumises à des reliefs accidentés, évitement des zones trop proches d’habitations, etc.

Prenons les hypothèses suivantes :

• Batterie de 200 km d’autonomie (soit environ 300 kWh)

• Consommation de 150 kWh/100 km

• Vitesse 100 km/h

• Recharge à 2 kW/kWh (une demi-heure pour la charge complète rapide)

Dans ces conditions, un taux d’équipement d’environ 35 % serait suffisant pour alimenter un poids lourd 100 % électrique.

Nous n’avons pas néanmoins pas retenu cette possibilité dans notre section suivante sur la rentabilité de l’investissement. En effet, l’analyse qui suit s’appuie sur l’utilisation de camions hybrides qui ne disposent pas de batteries de telles capacités.

Pertinence économique

Les résultats d’une étude réalisée par l’Öko-Insitut en 202045 sur le rendement et le coût total de détention montrent que l’efficacité énergétique du poids lourd électrique à pantographe est plus de trois fois supérieure à celle de son équivalent thermique alimenté avec des carburants de synthèse et près de 2,5 fois supérieure à celle d’un poids lourd à hydrogène (Figure 18).

Figure 18 – Rendement de différentes pistes de décarbonation pour les poids lourds

Source : Öko Institut, 2020

Compte tenu de l’incertitude actuelle sur la possibilité de disposer jusqu’à 2100 d’une énergie décarbonée aussi bon marché et aussi abondante qu’actuellement, le gain en énergie permis par le rendement du poids lourd électrique justifie d’étudier son utilisation. Dans la mesure où la limite première du camion 100 % électrique est son autonomie et qu’il existe une solution relativement mature (l’électrification des autoroutes) pour s’affranchir de cette limite, il est essentiel d’en étudier la rentabilité.

Les estimations de l’Öko Institut (Figure 19) suggèrent que le coût total de détention (TCO) d’un poids lourd diesel en Allemagne en 2025 pourrait être du même ordre de grandeur que celui d’un poids lourd à pantographe, sous réserve que le taux d’utilisation de l’infrastructure électrique soit suffisant.

Figure 19 – Coût de détention comparé pour du transport longue distance

Source : Öko Institut, 2020
Légende : FCEV = véhicule à pile à combustible (hydrogène), OC-HEV = véhicule hybride à pantographe, BEV = véhicule électrique à pantographe

Afin de fournir au lecteur des ordres de grandeurs, nous proposons le modèle très simplifié suivant, permettant de comprendre les coûts et économies liés à l’électrification des autoroutes en France.

Modèle simplifié d’électrification des autoroutes

Nous faisons les hypothèses suivantes sur l’infrastructure46 :

• Coût d’équipement en caténaires (durée : 20 ans) : 2,1 millions € /km (pour les deux sens de circulation)

• Coût de maintenance annuel : 2 %

• Équipement du cœur du réseau avec une fréquentation moyenne de 8 000 poids lourds par jour

Si l’on met de côté le coût du capital (c’est-à-dire le taux d’actualisation) et que l’on considère que l’infrastructure est utilisée au maximum de son potentiel, on en déduit une redevance d’infrastructure de 5 €/100 km pour les poids lourds qui l’utilisent. Avant d’aller plus loin, on peut déjà remarquer qu’un tel montant correspond à un environ un quart du coût actuel du péage pour les poids lourds longue distance (de l’ordre de 20 €/100 km47 en moyenne).

Quant aux coûts de l’énergie pour le transporteur selon la motorisation, voici les valeurs obtenues48 :

Table 5 – Ordres de grandeur du prix de l’énergie au roulage pour un poids lourd

Il s’ensuit que le transporteur pourrait économiser environ 8 €/100 km (35 − 22 − 5 = 8) en utilisant de l’électricité à la place du diesel sous les caténaires. D’après les échanges entre Siemens et les constructeurs, un tracteur routier à pantographe coûterait environ 20 % de plus que son équivalent diesel (environ 105 000 € au lieu de 85 000 €), soit un surcoût d’environ 20 000 €.

On en déduit qu’il faut parcourir environ 250 000 km50 sous les caténaires pour rentabiliser le surcoût lié au pantographe et au moteur électrique.

D’après l’enquête longue distance du CNR, les tracteurs réalisant de la longue distance réalisent en moyenne 115 000 km/an et sont conservés en moyenne six ans51, soit un kilométrage d’environ 700 000 km réalisés par le premier acheteur, dont la moitié (soit 350 000 km) parcourus sur l’autoroute.

D’après ce modèle simplifié, avec une redevance d’infrastructure dimensionnée pour un taux utilisation de 100 %, il suffit que 70 % des distances d’autoroutes parcourues par les transporteurs (250 000 km sur 350 000 km) soient réalisées sous caténaires pour amortir le surcoût à l’achat du véhicule.

Ce modèle simplifié ne prend pas en compte les prévisions de croissance du trafic routier, l’impact sur les coûts de maintenance du véhicule ou encore le coût du financement. Pour les lecteurs qui souhaiteraient approfondir ce sujet, nous les renvoyons à l’étude de Carbone 4 de 201752, qui repose sur un modèle détaillé avec plusieurs trajectoires possibles d’évolution du trafic et des prix des carburants. Compte tenu de nos échanges avec Siemens, il nous semble cependant que les hypothèses de cette étude sur le surcoût d’achat et d’entretien d’un poids lourd à pantographe devraient être actualisées à la baisse.

Modalités de mise en œuvre

Prise en compte des intérêts des parties prenantes

La mise en place réussie d’une solution d’autoroute électrique ne pourra se faire qu’en réunissant les différentes parties prenantes et en prenant en compte leurs intérêts, leurs contraintes et les risques auxquels ils seront soumis.

Proposition 2.1 : Réunir les acteurs concernés
par l’électrification des grands axes routiers pour identifier
les facteurs clés de succès

Avant d’encourager une solution d’électrification des autoroutes pour les poids lourds, il est essentiel que l’État prenne bien en compte les besoins des différents acteurs impactés (transporteurs, électriciens, constructeurs, concessionnaires autoroutiers, entreprises industrielles, citoyens).

Nous avons ébauché dans la Table 6 une liste non exhaustive des enjeux qui pourraient être soulevés par ces parties prenantes.

Table 6 – Sujets à aborder avec les parties prenantes sur l’électrification des autoroutes

Conditions de déploiement

Si la décision politique est prise de déployer cette infrastructure, il faudra enfin s’appuyer sur deux outils de natures différentes :

1. Identification des axes les plus pertinents et de l’ordre dans lequel les équiper

2. Incitation à l’équipement de véhicules compatibles avec l’autoroute électrique

Proposition 2.2 : Mener une étude pour identifier les axes
à équiper en priorité de caténaires pour les poids lourds
à pantographes

Le choix des premières sections à équiper devra se faire en se concentrant sur des trajets à forte intensité logistique ou faisant l’objet de navettes par les transporteurs et sur lesquels il est possible de dédier des véhicules à un itinéraire. Pour cela, il sera nécessaire d’analyser les données de transport et de recueillir les besoins des industriels et des logisticiens.

Pour ébaucher ce travail, nous avons commencé à analyser les données de trafic53, en classant les axes autoroutiers concédés par ordre décroissant de trafic de poids lourds. On peut voir apparaître deux couloirs importants de fret routier (Table 7 et Figure 20). Ils pourraient ensuite être complétés par l’axe Paris-Lyon, relativement dense avec près de 7 000 poids lourds par jour.

Table 7 – Caractéristiques des deux grands couloirs de fret routier en France (Données : data.gouv.fr, 2018)

Ainsi, on décompte sur ces seuls deux grands axes environ 6 milliards de véhicules-km par an, soit 40 % des véhicules-km réalisés par les poids lourds sur les autoroutes concédées (Données : Union Routière).

À titre de comparaison, la Figure 23 illustre un programme de déploiement étudié en l’Allemagne (Source : Öko-Institut54).

Figure 20 – Carte des deux grands couloirs de fret routier en France (Carte réalisée avec Google My Maps)

Figure 21 – Possible schéma de déploiement des autoroutes électriques en Allemagne, selon l’Öko-Institut

Proposition 2.3 : Prévoir des incitations fiscales pour l’acquisition de poids lourds à pantographes

L’utilisation dans un premier temps de poids lourds hybrides à pantographes permet de conserver la polyvalence du véhicule en attendant que le taux d’électrification soit suffisamment élevé. À cet égard et pour encourager les transporteurs à s’équiper, il est nécessaire d’étudier la mise en place de mesures fiscales incitatives, par exemple un bonus à l’achat pour l’acquisition de tels véhicules.

Une coordination européenne indispensable

Les flux de marchandises sont largement internationaux. En 2017 par exemple, 39 % du transport intérieur routier de marchandises en France (en tonnes-km) est réalisé sous pavillon étranger55. En conséquence, une solution de décarbonation des transports par poids lourds doit être coordonnée entre États européens pour réellement porter ses fruits.

En Allemagne, la puissance publique a accompagné Siemens dans la conduite de travaux pilotes. Sur la base de ces expérimentations mais aussi en s’appuyant sur les résultats des autres tests réalisés en Europe, l’Union Européenne pourrait fixer un standard pour l’électrification des autoroutes, avant de définir une feuille de route pour leur déploiement, qui orientera les choix des constructeurs et logisticiens.

Proposition 2.4 : Élaborer un standard au niveau européen pour l’autoroute électrique pour poids lourds avant 2024

La France doit agir avec ses partenaires européens mobilisés sur le sujet, dont l’Allemagne et la Suède, pour l’adoption par l’Union Européenne d’un standard d’électrification des autoroutes. En raison de l’urgence climatique et pour éviter le déploiement désordonné de solutions non compatibles entre elles, ce standard doit être adopté dès que possible, ce qui nous conduit à proposer l’échéance de 2023.

Au-delà de la question de la standardisation, il y a là une réelle opportunité industrielle pour l’UE, qui pourrait être un précurseur dans le domaine, en bénéficiant du savoir-faire de ses industriels (Siemens, Alstom, Volvo, Volkswagen, Daimler, Vinci, EDF…) et en réduisant sa dépendance aux importations de pétrole, sans compter les emplois qui seraient générés par cette activité. Si le choix est fait de développer simultanément l’électrification des autoroutes et la solution à hydrogène pour les poids lourds, l’Europe devra néanmoins porter un message convaincant pour que cette stratégie soit comprise et suscite l’adhésion des parties prenantes.

Proposition 2.5 : Construire des mécanismes d’accompagnement par l’UE pour l’électrification des grands axes

L’intensité du transport et la densité des réseaux routiers sont particulièrement élevées au sein de l’UE, et la question du transport est depuis longtemps un enjeu central de l’intégration européenne. Dans l’époque actuelle où d’importantes enveloppes financières sont dédiées au plan de relance, il paraît judicieux que l’UE prévoit des dispositifs d’aide, pour investir dans l’infrastructure ou subventionner l’acquisition de poids lourds hybrides.

Investissement pour l’électrification des autoroutes et résultats attendus

Le coût d’équipement d’un km d’autoroute (deux sens) en caténaires est d’environ 2 millions d’euros. En visant un déploiement sur le cœur du réseau (3 000 km, 8 000 poids lourds par jour) à échéance 2035, cela représente un coût d’investissement total de l’ordre de 6 milliards d’euros, à étaler sur 15 ans, soit environ 400 millions d’euros par an.

À titre de comparaison, on peut rappeler que les charges de service public de l’électricité liées aux énergies renouvelables s’élèvent à près de 5 milliards d’euros par an, pour financer le développement des énergies renouvelables (majoritairement le photovoltaïque et l’éolien) par les tarifs de rachat56.

On peut ébaucher un mécanisme de financement pour l’électrification des autoroutes :
– Investissements d’infrastructure : réalisés par une société dédiée (mode de financement à déterminer, en lien avec la Caisse des Dépôts), qui assure son retour sur investissement par une redevance payée par les utilisateurs des caténaires. Cette redevance d’autoroute électrique comprendra une part « énergie » et une part « utilisation et extension de l’infrastructure ».
– Transformation du parc : une aide à l’acquisition de poids lourds à pantographes financée par un système de bonus-malus (analogue à celui des véhicules particuliers) permettrait aux logisticiens de s’équiper progressivement de poids lourds à pantographes.
– À l’usage : la rentabilité des transporteurs est assurée par les économies réalisées du fait du moindre coût de la redevance autoroute électrique par rapport à l’utilisation du diesel, ce qui les incite à utiliser l’infrastructure

Il s’agirait certes d’investissements importants et présentant une part de risque, mais on rappelle qu’ils pourraient contribuer à atteindre les objectifs suivants :
– Réduction d’émissions de CO2 liées à la combustion de ce diesel d’environ
7,4 MtCO257 par an (à modérer par une analyse de cycle de vie des infrastructures de caténaires), soit plus d’un quart des émissions des poids lourds,
– Possibilité de doubler cette réduction des émissions en équipant les poids lourds de solutions d’autonomie limitée pour répondre au besoin de transport hors autoroute,
– Mise en place d’une infrastructure de distribution d’électricité le long des grands axes routiers de transport de personnes et de marchandises,
– Réduction de la dépendance aux importations d’hydrocarbures (près de 2,8 milliards de litres de diesel économisés par an58).

  • 34 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020.
  • 35 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020.
  • 36 – ASFA, Chiffres clés 2020, https://www.autoroutes.fr/FCKeditor/UserFiles/File/ Chiffres_cles_2020.pdf.
  • 37 – Carbone 4, Le nouveau règlement européen qui impose des limites aux émissions de GES aux constructeurs de poids lourds, 2019, http://www.carbone4.com/nouveau-reglement- europeen-impose-limites-aux-emissions-de-ges-aux-constructeurs-de-poids-lourds/.
  • 38 – http://developpement-durable.bsocom.fr/Statistiques/ReportFolders/reportFolders.aspx.
  • 39 – ASFA, Chiffres clés 2020, https://www.autoroutes.fr/FCKeditor/UserFiles/File/Chiffres_ cles_2020.PDF.
  • 40 – PIARC, Electric Road Systems: A solution for the future?, 2018, https://www.trafikverket. se/contentassets/2d8f4da1602a497b82ab6368e93baa6a/piarc_elvag.pdf.
  • 41 – European Commission, Electrified railway lines – Mobility and Transport 2014, https:// ec.europa.eu/transport/facts-fundings/scoreboard/compare/energy-union-innovation/ share-electrified-railway_en#2014.
  • 42 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, édition 2020.
  • 43 – Conseil National Routier, Enquête longue distance, 2018.
  • 44 – France Inter, Le platooning, quand les camions circulent en peloton reliés par le wi-fi, publié en ligne le 18 septembre 2019, https://www.franceinter.fr/le-platooning-quand- les-camions-circulent-en-peloton-relies-par-le-wi-fi.
  • 45 – https://www.oeko.de/fileadmin/oekodoc/TE-ZE-Truck-WS-Brussels.pdf
  • 46 – Sources : Siemens, Carbone 4.
  • 47 – Conseil National Routier, Enquête longue distance, 2018. 48 – Sources : Siemens, Conseil National Routier.
  • 49 – Les poids lourds bénéficient en France d’une exonération d’une partie des taxes sur leurs carburants.
  • 50 – Détail du calcul : 20 000 / (0,13 − 0,05)
  • 51 – Compte tenu des incertitudes sur la revente et la valeur résiduelle des tracteurs routiers, on considère que le retour sur investissement est attendu sur ces kilométrages.
  • 52 – http://www.carbone4.com/autoroute-electrique/
  • 53 – Données data.gouv.fr, Trafic moyen journalier annuel sur le réseau routier national, https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/trafic-moyen-journalier-annuel-sur-le-reseau- routier-national/.
  • 54 – Blanck R., Görz W., Modelling market uptake of Electric-Road-Solution (ERS) in Germany, 2019, https://electricroads.org/wp-content/uploads/ers-conference-2019/ scientific/8/Blanck_ERS-Conference-2019.pdf.
  • 55 – Commissariat général au développement durable, Les comptes des transports, 2017, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-11/ datalab-42-rapport-comptes-transports-2017-aout2018.pdf.
  • 56 – Commissariat général au développement durable, Chiffres clés des énergies renouvelables, Datalab, 2019, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/ files/2019-05/datalab-53-chiffres-cles-des-energies-renouvelables-edition-2019-mai2019.pdf.
Chapitre 3

Véhicules particuliers : développer les véhicules électriques à autonomie moyenne

Les véhicules particuliers constituent un axe majeur de la mobilité routière, puisque la vaste majorité de la population française y a recours. Pour cette raison, les évolutions réglementaires qui lui sont liées sont politiquement et socialement très sensibles. Il est pourtant essentiel d’identifier des solutions permettant une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre par ces véhicules. C’est ce à quoi nous nous attachons dans ce chapitre.

Nous décrivons d’abord les mécanismes incitatifs existants pour orienter l’achat vers les voitures électriques. Nous proposons ensuite une série de leviers pouvant permettre de développer rapidement un parc de véhicules électriques à batterie d’autonomie limitée. Nous abordons enfin la question des longs trajets occasionnels.

Les mécanismes incitatifs existants

Cadre réglementaire européen (CAFE)

La réglementation européenne Corporate Average Fuel Economy (dite CAFE) a été votée en 2014, pour fixer une trajectoire de baisse d’émissions de CO2 des véhicules particuliers commercialisés en Europe (d’abord 95 g de CO2 par km pour 2021, puis 81 g/km en 2025 et 59 g/km en 2030, soit respectivement − 15 % et − 37,5 % par rapport à 2021, voir Figure 22). Ces objectifs constituent des contraintes de plus en plus fortes pour les constructeurs, puisqu’ils devront payer d’importantes pénalités en cas de dépassement.

Figure 22 – Objectifs de la réglementation CAFE pour les émissions de CO2 des véhicules particuliers

Source : PFA

À compter de 2020, l’objectif d’émissions est de 95 g de CO2 par km pour la moyenne des véhicules vendus, et il est assorti d’une amende de 95 € par gramme de CO2 excédentaire et par véhicule. Si un constructeur vend par exemple un million de véhicules qui émettent en moyenne 100 grammes de CO2 par km, il devra payer une amende de 95 × (100 − 95) = 475 millions d’euros.

Pour aider les constructeurs à atteindre ces objectifs, il existe néanmoins la possibilité de constituer des pools (mise en commun des immatriculations) et une certaine progressivité59 :

• En 2020, les constructeurs peuvent se contenter d’appliquer cette règle à 95 % de leurs ventes, et les véhicules peu émetteurs (50 g de CO2/km) comptent pour 2 dans le calcul de l’émission moyenne.

• Dès 2021, c’est l’intégralité des ventes qui est concernée, et la pondération pour les véhicules peu émetteurs descend à 1,67.

Malgré cette progressivité, de nombreux constructeurs s’attendent à devoir payer de lourdes amendes, comme l’illustre une étude de 2018 réalisée par PA-consulting (Figure 25)60.

Figure 23 – Projection des émissions (en gCO2/km) par constructeur en 2021 et des pénalités associées

Source : PA Consulting

Dans le tableau de la Figure 23, on constate que les objectifs diffèrent selon les constructeurs. En effet, chacun s’est vu attribuer un objectif différent selon le poids moyen des véhicules qu’il commercialise. Un tel ajustement – défendu notamment par l’Allemagne pour prendre en compte la diversité des gammes de véhicules – favorise de facto les véhicules plus lourds, qui sont plus consommateurs.

Comme l’ont déjà demandé les ministres Bruno Le Maire et Elisabeth Borne61, il paraîtrait donc plus lisible et cohérent d’uniformiser les objectifs des différents constructeurs, afin d’éviter ce biais et de délivrer un message plus clair.

Le système bonus-malus

Le système de bonus-malus vise à encourager l’acquisition de véhicules peu émetteurs de CO2 et il fonctionne de la façon suivante :

• Les véhicules peu émetteurs sont dotés d’un bonus qui est déduit de leur prix d’achat.

• Les véhicules fortement émetteurs au contraire font l’objet d’un malus qui doit être ajouté au prix d’achat.

Ce système a été mis en place en 2008 suite au Grenelle de l’environnement. Si un bonus était aussi alloué au début aux véhicules thermiques peu émetteurs (avec un plafond qui a baissé progressivement – de 130 gCO2/km en 2008 à 90 gCO2/km en 2014 – et un montant décroissant avec les émissions, qui s’échelonnait entre 200 et 1 000 €), il ne concerne depuis 2015 que les véhicules basses émissions (< 60 gCO2, c’est-à-dire essentiellement les voitures électriques et hybrides rechargeables).

La Figure 24 résume les évolutions du bonus depuis 2015 pour les véhicules émettant moins de 20 gCO2/km (qui correspondent aux véhicules électriques)62. On notera en particulier que, depuis 2020, le bonus a été réduit pour les entreprises et pour les véhicules les plus chers.

Remarque : si l’acquisition d’un véhicule électrique est associée au retrait de la circulation d’un ancien véhicule thermique (antérieur à 2011 pour le gazole, antérieur à 2006 pour l’essence), l’acheteur peut en outre bénéficier de la prime à la conversion. Elle est normalement de 2 500 €, mais est rehaussée à 5 000 € si l’acheteur vérifie l’une des conditions suivantes63 :

• La distance entre son domicile et son lieu de travail est supérieure à 30 km ;

• Il effectue plus de 12 000 km par an avec son véhicule personnel pour son travail ;

• Son revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 6 300 €.

Figure 24 – Évolution du montant et des conditions du bonus pour l’achat de véhicules électriques neufs depuis 2010

Plus généralement, la Figure 25 illustre les valeurs de bonus et de malus des trois dernières années selon les émissions des véhicules64.

Figure 25 – Évolution du barème du bonus-malus des véhicules particuliers neufs selon la norme NEDC

On constate que le malus a connu en 2020 une forte augmentation, et qu’il n’est pas linéaire mais progressif.

On peut signaler qu’il existe un ajustement à ce malus pour ne pas pénaliser les familles nombreuses ayant besoin d’un véhicule plus grand et donc plus émetteur. En effet, pour un seul véhicule d’au moins cinq places assises par foyer comptant au moins trois enfants, le taux d’émission de CO2 déterminant le malus est diminué de 20 grammes par kilomètre par enfant à charge65.

La Cour des comptes réalise un bilan annuel des recettes et dépenses du dispositif du bonus-malus66. Elle fait notamment remarquer qu’il est soumis trop régulièrement à des modifications et recommande également de réaliser une étude approfondie sur l’efficacité du dispositif sur les comportements d’achat et les émissions de CO2.

Proposition 3.1 : Clarifier les trajectoires d’évolution des bonus à l’achat

Afin de permettre aux constructeurs et aux acheteurs de se préparer aux évolutions des incitations, il paraît important de clarifier les trajectoires d’évolution des bonus et malus.
Les bonus pour les véhicules électriques pourraient être progressivement recentrés sur les véhicules d’entrée de gamme et de moyenne gamme, pour inciter à la fabrication de véhicules accessibles au plus grand nombre, généralement plus légers et moins consommateurs.

Le développement des voitures électriques et les progrès des véhicules thermiques

Au premier semestre 2020, on comptait 45 000 immatriculations de voitures électriques, soit 6,3 % des immatriculations (ce pourcentage est à relativiser dans un contexte de fortes baisses des ventes de véhicules, lié la crise sanitaire du printemps 2020)67. Parmi ces voitures, on comptait environ 40 % de Renault ZOE et 20 % de Peugeot e-208.

Ces chiffres de vente pour le premier semestre 2020 sont du même ordre que ceux de l’année 2019 entière, et ils poursuivent la tendance à la hausse illustrée dans la Figure 2668.

Figure 26 – Évolution des immatriculations de véhicules électriques et de leur part de marché

Malgré les politiques publiques incitatives pour l’achat de véhicules électriques, leur part de marché s’élève aujourd’hui seulement à quelques pourcents, et ces véhicules sont souvent acquis par des acteurs aisés ou militants. Les autres véhicules produits restant thermiques, il convient de poursuivre les efforts pour produire et vendre des véhicules thermiques faiblement émetteurs.

Pour y parvenir, nous identifions deux leviers principaux, qui doivent être complémentaires des progrès techniques :

• Accroître la lisibilité sur la consommation des véhicules en conditions réelles (les écarts peuvent être importants comme l’illustre la Figure 27, même si le cycle de test a évolué en 2020 pour réduire cet écart, en passant du standard « NEDC » au standard « WLTP ») ;

• Inverser la tendance de croissance de la masse et de la puissance des véhicules (Figure 28 et Figure 29, ADEME69), qui grève les progrès techniques réalisés sur les moteurs.

Figure 27 – Émissions théoriques et réelles des véhicules neufs70

Figure 28 – évolution de la masse moyenne des véhicules particuliers neufs vendus en France

Source : carlabelling.ademe.fr/chiffrecles 2020

Figure 29  – évolution de la puissance moyenne des véhicules particuliers neufs vendus en France

Source : carlabelling.ademe.fr/chiffrecles 2020

Dans cette optique, le projet d’un véhicule de segment B à 2L/100 (soit autour de 50 gCO2/km) à un prix de vente d’environ 15 000 €, faisait partie du programme d’investissements d’avenir de 201371, et il s’appuyait sur les quatre axes suivants72 :

• L’hybridation des chaînes de traction ;

• L’amélioration du rendement du groupe motopropulseur ;

• L’amélioration du rendement du véhicule par l’allègement, la réduction des traînées aérodynamiques, etc. ;

• La connectivité et les aides à la mobilité pour permettre une réduction de la consommation à l’usage en optimisant la conduite ou le trajet.

Les objectifs annoncés étaient ambitieux (« Les premières briques seront industrialisées dès 2017, ce qui rendra possible la commercialisation en grande série des premiers véhicules 2 l/100 km avant 2020. »), mais on ne trouve malheureusement pas encore de tels véhicules sur le marché aujourd’hui.

À plus court terme, un autre moyen simple de réduire les émissions des véhicules thermiques consiste à réduire la vitesse des véhicules sur les autoroutes. Même si les résultats des études varient, on estime que rouler à 110 km/h au lieu de 130 km/h réduit la consommation en carburant (et donc le CO2 émis) d’environ 20 %73 74. Nous détaillons davantage cet aspect dans la partie sur le lien entre vitesse et autonomie page 95, en expliquant l’impact de la vitesse sur l’autonomie du véhicule électrique.

Développer rapidement un parc de véhicules à batterie d’autonomie limitée

Comme nous l’avons brièvement expliqué dans le chapitre 1, les technologies existantes de batteries devraient permettre de mettre sur le marché des véhicules électriques d’autonomie limitée répondant au besoin d’une partie des utilisateurs. La vitesse de renouvellement du parc étant naturellement lente, il est en effet important d’amorcer son électrification dès aujourd’hui.

Prépondérance des trajets courts

Dans le chapitre 1, nous avons justifié la nécessité de dimensionner convenablement les batteries des véhicules pour répondre aux besoins. On constate que les véhicules particuliers sont majoritairement utilisés sur des trajets de courte et moyenne distance (Figure 30), ce qui justifie l’intérêt d’une batterie dimensionnée pour une autonomie n’allant pas au-delà de 250 km.

Figure 30 – Distribution des distances quotidiennes parcourues par le véhicule particulier d’un usager moyen

Source : N. Hooftman, M. Messagie, F. Joint, JB. Segard and T. Coosemans : “In-life range modularity for electric vehicles: the environmental impact of a range-extender trailer system”, 2018

On observe que seule une faible fraction des jours d’utilisation d’une voiture (moins de 3 %) correspondent à un besoin d’autonomie supérieur à 150 km

Toutefois, il est aussi intéressant de regarder cet usage en termes de kilomètres parcourus ou d’émissions de CO2. En compilant les données de l’enquête nationale transports et déplacements réalisée par le Commissariat général au développement durable en 200875, on obtient les estimations suivantes :

• Les trajets de moins de 80 km (qualifiés de « mobilité locale ») représentent environ 70 % des kilomètres parcourus par les véhicules particuliers, et de l’ordre de 80 % de leurs émissions de CO2 ;

• Les trajets de moins de 200 km représentent quant à eux plus de 75 % des kilomètres parcourus par les véhicules particuliers, et de l’ordre de 85 % de leurs émissions de CO276.

On comprend dès lors que l’utilisation de véhicules d’autonomie limitée permet de réduire de façon significative les émissions de CO2 des véhicules particuliers, sous réserve qu’il existe des solutions complémentaires pour les quelques jours où sont réalisés les trajets longs. Ce point sera développé dans la partie 3.

Lien entre vitesse et autonomie

La notion d’autonomie d’un véhicule ne se résume pas à la capacité de sa batterie en kWh. En effet, l’autonomie en km dépend de la consommation électrique du véhicule, qui est influencée de façon importante par les deux paramètres suivants :

• La masse du véhicule (celle-ci a non seulement une influence sur la consommation énergétique, mais aussi sur les émissions de particules fines liées au freinage, comme le souligne l’ADEME) ;

• La vitesse du véhicule (d’après le site automobile-propre.com77, la Zoé ZE 40 et sa batterie 40 kWh a par exemple une autonomie sur autoroute de l’ordre de 150 km, tandis qu’elle peut parcourir jusqu’à 250 km en utilisation citadine).

Pour illustrer cette dispersion dans les autonomies constatées selon la vitesse, la Figure 31 est assez éloquente.

Figure 31 – Consommation et autonomie de différents véhicules électriques sur route et autoroute (Données : tests réalisés par l’Argus en conditions réelles78)

Il convient donc d’être attentif à bien informer les citoyens sur le sens de l’autonomie lors de l’acquisition d’un véhicule électrique. Plus largement, cette consommation énergétique accrue à haute vitesse (liée aux frottements aérodynamiques qui deviennent prépondérants au-delà de 100 km/h) concerne aussi bien les véhicules électriques que les véhicules thermiques et pose la question de la vitesse sur les autoroutes.

La convention citoyenne pour le climat a proposé au printemps 2020 sa diminution à 110 au lieu de 130 km/h. Malgré ses inconvénients (légère perte de temps : 6 minutes pour 100 kilomètres, report sur les routes secondaires, acceptabilité sociale), elle présente les avantages suivants :

• Réduction des émissions de CO2 par km des véhicules thermiques (comme expliqué dans la partie sur le développement des voitures électriques et les progrès des véhicules thermiques page 89, rouler à 110 km/h au lieu de 130 km/h réduirait la consommation en carburant – et donc le CO2 émis – d’environ 20 %) ;

• Réduction du besoin énergétique des véhicules électriques et augmentation de leur autonomie ;

• Réduction du coût en carburant (essence, diesel ou électricité) pour les usagers ;

• Cercle vertueux dans la conception automobile, permettant de fabriquer des véhicules conçus pour rouler au maximum à 110 km/h et donc plus légers (une des causes avancées pour l’augmentation du poids des véhicules est l’exigence accrue de sécurité, cette corrélation étant particulièrement forte à haute vitesse puisque l’énergie à dissiper en cas de choc est proportionnelle au carré de la vitesse) ;

• Cette proposition paraît moins clivante socialement que la mesure de réduction des vitesses à 80 km/h sur les routes nationales, qui touchait particulièrement les foyers ruraux.

Bien qu’une telle réduction ait été refusée par le gouvernement car politiquement difficile à mettre en œuvre, on peut noter que la limitation est déjà inférieure à 130 km/h dans d’autres pays européens (100 km/h en Norvège, 112 km/h au Royaume-Uni, 110 km/h en Suède et en Estonie, 120 km/h en Espagne, en Belgique et en Finlande)79.

Même si le choix n’est pas fait d’utiliser le levier réglementaire pour le moment, il nous semble important de fournir une information claire à l’usager sur la consommation de son véhicule selon la vitesse, comme proposé ci-dessous.

Proposition 3.2 : Mieux informer les acheteurs sur la consommation de leur véhicule selon la vitesse

La vitesse influence de façon non négligeable la consommation du véhicule, et il serait utile de demander aux constructeurs de fournir la consommation du véhicule à 110 km/h et 130 km/h au futur utilisateur au moment de l’achat du véhicule (actuellement sont seulement mentionnées une « consommation urbaine », une « consommation extra-urbaine » et une « consommation mixte »). Cela consisterait une première étape avant une possible réduction des limitations de vitesse sur les autoroutes.

L’intensité d’utilisation

Nous avons expliqué les intérêts des véhicules électriques d’autonomie limitée, aussi bien d’un point de vue économique qu’environnemental. Pourtant, la diminution de la capacité de la batterie tend à limiter le kilométrage annuel moyen en excluant certains longs trajets, alors que l’intérêt économique et environnemental du véhicule électrique se manifeste au roulage, et augmente donc avec la distance parcourue (lorsqu’il se substitue à un véhicule thermique).

On peut néanmoins nuancer ce constat en indiquant que la durée de vie se compte plus souvent en nombre de cycles parcourus plutôt qu’en années. Par conséquent, si un véhicule électrique parcourt la même distance qu’un véhicule thermique sur sa durée de vie (même si cette durée de vie est plus longue), on peut s’attendre à ce que les gains environnementaux et économiques persistent (la contrepartie étant que la durée de retour sur investissement devient plus longue).

Pour éviter d’être face à un temps de retour sur investissement trop long ou incertain, s’équiper de véhicules électriques n’est donc pas forcément adapté pour les citadins qui utilisent peu leur voiture au quotidien. Pour ce type d’usagers – qui disposent moins souvent d’un véhicule particulier – les services de véhicules partagés (voir la partie sur le partage de véhicules page 111) ou en libre-service pourraient à terme présenter un réel intérêt, même si, après l’abandon d’Autolib à Paris, puis récemment de Bluely à Lyon, on constate que l’équilibre économique de ces offres reste encore difficile à trouver.

Leviers pour inciter à l’acquisition de véhicules électriques

Renouvellement du parc et marché de l’occasion

Pour bien comprendre le mécanisme de renouvellement du parc automobile, il est nécessaire d’identifier les acheteurs de véhicules neufs, qui sont de moins en moins des particuliers. En effet, d’après l’ANFA (Association Nationale pour la Formation Automobile), les entreprises (sociétés, loueurs, véhicules de démonstration et immatriculations des constructeurs) représentent depuis 2016 plus de la moitié des acheteurs de véhicules neufs80 (Figure 32).

Figure 32 – évolution de la répartition des ventes de véhicules neufs (VN) par canal en pourcentage

Source : ANFA

Il est donc essentiel de mobiliser ces acheteurs-entreprises dans l’acquisition de véhicules électriques, d’autant plus qu’ils ont généralement des capacités de financement supérieures aux particuliers et qu’ils peuvent plus facilement se doter d’une infrastructure de recharge adéquate s’ils disposent d’une flotte importante de véhicules (possible mutualisation des bornes de recharges entre les différents véhicules pour les flottes, installation de bornes sur les parkings privés de l’entreprise).

Il existe déjà des mécanismes de fiscalité incitative pour les entreprises :

• Le mécanisme de suramortissement ;

• L’exemption de taxe sur les véhicules de société pour les véhicules électriques.

La loi d’orientation des mobilités (LOM) va même plus loin pour mobiliser les entreprises, en imposant des parts minimales de véhicules basses émissions dans le renouvellement du parc81. Ainsi, pour les flottes d’entreprises composées de plus de 100 véhicules de moins de 3,5 tonnes, les renouvellements annuels devront inclure des modèles à faibles émissions à hauteur de :

• 10 % dès le 1er janvier 2022 ;

• 20 % dès le 1er janvier 2024 ;

• 35 % dès le 1er janvier 2027 ;

• 50 % après le 1er janvier 2030.

Ces contraintes – combinées au bonus écologique – devraient faire augmenter la part de marché des véhicules électriques dans les ventes de véhicules neufs. Pour veiller à ce que ces véhicules trouvent aussi des débouchés sur le marché de l’occasion, le dispositif de prime à la conversion (plus incitatif pour l’acquisition de véhicules électriques) agit aujourd’hui comme mécanisme complémentaire.

Accroître la communication à destination des foyers multimotorisés

Comme nous l’avons déjà mentionné, un des freins à l’acquisition d’un véhicule électrique est la crainte qu’il ne permette pas de répondre aux besoins occasionnels de longs trajets. Ainsi, les foyers qui disposent de deux véhicules peuvent plus facilement en convertir un à l’électrique, tout en continuant à utiliser le deuxième véhicule (typiquement thermique) pour ces longues distances.

D’après les estimations de l’Union Routière de France82, près de 38 % des ménages disposent d’au moins deux véhicules (Figure 35), et 15 % des ménages n’en possèdent pas. On peut en déduire qu’au moins 62 % des véhicules sont détenus par des foyers monomotorisés83.

Figure 33 – Équipement des ménages en automobiles, en pourcentage des ménages

Source : Union Routière de France

La conservation d’un véhicule thermique pour les longs trajets du foyer et la conversion des autres à l’électrique pour les foyers multimotorisés constituerait un potentiel d’au moins 30 %84 du parc des véhicules détenus par les foyers. Ces foyers multimotorisés pourraient passer à l’électrique sans être assujettis à l’éventuelle limite de l’autonomie pour les longs trajets.

Compte tenu du rythme de renouvellement du parc (de l’ordre de 6 % par an), cela donne une marge de manœuvre supplémentaire de quelques années pour résoudre la question du besoin occasionnel d’autonomie, avec plusieurs effets bénéfiques associés :

• Développement de l’infrastructure de charge privée et publique ;

• Accroissement de la maturité des solutions pour la longue distance ;

• Remise en question progressive des usages (utilisation d’un véhicule plus adapté au besoin de mobilité, qui pourrait dans certains cas ne plus être un bien détenu en propre par l’utilisateur).

Augmenter la flexibilité des offres de leasing

Pour aider les ménages à investir dans un véhicule neuf, il existe des modes de financement dédiés portés par les banques et les constructeurs. Pour étaler le coût dans la durée, ils proposent notamment des offres de location avec option d’achat (LOA) et la location longue durée (LLD). D’après l’ANFA, ces formules représentent en 2017 un tiers des ventes aux particuliers.

Ces offres nécessitent généralement un apport initial important et des mensualités élevées sur des périodes qui ne dépassent que rarement 3 ou 4 ans. Afin de mieux étaler les coûts de location et les mettre en correspondance avec les économies réalisées à l’usage (différence de coût entre électricité et essence), il pourrait être judicieux de développer des offres de location étalées sur une plus grande durée. Cela permettrait notamment de rendre les véhicules électriques plus accessibles pour les ménages les plus modestes. En outre, de telles offres inciteraient les clients à considérer ces véhicules comme des biens d’investissement et non de consommation (avec donc une attention accrue sur le maintien en bon état).

Il semble que de telles offres commencent à apparaître sur le marché, comme celles de LOA proposées par la DIAC (filiale financière du Groupe Renault), avec la volonté de donner au client une marge de manœuvre plus importante sur le montant de l’apport initial, les mensualités et la durée de la location.

Rendre l’usage des véhicules électriques plus attractif

Outre les questions de financement et de l’autonomie que nous avons déjà largement évoquées, il ne faut pas oublier que le déploiement de l’électromobilité nécessite aussi de la rendre plus attractive à l’usage : possibilités de recharge privée et publique, circulation facilitée…

L’enjeu de l’infrastructure de charge

Le développement de l’infrastructure de recharge est un enjeu important pour le déploiement du véhicule électrique, qui mériterait une analyse à part entière. Nous nous contentons d’évoquer ici les grandes typologies de recharge, leurs enjeux, et les mécanismes incitatifs associés. Pour des informations plus détaillées sur les dispositifs d’aide existants prévus par le programme ADVENIR (financé par le mécanisme des certificats d’économies d’énergie), nous invitons le lecteur à consulter le site Internet dédié85.

Pour les 200 000 véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation, la France comptait fin 2019 environ 28 000 points de recharge ouverts au public (soit une borne pour 7 véhicules environ) et 210 000 bornes à usage privé86. Si la communication politique est souvent centrée sur la recharge publique, il convient de rappeler l’importance de la recharge à domicile et sur le lieu de travail pour l’électromobilité (elle permet souvent une recharge à moindre coût).

Figure 34 – Possibilité de parking à domicile des ménages en France

Source : Ministère de la Transition écologique et solidaire87

Recharge à domicile dans les maisons particulières

Ce mode de recharge est aujourd’hui le plus simple à adopter : il concerne les foyers équipés d’un garage dans leur maison particulière (pas de problèmes d’accord de la copropriété ou de disponibilité de la borne). Il correspond souvent aux foyers pour lesquels le véhicule électrique est déjà attractif du fait de l’existence de trajets domicile-travail réalisés quotidiennement en voiture.

Recharge à domicile dans les parkings des copropriétés

En logement collectif, un utilisateur de véhicule électrique peut invoquer depuis 2014 le « droit à la prise »88 pour installer une borne de recharge dans un parking de copropriété. Le syndic ne peut pas s’opposer à une telle demande, sauf pour « impossibilité technique de réaliser les travaux ». Cependant, ce droit à la prise est assorti d’une obligation de relier le point de recharge à un compteur individuel (pour la facturation de la consommation d’électricité) et – à moins que le conseil syndical ne décide d’une installation commune – les frais d’installation restent à la charge du demandeur.

Malgré tout, équiper les parkings de copropriétés de bornes de recharge reste donc difficile pour les utilisateurs de véhicules électriques, notamment parce que le coût d’installation de l’infrastructure commune (armoire électrique, câblage, compteur) n’est pas mutualisé avec les autres propriétaires. Il pourrait donc être intéressant de faire évoluer la réglementation plus loin sur le sujet (par exemple par la nécessité pour la copropriété de prendre en charge une partie des coûts de raccordement, en anticipation de l’installation d’autres bornes).

Les lecteurs qui souhaiteraient davantage d’informations sur les démarches dans les copropriétés peuvent se référer au Livre Blanc du projet « BienVEnu »89, qui a étudié entre 2015 et 2018 cette question de la recharge dans le résidentiel collectif.

Recharge dans les parkings des entreprises

Pour les entreprises, il existe des obligations réglementaires de pré-câblage, de dimensionnement des installations électriques et d’équipement en bornes de recharge pour véhicule électrique, qui ont été renforcées par la loi LOM en 2019. Elles concernent non seulement les bâtiments neufs, mais aussi les bâtiments existants sous certaines conditions (pas de logements, parc de stationnement bâti et couvert, d’accès réservé aux salariés, capacité de stationnement supérieure à 20 ou 40 places, unique propriétaire et occupant de l’ensemble constitué des locaux et du parc de stationnement).

La recharge publique

L’enjeu est ici double :

• Permettre aux usagers de passage de recharger leur véhicule lorsqu’ils le garent. Pour ces utilisateurs, il est important d’accéder facilement à la carte des points de recharge lorsqu’ils se déplacent. Des sites internet comme https://fr.chargemap.com/ se sont développés à cette fin.

• Permettre aux résidents qui ne disposent pas d’une place de parking de recharger leur véhicule.

D’après l’enquête mobilité du Commissariat général au développement durable de 200890, près de 27 % des foyers motorisés se garent sur l’espace public. Pour cette catégorie d’usagers, des dispositifs de « bornes à la demande » ont été expérimentés à Saint Étienne (http://saint-etienne-metropole.e-totem.fr/ « e-totem »), et pourraient bientôt être adoptés à Paris et Strasbourg 91. Déjà en place dans d’autres villes européennes (ex : Amsterdam), ils permettent aux utilisateurs de véhicules électriques d’indiquer un besoin de borne de recharge sur l’espace public, avec une mise en place généralement réalisée en moins de six mois.

Proposition 3.3 : Étendre les dispositifs de bornes de recharge à la demande

Sur le modèle des dispositifs de « bornes à la demande », recueillir les besoins des utilisateurs pour optimiser le maillage et le taux d’utilisation des bornes publiques de recharge.

L’objectif donné par la loi LOM est d’atteindre 100 000 points de recharge publics en 2022 contre 30 000 actuellement. La recommandation européenne préconise un taux d’une borne publique pour dix véhicules électriques.

Dans la réalisation de ce plan ambitieux, il est important de veiller aux aspects suivants :

• Maillage et positionnement adaptés aux besoins sur tout le territoire (il existe aujourd’hui encore de fortes disparités entre les départements comme l’illustre la Figure 36)92 et réflexions sur le modèle économique (les collectivités sondées évoquent une utilisation minimale de 500 à 900 recharges par borne et par an pour rentrer dans leurs coûts) ;

• Qualité des équipements (certains utilisateurs déplorent le taux important de bornes défectueuses) et facilité de paiement ;

• Suivi du calendrier annoncé pour gagner en crédibilité auprès des particuliers et des industriels (dès 2011, l’État annonçait 75 000 bornes publiques en 2015 puis 400 000 en 2020)93.

Figure 35 – Nombre de véhicules électriques immatriculés par point de recharge publique en septembre 2018

Source : AVERE-France, Renault, GIREVE

La recharge rapide sur les grands axes

Cette recharge rapide est notamment destinée aux conducteurs qui parcourent des distances qui dépassent l’autonomie de leur véhicule, souvent sur des grands axes. Si certains acteurs (ex : Ionity), ont déjà investi pour commencer à mettre en place un tel réseau, il est néanmoins important de parvenir à :

• Trouver un modèle économique rentable, ce qui est aujourd’hui difficile compte tenu du faible taux d’utilisation de ces bornes et des coûts élevés de raccordement au réseau électrique ;

• Standardiser les modes de paiement pour une plus grande simplicité d’usage et une meilleure lisibilité des prix ;

• Accroître la fiabilité et la pérennité des bornes (IZIVIA, la filiale d’EDF qui opère le réseau de recharge Corri-Door a désactivé près de 90 % de ses 200 bornes suite à des incidents techniques, et compte seulement remplacer le quart d’entre elles94).

Les facilités de circulation

Les villes mettent déjà en place des dispositifs qui facilitent la circulation des véhicules peu émetteurs (voir l’exemple des zones à faibles émissions évoquées dans le chapitre 4). Plus généralement, il est pertinent de prévoir des incitations pour favoriser les utilisateurs qui ne sont pas seuls dans leur véhicule ou qui sont équipés de véhicules peu émetteurs.

Proposition 3.4 : Mettre en place des facilités de circulation pour les usagers peu émetteurs (ex : lignes dédiées covoiturage ou électrique, péage réduit)

Ces modalités pourraient notamment concerner :
− Les véhicules électriques ;
− Auto-solisme et favoriser le covoiturage (de telles lignes existent déjà dans de nombreuses villes d’Amérique du Nord depuis quelques décennies).
Une option consisterait à moduler le péage autoroutier selon le taux de remplissage du véhicule. Ce type de mesure sur les autoroutes concédées nécessite un accord préalable de l’État.

Comment répondre au besoin de longs trajets occasionnels ?

Pourtant, il ne paraît pas réaliste de se contenter d’une solution de courte distance, même si elle répond au besoin de l’utilisateur pour 95 % de ses trajets (et pour environ trois quarts des distances qu’il parcourt). Il s’agit donc de trouver des solutions complémentaires au véhicule électrique de courte autonomie, en minimisant le coût en ressources associé.

Pour cela, nous adoptons deux axes principaux :

• Répondre à ce besoin en exploitant le parc existant. Il s’agit d’une approche d’optimisation de l’utilisation des ressources. Elle présente le gros avantage d’être exploitable rapidement, sans avoir besoin de longues phases de développement, puisque les véhicules existent déjà.

• Concevoir les véhicules pour une compatibilité avec la longue distance. Il est important de réfléchir à la façon dont les véhicules produits aujourd’hui pourraient être utilisés demain, afin de répondre à des contraintes environnementales plus fortes.

Location, partage de véhicules thermiques et multimodalité

À court terme, une façon de répondre au besoin de longue distance est de passer par l’utilisation occasionnelle de véhicules thermiques. Bien que celle-ci conduise à maintenir des émissions de CO2 élevées sur les longs trajets, elle permet d’exploiter le parc existant de 30 millions de véhicules thermiques en France, sans avoir besoin de produire massivement de nouveaux véhicules dédiés.

Des offres de location de véhicules thermiques quelques semaines par an sont déjà proposées par certains constructeurs aux acheteurs d’un véhicule électrique. On peut par exemple mentionner l’offre « véhicule de remplacement » de la DIAC qui, pour 30 jours de location par an, propose un forfait allant de 39 € (voiture type Clio) à 49 € (voiture type Scénic) par mois – ce qui correspond à des tarifs moyens de location de respectivement 16 € et 20 € par jour.

Il existe également d’autres façons d’accéder à un véhicule pour des trajets occasionnels, en louant par exemple le véhicule d’un autre particulier. Des plates-formes proposant ce type d’offres existent déjà (getaround, ouicar), et – nous en avons fait l’expérience – fonctionnent plutôt bien.

Les constructeurs pourraient donc proposer des offres croisées avec ces plates-formes pour la location ponctuelle de véhicules. Réciproquement, la location d’un véhicule électrique sur ces plates-formes pourrait convaincre de nouveaux utilisateurs de passer à l’électrique.

Figure 36 – Exemples de services de location de véhicules entre particuliers

Outre ces solutions de locations de véhicules thermiques, il ne faut enfin pas oublier l’importance des solutions multimodales, dans la mesure où le train reste un moyen particulièrement adapté aux longues distances occasionnelles. Pour favoriser son usage, il doit être facile pour l’usager de passer du train à un autre mode de transport (dont la voiture) et réciproquement (que ce soit pour du covoiturage, de la location de véhicule ou bien pour récupérer ou déposer un passager). Il s’agit notamment d’un enjeu important pour les familles ou les voyageurs ayant beaucoup de bagages.

Proposition 3.5 : Faciliter la multimodalité dans les gares

Dans le développement des villes et des gares, veiller à rendre facile l’interface entre train et voiture (dépose-minute, location de voiture, parcs relais).

La place des véhicules hybrides et le rétrofit

Dans les pages qui précèdent, nous n’avons pas beaucoup évoqué la place des véhicules hybrides dans la trajectoire de décarbonation. Nous parlons ici de véhicules électriques hybrides rechargeables (PHEV), qui permettent de ne pas utiliser de carburant fossile pour les petits trajets. Nous n’abordons pas ici le cas des hybridations légères (stop & go, récupération de l’énergie de freinage…).

Le véhicule hybride peut être vu comme une solution alternative avantageuse : en permettant de couvrir les petites distances quotidiennes (la majorité des km parcourus) avec la batterie, il fournit une flexibilité appréciable en garantissant les longs trajets grâce au moteur thermique. Il convient toutefois de rappeler que cet intérêt environnemental suppose une bonne formation du conducteur à l’utilisation du véhicule, en veillant bien à alimenter le moteur au moyen de la batterie pour les petits trajets.

Dans le court terme, cette solution permet de couvrir l’ensemble des besoins en mobilité des individus pour lesquels l’autonomie reste un frein, tout en amorçant une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous pensons qu’il constitue une solution transitoire intéressante, mais limitée à certains segments de marché, d’autant plus que le véhicule hybride est généralement plus cher et plus lourd que le véhicule électrique (du fait de la double motorisation) et que son bilan carbone est moins bon95.

Un véhicule particulier pèse plusieurs centaines de kg, est constitué d’acier, de fonte, de plastique. Il est donc pertinent, du point de vue de l’usage des ressources, de tenter de maximiser la durée d’utilisation de cette enveloppe et d’ouvrir la porte aux changements de la motorisation d’un véhicule au cours de sa vie.

Un arrêté ministériel a été publié au Journal officiel le vendredi 3 avril 2020 pour fixer le cadre réglementaire de la conversion en électrique des véhicules thermiques (opération appelée rétrofit)96. Même si le rétrofit électrique donne depuis juin 2020 le droit à la prime à la conversion97, le coût associé à une telle opération reste très élevé. Cela vient notamment du fait que les véhicules n’ont pas été conçus dans cette optique.

Pour rendre le rétrofit attractif, il est nécessaire de prendre en compte des contraintes d’interopérabilité et de modularité dans les cahiers des charges des constructeurs.
Ce principe peut être appliqué aux véhicules hybrides et électriques, notamment pour permettre le changement de batterie au cours de la vie du véhicule.

Quitte à déployer des véhicules hybrides sur le marché, il paraît important de prévoir dès aujourd’hui la possibilité de les convertir en une solution zéro émissions.

Proposition 3.6 : Inclure la possibilité d’un rétrofit électrique dans les cahiers des charges des constructeurs

Cette proposition concerne en particulier les véhicules hybrides rechargeables, qui sont déjà dotés d’un moteur électrique.
Elle présente également un intérêt pour les véhicules électriques, pour permettre de bénéficier des évolutions des technologies de batteries (ou de changer l’autonomie de la batterie au cours de la vie du véhicule) sans avoir à changer le véhicule complet.

Les prolongateurs d’autonomie externes

Principe

Pour suppléer aux besoins occasionnels de longue distance des détenteurs d’un véhicule électrique de petite autonomie, d’autres solutions innovantes sont aussi à l’étude. Il s’agit notamment des technologies de prolongateurs d’autonomie amovibles, qui peuvent être raccordés aux véhicules pour les longs trajets.

Cela permet en particulier de conserver un véhicule polyvalent et de mutualiser le prolongateur d’autonomie. L’entreprise EP Tender propose pour cela un prolongateur qui prend la forme d’une mini-remorque que l’on accroche à l’arrière du véhicule et qui contient une batterie de quelques dizaines de kWh (Figure 37).

Figure 37 – Prolongateur d’autonomie amovible proposé par l’entreprise EP Tender

Source : EP Tender

En comparaison avec les projets avortés d’échange de batterie (entreprise « Better Place »), cette solution présente les avantages suivants :

• Le besoin de standardisation est plus limité, puisqu’il suffit principalement d’homologuer le véhicule pour le tractage, de prévoir une connectique à l’arrière du véhicule et un protocole de communication avec le système de management de la batterie (BMS – battery management system) ;

• Le prolongateur présente une certaine neutralité technologique : il est possible, sans toucher au véhicule, de renouveler ces remorques au fur et à mesure des progrès technologiques réalisés par les industriels (nouvelles générations de batteries, piles à combustibles).

Si un travail de standardisation est réalisé par les constructeurs, on s’attend à un surcoût modéré (de l’ordre de quelques centaines d’euros) pour rendre les véhicules compatibles avec ces prolongateurs. Une telle solution permettrait donc de rendre le véhicule électrique de petite autonomie plus polyvalent, avec un investissement d’infrastructure relativement limité et pouvant s’échelonner dans le temps (location de véhicules thermiques pendant la phase de montée en puissance).

Si aucune solution grand public n’émerge pour la longue distance à moyen terme, les prolongateurs permettraient aux foyers équipés de petits véhicules électriques de répondre à leurs besoins de trajets longue distance sans devoir changer de véhicule.

Caractéristiques techniques

Afin de répondre correctement au besoin en déplacements longs, une étude réalisée par l’entreprise EP Tender (sur la base de données de déplacements des particuliers) suggère que le dimensionnement suivant est nécessaire :

• Environ 1 prolongateur pour 15 à 20 véhicules ;

• 4 à 6 relocalisations par prolongateur et par an (déplacement d’un prolongateur d’une station vers une autre pour compenser des déséquilibres, en particulier lors des grands départs en vacances) ;

• Environ 400 stations en France (à titre de comparaison, il y a aujourd’hui de l’ordre de 11 000 stations-service en France98, dont près de 450 situées sur des autoroutes et des voies express) ;

• Réalisation moyenne de 11 trajets longs par an (données Mappy).

Ces éléments fournissent des éclairages sur l’immobilisation de matière engendrée par un prolongateur amovible (on voit qu’il faut beaucoup moins d’un prolongateur par véhicule) et sur la question des déséquilibres des flux.

Concernant l’impact sur la consommation énergétique du véhicule, les essais réalisés par l’entreprise indiquent que l’effet de la masse supplémentaire (+ 22 %) peut être partiellement compensé par l’aérodynamisme de l’ensemble roulant formé par la voiture et le prolongateur. Il est ainsi possible d’atteindre une baisse du coefficient de traînée du véhicule de 5 % par rapport à l’utilisation du véhicule électrique seul99. Les tests réalisés avec un prolongateur optimisé aérodynamiquement concluent alors à des surconsommations de 1,5 % à 3 % pour des vitesses comprises entre 110 km/h et 120 km/h.

Le développement de ce type de solutions nécessite toutefois une vigilance particulière sur les éléments suivants :

• Acceptabilité du prolongateur (question esthétique et de manœuvrabilité) ;

• Acquisition et maintenance des prolongateurs ;

• Taille de la petite voiture électrique courte autonomie qui pourrait être insuffisante pour les départs en vacances avec de nombreuses affaires ;

• Crainte par les utilisateurs de ne pas trouver de prolongateur sur leur trajet ;

• Valorisation du prolongateur en dehors des périodes de roulage (à cet égard, des options de services électriques au réseau ou d’autoconsommation sont envisagées).

Ces prolongateurs amovibles présentent un réel intérêt pour accompagner l’électrification des véhicules particuliers avec des petites batteries. Leur réussite dépendra de la capacité des utilisateurs à faire évoluer leur rapport à la voiture et de la confirmation du caractère viable du modèle économique sous-jacent.

Proposition 3.7 : Prévoir la compatibilité des nouveaux véhicules électriques avec des prolongateurs externes

Afin de rendre la solution des prolongateurs d’autonomie plus attractive, les pistes suivantes pourraient être proposées :
– Systématiser l’homologation au tractage des nouveaux véhicules électriques ;
– Standardiser l’infrastructure électrique côté véhicule ;
– Prévoir un bonus dédié si l’option d’équipement est proposée par le constructeur.

La recharge au roulage

Un dernier axe d’étude parfois évoqué est la possibilité de recharger les véhicules individuels électriques pendant le roulage sur l’autoroute, par des solutions conductives par le sol ou inductives (voir Chapitre 2). Le rapport de 2018 du PIARC100 fournit notamment une liste des expérimentations déjà menées. Cependant, la maturité, les contraintes techniques et le coût de ces solutions rendent encore peu probable leur déploiement à court terme.

Proposition 3.8 : Encourager la poursuite de la R&D
sur les solutions de recharge dynamique

Bien que l’électrification des grands axes pour les véhicules légers soit aujourd’hui bien moins mature que pour les poids lourds, il nous paraît utile d’étudier la faisabilité des solutions émergentes sur le sujet.
À cet égard, l’État pourrait mener une veille sur les expérimentations à l’international, afin de promouvoir de façon avisée la R&D réalisée en France sur le sujet.

  • 57 – Détail du calcul : 2,8 × 2,64 kgCO2/L
  • 58 – Détail du calcul : 8000 × 365 × 3000 × 0,32
  • 59 – https://www.auto-infos.fr/Reglementation-europeenne-CAFE,13468.
  • 60 – https://www.auto-infos.fr/Reglementation-CAFE-2021-la-note,11877
  • 61 – https://www.auto-infos.fr/Reglementation-CAFE-le,13376
  • 62 – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34014
  • 63 – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32487
  • 64 – Motor1.com, Dossiers pratiques Malus, neuf et occasion, le barème complet, 2019, https:// fr.motor1.com/features/300400/bonus-malus-2019-le-bareme-complet-la-prime-a-la- conversion/ et https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F19911.
  • 65 – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31484
  • 66 – Cour des Comptes, Aides à l’acquisition de véhicules propres, Note d’analyse, 2018, https:// www.ccomptes.fr/system/files/2019-05/NEB-2018-Aides-acquisition-vehicules-propres.pdf.
  • 67 – Les Echos, Automobile, le boom spectaculaire des voitures électriques en France, article du 2 juillet 2020, https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/automobile-le-boom- spectaculaire-des-voitures-electriques-en-france-1220421.
  • 68 – Fiches-autos.fr, Évolution du nombre de voitures électriques vendues en France, http:// www.fiches-auto.fr/articles-auto/l-auto-en-chiffres/s-1941-evolution-du-nombre-de- voitures-electriques-vendues-en-france.php.
  • 69 – ADEME, Chiffres clés, site Carlabelling, http://carlabelling.ademe.fr/chiffrescles/.
  • 70 – France Stratégie, Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures ? Note d’analyse, juin 2019, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/ fs-na78-2019-emissions-voitures-meilhan-20juin-bat.pdf.
  • 71 – Présentation des feuilles de route des 34 plans de la nouvelle France industrielle, 2014, https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/nouvelle-france-industrielle-sept-2014.pdf.
  • 72 – PFA, La voiture pour tous consommant moins de 2 L/100, Présentation de la PFA, 2014, http://www.pfa-auto.fr/wp-content/uploads/2016/03/Dossier-Presse-Programme- Ve%CC%81hicule-2L-100km.pdf.
  • 73 – ADEME, Impacts des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit, 2014, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/adm00013623_ synthese_etude-limitation-de-vitesse_fev2014.pdf.
  • 74 – Caradisiac.com, 110 km/h sur autoroute : notre grand test, https://www.caradisiac. com/110-km-h-sur-autoroute-notre-grand-test-183962.htm.
  • 75 – Commissariat général au développement durable, Enquête Nationale Transports et Déplacements, 2008, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete- nationale-transports-et-deplacements-entd-2008.
  • 76 – Hypothèse : émissions kilométriques équivalentes pour les trajets longs de plus de 80 km ou de plus de 200 km.
  • 77 – Automobile-propre.com, L’autonomie d’une voiture électrique, mai 2020, https://www. automobile-propre.com/dossiers/autonomie-voiture-electrique/.
  • 78 – L’Argus, Autonomie des voitures électriques : les résultats de nos tests, avril 2020, https:// www.largus.fr/actualite-automobile/autonomie-des-voitures-electriques-les-resultats-de- nos-tests-10283401.html.
  • 79 – Commission Européenne (transports, sécurité routière à l’étranger), Limitations de vitesse sur les routes selon les pays, https://ec.europa.eu/transport/road_safety/going_abroad/ belgium/speed_limits_fr.htm.
  • 80 – Études de l’observatoire de l’ANFA, Le commerce automobile de véhicules particuliers – Portrait sectoriel n°74, juillet 2018, https://www.anfa-auto.fr/sites/default/files/2019-09/ Autofocus%2074.pdf.
  • 81 – Site je-roule-en électrique, Que va changer la loi d’orientation des mobilités ?, février 2020, https://www.je-roule-en-electrique.fr/actualite/que-va-changer-la-loi-dorientation- des-mobilites.
  • 82 – Union Routière de France, Faits et Chiffres, 2019, https://www.unionroutiere.fr/wp- content/uploads/2019/11/Faits-et-Chiffres-2019-Complet.pdf.
  • 83 – Détail du calcul : 1−(1−0,45)/(2×0,45+0,55)=0,62
  • 84 – Détail du calcul : 0,62/2=0,31
  • 85 – https://advenir.mobi
  • 86 – Association Promotelec, Recharge des véhicules électriques : que prévoit la Loi d’Orientation des Mobilités ?, février 2020, https://collectivites.promotelec.com/reglementation/recharge-des- vehicules-electriques-que-prevoit-la-loi-dorientation-des-mobilites/.
  • 87 – DGEC/DGE/ ADEME, Analyses, Infrastructures de recharge pour véhicule électrique, Rapport, 2019, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2019-07- Rapport-IRVE.pdf.
  • 88 – Programme ADVENIR, Recharge en copropriété, faites valoir votre droit à la prise, https://advenir.mobi/2016/09/21/recharge-en-copropriete-faites-valoir-votre-droit-a-la- prise/#more-499.
  • 89 – Projet BienVEnu, Recommandations pour l’installation d’une infrastructure de recharge de véhicules électriques dans le résidentiel collectif existant, https://www.enedis.fr/sites/default/ files/Livre_Blanc_IRVE_en_residentiel_existant.pdf.
  • 90 – Commissariat général au développement durable, Enquête Nationale Transports et Déplacements, 2008, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete- nationale-transports-et-deplacements-entd-2008.
  • 91 – AVEM, Bornes de recharge à la demande, une idée qui fait son chemin, juin 2020, http://www.avem.fr/actualite-bornes-de-recharge-a-la-demande-une-idee-qui-fait-son- chemin-8103.html.
  • 92 – DGEC/DGE/ADEME, Étude sur les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques, 2019, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2019-07-Rapport-IRVE.pdf.
  • 93 – Actu-environnement, Véhicules électriques : un Livre Vert pour développer les infrastructures de recharge publiques, 2011, https://www.actu-environnement.com/ae/news/livre-vert- recharges-voitures-electriques-collectivites-louis-negre-12454.php4.
  • 94 – Les Echos, Véhicule électrique : la plupart des bornes sur autoroute fermées, article du 4 mars 2020, https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/vehicule-electrique- edf-supprime-pres-de-90-des-bornes-de-recharge-du-reseau-corri-door-1180675.
  • 95 – ADEME et IFP, Bilan transversal de l’impact de l’électrification par segment, avril 2018.
  • 96 – https://beta.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041780558
  • 97 – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35285
  • 98 – Connaissances des Énergies, Combien y a-t-il de stations-service en France ?, https://www. connaissancedesenergies.org/le-nombre-de-stations-service-baisse-t-il-en-france-140203.
  • 99 – Données EP Tender, test réalisé avec une Renault Zoé.
  • 100 – PIARC, Electric Road Systems: A solution for the future?, 2018, https://www.trafikverket. se/contentassets/2d8f4da1602a497b82ab6368e93baa6a/piarc_elvag.pdf.
Chapitre 4

Les spécificités des véhicules utilitaires légers pour le passage
à l’électrique

Entre le véhicule particulier et le poids lourd, le véhicule utilitaire léger (VUL) constitue un segment important de la mobilité routière (près de 20 % des émissions). Si une partie de l’analyse sur les véhicules particuliers s’applique également au VUL (mécanismes de bonus-malus, problématiques de recharge, question des longs trajets), leurs profils d’utilisation diffèrent. C’est pourquoi, nous avons choisi de dédier quelques pages au VUL, en particulier pour expliquer en quoi son usage type le rend plus spécifiquement adapté aux batteries d’autonomie limitée.

Nous présentons dans un premier temps une analyse des profils d’utilisation permettant de comprendre la pertinence de la batterie pour ce segment, puis nous évoquons le retour d’expérience de La Poste sur l’utilisation de VUL électriques, avant de présenter enfin le levier des zones à faibles émissions (ZFE) à la disposition des collectivités.

Intérêt du profil d’utilisation des véhicules utilitaires légers pour le passage à l’électrique

Les utilitaires légers sont employés par différents types d’acteurs et pour des finalités qui leur sont propres : transport de marchandises, d’outils ou de matériaux, services (visites aux clients, dépannage, etc.), particuliers.

En 2014, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a publié un travail présentant les principaux usages des VUL101. On y apprend notamment que :

• 90 % des déplacements en VUL s’effectuent sur des distances inférieures à 150 km (les distances supérieures concernent les déménagements et le transport pour compte d’autrui, usages minoritaires) ;

• La distance moyenne d’un trajet en semaine est de 80 km ;

• On observe en moyenne un peu moins de deux déplacements par jour, dont la durée moyenne est de deux heures (chargement et déchargement compris) ;

• Les VUL sont majoritairement utilisés dans des zones urbaines (six déplacements sur dix sont intra-urbains ou interurbains).

Le profil de déplacement des utilitaires légers est bien en phase avec la batterie : les parcours quotidiens sont couverts par l’autonomie de la batterie (150 km), le milieu urbain est doté d’infrastructures de charge plus denses que dans les zones rurales et les VUL ont des kilométrages annuels plus élevés, qui permettent d’amortir plus rapidement le surcoût de la batterie.

Retour d’expérience de La Poste

La Poste dispose du premier parc européen de véhicules électriques (majoritairement des utilitaires légers) et utilise maintenant des véhicules électriques depuis près d’une dizaine d’années. Nous proposons dans cette section de partager un retour d’expérience sur la gestion de ce parc, suite aux échanges que nous avons eu avec Véhiposte – la filiale de La Poste dédiée à la gestion de la flotte automobile.

Contexte de mise en œuvre et place de la RSE

À la suite du Grenelle de l’environnement (2007), La Poste et d’autres acteurs publics ont pris des engagements importants sur l’équipement de leurs flottes en véhicules électriques. La Poste a notamment annoncé l’ambition de s’équiper de 10 000 véhicules électriques, objectif qui a été atteint en 2020. Parmi ces véhicules (qui représentent 20 à 25 % du parc de l’entreprise), on compte près de 7 000 VUL (Renault Kangoo) utilisés pour les tournées postales.

Cette réussite s’explique en particulier par deux facteurs :

• Un choix clair fait sur la stratégie RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) et poussé par la direction ;

• Des profils d’utilisation des véhicules plutôt adaptés à la batterie (besoins limités en autonomie – de 50 à 100 km – et taux d’utilisation important) et la possibilité de recharger les véhicules la nuit en recharge lente dans les bureaux de poste.

Dès lors, on comprend que l’enjeu d’image et les attentes politiques sont des éléments importants pour décider une entreprise à s’équiper de véhicules peu émetteurs. À titre d’exemple, même s’il pourrait être économiquement plus intéressant pour La Poste de s’équiper de véhicules électriques dans les zones urbaines ou périurbaines (kilométrages quotidiens plus élevés), les problématiques de pollution dans les villes et les enjeux d’image incitent plutôt à favoriser les utilisations urbaines.

Il est donc probable que les grands acteurs de la livraison en ville passent à l’électrique dans les prochaines années, pour se « verdir » et répondre aux attentes des consommateurs. On peut notamment citer l’annonce d’Amazon de s’équiper de 100 000 utilitaires électriques102, ou DHL qui a récemment dépassé la barre des 100 véhicules électriques dans son parc français103.

Pour encourager cette évolution et éviter les simples effets d’annonce, une meilleure information des consommateurs sur l’empreinte carbone de leurs livraisons serait susceptible d’accélérer la transition de ces acteurs.

Proposition 4.1 : Mieux informer les consommateurs sur les émissions de leurs achats liées au transport (notamment pour les ventes en ligne)

L’État pourrait imposer aux acteurs du commerce en ligne d’informer l’acheteur des estimations des émissions de CO2 engendrées par les différents modes de livraison proposés (livraison 24h, livraison trois jours, points relais).
Les méthodes de calcul développées par l’ADEME sur les bilans CO2 pourraient être transposées pour réaliser les calculs correspondants.

Exploitation du parc

Après plusieurs années d’utilisations de VUL électriques par La Poste, plusieurs leçons peuvent être tirées :

• Les coûts de maintenance s’avèrent effectivement moins élevés que pour des véhicules thermiques.

• La durée de vie des batteries a été plus élevée qu’initialement attendu (les véhicules sont généralement conservés par La Poste six à sept ans, puis revendus à d’autres professionnels).

• L’offre assez pauvre en VUL électriques (4 modèles disponibles, choix limité sur l’autonomie) est un frein important au passage à l’électrique.

• Les véhicules de fort cubage (typiquement au-delà de 8 m) sont aujourd’hui moins adaptés au passage à l’électrique car ils nécessitent un couple moteur plus élevé.

• Les entreprises envisageant de s’équiper en véhicules électriques sont face à de grandes incertitudes quant à la valeur résiduelle de ces véhicules dans quelques années. Elles sont notamment causées par les incertitudes sur les progrès technologiques (véhicules électriques « long-range » – c’est-à-dire à haute autonomie – atteignant des prix abordables) mais aussi sur les évolutions des politiques publiques (bonus, prime à la conversion).

Importance du juste calibrage du bonus-malus

D’après les retours de La Poste, le maintien d’un coût de détention (TCO) équivalent entre l’électrique et le thermique à l’aide du système de bonus-malus est un facteur clé pour influencer les décisions d’investissement des entreprises.

Proposition 4.2 : Prendre en compte les spécificités des VUL dans le système de bonus-malus

S’il est pertinent de prévoir un bonus plus faible ou nul pour les véhicules particuliers électriques de haute gamme, les plafonds de prix pour être éligible au bonus (qui sont aujourd’hui les mêmes pour les VUL et les véhicules particuliers) pourraient être adaptés pour les VUL.
En effet, les VUL de taille importante, nécessaires pour certains usages, sont en moyenne plus coûteux que les véhicules particuliers, et il s’agit de ne pas les pénaliser dans les trajectoires d’évolution de bonus.

Accompagnement des VUL vers l’électrique en milieu urbain et périurbain

Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) en ville

Les villes disposent d’importants leviers d’action pour orienter la mobilité en leur sein et limiter les émissions de CO2 et de polluants atmosphériques. Conscientes de leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, plusieurs dizaines de grandes villes du monde entier se sont regroupées et ont constitué le C40 (Cities Climate Leadership Group)104.

En France plus précisément, la mise en place de Zones à Faibles Émissions (ZFE, anciennement connues sous le nom de Zones à Circulation Restreinte) se généralise. Il s’agit de périmètres précis dans les villes où l’accès n’est permis que pour les véhicules les moins émetteurs. Les limitations de circulation en vigueur se basent sur la catégorie du véhicule (poids lourds/VUL/véhicules particuliers) et sur les vignettes Crit’Air. Après Paris, Grenoble et Strasbourg, une quinzaine de grandes villes françaises étudient la mise en place de ZFE. Dans la majorité des cas, les ZFE concernent d’abord le transport de marchandises, même si elles pourraient à terme s’étendre aux véhicules particuliers.

Pour autant, il s’agit d’éviter des effets pervers tels que la désagrégation des flux. En effet, l’interdiction des seuls poids lourds dans les centres-villes peut provoquer une multiplication des recours aux véhicules légers en substitution, ce qui aggraverait le bilan environnemental global. Ce phénomène a déjà été constaté lors de la mise en place de la ZFE de Strasbourg, avec mise en évidence d’une augmentation des émissions en analyse de cycle de vie, car les émissions par tonne-km sont bien supérieures pour de petits véhicules105.

Les ZFE sont un mécanisme intéressant aux mains des villes et encouragé par l’État. Le pilotage de leur mise en œuvre par les collectivités nécessite une prise en compte des contraintes des différents acteurs (par exemple pour les petits commerçants ou les artisans) et une réflexion sur les reports occasionnés par les restrictions.
À cet égard, il est intéressant de bien coordonner les restrictions des VUL et des poids lourds, et de définir dans un premier temps des horaires pour les restrictions de circulation, afin de reporter le transport de marchandises dans des périodes de faible circulation permettant des émissions kilométriques moindres.

Existence de solutions alternatives lors de la mise en place de restrictions de circulation

Pour rendre les restrictions acceptables et éviter de fortes contestations sociales, il est important de veiller à ce que des solutions alternatives existent pour les acteurs.

Proposition 4.3 : Veiller à la cohérence des calendriers
de restriction de circulation associés aux ZFE

Il s’agit de concevoir des calendriers de restrictions clairs et complémentaires de mesures incitatives et d’accompagnement.
On peut mentionner entre autres les moyens suivants :
− Accorder des facilités de stationnement aux véhicules les moins émetteurs ;
− Mener un dialogue avec les constructeurs pour s’assurer que les calendriers de mise sur le marché de véhicules utilitaires légers électriques et l’élargissement de leur gamme sont cohérents avec les échéances des restrictions de circulation.

  • 101 – CGDD, Publication n°190, juin 2014, https://www.statistiques.developpement- durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-11/lps190-vul.pdf.
  • 102 – https://www.auto-infos.fr/Amazon-s-engage-dans-l-electrique,12932
  • 103 – Automobile-propre.com, DHL France passe le cap des 100 véhicules zéro-émission, février 2020, https://www.automobile-propre.com/breves/dhl-france-passe-le-cap-des-100- vehicules-zero-emission/.
  • 104 – Site web du C40 : https://www.c40.org/
  • 105 – Source : Eric Ballot, professeur à Mines ParisTech en systèmes de production et logistique.
Chapitre 5

Conséquences de l’électromobilité sur le besoin en électricité

La consommation annuelle d’électricité en France est d’environ 480 TWh. Si l’on se réfère au bilan prévisionnel 2019 de RTE, les véhicules électriques pourraient générer une augmentation de 2 TWh de la consommation d’ici 2022, qui resterait marginale par rapport à la production électrique totale.

Une étude spécifique a été menée par RTE sur les enjeux de l’électromobilité en mai 2019106. Elle estime que, sur la consommation en énergie, le système électrique français serait capable d’accueillir jusqu’à 15 millions de véhicules légers électrifiés d’ici 2035, dont 22 % d’hybrides rechargeables, sans difficulté majeure. Le besoin énergétique associé serait de 35 à 40 TWh. Cette valeur est cohérente avec nos estimations sur la consommation des véhicules électriques : 20 kWh/100 km pour environ 13 000 km/an, soit 2,6 MWh/an/véhicule.

Quant à la pointe de puissance, RTE estime qu’elle sera gérable, sous réserve de la mise en place de solutions simples de pilotage de la recharge des véhicules électriques (par exemple, asservissement tarifaire sur le signal heures pleines/heures creuses de manière similaire au dispositif utilisé aujourd’hui pour l’eau chaude sanitaire).

On notera néanmoins que ces estimations supposent que le développement de la mobilité électrique sera de moindre ampleur pour les véhicules lourds et qu’il concernera principalement la desserte locale. Le développement de solutions d’électrification des autoroutes pour les poids lourds engendrerait donc un besoin électrique supplémentaire. En prenant par exemple l’hypothèse qu’en 2035 la moitié des kilomètres réalisés par les tracteurs routiers107 auront lieu avec une alimentation électrique, soit par caténaires sur les autoroutes soit par la batterie, avec une consommation unitaire de 150 kWh/100 km, on aboutit à un besoin électrique supplémentaire d’environ 15 TWh.

Il nous semblerait pertinent d’intégrer le besoin électrique des poids lourds sur les longues distances dans la prochaine étude d’impact de l’électromobilité de RTE, pour consolider ces valeurs et s’assurer qu’elles sont cohérentes avec la programmation pluriannuelle de l’énergie.

  • 106 – Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique, mai 2019 https://www.concerte.fr/system/files/concertation/Electromobilite%CC%81%20-%20 Synth%C3%A8se%20vFinale.pdf.
  • 107 – Hypothèse : environ 200 000 véhicules, de kilométrage annuel moyen 100 000 km.

 

Conclusion

Entre la loi sur la transition énergétique et la croissance verte de 2015 d’une part, et la loi d’orientation sur les mobilités de 2019 d’autre part, de nombreux efforts ont déjà été réalisés pour encourager la réduction des émissions du transport routier. A la suite de nos échanges avec des acteurs d’horizons variés, nous avons tenté d’identifier des leviers supplémentaires pour accompagner et accélérer la décarbonation du parc de véhicules avec les technologies les plus matures à disposition, en assurant la mise en place d’infrastructures facilitant l’utilisation de ces véhicules peu émetteurs.

Les initiatives sur la décarbonation du transport sont foisonnantes et les convictions sur le sujet sont parfois antagonistes. Bien qu’il ne nous ait pas été possible d’explorer toutes les pistes, nous avons tâché dans ce travail d’adopter une approche d’ingénieurs, en proposant des solutions concrètes, en présentant leurs forces et leurs faiblesses et en fournissant des éléments quantitatifs pour justifier nos analyses.

Pour engager efficacement la décarbonation des transports routiers en tenant compte des contraintes économiques, écologiques et sociales, nous pensons qu’il faudra généraliser le moteur électrique comme moyen de propulsion pour ces transports, et l’alimenter par des batteries embarquées d’autonomie limitée, couplées au déploiement progressif d’infrastructures permettant d’accroître l’autonomie pour la longue distance, comme l’électrification de segments d’autoroutes, les prolongateurs d’autonomie ou l’infrastructure de recharge.

Plus particulièrement, nous espérons que le lecteur retiendra de notre mémoire les deux axes suivants :

Il est pertinent de développer les solutions d’électrification des autoroutes pour les poids lourds qui font déjà l’objet d’études avancées chez nos voisins allemands, pour réduire les émissions sur ces axes qui représentent une fraction limitée du linéaire, mais une grande part du trafic (environ 50 % des émissions des poids lourds). Équiper d’une distribution électrique ces quelques milliers de kilomètres éviterait aux véhicules de devoir transporter un carburant coûteux ou une grande batterie dans des zones où l’alimentation directe est possible et où la fréquentation permettrait de rentabiliser l’infrastructure. La viabilité du déploiement de cette option dépendra des perspectives de développement de solutions alternatives, notamment celles fondées sur l’hydrogène, du bilan carbone effectif et du rythme de décarbonation choisi.

Il est important de promouvoir d’ici 2030 le développement d’un parc de véhicules légers électriques (particuliers et utilitaires) de moyenne autonomie en donnant de la visibilité aux acteurs sur les politiques publiques choisies, tout en encourageant l’émergence de solutions complémentaires de longue distance (multimodalité avec le train, prolongateurs d’autonomie tractables, location de véhicule). Les trajets en voiture de moins de 200 km représenteraient en effet plus de 95 % des déplacements et plus de 80 % des émissions des véhicules particuliers. Le développement de ce parc permettra en outre d’accompagner la mise en œuvre d’une infrastructure de charge et de progressivement repenser le rapport à la voiture particulière.

Point de vue

Marc Alochet, chercheur associé au Centre de Recherche en Gestion de l’école Polytechnique – Institut Interdisciplinaire de l’Innovation / CNRS UMR 9217

Ce rapport consacré aux solutions pour décarboner le transport routier en France a plusieurs mérites. Tout d’abord, sur la forme, il est bien structuré, simple à lire et fort pédagogique. Sur le fond, il construit une argumentation crédible en faveur des Véhicules Électriques à Batterie108 d’autonomie limitée (moins de 200 km) pour le transport de personnes ou de marchandises. En effet, d’une part, le raisonnement concerne bien le cycle de vie complet d’un véhicule et, d’autre part, s’appuie sur de nombreuses études fiables et d’origines variées pour atteindre cette conclusion. Enfin, en sortant des débats habituels opposant les différentes énergies non carbonées les unes aux autres et, en montrant leurs complémentarités d’usage, il contribue à clarifier les enjeux technologiques, industriels et financiers posés par la décarbonation du transport routier en France. Son dernier mérite, qui n’est pas le moindre, est aussi d’exposer clairement les limites des VEB d’autonomie limitée et de construire des propositions visant à surpasser celles-ci.

Compte tenu de la richesse du document, il n’est pas possible, dans une courte note de ce type, d’en commenter l’ensemble des travaux et propositions. Il s’agira donc ici de prolonger les réflexions concernant les nécessaires mesures d’accompagnement complémentaires des VEB à autonomie limitée en traitant de la diminution de leur consommation énergétique109, ce qui contribuerait à l’augmentation de l’autonomie des véhicules à iso capacité batterie.

Les solutions à mettre en œuvre sont principalement du domaine de la conception des VEB. En ce qui concerne le système batterie lui-même, la première mesure consiste à améliorer la densité énergétique des batteries à (quasiment) iso poids et volume110. La deuxième vise à réduire le surpoids, égal actuellement à environ 50 % de la masse des cellules, résultat de l’assemblage des nombreux composants (cf. la figure 1.6. du rapport) qui sont nécessaires pour assurer le packaging mécanique, les raccordements électriques, le refroidissement, le contrôle du système complet. Les actions vont de la réduction de la masse des composants additionnels jusqu’à des optimisations de conception et d’intégration du système batterie complet. La troisième aurait pour objectif d’optimiser le fonctionnement du système lui-même tel que par exemple la gestion des cycles de charge / décharge. Enfin, au-delà des solutions déjà appliquées telles que freinage récupératif, installation d’une pompe à chaleur en lieu et place d’un chauffage traditionnel, etc., il s’agit aussi de réduire la masse du véhicule lui-même, d’améliorer son aérodynamisme et de minimiser l’ensemble des consommations électriques venant puiser dans les ressources de la batterie de traction. Ce menu, bien qu’incomplet ici, est assez conséquent et nécessite tant des collaborations poussées entre les constructeurs et les fournisseurs des composants et systèmes batterie que des niveaux d’investissement élevés. De fait, on peut donc se demander quelles sont les mesures qui pourraient inciter l’industrie à les mettre en œuvre.

La réglementation Européenne fixe des objectifs à atteindre en termes de g CO2/km mais n’est pas intrusive111 sur les solutions technologiques à mettre en œuvre pour les atteindre. C’est ainsi que sont homologués, comme répondant au critère 0 g CO2/km (en utilisation), des véhicules à « faible » consommation énergétique (Renault ZOE, Peugeot e-208) comme des véhicules à « forte » consommation (Mercedes EQC, Jaguar I-Pace, Audi e-tron par exemple).

A contrario, la réglementation Chinoise, module le taux des subventions112 attribuées aux acheteurs de VEB par le niveau de performance atteint par le véhicule sur des critères quantifiés. Parmi ceux-ci, on trouve un critère lié à la consommation énergétique des véhicules et un autre lié à la densité énergétique du système batterie ; pour ce dernier, le seuil d’obtention de la subvention (à taux plein) est de 160 Wh/kg113, ce qui n’est jamais que la valeur atteinte par la Renault ZOE ZE50 à son lancement en 2019 ! Cette approche, qui pousse les constructeurs automobiles à améliorer les performances des véhicules pour rester dans le marché, est bénéfique tant pour les clients finaux que pour l’industrie qu’elle force à se structurer autour d’objectifs présentant un fort challenge national et mondial.

Cette comparaison des approches de deux réglementations, toutes deux ambitieuses en termes de réduction des émissions de CO2, ouvre un autre domaine d’étude concernant la décarbonation du transport routier : quels sont les modèles de coévolution des politiques publiques et des stratégies d’entreprises les plus à même de concilier objectifs environnementaux ambitieux, développement de l’industrie automobile et satisfaction des clients ?

  • 108 – Nommés VEB dans la suite de la note.
  • 109 – Le raisonnement est mené ici en considérant que l’on reste dans la technologie dominante des batteries, à savoir lithium-ion liquide pour être cohérent avec l’approche suivie dans l’étude. Il faut cependant noter que, si la technologie dite solide tenait ses promesses, elle apporterait une forte contribution à l’augmentation de l’autonomie (https://asia.nikkei.com/Business/Technology/Toyota-s-game-changing-solid-state- battery-en-route-for-2021-debut).
  • 110 – À l’instar de ce qui a été fait lors du « doublement » de capacité de la batterie de la ZOE (passage de 22 à 41 kWh).
  • 111 – Même si l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA) considère que la Commission Européenne l’oblige à adopter les VEB.The future of the EU auto industry, ACEA Manifesto 2019-2024, https://www.acea.be/publications/article/the- future-of-the-eu-auto-industry-acea-manifesto-2019-2024.
  • 112 – Prévues pour s’arrêter en tout début 2020, elles ont été prolongées jusqu’à fin 2022 http://www.gov.cn/zhengce/zhengceku/2020-04/23/content_5505502.htm.
  • 113 – New energy vehicle promotion subsidy program and product technical requirements http://m.mof.gov.cn/zcfb/201903/t20190326_3204190.htm.

 

Point de vue

Jean-Luc Brossard, directeur du programme Véhicule à faible empreinte environnementale, Plateforme automobile (PFA), Vice-président Recherche & Innovations Stellantis

Ce rapport réalisé par Samuel Delcourt et Étienne Perrot sur la décarbonation du transport routier est fidèle aux retours de la Plateforme automobile. La réduction de la contribution du transport routier aux émissions nationales de gaz à effet de serre repose ainsi sur les technologies de demain et sur l’amélioration continue de l’efficacité des technologies existantes du parc roulant (notamment au travers de l’autonomie des batteries et de l’optimisation de leur temps de recharge, mais également de la réduction de la consommation en carburant des véhicules thermiques). Nous éclaircissons ici quelques points du rapport.

La première partie de cette étude évoque l’utilisation du véhicule électrique et de la batterie. La pertinence économique en termes de coûts d’achat et d’usage est un élément important pour favoriser la transition de la motorisation thermique à la motorisation électrique. Un véhicule électrique, embarquant 50 kWh de batterie, coûte en moyenne 10 000 € de plus qu’une voiture thermique. Le bonus, actuellement défini en France, de 7 000 € s’applique sur le prix de vente. Après intégration de cette aide et des différents coûts dans le coût de revient, nous retenons que le passage au véhicule électrique pourrait conduire à court et moyen terme, soit à une augmentation du coût de la mobilité, et peut-être à une diminution des volumes de vente, soit à une diminution de la marge opérationnelle des industriels.

Les auteurs soulèvent également, qu’une électrification importante du parc de véhicules entraînerait une réduction possible des recettes fiscales provenant de la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). Celle-ci représente environ 37 milliards d’euros par an. Pour compenser cette perte, une proposition des auteurs est d’étendre cette fiscalité aux énergies fossiles. Cependant, ce mécanisme, qui ne s’appliquerait progressivement que sur de faibles volumes, modifierait en plus le comportement d’achat des consommateurs qui chercheraient à réduire leur consommation d’énergies fossiles. Il est possible que les recettes d’un tel dispositif ne permettent pas de compenser les pertes de revenus liées à la TICPE sur le long terme.

La deuxième partie du rapport traite de l’électrification des poids lourds, une question importante notamment dans les zones proches des pôles urbains dont les contraintes en termes d’émissions et de bruit se renforcent. Les auteurs explorent différentes solutions, dont une solution d’électrification des autoroutes par caténaires, afin de réduire la taille des batteries pour un usage intensif, et de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Cette technologie connue, et déjà expérimentée dans quelques pays, bénéficie d’une implantation possible sur des tronçons prédéfinis, et est probablement moins intrusive qu’une solution par induction tout en préservant une bonne puissance de charge. Les solutions par induction et de type « self-plugging » permettent toutefois un usage plus fluide, et n’ont pas d’impact sur le paysage. Cependant, les systèmes de recharge par induction, en cours d’amélioration, nécessitent d’importants investissements en infrastructures.

Comme mentionné par les auteurs, la mise en place de tels dispositifs nécessite une coordination des acteurs au niveau européen concernant la réglementation et l’adoption d’un standard d’électrification des autoroutes.

Cet ouvrage aborde brièvement les solutions basées sur l’hydrogène et rappelle que celles-ci sont complémentaires des solutions précédentes d’électrification des autoroutes pour les poids lourds lorsqu’ils parcourent des tronçons non électrifiés. En effet, les motorisations électriques et à hydrogène conviennent pour les véhicules utilitaires légers, bus et camions parcourant de longues distances. Pour ces véhicules utilisés principalement pour des flottes, il est possible d’associer une « fuel cell » et un réservoir complémentaire à hydrogène en plus de la batterie électrique pour gagner en autonomie et temps de remplissage.

Enfin, les auteurs abordent rapidement le véhicule hybride rechargeable. Ce type de véhicule, correctement rechargé, permet de rouler 80 % du temps en motorisation électrique pour les trajets du quotidien. Pour les cas particuliers (trajets hors quotidien, longs trajets), le moteur thermique prend le relais. Le véhicule hybride rechargeable permet de réduire les émissions, avec la possibilité d’un roulage « zéro émission » et une moyenne globale bien inférieure à 50 g de CO2 émis par km, et représente une solution de déplacement polyvalente et intensive.

 

Remerciements

Nous tenons d’abord à remercier vivement notre pilote de mémoire, Eric Ballot (École des Mines, Centre de Gestion Scientifique) et nos référents de terrain Marc Mortureux (PFA) et Pierre Messulam (SNCF). Ils ont su nous accompagner tout au long de ce travail, en nous aidant à affiner nos axes d’analyse et en nous mettant en contact avec leurs interlocuteurs du monde industriel, administratif et académique.

Nous sommes également très reconnaissants à toutes les personnes qui ont accepté de nous recevoir ou avec lesquelles nous avons échangé par téléphone ou visioconférence dans le cadre de ce mémoire. Ces échanges ont été essentiels pour nous aider à mieux appréhender la richesse des différents points de vue, ainsi que les freins et opportunités associés aux différentes approches possibles.

Un grand merci en particulier à :

− Jean-Luc Brossard (PFA et PSA)
− Marie-Laure Lenaire (Renault)
− Jean-Marc Lange (Renault Trucks)
− Geoffrey Bouquot (Valéo)
− Stéphane Dupré-Latour (EDF)
− Dominique Lagarde (Enedis)
− Louis-Marie Jacquelin (SAFT)
− Bruno Lebrun (GIREVE)
− Sylvain Lemelletier (GRTgaz
– projet Jupiter 1000)
− Nicolas Lenormant (CNPA)
− Patrick Duprat et Vincent Bonnevay (Alstom)
− Gerrit Stumpe (Siemens
– eHighway project)
− Florent Delval (VINCI Autoroutes)
− Jean-Baptiste Segard et Hugo Basset (EP Tender)
− Thomas Matagne (Ecov)
− Eve Messulam (Terres d’Aventure)
− Robin Girard et Pedro Affonso Nobrega (Mines Paristech, Systèmes énergétiques)
− Dimitri Vergne (BEUC)
− François Combes (Université Gustave Eiffel, IFSTTAR)
− Yann Tremeac (ADEME)
− Thibault Prévost (CGDD)
− Francis Vuibert (Délégué ministériel au développement territorial de l’électromobilité)
− Aurélien Schuller (Carbone 4)
− Christophe Jouvensal (Expert logistique)
− Laurent Gérardin (La Poste)
− Alain Rolland (Station E)

Merci enfin à toutes les autres personnes parmi nos amis et nos familles avec lesquelles nous avons discuté et débattu de façon informelle de ce sujet passionnant.

Bibliographie

Les références de nos sources sont citées au fil du rapport. Il nous paraît cependant opportun de fournir ici un récapitulatif des documents qui nous paraissent particulièrement utiles pour les lecteurs souhaitant approfondir le sujet.

Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes, Chiffres clés de l’ASFA, 2020, https://www.autoroutes.fr/FCKeditor/UserFiles/File/Chiffres_cles_2020.PDF.

AVERE et le Ministère de la Transition écologique, https://www.je-roule-en-electrique.fr/.

Blanck R., Görz W., Modelling market uptake of Electric-Road-Solution (ERS) in Germany – 2019, https://electricroads.org/wp-content/uploads/ers-conference-2019/scientific/8/Blanck_ERS-Conference-2019.pdf.

Borie S., Jancovici J.-M., Schuller A. (Carbone 4), L’autoroute électrique : une innovation pour réduire les émissions de CO2 du transport de marchandises, 2017, www.carbone4.com/wp-content/uploads/2017/02/201702_Autoroute-electrique_Communication_Carbone-4.pdf.

Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du climat, Datalab, 2020, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-11/datalab-62-chiffres-cles-du-climat-france-europe-monde-edition2020-novembre2019_0.pdf.

Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport, Datalab, 2020, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-03/datalab-66-chiffres-cles-transport-edition-2020-mars2020.pdf.

Commissariat général au développement durable, Enquête Nationale Transport et Déplacements, 2008 (résultats de la nouvelle enquête attendus fin 2020), https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-nationale-transports-et-deplacements-entd-2008.

Commissariat général au développement durable, Publication n°190 : Les véhicules utilitaires légers : une bonne complémentarité avec les poids lourds – 2014, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-11/lps190-vul.pdf.

Conseil National Routier, Enquête longue distance, 2018 – http://www.cnr.fr/Publications-CNR/Enquete-CNR-longue-Distance-2018.

Cour de Comptes, Rapport de la Cour des comptes sur les aides à l’acquisition de véhicules propres, 2020, https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Aides-acquisition-vehicules-propres.pdf.

DGEC/DGE/ADEME, Étude sur les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques, 2019, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2019-07-Rapport-IRVE.pdf.

Getaroud et Ouicar, https://fr.getaround.com/, https://www.ouicar.fr/.

Hacker F. (Öko-Institut), Getting zero emission trucks on the road – From regional to long-haul – Comparing the costs and benefits of different technologies: A case study for Germany, 2019, https://www.oeko.de/fileadmin/oekodoc/TE-ZE-Truck-WS-Brussels.pdf.

Haut conseil pour le climat, Redresser le cap, relancer la transition, rapport annuel 2020 du Haut conseil pour le climat, juillet 2020.

McKinnon A., Decarbonizing logistics, distributing goods in a low-carbon world, 2018.

Messulam P., Regniault F., Que faire de la SNCF – 2016.

PIARC, Electric Road Systems: A solution for the future?, 2018, https://www.trafikverket.se/contentassets/2d8f4da1602a497b82ab6368e93baa6a/piarc_elvag.pdf.

Segard J.-P., Pitch EP-Tender – 2020, http://eptender.com/wp-content/uploads/2019/10/EP-Tender-pitch-june-2020_v2.pdf.

Union Routière de France, Faits et chiffres, 2019 – https://www.unionroutiere.fr/faitetchiffre/faits-et-chiffres-2019/.