Internationalisation, performances des entreprises et emploi
Résumé
L’opinion publique assimile souvent l’internationalisation des entreprises aux délocalisations, aux fermetures d’usine, à l’intensification de la concurrence étrangère, et plus globalement, à la destruction du tissu industriel français. L’analyse des études les plus récentes fait apparaître une réalité plus contrastée. D’un coté, l’internationalisation des entreprises a un effet positif sur leur chiffre d’affaires, leur innovation et leur emploi en France, et contribue donc au développement de l’activité industrielle en France. D’un autre coté, elle profite surtout aux emplois qualifiés (conception, fonctions supports) et provoque la destruction d’emplois peu qualifiés.
La mondialisation n’est pas la seule responsable de la désindustrialisation
Le poids décroissant de l’industrie dans l’économie française ne tient pas seulement à la mondialisation, mais aussi à plusieurs évolutions naturelles des économies développées. Quand les entreprises industrielles externalisent certains services (nettoyage, restauration, infogérance… des sites industriels), les emplois correspondants basculent statistiquement dans le secteur des services sans aucun changement sur le terrain. Par ailleurs, les gains de productivité de l’industrie font que les besoins de main d’œuvre de ce secteur diminuent. Bien que ces gains de productivité aboutissent également à une baisse des prix des produits manufacturés, et donc à une hausse de leur demande, cette dernière n’est pas suffisante pour compenser le premier effet de réduction des besoins de main d’œuvre. Enfin, la hausse du revenu des ménages, qui découle des gains de productivité réalisés dans l’ensemble de l’économie, est davantage utilisée pour consommer des services que des biens industriels. Tous ces phénomènes, observables dans toutes les économies développées, ne doivent rien à la mondialisation.
La principale motivation d’implantation à l’étranger est la conquête de nouveaux marchés
L’accès à un marché porteur est le principal déterminant des choix de localisation des firmes multinationales, devant l’optimisation des coûts de production ou du niveau de fiscalité. 87% des dirigeants d’entreprises françaises multinationales indiquent ainsi que la principale motivation de leur implantation étrangère est d’accéder à des marchés en pleine croissance. L’intérêt de fabriquer à l’étranger ce qui sera ensuite réimporté en France n’est un motif très important que pour 10 % d’entre eux.
L’implantation des firmes à l’étranger crée de la valeur en France
Les études empiriques révèlent que les entreprises internationalisées sont plus grandes, plus productives et versent des salaires plus élevés que les autres, indépendamment du pays, du secteur ou de la conjoncture. La question est de savoir si ces bonnes performances sont plutôt la conséquence ou l’origine de leur décision de s’internationaliser. En réalité, la causalité est double. S’implanter à l’étranger nécessite une taille critique, des produits innovants, un personnel qualifié et une structure financière solide : il s’opère ainsi naturellement une sélection des firmes les plus performantes sur les marchés étrangers. Cependant, les firmes qui investissent à l’étranger pour la première fois consolident encore leur avantage ex-post : elles connaissent, durant les trois années qui suivent leurs investissements, une croissance plus rapide de leurs ventes, de leur valeur ajoutée, de leurs effectifs et de leurs exportations que les firmes qui décident de rester sur le territoire national. On observe également un effet positif sur l’innovation.
Tableau : Impact de la première implantation industrielle à l’étranger sur les performances de la maison-mère en France au bout de trois ans
Chiffre d’affaires |
Valeur ajoutée |
Emploi |
+8,03% |
+9,30% |
+6,57% |
Champ : Entreprises industrielles de plus de 20 salariés, 1996 – 2007
Source : EAE Industrie, LiFi – calculs de Gazaniol et Peltrault (2010)
Cet impact positif, essentiellement concentré sur les filiales de groupes français, s’explique par un effet revenu : en permettant une meilleure pénétration des marchés extérieurs, l’implantation à l’étranger a un effet d’entrainement sur l’activité de la maison-mère en France (accès à de nouveaux marchés, approvisionnement de la filiale à l’étranger, fonctions supports).
La fragmentation du processus productif à l’échelle mondiale génère des gains de productivité et un accroissement des exportations des entreprises
Pour apprécier l’impact de la fragmentation du processus productif sur la productivité et les exportations, on s’intéresse aux conséquences du commerce de biens intermédiaires. La hausse des importations de biens intermédiaires peut accroître la productivité des entreprises grâce à trois mécanismes : i) l’accroissement de la concurrence entre producteurs fait baisser le prix de ces biens, ii) l’accès à des biens intermédiaires plus variés, mieux adaptés aux processus de fabrication des entreprises, est facilité et iii) la possibilité de délocaliser certains segments de la chaîne de valeur permet d’accroître l’efficacité de l’entreprise.
Par exemple, en France, toutes choses égales par ailleurs, les firmes industrielles qui doublent le nombre de variétés de biens intermédiaires importés accroissent leur productivité de 4 %. Cet effet augmente de 60 % lorsque ces importations proviennent de pays développés : ce constat suggère que les gains d’efficacité découlant de l’importation sont essentiellement liés à des transferts de technologie. Du fait de son effet sur la productivité, la hausse des importations permet alors aux entreprises françaises d’accroître leurs exportations.
Toutefois, la mondialisation touche de plein fouet certains bassins d’emplois, métiers ou secteurs d’activité
Bien que les délocalisations concernent un nombre limité d’emplois industriels détruits (1 sur 300), elles peuvent violemment affecter les travailleurs les moins qualifiés ainsi que certains bassins d’emplois très spécialisés. Au niveau microéconomique, les effets des délocalisations deviennent ainsi plus visibles et plus significatifs. Sans surprise, les secteurs les plus concernés par les délocalisations vers les pays à bas salaires sont les plus intensifs en main d’œuvre comme l’habillement, les équipements du foyer ou les composants électroniques. Les délocalisations seraient surtout le fait de grands groupes : ceux de plus de 500 salariés, qui représentent la moitié de l’emploi en France, regrouperaient les deux tiers des emplois délocalisés.
Les employés peu qualifiés ont donc davantage à craindre de l’internationalisation de leur entreprise
L’accroissement des délocalisations s’est accompagné d’une recomposition de la demande de main d’œuvre en faveur des travailleurs qualifiés, au sein d’un même secteur d’activité. Les groupes multinationaux réorientent peu à peu les activités de la maison-mère vers les fonctions supports et la R&D. Ainsi, la proportion de cadres et d’ingénieurs au sein des entreprises s’accroit nettement avec leur degré d’insertion sur les marchés extérieurs.
Les études empiriques les plus récentes, qui utilisent des données combinant informations sur les salariés et leur employeur, tendent à montrer que les travailleurs peu qualifiés sont plus durement touchés par les délocalisations, à la fois en termes d’emploi et de rémunération. Ce constat constitue un défi pour les politiques publiques de l’emploi, de la formation et, plus généralement, de la gestion territoriale des emplois et des compétences.
En conclusion
Dissuader les entreprises de recourir à la production étrangère aurait des effets contreproductifs sur leur compétitivité et sur l’emploi industriel. Cependant, les délocalisations contribuent à accroître les inégalités entre travailleurs qualifiés et non qualifiés au sein de chaque secteur d’activité, tant en termes de sécurité de l’emploi que de rémunération. C’est en recherchant un meilleur fonctionnement du marché du travail et des dispositifs de formation que l’on peut espérer atténuer ces effets négatifs.
Préface
La mondialisation est souvent présentée, dans le débat public, comme étant à l’origine du repli de l’emploi industriel en France. L’internationalisation des entreprises serait synonyme de délocalisations, de fermetures d’usines, d’intensification de la concurrence étrangère, et donc une cause de la désindustrialisation française. Pourtant, une analyse approfondie des effets de l’internationalisation des entreprises montre une réalité différente.
Alexandre Gazaniol présente dans cette note une synthèse des études les plus récentes sur l’impact de l’internationalisation des entreprises sur leurs performances et sur l’emploi. Son travail contredit certaines idées reçues. Les délocalisations, par exemple, souvent associées à un déplacement massif de la production vers des pays à bas salaires, ne représentent en fait qu’une faible proportion des emplois industriels détruits en France (1 sur 300). Elles sont principalement motivées par l’accès à de nouveaux marchés, loin devant des critères de coûts de production ou de niveau de fiscalité. Surtout, les résultats convergents de différentes études empiriques indiquent que l’implantation d’une filiale à l’étranger a un effet globalement positif sur la production, la productivité, l’emploi en France de la maison-mère et ses performances à l’exportation.
Au niveau macroéconomique, la mondialisation produit donc des effets « gagnant-gagnant ». Ceci ne veut pas dire, souligne Alexandre Gazaniol, qu’il n’y a pas de perdants. Certains territoires, certains secteurs d’activités, certains métiers, sont frappés de plein fouet par les fermetures d’usines. En s’internationalisant, les entreprises industrielles se transforment, modifient la structure des emplois et des compétences demandées dans leur pays d’origine. Elles participent ainsi à un processus de « destruction créatrice » qui accroit les inégalités entre travailleurs qualifiés et peu qualifiés.
J’ajoute qu’au-delà des coûts économiques immédiatement mesurables, la délocalisation de certains emplois ou la fermeture d’usines peuvent déstabiliser le tissu économique et social d’un territoire. Elle rejaillit aussi sur l’image de l’industrie, appréhendée alors comme une activité précaire, risquée, ne prenant pas en compte ses externalités.
La note d’Alexandre Gazaniol ne néglige pas les problèmes qu’induit l’internationalisation des entreprises. Les politiques publiques ont donc un rôle primordial à jouer pour que l’industrie française puisse bénéficier davantage des gains liés à la mondialisation tout en limitant ses effets négatifs pour certains. Elles agissent notamment sur les caractéristiques structurelles des économies touchées, dont dépendent la capacité d’un ouvrier à acquérir les qualifications nécessaires pour retrouver un emploi valorisant, la capacité d’un territoire à anticiper les mutations économiques, la capacité d’un pays à renouveler son tissu d’entreprises capables de conquérir des marchés étrangers…
Au-delà des mesures macro-économiques, il faut aussi développer des savoir-faire de terrain pour prévenir autant que faire se peut et sinon surmonter les traumatismes qu’engendrent ces mutations lorsqu’elles sont inévitables. C’est ce qu’ont entrepris d’autres chantiers de La Fabrique, en se penchant sur la manière dont les entreprises peuvent s’investir dans le développement des ressources humaines de leur territoire en dehors des situations de crise ou en analysant des pratiques de gestion des reconversions.
Alexandre Gazaniol nous montre que les entreprises qui implantent ou achètent des unités de production à l’étranger innovent plus, exportent plus et créent plus d’emplois en France que les autres. Mais il faut se garder d’un optimisme béat et agir pour maîtriser la mondialisation, dans le souci des personnes et des territoires qu’elle déstabilise. La compétition internationale est de plus en plus rude. Elle doit s’exprimer dans le cadre de règles équitables. Le principe de réciprocité, appliqué au niveau européen, doit permettre de s’assurer que chacun respecte ces règles. Il prolonge et complète l’action des institutions internationales compétentes dans ce domaine, au premier rang desquelles l’Organisation Mondiale du Commerce.
Louis Gallois
Introduction
La désindustrialisation de l’économie française occupe aujourd’hui une place prépondérante dans le débat public. Selon l’INSEE, la France a perdu 1,9 millions d’emplois industriels entre 1980 et 2007 et la contribution du secteur manufacturier au PIB est ainsi passée de 24% à 14% sur la même période. Alors que de nombreux facteurs internes peuvent expliquer cette évolution – externalisation de tâches au secteur des services, différentiels de gains de productivité entre secteurs – c’est la mondialisation qui est le plus systématiquement mise en cause. Si la France perd ses emplois industriels, elle le devrait essentiellement aux délocalisations et à l’intensification de la concurrence étrangère.
La question des effets de la mondialisation sur l’emploi est un sujet difficile pour les économistes. Les premières difficultés sont d’ordre méthodologique et le sujet des délocalisations les illustre bien. Si les déménagements d’usines à l’étranger obtiennent un retentissement immédiat dans la presse nationale, quantifier ces opérations avec des données statistiques est un exercice bien plus compliqué, car les délocalisations revêtent plusieurs formes (implantation à l’étranger, recours à la sous-traitance) et impliquent d’identifier le transfert à l’étranger d’une activité auparavant réalisée dans le pays d’origine, ce qui est souvent impossible sans données déclaratives. Passée cette difficulté à mesurer le phénomène, évaluer l’impact des délocalisations sur la production et l’emploi domestiques nécessite de faire une distinction entre microéconomie et macroéconomie : les délocalisations peuvent améliorer l’efficacité d’une économie prise dans son ensemble, en permettant une réallocation des ressources vers les activités les plus productives, tout en ayant des effets violents sur certains bassins d’emplois très spécialisés. Au niveau des entreprises, l’effet des délocalisations n’est d’ailleurs pas aussi tranché qu’il n’y paraît : une délocalisation entraîne certes une réduction des effectifs dans le pays d’origine à court terme, mais peut aussi permettre à l’entreprise d’améliorer sa compétitivité-prix et ainsi de regagner des parts de marchés à plus long terme. Les effets négatifs sont ainsi visibles immédiatement, tandis que les effets positifs ne le sont potentiellement qu’au bout de plusieurs années. Plus important, la question du scénario contrefactuel se pose : que serait devenue l’entreprise si elle n’avait pas délocalisé ? Aurait-elle survécu ? Aurait-elle de toute façon automatisé une partie de sa production ? Le contrefactuel n’étant pas observable, les économistes doivent le reconstituer, en se basant sur des hypothèses forcément discutables.
La seconde difficulté tient à l’impossibilité de dissocier les effets de la mondialisation des caractéristiques structurelles des économies touchées : flexibilité du marché du travail, mobilité des travailleurs, formation professionnelle, environnement des affaires, fiscalité, etc. En effet, de ces facteurs dépendent la capacité des ouvriers dont l’usine ferme à retrouver un emploi ; la capacité d’un pays à renouveler son tissu d’entreprises capables de conquérir les marchés étrangers ; et, de manière plus générale, la capacité d’un pays à optimiser les gains de la mondialisation tout en limitant les pertes. De ce point de vue, les effets de la mondialisation posent également – et peut-être avant tout – un problème politique, qui dépasse largement l’analyse économique.
Les économistes ont toutefois considérablement amélioré leur compréhension des déterminants du commerce international et de ses effets sur l’emploi durant ces quinze dernières années. Cette compréhension s’est notamment affinée avec une approche microéconomique, analysant directement le processus d’internationalisation des entreprises, grâce à l’accès à des bases de données individuelles particulièrement riches. Ces données permettent aux économistes de s’affranchir de l’une des principales insuffisances de l’analyse macroéconomique, qui peut difficilement dissocier l’effet de la mondialisation de celui du progrès technique. A l’inverse, les effets de la mondialisation au niveau des entreprises et des individus sont plus nets : la concurrence étrangère fait disparaître les entreprises les moins productives ; les entreprises qui recourent aux délocalisations abandonnent certains créneaux de la chaîne de valeur et restructurent leur masse salariale ; les individus concèdent des baisses de salaires pour conserver leur emploi. Les études empiriques permettent ainsi de mesurer précisément l’effet d’une implantation étrangère sur l’emploi de la maison-mère, d’identifier des présomptions de délocalisation au niveau microéconomique, d’étudier finement la structure d’emploi des firmes multinationales ou encore d’observer les effets de la mondialisation sur les trajectoires professionnelles des salariés.
Cette richesse des données a permis de remettre en cause un certain nombre d’idées reçues : on constate notamment que l’importation peut constituer un tremplin efficace pour l’exportation ; que les sociétés qui s’implantent à l’étranger sont également celles qui exportent le plus depuis leurs pays d’origine ; ou encore qu’il n’y a pas de substitution parfaite entre production nationale et production à l’étranger. Les stratégies des firmes internationalisées sont en réalité bien plus complexes que le débat public ne le laisse souvent entendre.
Cette note vise à faire une synthèse non technique de ces avancées. Le premier chapitre s’intéresse aux primes de performances des firmes internationalisées. Le deuxième chapitre s’intéresse aux conséquences de l’implantation à l’étranger sur la production et l’emploi de la maison-mère. Enfin, le troisième chapitre s’intéresse aux conséquences du fractionnement des chaînes de valeur sur la compétitivité des entreprises, sur l’emploi et sur la hausse des inégalités entre travailleurs qualifiés et peu qualifiés.
Primes de performances des firmes internationalisées
L’approche microéconomique de la recherche sur le commerce international part tout d’abord d’un constat : les structures sectorielles ne parviennent pas à expliquer les différences de performances à l’exportation entre pays industrialisés. Il existe en effet une forte hétérogénéité entre firmes au sein d’un même secteur d’activité, et cette hétérogénéité apparaît systématiquement liée à l’activité d’exportation : indépendamment du pays, du secteur ou de la conjoncture, les firmes exportatrices se révèlent plus grandes, plus productives, plus innovantes et plus capitalistiques que les firmes produisant uniquement pour le marché domestique (voir la synthèse de Wagner, 2011). En travaillant sur un échantillon harmonisé regroupant des firmes de sept pays européens1, Navaretti et al. (2010) montrent que ces caractéristiques des entreprises – taille, productivité – déterminent bien plus la participation au commerce international que le secteur ou le pays d’appartenance. Les performances à l’exportation de l’Allemagne ne s’expliquent pas seulement par sa spécialisation sectorielle plus favorable, mais aussi par un tissu d’entreprises de taille moyenne plus dense.
Ce constat a donné naissance au modèle pionner de Melitz (2003), dont l’hypothèse centrale est la suivante : l’activité d’exportation s’accompagne de coûts fixes irrécouvrables, tels que la réalisation d’études de marché, les frais de prospection, la recherche de distributeurs ou encore l’adaptation des produits aux normes locales. Seules les firmes les plus productives peuvent surmonter ces coûts : l’ouverture au commerce international entraîne ainsi une sélection naturelle des firmes les plus efficaces sur les marchés étrangers. Les nouvelles opportunités de profit induites par l’ouverture aux marchés extérieurs accroissent la demande de travail de ces firmes, ainsi que celle des nouveaux entrants dans le secteur : la hausse du salaire réel accroît le niveau de productivité nécessaire pour maintenir des profits positifs et contraint ainsi les firmes les moins productives à sortir du marché. Ces deux effets de sélection – sortie des firmes les moins productives et exportation des firmes les plus productives – réallouent les parts de marchés vers les firmes les plus efficaces, et contribuent ainsi à élever le niveau agrégé de productivité.
Le raisonnement peut être étendu aux firmes qui choisissent de desservir les marchés étrangers en s’implantant localement, sous la forme d’Investissement Direct Etranger (IDE)2. L’IDE permet à l’entreprise d’économiser les coûts de transport et les droits de douanes, mais implique un coût fixe plus élevé que l’exportation, car l’entreprise doit répliquer son unité de production à l’étranger. Cette forme d’internationalisation est ainsi réservée aux entreprises les plus productives ; les firmes avec un niveau de productivité intermédiaire se contentent d’exporter ; les firmes les moins productives restent domestiques (Helpman et al., 2004). Dans l’esprit de ces modèles dits de « firmes hétérogènes », cette hiérarchie s’explique par un effet de sélection : l’internationalisation est un révélateur de bonnes performances.
Primes à l’exportation et à l’implantation dans l’industrie française
Le tableau 1 illustre cette hiérarchie dans l’industrie manufacturière française. Conformément à la théorie, on constate que les firmes implantées à l’étranger sont plus grandes et plus productives que les firmes exportant sans filiale étrangère, elles-mêmes plus performantes que les firmes vendant uniquement sur le marché français.
De façon intéressante, ces primes de performances liées à l’internationalisation existent même au sein du groupe des PME : elles ne découlent donc pas du poids de quelques grands groupes globalisés dans l’économie française. En effet, si l’on se concentre uniquement sur les sociétés employant entre 20 et 249 salariés, nous constatons qu’en moyenne, les sociétés domestiques réalisent 8,5 millions d’euros de chiffres d’affaires (CA) et emploient 46 salariés ; ces mêmes chiffres s’élèvent déjà à 13,7 millions d’euros et 61 salariés pour les firmes se contentant d’exporter ; enfin, en moyenne, les sociétés implantées à l’étranger réalisent un CA (en France) de 43 millions d’euros et emploient 88 salariés en France (soit presque le double des sociétés purement domestiques). Plus surprenant, ces dernières exportent en moyenne plus de la moitié de leur production, contre moins d’un quart pour les sociétés exportant sans filiale à l’étranger. Notons au passage que les firmes multinationales affichent également une prime en termes de valeur ajoutée, et qu’elles ne se contentent donc pas de revendre en France une production réalisée à l’étranger. L’analyse économétrique confirme enfin que ces primes sont indépendantes du secteur d’activité, de la conjoncture et de l’appartenance à un groupe (voir Gazaniol et al., 2011).
Tableau 1 : Performances des sociétés françaises dans l’industrie manufacturière selon leur degré d’internationalisation et leur taille, en 2009
Lecture : il y a 542 sociétés industrielles employant entre 50 et 5 000 salariés qui sont implantées à l’étranger. Elles ont un CA moyen de 262,1 millions d’euros.
Champ : sociétés de l’industrie manufacturière en 2009, hors sociétés « mono-salarié » ou employant plus de 5 000 salariés.
Sources : FARE et enquête LiFi, Calculs de l’auteur.
Des salaires plus élevés dans les firmes internationalisées
La littérature montre également que les firmes exportatrices versent des salaires plus élevés que les firmes domestiques, et ce au sein d’une même industrie (Bernard et Jensen, 1995, 1997). L’origine de cette prime de salaires demeure un sujet relativement ouvert. Les études les plus récentes, qui combinent données sur les entreprises et sur leurs employés, constatent globalement que la prime de salaire demeure significative après avoir contrôlé les caractéristiques observables et inobservables des individus et des firmes (voir par exemple Shank et al., 2007). Autrement dit, cette prime ne s’expliquerait ni par le fait que les exportateurs sont de plus grande taille, ni par un simple effet de composition de la main d’œuvre3.
Encore une fois, ce constat se vérifie sur données françaises. A partir d’un échantillon de 880 000 salariés dans l’industrie manufacturière, une étude récente du cabinet de conseil Pramex International4 montre que les PME et ETI françaises implantées à l’étranger versent, en France, des salaires plus élevés que les PME et ETI exportatrices/importatrices ou domestiques, que ce soit pour les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires ou les cadres. En moyenne, un ouvrier travaillant dans une firme multinationale touche un salaire horaire brut supérieur de 9,2% à celui d’un ouvrier travaillant dans une firme domestique. Au sein des employés, cette différence s’élève à 7%, tandis qu’elle atteint 11,4% pour les cadres et 53,7% pour les chefs d’entreprises (cf. tableau 2).
De façon intéressante, la prime de salaires versée aux ouvriers disparaît une fois que la taille de l’entreprise est prise en compte : les ouvriers des firmes multinationales bénéficient simplement du fait de travailler pour une grande entreprise (présence plus forte des syndicats en raison des seuils sociaux, mise en place de la participation et de l’intéressement, revendications salariales plus importantes en raison de la bonne santé de l’entreprise). Cela ne signifie pas que les primes de salaires de ces catégories socioprofessionnelles ne soient pas liées à l’internationalisation : si celle-ci permet aux entreprises de trouver de nouveaux relais de croissance, elle peut indirectement avoir un effet positif sur leurs salaires. A l’inverse, les primes de salaires des cadres et des chefs d’entreprises résistent à l’effet taille : ce constat suggère que ces catégories parviennent mieux à capter la rente liée à l’internationalisation de leur entreprise, ou que la mondialisation leur permet mieux de valoriser leurs atouts et leurs compétences sur le marché du travail.
Tableau 2 : Salaire horaire brut (en euros) de chaque catégorie socioprofessionnelle selon le degré d’internationalisation de l’employeur, en 2007
Lecture : un ouvrier travaillant dans une entreprise domestique gagne un salaire horaire brut moyen de 12,04 euros.
Champ : salariés des entreprises de plus de 20 salariés dont l’activité est principalement industrielle en 2007.
Sources : enquêtes annuelles entreprises LiFi, douanes, DADS (fichier poste) – calculs de l’auteur.
Effet de sélection ou amélioration des performances ex-post ?
Bien entendu, ces chiffres ne permettent de tirer aucune conclusion concernant le lien de causalité entre internationalisation, performances des entreprises et niveau des salaires. Comme nous l’avons expliqué plus haut, la décision de s’internationaliser implique de surmonter des coûts fixes importants, que seules les entreprises les plus efficaces peuvent surmonter. Cet effet de sélection est confirmé par toutes les études empiriques, que ce soit pour les exportateurs (sur données françaises, voir Crozet et al., 2008), pour les importateurs (Bas et Strauss Kahn, 2011) ou les firmes qui s’implantent à l’étranger (voir Irac, 2008 ; Hijzen et al., 2009 ; Gazaniol et Peltrault, 2010). Si les firmes qui s’internationalisent sont déjà plus performantes que les firmes restant domestiques ex-ante, elles risquent vraisemblablement de conserver cet avantage ex-post. Tout l’enjeu des études empiriques est donc de trouver des techniques adaptées pour tenir compte de cet effet de sélection, et ainsi isoler l’effet de l’internationalisation sur les performances des entreprises.
- 1- Allemagne, Autriche, Espagne, France, Hongrie, Italie, Royaume-Uni.
- 2- Selon la définition du FMI, l’Investissement Direct Etranger (IDE) correspond à une prise de participation d’au moins 10% au capital d’une société étrangère. En dessous de ce seuil de 10%, les participations sont définies comme des investissements de portefeuille.
- 3- Selon Irarrazabal et al. (2009), seulement entre 15% et 40% de la prime de productivité des exportateurs s’expliquerait par une meilleure qualification de leur main d’œuvre (le chiffre variant selon la méthodologie retenue).
- 4- Voir Gazaniol (2012a).
Impact de l’implantation à l’étranger sur l’activité de la maison-mère
Selon l’enquête Liaisons Financières (LiFi), réalisée chaque année par l’INSEE, la France comptait en 2009 environ 2 600 firmes multinationales à capitaux français5. Tous secteurs confondus, presque les deux tiers de ces firmes étaient des groupes employant moins de 250 salariés en France (seules 4% étaient des groupes de plus de 5 000 salariés). La moitié de ces entreprises n’étaient présentes que dans un seul pays étranger (le plus souvent à haut revenu) et seules 10% avaient des filiales dans plus de dix pays d’implantation. Selon l’enquête FATS-Outward, qui demande aux entreprises françaises de chiffrer leur production et leurs emplois à l’étranger6, l’Asie du Sud-est concentrait la même année moins de 5% des effectifs de groupes français à l’étranger (idem pour la région du Maghreb et du Moyen-Orient) et les BRIC à peine 17%7. A l’inverse, l’union Européenne réunissait 53% des filiales à l’étranger, 53% de leur chiffre d’affaires et 44% de leurs emplois. Plus précisément, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie concentraient à eux-seuls 76% de l’emploi des filiales étrangères.
L’opinion publique assimile le plus souvent les entreprises françaises implantées à l’étranger à de grands groupes globalisés de longue date, délocalisant massivement leur production dans des pays à bas salaire. Ces chiffres montrent à quel point ces perceptions sont éloignées de la réalité : ces groupes sont en fait majoritairement des PME, implantées dans un ou deux pays étrangers et réalisant l’essentiel de leur production dans des pays à haut revenu. Ce dernier constat reflète simplement la principale motivation des firmes qui s’implantent à l’étranger, qui est d’accéder à de nouveaux marchés : les économistes constatent en effet que le potentiel de marché est le principal déterminant des choix de localisation des firmes multinationales, devant les coûts de production ou le niveau de fiscalité (Crozet et al., 2004 ; Py et Hathem, 2009). Selon une enquête récente du CNCCEF8 interrogeant des dirigeants d’entreprises françaises multinationales, 87% répondent que la principale motivation de leur implantation étrangère est d’accéder à des marchés en pleine croissance. L’intérêt de fabriquer à l’étranger pour réimporter la production en France n’est un motif très important que pour 10% d’entre eux.
Précisons que ce constat n’est pas incompatible avec le fait que les firmes multinationales fragmentent leur processus de production dans plusieurs pays. Une enquête parue en 1999 estimait déjà que 41% des exportations et 31% des importations françaises de produits industriels étaient liées au commerce intragroupe, et donc à la division verticale du travail au sein d’entreprises multinationales (Guannel et al., 2002). Dans un récent rapport, Fontagné et Toubal (2012) constatent que l’importation de biens intermédiaires depuis un pays donné est positivement corrélée à l’implantation de filiales dans ce même pays9.
La littérature économique tente ainsi de dissocier les deux motivations – accès à des marchés et réduction des coûts de production – en distinguant IDE horizontal et IDE vertical. L’IDE horizontal correspond à la réplication de l’unité de production afin de desservir le marché local, tandis que l’IDE vertical consiste à fragmenter son processus de production dans plusieurs pays, afin de tirer parti des différences internationales de coût des facteurs. Cette distinction est évidemment théorique : les investissements dans les pays émergents (PECO et Chine en tête) visent à la fois à accéder à de nouveaux relais de croissance et à bénéficier de faibles coûts de production (voir Pliquet et Riedinger, 2008 ; Bouabdallah et al., 2008). Ceci explique en partie pourquoi la théorie ne permet guère de prédire l’impact des investissements à l’étranger sur l’activité de la maison-mère.
1- Effets théoriques de l’implantation à l’étranger sur les performances de la maison-mère
L’impact de l’implantation à l’étranger sur l’activité de la maison-mère dépend globalement du degré de complémentarité entre activités domestiques et activités à l’étranger. Fontagné et Toubal (2010) parlent d’un effet-substitution et d’un effet-revenu : l’effet de substitution correspond à un transfert d’activité de la France vers l’étranger, tandis que l’effet-revenu consiste en une meilleure pénétration des marchés extérieurs, tirant l’activité de la maison-mère. Les motivations de l’investisseur, ainsi que la nature de ses nouvelles activités à l’étranger, devraient alors déterminer l’effet prédominant.
L’effet dépendra également du degré de séparabilité des différents créneaux de la chaîne de valeur : Hanson et al. (2001) ont constaté empiriquement que les industries américaines qui relocalisent une part croissante de leur production dans leurs filiales étrangères sont surtout celles qui peuvent facilement séparer leurs activités intensives en travail qualifié des activités intensives en travail peu qualifié.
Il demeure toutefois compliqué de trouver une typologie adéquate pour prédire l’impact des investissements à l’étranger. Dans la littérature, on oppose le plus fréquemment : IDE vertical et horizontal, conquête de marchés et réduction des coûts ou encore pays à hauts et bas salaires.
A) IDE vertical versus IDE horizontal
L’IDE horizontal devrait a priori entraîner un effet de substitution s’il remplace une production auparavant exportée. Il n’est cependant pas exclu que la maison-mère développe des fonctions en support de la production (R&D, logistique, stockage), qui soutiendront son niveau d’emploi ex-post. L’IDE vertical, qui consiste à fragmenter l’appareil productif, aura vraisemblablement un effet de substitution au moment de l’investissement si une partie de la production de la maison-mère est transférée à l’étranger. Toutefois, l’activité étrangère étant complémentaire de celle de la maison-mère, la corrélation devrait redevenir positive après l’investissement. De plus, si l’entreprise gagne en productivité et accroît son volume de ventes, il est alors possible que l’effet-revenu compense la substitution initiale. L’économie allemande, souvent qualifiée d’économie « de bazar » selon l’expression de Sinn (2004), repose en partie sur ce mécanisme : les activités où les entreprises allemandes apportaient peu de valeur ajoutée ont été externalisées, ce qui a été plus que compensé par une hausse du volume de leurs exportations : si la valeur ajoutée par euro exporté a diminué, l’augmentation des volumes exportés a permis au final une croissance de la valeur ajoutée totale des exportations (voir Boulhol, 2006). Enfin, au-delà de la pertinence de la distinction entre IDE vertical et horizontal, celle-ci reste difficile à déterminer dans la pratique, car elle implique de connaître dans le détail l’activité de la maison-mère et celle de sa filiale à l’étranger, et surtout de savoir comment les deux s’imbriquent.
L’importance
du contrefactuel
Ce qui importe est moins l’évolution effective de l’activité domestique que l’évolution qu’elle aurait suivie sans investissement à l’étranger. On ne peut pas parler d’impact néfaste si investir à l’étranger a permis à l’entreprise de survivre. A l’inverse, même s’il y a hausse de la production de la maison-mère, il convient de se demander si cette hausse n’aurait pas été plus prononcée sans investissement à l’étranger. Les études empiriques les plus récentes s’attachent à construire ce scénario contrefactuel afin de répondre à la question suivante : que se serait-il passé si l’entreprise n’avait pas réalisé d’investissement à l’étranger ?
B) Conquête de marchés versus réduction des coûts
La conquête de marchés étrangers ne bénéficiera à la maison-mère que s’il y a effet d’entraînement, ce qui sera plus fréquent pour les filiales commerciales, les IDE de type vertical (la maison-mère expédie les pièces détachées à sa filiale chargée de l’assemblage) ou encore les plates-formes d’exportation (la maison-mère accède à de nouveaux marchés via sa filiale locale). La motivation de réduire les coûts de production, à l’origine de nombreuses délocalisations défensives, peut s’avérer bénéfique à long terme si elle permet une hausse des volumes vendus. Cependant, comme expliqué plus haut, la distinction entre les deux motivations risque donc de s’avérer inopérante, étant donné que les marchés aujourd’hui en forte croissance (les pays émergents) sont également ceux où les coûts de production sont relativement faibles. De plus, l’information est rarement observable pour l’économiste et n’est souvent collectée que par des sondages.
C) Pays à haut revenu versus pays à bas salaires
Distinguer le niveau de revenu du pays investi vise souvent à approximer les motivations de l’investisseur, et rencontre donc les limites évoquées plus haut. Il s’agit toutefois de la typologie la plus opérationnelle, étant donné que la localisation des filiales à l’étranger est souvent renseignée par les bases de données individuelles.
2- Impact de la première implantation à l’étranger
La première approche pour mesurer l’impact de l’implantation à l’étranger consiste à suivre l’évolution de l’activité domestique des firmes devenant multinationales (des « primo-investisseurs »). Il faut alors souvent composer avec des échantillons relativement petits : d’une part, peu de firmes sont en mesure d’investir à l’étranger, en raison des coûts fixes à supporter ; d’autre part, les données utilisées couvrent rarement plus d’une dizaine d’années, et limitent donc le nombre de firmes que l’on peut suivre sur une période assez longue (quand l’information est disponible). En dehors de ces contraintes pratiques, les études qui analysent les performances des primo-investisseurs doivent pallier un biais méthodologique important : si l’on veut calculer l’impact de l’investissement à l’étranger toutes choses égales par ailleurs, il faut éliminer l’influence de toutes les variables qui déterminent cet investissement (taille, productivité, secteur d’activité, exportation, qualification du personnel, etc.).
La solution aujourd’hui la plus répandue et la plus intuitive consiste alors à recourir à des techniques d’appariement. Ces techniques s’inspirent directement de la science expérimentale et consistent à trouver, pour chaque investisseur étranger, une entreprise ayant un profil très similaire mais choisissant de rester domestique. Cet appariement est réalisé sur la base de scores (« propensity scores »), qui synthétisent l’ensemble des déterminants de l’implantation à l’étranger. En associant les primo-investisseurs à des entreprises domestiques qui ont un score très proche, il est ainsi possible de reconstituer un échantillon contrefactuel, répondant à la question : que se serait-il passé si l’entreprise ne s’était pas implantée à l’étranger ?
Le bilan des études recourant à ces techniques est que la première implantation à l’étranger a, contrairement aux idées reçues, un impact positif sur l’activité de la maison-mère. Parmi les premiers à utiliser des techniques d’appariement et un estimateur en double-différence, Barba Navaretti et Castellani (2008) montrent que les industriels italiens qui décident d’investir à l’étranger connaissent une croissance accélérée de leur productivité et de leur production (mais pas de l’emploi domestique) l’année suivant l’implantation. Barba Navaretti et al. (2010) précisent ce résultat en élargissant l’échantillon aux entreprises françaises et en distinguant le niveau de revenu du pays investi. Par ailleurs, les performances des entreprises ne sont plus suivies sur une seule année après l’investissement mais sur trois, ce qui permet d’apprécier les effets de long terme. Il apparaît tout d’abord qu’investisseurs italiens et français accroissent tous les deux la taille de leurs opérations domestiques en investissant dans des pays dits développés : en moyenne, l’emploi domestique croît de 23% en trois ans pour les italiens, de 26,7% pour les français. De manière plus surprenante, l’emploi de la maison-mère croît également lorsque l’investissement a lieu dans les pays à bas salaires, mais uniquement sur le long terme : légèrement négatif l’année suivant l’investissement, l’impact redevient positif au bout de trois ans pour les italiens, tandis qu’il demeure positif mais gagne en significativité pour les français. Les auteurs constatent également une amélioration de la productivité pour les investisseurs italiens, qu’ils attribuent à leur plus grande propension à recourir aux IDE verticaux.
De nombreuses études sont parvenues aux mêmes résultats en variant les données utilisées et/ou en raffinant la méthodologie. Sur données allemandes, Kleinert et Toubal (2007) affinent la qualité de l’appariement en estimant les « propensity scores » au niveau de chaque paire année/secteur. Encore, investir à l’étranger semble plutôt renforcer les activités domestiques. Hijzen et al. (2009) distinguent IDE verticaux et horizontaux10 sur données françaises, en analysant séparément l’industrie et les services. Dans l’industrie, l’impact sur l’emploi en France s’avère positif lorsque l’IDE est de type horizontal, nul s’il est de type vertical. Par ailleurs, les investissements visant à fragmenter la chaîne de valeur provoquent une hausse des exportations et de l’intensité capitalistique (ratio capital/travail), traduisant une réorganisation interne de l’entreprise. Les IDE réalisés par le secteur des services bénéficient également à l’emploi domestique, ce que les auteurs expliquent par l’importance des motifs de conquêtes de marchés pour ces investisseurs.
Hijzen et al. (2007) montrent également que les entreprises japonaises ont accru leur production et leurs effectifs au Japon (mais pas leur productivité) en s’implantant à l’étranger. Hering et al. (2010) approfondissent ce dernier résultat en tenant compte de l’hétérogénéité des secteurs, des pays de localisation et des motivations des investisseurs. Les auteurs utilisent notamment une base de données décomposant la destination des ventes des filiales étrangères, ainsi que l’origine de leurs achats : il est ainsi possible de savoir si la production des filiales est destinée au marché local ou leur pays d’origine, et ainsi de mieux identifier les motivations des investisseurs. Les auteurs constatent par exemple que si 81% des ventes des filiales japonaises en Amérique du Nord sont destinées au marché local, cette proportion tombe à 47% pour la Chine, laissant entendre que les IDE dans ce dernier pays sont davantage de nature verticale. Les auteurs rejettent toutefois l’idée d’un biais lié à l’agrégation de situations très différentes : qu’il soit négatif ou positif, l’impact de l’implantation à l’étranger sur l’activité domestique s’avère le plus souvent très limité. Cela ne signifie pas que tous les sous-échantillons suivent la même tendance : les craintes liées aux délocalisations semblent plus justifiées pour les investissements dans les pays à faible revenu, avec une baisse de l’emploi et de l’investissement domestiques, ainsi que des exportations ; les IDE horizontaux de l’industrie s’accompagneraient davantage de gains de productivité, ce qui pourrait découler de transferts de technologies et d’effets d’apprentissage ; enfin, les investisseurs industriels se caractériseraient davantage par des gains de productivité et une substitution des exportations, tandis que les investisseurs des services augmenteraient leurs effectifs dans les fonctions supports.
Les études précédentes ne tiennent cependant pas compte du fait que les primo-investisseurs appartiennent souvent à un groupe, dont elles ne sont potentiellement que l’instrument d’une stratégie d’internationalisation plus globale. En particulier, plusieurs études ont montré que l’appartenance à un groupe est associée à de meilleures performances11 (Chang et Hong, 2000 ; Hamelin, 2008). Sur données françaises, Gazaniol et Peltrault (2010) montrent ainsi que l’effet positif de la première implantation sur la production, l’emploi et la productivité est conditionné à l’appartenance à un groupe français. Les sociétés indépendantes jouissent d’effets positifs relativement modestes, probablement en raison de leur manque d’expérience sur les marchés internationaux, tandis que les filiales de groupes étrangers ne bénéficient d’aucune amélioration de leurs performances. On comprend en effet que l’investissement de ces dernières s’inscrit dans une stratégie de groupe, dont elles ne sont pas les ultimes bénéficiaires.
Cependant, un profilage des groupes est nécessaire pour ne plus estimer l’impact de l’implantation à l’étranger sur les performances de la société qui investit, mais bien un impact consolidé sur l’ensemble du groupe. En reconstituant le périmètre et les performances des groupes français, il est possible de confirmer que la première implantation à l’étranger a un effet bénéfique sur la valeur ajoutée et l’emploi du contour français des groupes (Gazaniol, 2012b) : l’impact au bout de deux ans est de 21% pour la valeur ajoutée, 11% pour l’emploi domestique et 48% pour les exportations. En revanche, il apparaît que cette embellie profite surtout aux filiales de services, dont la part dans les effectifs totaux augmente de près de trois points de pourcentage : ceci confirme l’intuition selon laquelle les groupes multinationaux réorientent peu à peu les activités de la maison-mère vers les fonctions supports et la R&D.
3- Réaction de l’emploi domestique aux variations de salaires dans les pays d’implantation
Les études précédentes ne permettent toutefois pas de prédire les conséquences d’une multinationalisation sur une longue période et à une plus grande échelle. Comment s’ajustent emploi domestique et emploi étranger une fois que la filiale étrangère est en place ? Les travailleurs de la maison-mère peuvent légitimement craindre que les menaces de délocalisation s’accentuent au fur et à mesure que l’entreprise conforte son assise dans les pays à bas salaires : le coût d’une substitution avec le travail étranger devient relativement faible (puisque l’investissement est déjà réalisé), et l’entreprise peut rapidement saisir l’opportunité d’une baisse des salaires étrangers pour délocaliser sa production.
En réalité, cette réaction aux coûts salariaux dans les pays d’implantation devrait essentiellement dépendre du degré d’imbrication entre activités de la maison-mère et activités de la filiale étrangère. Si l’IDE est de type vertical, ce degré d’imbrication est a priori élevé et devrait donc se traduire par une complémentarité entre emploi domestique et emploi étranger : par exemple, si un constructeur automobile français fabrique ses pièces détachées en France pour les assembler à l’étranger, une hausse de la production nationale nécessitera une hausse des effectifs à l’étranger. A l’inverse, si l’IDE est de type horizontal, ce qui est réalisé en France correspond plus ou moins à ce qui est réalisé à l’étranger : le choix de localisation de l’activité concernée dépendra alors plus probablement des différentiels de coûts de production. On s’attend donc à ce que la concurrence des travailleurs étrangers soit plus néfaste dans le cas d’IDE horizontaux, plus fréquents dans les pays développés.
La littérature confirme globalement cette intuition (voir la synthèse de Crinò, 2009). Les études en question estiment la demande de travail de la maison-mère, et sa réaction aux variations de salaires dans les pays d’implantation de l’entreprise. Il suffit alors de supposer une corrélation négative entre salaire et emploi dans le même pays pour en déduire le lien entre emploi domestique et emploi à l’étranger. Par exemple, en travaillant sur les multinationales suédoises, Braconier et Ekholm (2000) estiment qu’une augmentation de 10% des salaires dans les pays à haut revenu accroît l’emploi en Suède de 8%. Si cette même hausse de 10% réduit parallèlement l’emploi de la filiale étrangère, il y a donc substitution entre emploi domestique et emploi dans les pays à haut revenu. A l’inverse, les mêmes auteurs concluent que les variations de salaires dans les pays à faible revenu n’auraient pas d’impact significatif sur la demande de travail de la maison-mère. Konings et Murphy (2006) font le même constat à partir des multinationales européennes et leurs filiales en Europe : une baisse des salaires dans les PECO ou les pays du Sud de l’Europe n’a aucun effet sur l’emploi de la maison-mère, tandis qu’une baisse des salaires dans les pays du nord de l’Europe (les plus riches) est associée à moins d’emplois domestiques.
Harrison et McMillan (2009) conduisent une analyse similaire en travaillant sur les données américaines. Ils trouvent d’abord qu’une baisse de 10 points de pourcentage des salaires dans les pays à bas revenu réduit l’emploi de la maison-mère aux Etats-Unis de 1%, mais les effets apparaissent plus complexes en distinguant à la fois le niveau de revenu du pays d’implantation et le degré de fractionnement de la chaîne de valeur. Pour les multinationales qui exportent des produits non-finis pour assemblage ou transformation dans les pays à faible revenu, il y aurait complémentarité entre emploi dans la maison-mère et emploi dans la filiale locale. En revanche, que l’IDE soit de type vertical ou horizontal, il y aurait substitution pour les pays développés.
Marin (2004) s’intéresse aux investissements allemands et autrichiens réalisés dans les pays de l’Est de l’Europe (PECO, anciens satellites de l’URSS, pays du Sud) dans la fin des années 1990. Elle montre qu’une réduction de 10% des salaires des filiales situées dans les PECO entraînait une hausse de l’emploi de 1,6% en Allemagne/Autriche. Ainsi, l’accroissement de l’emploi dans ces pays à faible revenu aurait en fait soutenu l’emploi en Allemagne. Pour causes : l’accès à des marchés à forte croissance, et le maintien de la compétitivité allemande grâce aux implantations de type vertical.
A la différence des études précédentes, Hanson et al. (2003) distinguent les résultats précédents selon le niveau de qualification de l’emploi étranger, à partir d’un panel de multinationales américaines. La substitution prévaudrait lorsque l’emploi étranger est peu qualifié, et la complémentarité lorsqu’il est qualifié (l’effet ne serait toutefois pas significatif sur toute la période étudiée). Ce résultat confirme déjà que les peu qualifiés ont davantage à craindre d’une multinationalisation de leur entreprise (ce point sera développé plus loin).
Plutôt que de mesurer le lien entre emploi domestique et salaires à l’étranger, certains travaux préfèrent directement mesurer la corrélation entre emploi domestique et emploi à l’étranger. Sur un échantillon d’environ un millier de multinationales japonaises, Yamashita et Fukao (2010) établissent une complémentarité entre emploi domestique et emploi à l’étranger, bien que l’effet soit faible en valeur et en significativité. Grâce à l’enquête pilote sur l’activité des filiales étrangères de groupes français (FATS Outward), Fontagné et Toubal (2010) établissent directement une corrélation positive entre emploi en France et emploi étranger sur un échantillon de 625 groupes multinationaux, en particulier pour le secteur manufacturier. La corrélation devient négative, mais non significative, pour les groupes investissant dans les pays à faible revenu.
En réalité, la relative complémentarité qui apparaît souvent entre emploi domestique et emploi dans les pays à bas salaires vient du fait que la corrélation est, dans ces études, observée après que la filiale ait été créée. Les IDE dans les pays à faible revenu étant davantage de nature verticale, il est normal qu’emploi dans la maison-mère aille de pair avec emploi dans la filiale étrangère, vu que leurs activités se complètent (par exemple fabrication des composants dans un pays et assemblage dans un autre). En fait, l’effet de substitution a probablement lieu au moment de l’investissement, moment qui échappe à l’analyse des études citées plus haut. Becker et Muendler (2010) montrent effectivement que la marge extensive des investissements, c’est-à-dire l’implantation dans une localisation nouvelle, explique une grande partie des transferts d’emplois vers les pays à bas salaires ; une fois l’investissement réalisé, l’effet de substitution s’avère marginal.
- 5- Calculs de l’auteur.
- 6- Précisons que cette enquête, réalisée par l’INSEE, porte sur un nombre plus restreint de groupes français.
- 7- Un chiffre très largement tiré par la Chine, qui en concentre à elle seule 14%.
- 8-Comité National des Conseillers pour le Commerce Extérieur de la France. Voir CNCCEF (2011).
- 9- Sur données américaines, Hanson et al. (2005) ont montré qu’une baisse de 1% des coûts de transports conduit à une augmentation de 2% à 4% des importations de biens intermédiaires destinés à être transformés.
- 10- Ici, les IDE horizontaux sont réalisés par un secteur disposant d’un avantage comparatif dans un pays à haut revenu, tandis que les IDE verticaux sont réalisés par un secteur disposant d’un désavantage comparatif dans un pays à faible revenu.
- 11- Les firmes appartenant à un groupe bénéficient notamment d’un accès à un marché interne de capitaux et un marché de consommations intermédiaires.
Fragmentation des chaînes de valeur, compétitivité et emploi
L’implantation d’une unité de production à l’étranger n’est évidemment pas la seule option pour tirer profit des différences internationales de coûts de production : les entreprises peuvent également externaliser certaines tâches à un sous-traitant étranger. Pour évaluer l’impact de la fragmentation des chaînes de valeur sur la productivité et l’emploi industriel, il est donc nécessaire de s’intéresser aux conséquences du commerce de biens intermédiaires dans son ensemble.
Le choix entre recours à la sous-traitance et établissement d’une filiale à l’étranger (entre externalisation et intégration) est largement déterminé par les caractéristiques de l’entreprise et de son produit : dans le cas où les inputs recherchés nécessitent des investissements préalables, l’entreprise préférera souvent internaliser sa production afin d’éviter un risque de sous-investissement du sous-traitant. Defever et Toubal (2011) montrent ainsi sur données françaises que les entreprises intensives en capital (physique et humain) privilégient l’intégration de leur production. Par ailleurs, l’arbitrage entre sous-traitance et IDE dépend du niveau de productivité : seules les multinationales les plus efficaces externalisent leur production, ce qui traduit vraisemblablement l’importance des coûts liés à la recherche et la coordination d’un sous-traitant.
Comme évoqué en introduction, il est ici important de distinguer l’impact macroéconomique de la fragmentation des chaînes de valeur de son impact microéconomique. Raisonner au niveau macroéconomique permet difficilement de dissocier les effets de la mondialisation des effets du progrès technique, mais a notamment l’avantage de tenir compte d’effets d’entraînements entre différents secteurs d’activité. Mann (2003) donne un exemple de ces effets d’entraînement en s’intéressant aux délocalisationsdu secteur du matériel informatique (« hardware ») aux Etats-Unis dans les années 1990 : elle estime que ces délocalisations12 ont baissé les prix du hardware de 10% à 30%, permettant une diffusion accélérée de l’informatique et des gains de productivité pour les entreprises. En se basant sur une hypothèse d’une baisse de 20% des prix du hardware grâce à l’internationalisation de la production, l’auteur estime que les gains de productivité et le taux de croissance annuel du PNB ont été accrus de 0,3 point de pourcentage sur la période 1995 – 2002. L’analyse microéconomique tendrait au contraire à souligner les suppressions de postes, essentiellement peu qualifiés, dans certains bassins d’emplois très localisés. De la même façon, Amiti et Wei (2009a) montrent sur données américaines que l’offshoring de services n’a pas d’effet significatif sur l’emploi domestique lorsque l’on désagrège les donnés à 90 secteurs, mais que cet effet devient négatif lorsque l’on utilise une désagrégation plus fine. Comme nous allons le voir, l’impact des délocalisations sur l’emploi domestique apparaît plus nettement au niveau microéconomique.
1- Importation de biens intermédiaires et compétitivité
L’accès à de nouveaux biens intermédiaires via l’importation peut accroître la productivité des entreprises via trois mécanismes. Le premier résulte de l’accroissement de la concurrence entre producteurs de biens intermédiaires : le prix de ces biens devrait logiquement baisser. Le second mécanisme tient à l’accès à de nouvelles variétés de biens intermédiaires : chaque entreprise devrait plus facilement trouver un bien adapté à son processus de fabrication. Ce deuxième mécanisme devrait plus particulièrement concerner des pays en développement, fortement handicapés par des contraintes technologiques. Enfin, le dernier mécanisme tient à la possibilité de délocaliser certains segments de la chaîne de valeur pour accroître l’efficacité de l’entreprise.
Plusieurs exemples montrent que la libéralisation du commerce de biens intermédiaires s’est accompagnée d’une hausse de la compétitivité des entreprises. En s’intéressant au cas de l’Indonésie dans les années 1990, Amiti et Konings (2007) estiment qu’une baisse de 10 points de pourcentage des droits de douanes sur les biens intermédiaires a augmenté la productivité des entreprises indonésiennes de 12%. Cet impact sur la productivité est plus du double que celui qui serait survenu après une baisse similaire des droits de douanes sur les biens finaux. Goldberg et al. (2010) analysent l’impact de la libéralisation du commerce en Inde entre 1989 et 2003 : la baisse des droits de douanes sur les biens intermédiaires aurait presque contribué au tiers des nouveaux produits introduits par les firmes indiennes sur la période. L’effet tient en grande partie à l’accès à de nouvelles variétés d’inputs, non disponibles avant la libéralisation. Par ailleurs, la baisse des droits de douanes aurait également permis aux entreprises d’accroître leur productivité, leur production et leur investissement en R&D. En s’intéressant au cas de la Hongrie entre 1992 et 2003, Halpern et al. (2011) estiment quant à eux qu’un tiers de la hausse de la productivité des firmes hongroises sur la période est dûe à l’utilisation de biens intermédiaires importés. Les entreprises les plus à même de bénéficier de la baisse des douanes seraient celles qui importaient déjà avant la libéralisation. Sur données chiliennes, Kasahara et Rodrigue (2008) montrent également que recourir aux importations de biens intermédiaires accroît la productivité des entreprises. La hausse des importations de biens intermédiaires aurait en revanche plus modestement contribué à l’amélioration de la productivité des firmes brésiliennes entre 1990 et 1993 (Muendler, 2004) : celle-ci aurait davantage été tirée par un effet de concurrence avec les producteurs étrangers.
On peut légitimement se demander si ces résultats restent valides pour des pays développés, qui devraient moins bénéficier d’un effet lié au rattrapage technologique. Les quelques études disponibles offrent des résultats mitigés. En utilisant des techniques d’appariement, McCann (2011) constate que les firmes irlandaises bénéficient de gains de productivité en recourant à un sous-traitant étranger13, en particulier celles dont il s’agit de la première expérience d’internationalisation. Andersson et Lööf (2010) montrent que les entreprises suédoises important des pays du G7 (les pays plus intensifs en R&D) améliorent instantanément leur productivité du travail. En revanche, Vogel et Wagner (2010) ne constatent pas de tels effets pour les entreprises allemandes : la prime de productivité du travail des entreprises importatrices serait purement liée à un effet de sélection. Pour le cas français, les résultats sont plus probants : Bas et Strauss-Kahn (2011) constatent que toutes choses égales par ailleurs, les firmes industrielles qui doublent le nombre de variétés de biens intermédiaires importés augmentent leur productivité de 4%. Cet effet augmente de 60% lorsque ces importations proviennent de pays développés : ce constat suggère que les gains d’efficacité découlant de l’importation sont essentiellement liés à des transferts de technologie. et al. son effet sur la productivité, la hausse des importations permet alors aux entreprises françaises d’accroître leurs exportations.
Ce dernier résultat montre que les stratégies d’approvisionnement à l’étranger peuvent indirectement accroître les performances à l’exportation. Sur données italiennes, Aristei et al. (2011) confirment que les activités d’importation et d’exportation comportent des coûts fixes communs, et qu’importer peut constituer un préalable à l’exportation (et non l’inverse). En analysant un panel d’environ 12 000 entreprises indépendantes et groupes français sur la période 2002 – 2007, Dhont-Peltrault et Gazaniol (2012) montrent aussi que le fait d’importer accroît la probabilité de démarrer une activité à l’exportation de 10 points de pourcentage, indépendamment du secteur, de la taille et de la qualification du personnel.
Plus récemment, Fontagné et Toubal (2012) vérifient si les divergences de performances à l’exportation entre la France et l’Allemagne peuvent s’expliquer par des stratégies différentes en matière de fragmentation des chaînes de valeur. Entre 1987 et 2007, les auteurs constatent en effet que la France n’a pas augmenté la part de produits revenant dans le processus de fabrication dans ses importations, mais a au contraire accru la part de biens de consommation et de biens primaires, alors que la tendance est exactement inverse en Allemagne. Autrement dit, les auteurs constatent que « la France importe de façon croissante pour consommer, l’Allemagne pour produire ». L’analyse empirique confirme que le fractionnement des chaines de valeur a permis à l’Allemagne d’augmenter et de diversifier ses parts de marché, alors qu’un tel effet n’est pas visible pour la France.
Notons enfin que les entreprises de services bénéficient également de gains de productivité grâce à l’offshoring. Selon Amiti et Wei (2009b), les importations de services expliquent 10% de la croissance de la productivité du travail aux Etats-Unis sur la période 1992 – 2000. Sur données irlandaises, Görg et Hanley (2011) montrent que les délocalisations de services permettent aux entreprises de devenir plus profitables et de réorienter leurs activités vers la R&D et l’innovation. De façon attendue, cet effet est quantitativement plus faible pour les firmes externalisant les services à un sous-traitant domestique.
2- Désindustrialisation, délocalisations et emploi
L’impact de la mondialisation sur l’emploi industriel peut se mesurer de deux façons complémentaires. La première consiste à évaluer la contribution du commerce international au phénomène de désindustrialisation (c’est-à-dire la baisse de la part de l’emploi industriel dans l’emploi total). La seconde consiste à chiffrer directement le nombre d’emplois touchés par les délocalisations, à partir de données individuelles.
A) La mondialisation, principale responsable de la désindustrialisation ?
Comme évoqué en introduction, le phénomène de désindustrialisation ne tient pas seulement aux conséquences de la mondialisation mais aussi à des évolutions naturelles des économies développées, comme l’externalisation de certaines tâches auparavant réalisées par le secteur industriel au secteur des services, ou encore la déformation de la structure de la demande. Cette dernière est liée à des différentiels de gains de productivité entre secteurs : d’une part, les gains de productivité dans l’industrie réduisent les besoins de main d’œuvre de ce secteur, effet qui n’est que partiellement compensé par la hausse de la demande consécutive à la baisse de prix des produits manufacturés ; d’autre part, les gains de productivité de l’économie entraîne la hausse du revenu des agents, et se traduit ainsi par une modification de leur structure de demande au profit des services et au détriment des biens manufacturés.
L’originalité du récent travail de Demmou (2010) est de mesurer la contribution de ces différents mécanismes au phénomène de désindustrialisation de l’économie française sur la période récente. La méthodologie utilisée apparaît d’autant plus robuste que la somme des contributions de chaque phénomène avoisine les 100%, alors que l’auteur n’impose pas cette contrainte (voir le commentaire de Nesta, 2011). Les facteurs internes contribueraient ensemble à 55% de la baisse de la part de l’emploi industriel entre 1980 et 2007, et 70% sur la seule période 2000 – 2007. La contribution de la concurrence étrangère est estimée avec une méthode de contenu en emplois des échanges14 : le commerce extérieur expliquerait alors 13٪ des destructions d’emplois dans l’industrie sur la période 1980 – 2007, mais 28٪ entre 2000 et 2007. Avec une approche alternative fondée sur les travaux économétriques de Boulhol et Fontagné (2006), ces chiffres passeraient respectivement à 45٪ et 63٪. Il convient toutefois de noter que la contribution du commerce avec les pays émergents plafonne à 23٪ pour la période 2000 – 2007.
B) Les délocalisations touchent un nombre relativement limité d’emplois
Cette approche macroéconomique peut être complétée par un chiffrage du nombre d’emplois concernés par les délocalisations à partir de données individuelles. Aubert et Sillard (2005) se prêtent à cet exercice en identifiant des présomptions de délocalisations dans l’industrie française entre 1995 et 2001. Une présomption de délocalisation doit satisfaire deux conditions : d’un côté, la fermeture ou une baisse de 25% des effectifs d’un établissement de l’entreprise ; de l’autre, une hausse des importations de 25% du produit qui était auparavant fabriqué en France, et qui correspond au moins à une certaine fraction de la production française supprimée. En suivant cette méthodologie, le nombre d’emplois délocalisés se serait élevé à 13 500 par an en moyenne, dont un peu moins de la moitié dans les pays émergents15. Si l’on met ce chiffre en regard avec les 500 000 suppressions d’emplois brutes annuelles dans l’industrie, le poids des délocalisations s’avère en fait relativement faible : en moyenne, elles concerneraient chaque année 1 emploi industriel détruit sur 300. Notons que l’estimation comprend ici à la fois les délocalisations qui donnent lieu à un investissement physique (par IDE) et celles qui se font par recours à la sous-traitance : les premières seraient plus fréquentes dans les pays développés, les secondes dans les pays émergents. Le chiffrage a été réactualisé par Barlet et al. (2007) sur une période plus récente (2000 – 2003) : les destructions d’emplois liées aux délocalisations passeraient alors de 13 500 à 14 975, dont 8 850 dans les pays à bas salaires. Nous restons donc dans le même ordre de grandeur.
Au-delà du chiffrage, Aubert et Sillard (2005) donnent le profil des secteurs et des entreprises ayant une forte propension à délocaliser. Sans surprise, les secteurs les plus concernés par les délocalisations dans les pays à bas salaire sont plutôt intensifs en main d’œuvre non qualifiée : l’habillement et cuir (en moyenne, 0,7% des emplois délocalisés vers les pays à bas salaires entre 1994 et 2001), les équipements du foyer (0,5%), les composants et équipements électriques et électroniques (0,3%), ou encore le textile (0,3%). Pour les délocalisations dans les pays développés, la pharmacie, parfumerie et entretien (0,6%), la construction navale, aéronautique et ferroviaire (0,4%) et les composants électriques et électroniques (0,4%) sont les plus touchés. Toutefois, force est de constater que les délocalisations concernent tous les secteurs : cela s’explique notamment par l’importance des restructurations au sein des groupes multinationaux, qui s’effectuent essentiellement dans des pays développés. Les délocalisations vers les pays à bas salaires, elles, touchent plus fortement un nombre restreint de secteurs. Concernant le profil des entreprises, les délocalisations seraient surtout le fait de grands groupes : ceux de plus de 500 salariés, qui représentent la moitié de l’emploi en France, regrouperaient les deux tiers des emplois délocalisés. Les groupes de plus de 5 000 salariés en totaliseraient à eux seuls plus de la moitié. Par ailleurs, les groupes étrangers délocaliseraient plus souvent que les groupes français16. Ce dernier constat recoupe en partie les conclusions de Görg et Strobl (2003), qui testent empiriquement l’idée de groupes étrangers « sans attaches » (« footloose multinationals ») : d’une part, ces derniers font face à des barrières à l’entrée plus importantes (moindre connaissance du marché et de la culture locale), qui peuvent les inciter à partir si elles ne sont pas surmontées ; d’autre part, ces groupes réagissent plus rapidement à une conjoncture défavorable en réorganisant leur production à l’échelle mondiale17.
Les débats liés aux délocalisations sont également récurrents en Allemagne, notamment en raison de sa proximité géographique avec les PECO. A partir d’une base de données unique regroupant 80% des investissements allemands dans la région sur la période 1997-2001, Marin (2004) estime que les délocalisations sous-jacentes auraient détruit 89 106 emplois en Allemagne18, soit 0,3% de l’emploi total et 0,7% de l’emploi des entreprises concernées. Le calcul s’effectue de la façon suivante : l’auteur cumule les emplois créés dans les PECO par les investisseurs motivés par une réduction de leurs coûts de production (information déclarée dans l’enquête utilisée), puis calcule l’équivalent en emplois allemands sur la base des différentiels de productivité entre maison-mère et filiales à l’étranger. Malgré le caractère approximatif de cette dernière étape (nécessaire ici car aucune information n’est disponible sur la qualification des emplois domestiques et étrangers), l’auteur démontre que l’impact négatif des délocalisations en Allemagne est vraisemblablement limité.
Le même constat semble valoir pour la plupart des pays européens : en effectuant une revue de presse dans chaque pays de l’UE pour recenser les cas de délocalisation19, l’European Restructuring Monitor estime que les emplois délocalisés en 2005 représentaient 15,7% des destructions d’emplois en Italie, 10,9% en Belgique, 7,2% en Allemagne, 5,4% en Suède, 4,6% en France, 3,4% au Royaume-Uni et 2,3% en Espagne (Storrie, 2006). La France figurerait donc parmi les pays Européens les moins touchés par les délocalisations, ce qui rejoint les conclusions de Fontagné et Lorenzi (2005).
Comment expliquer l’effet relativement limité des délocalisations sur l’emploi domestique, notamment en France ? La part encore faible des pays émergents dans les échanges et les flux d’investissement constitue sans doute une première explication. Comme expliqué précédemment, il s’agit aussi de l’illustration que même l’implantation dans ces pays répond essentiellement à une logique de conquête du marché local, dont les répercussions sont positives pour le territoire national. Enfin, il faut rappeler que les délocalisations s’accompagnent souvent de coûts récurrents (liés au contrôle de la qualité, aux coûts de transport, à la formation technique et la supervision des sous-traitants, aux délais de fabrication), qui peuvent compenser l’économie initialement réalisée. Ces surcoûts peuvent notamment s’avérer dissuasifs pour les entreprises qui n’ont pas les ressources nécessaires, ou qui se caractérisent par un savoir-faire trop spécifique. Dans la presse, les exemples de firmes ayant mal anticipé les effets pervers de la délocalisation sur leur chaîne d’approvisionnement (délais, qualité) se sont d’ailleurs multipliés, incitant certains à parler d’un mouvement de relocalisation.
C) Les relocalisations peuvent-elles inverser la donne ?
Dans un contexte de crise économique et de délitement du tissu industriel, les relocalisations d’activités en France revêtent évidemment une symbolique particulièrement forte. Il ne s’agit cependant pas d’un phénomène nouveau : Mouhoud (2011) distingue en effet quatre vagues de relocalisations sur la période récente, chacune ayant ses propres logiques. Les deux premières, respectivement initiées à la fin des années 1970, et dans les années 1980 – 1990, proviennent du fait que les entreprises trouvent mieux que les délocalisations pour réduire leurs coûts : l’automatisation et la robotisation des segments de fabrication et d’assemblage, couplées avec une baisse des coûts de transport et de transaction. Lors de la troisième phase, au milieu des années 1990, les entreprises des NTIC enchaînent délocalisations et relocalisations sur des périodes courtes, afin d’optimiser le cycle de leurs produits : ces cycles sont possibles en raison de la souplesse des délocalisations (recours à la sous-traitance) et le poids relativement faible des produits concernés. La dernière phase, initiée depuis quelques années, répond à des problématiques d’imperfection du produit final et de rationalisation de la production de grands groupes, qui se recentrent sur leurs marchés d’origine. Elle intervient dans un contexte d’accélération des délocalisations à la fois dans l’industrie et les services.
Les cas les plus fréquemment repris par la presse française insistent sur une mauvaise anticipation des coûts liés aux délocalisations. Le PDG de Geneviève Lethu indique que malgré un prix de revient jusqu’à 30% plus élevé qu’en Asie, l’entreprise s’y retrouve sur la qualité, la réduction des coûts de services après-vente, et la diminution des stocks, qui ont fondu de 10% à 15%. Le responsable des approvisionnements de Meccano justifie sa décision par un gain de deux mois dans les délais d’approvisionnement et la perspective d’un renchérissement des coûts de transport. Décathlon parle également de gains de productivité, de performances des livraisons et de qualité de service aux consommateurs (voir les Echos du 29 mars 2011). Autre exemple moins récent, l’entreprise française TIV s’est retrouvée piégée lorsque l’un de ses donneurs d’ordre lui a demandé de modifier une pièce : son usine slovaque avait déjà produit un stock conséquent de pièces, et tout changement était donc impossible. L’entreprise pensait économiser sur les coûts fixes de transport en faisant des acheminements plus importants mais moins fréquents, mais a finalement décidé de relocaliser pour répondre au mieux aux exigences de flexibilité et de souplesse de ses clients (voir l’étude de cas par Boutary, 2009).
S’ils revigorent un peu le blason du « made in France », ces exemples restent apparemment marginaux par rapport au phénomène des délocalisations. Il s’agit d’ailleurs moins d’une contre-tendance que d’une légère correction mécanique : toutes les vagues de délocalisations s’accompagnent de « ratés », qui ne sont corrigés que quelques temps plus tard. Les rares études empiriques qui tentent d’évaluer le poids des relocalisations confirment le caractère marginal de ces opérations. Dachs et al. (2006) utilisent une enquête menée en 2003 sur un échantillon de 2 249 firmes de pays européens et montrent que les cas de relocalisation sont bien moins nombreux que les cas de délocalisation quel que soit le pays concerné. En utilisant une base de données de l’observatoire de l’investissement pour les années 2009 et 2010, recensant 9 000 opérations d’investissement et 6 000 opérations de désinvestissement en France, Bonnal et Bouba-Olga (2011) évaluent la part des relocalisations à 0,3% du nombre d’opérations, et 0,1% des emplois correspondants. Les quelques cas de relocalisations ne donnent d’ailleurs pas nécessairement matière à se réjouir : non seulement elles n’entrainent que rarement des créations d’emplois en France, mais elles s’accompagnent aussi parfois d’une hausse des prix pour couvrir le différentiel de coût, qui se répercute sur toute la gamme des produits, y compris ceux qui viennent encore de pays à bas salaires (Mouhoud, 2011).
3- Fragmentation des chaînes de valeur et précarisation des travailleurs peu qualifiés
Selon la théorie néo-classique du commerce international, l’ouverture aux échanges doit certes améliorer le bien-être global du pays, mais au prix d’un accroissement des inégalités entre travailleurs qualifiés et non qualifiés (ou entre travail et capital). Considérons en effet un monde avec deux pays (les Etats-Unis et la Chine), deux facteurs de production (travail qualifié et non qualifié) mobiles entre secteurs mais pas entre pays, et deux biens (l’un intensif en travail qualifié, l’autre en travail non qualifié)20. Si les Etats-Unis comptent en proportion davantage de travailleurs qualifiés, ils se spécialiseront à l’échange dans le bien intensif en travail qualifié, conformément aux prédictions du modèle Heckscher Ohlin-Samuelson (HOS). Le prix relatif de ce bien augmentera alors par rapport au prix qui prévalait en autarcie, entraînant une hausse de sa production. Le secteur attirera ainsi les facteurs de production utilisés pour fabriquer l’autre bien ; mais l’autre secteur étant intensif en travail non qualifié, il ne pourra pas lui fournir les quantités de travail qualifié nécessaires. La demande de travail qualifié étant ainsi supérieure à l’offre, son prix devra logiquement augmenter. Il s’agit de l’effet « Stolper-Samuelson » : la hausse du prix relatif d’un bien entraîne une hausse de la rémunération réelle du facteur le plus utilisé dans sa production, et une baisse de la rémunération réelle de l’autre facteur. Dans notre exemple, l’ouverture commerciale entraînera aux Etats-Unis une hausse du salaire des travailleurs qualifiés, et une baisse de celui des travailleurs non qualifiés. Si ces derniers résistent à cet ajustement des salaires (par le biais de salaires minimum, de conventions collectives, de mouvements sociaux etc.) et/ou si des obstacles entravent la mobilité des facteurs entre secteurs/régions, il y aura hausse du chômage. Autrement dit, dans un pays dont le marché du travail est relativement flexible (Etats-Unis), la concurrence étrangère fera pression à la fois sur les salaires et le niveau d’emploi des non-qualifiés ; dans un pays où les salaires sont plus rigides (France), l’ajustement se fera essentiellement en baissant l’emploi des non qualifiés.
Le même mécanisme s’applique pour les délocalisations. En décidant de réaliser une partie de sa production à l’étranger, un pays (une entreprise) accroît sa spécialisation. Cette dynamique sera favorable au facteur de production le plus utilisé dans les activités qui restent sur le territoire national. Ainsi, si les délocalisations déplacent en priorité des travailleurs peu qualifiés, la demande relative de ces derniers faiblira et entraînera une baisse de leurs rémunérations.
L’exemple d’Apple et son iPod, dont le cas est étudié par Linden et al. (2009), illustre parfaitement cette dynamique favorable aux travailleurs qualifiés. En effet, l’iPod et ses composants représentaient 41 000 emplois dans le monde en 2006, dont seulement 14 000 aux Etats-Unis. Cette répartition a priori défavorable au territoire américain cache toutefois une répartition des revenus, elle, bien plus bénéfique : 753 millions de dollars pour les travailleurs américains, contre ٣١٨ millions pour ceux du reste du monde. Apple aurait même créé 5 800 postes de spécialistes de l’iPod aux Etats-Unis, où est réalisé l’essentiel de la R&D et du marketing.
La littérature converge largement vers le constat que l’accroissement des délocalisations s’est accompagné d’une recomposition de la main d’œuvre en faveur des travailleurs qualifiés, et ce au sein d’un même secteur d’activité. A partir de données individuelles françaises, Biscourp et Kramarz (2003) montrent ainsi que la baisse de l’emploi ouvrier sur la période 1986 – 1992 résulte essentiellement de mouvements internes aux secteurs. La baisse de la part de l’emploi ouvrier ne peut donc pas seulement s’expliquer par une augmentation du poids des secteurs intensifs en travail qualifié.
Dans le cas des Etats-Unis, Feenstra et Hanson (1996) constatent que l’importation de consommations intermédiaires (en provenance d’une filiale ou d’un sous-traitant à l’étranger) a contribué à 30% de la hausse de la demande relative de travailleurs qualifiés sur la période 1979 – 1990 (la contribution du progrès technique étant à peu près équivalente)21. Le phénomène se serait accéléré puisque l’effet n’était pas significatif dans les années 1970. Le constat est relativement similaire pour la France : Strauss-Kahn (2004) estime que la contribution des délocalisations à la baisse de la part de l’emploi non qualifié serait de 11% à 15% entre 1977 et 1985, et de 25% sur la période 1985 – 1993. Pour l’Allemagne, Geishecker (2006) estime que les délocalisations vers les PECO ont réduit la demande de travailleurs manuels de 2,7% entre 1991 et 2000 ; l’effet serait en revanche non significatif pour l’offshoring vers l’UE à 15, et faiblement négatif pour le reste du monde. La même tendance se vérifie largement pour l’ensemble des pays industrialisés (voir la synthèse de Crinò, 2009).
Notons que les délocalisations ont également accru les inégalités dans le secteur des services. Crinò (2007a) utilise un panel de 144 secteurs aux Etats-Unis, sur la période 1997-2002, et distingue les effets des délocalisations selon une nomenclature de 112 emplois différents (dont 58 sont des emplois de services). L’auteur montre ainsi que l’accroissement des délocalisations de services a accru l’emploi de des travailleurs qualifiés de 2%, mais réduit celui des travailleurs de qualification intermédiaire de 0,1% et celui des peu qualifiés de 0,4% (l’impact reste donc très limité). Crinò (2007b) fait un constat similaire pour 9 pays de l’Union Européenne.
A) Internationalisation des entreprises et structure d’emploi
Sans surprise, les études au niveau microéconomique trouvent une forte corrélation entre qualification des emplois et internationalisation des entreprises. Sur données individuelles françaises, Dhont-Peltrault et Gazaniol (2012) montrent que la proportion de cadres et d’ingénieurs au sein des entreprises s’accroit nettement avec leur degré d’insertion sur les marchés extérieurs : si l’on prend les entreprises domestiques comme référence, cette proportion est, toutes choses égales par ailleurs, plus élevée de 1,4 points de pourcentage pour les entreprises purement importatrices, de 2,1 points pour les entreprises purement exportatrices, de 4 points pour les entreprises exportatrices et importatrices et de 6 points de pourcentage pour les firmes multinationales. L’étude montre par ailleurs que ces différences sont en partie préexistantes à la décision d’internationalisation : une firme a besoin de personnel qualifié pour prospecter sur les marchés étrangers, concevoir de nouveaux produits, gérer des filiales étrangères, rechercher et coordonner des sous-traitants étrangers, etc. La décision de s’internationaliser contribue ainsi à élever la demande de travail qualifié ex-ante.
L’ouverture au commerce international peut également accroître la demande de travail qualifié des entreprises et al. un effet « concurrence », à travers ce que Thoening et Verdier (2003) nomment « l’innovation défensive ». La mondialisation peut en effet remettre en cause les situations de rente de certaines entreprises, qui deviennent confrontées aux innovations dans les autres pays développés, voire aux imitations de leurs produits dans les pays à bas salaires. Cette nouvelle concurrence les pousse alors à investir davantage en R&D et à adopter des technologies intensives en travail qualifié.
Biscourp et Kramarz (2003) étudient plus précisément le lien entre commerce international, créations et destructions d’emplois et qualification de la main d’œuvre. Leur analyse empirique confirme que la fragmentation des chaînes de valeur biaise la demande de travail en faveur des travailleurs les plus qualifiés au sein des entreprises industrielles. En particulier, les entreprises qui importent des biens finals de façon continue sur la période détruisent davantage d’emplois de production non qualifiés (précisons qu’il s’agit ici d’une corrélation et non d’un lien de causalité). Ce résultat était attendu dans la mesure où les importations de biens finals impliquent plus souvent la délocalisation d’une activité auparavant réalisée par l’entreprise que les importations de biens intermédiaires (qui peuvent parfois se substituer à un autre sous-traitant). L’effet des importations de biens intermédiaires serait moins accentué, de sorte que ces dernières ne semblent finalement pas affecter la part des ouvriers dans l’emploi total. Le modèle économétrique utilisé par les auteurs tend toutefois à surestimer les pertes d’emplois liées aux importations dans la mesure où il ne permet pas de capter un effet positif indirect, lié à l’augmentation des parts de marché.
Plusieurs articles ont également étudié l’évolution de la structure d’emploi des firmes multinationales. En se basant respectivement sur des données sectorielles italiennes et américaines, Falzoni et Grasseni (2003) et Slaughter (2000) montrent que l’accroissement de la part de l’emploi étranger dans l’emploi total des multinationales ne contribue pas à élever significativement la part des travailleurs qualifiés dans la masse salariale. Ce résultat contre-intuitif peut s’expliquer d’une façon simple : les entreprises qui s’implantent à l’étranger n’ont pas pour unique motivation de délocaliser des activités intensives en travail peu qualifié, mais visent aussi à conquérir des nouveaux marchés. Dès lors, la part de leur emploi à l’étranger approxime probablement mal leur recours aux délocalisations22. Si, comme rappelé plus haut, les implantations étrangères sont majoritairement concentrées dans les pays développés et de type horizontal, elles devraient alors reproduire la structure d’emploi de la maison-mère : la demande relative de travail qualifié ne devrait donc pas être affectée.
Au niveau microéconomique, l’effet est toutefois plus probant mais quantitativement faible. Head et Ries (2002) montrent sur un échantillon de quelques mille multinationales japonaises qu’investir dans des pays à bas salaire accroît la qualification des emplois de la maison-mère et ses importations de biens finis, ce qui semble indiquer un transfert des activités peu qualifiées à l’étranger. Toutefois, la contribution à la hausse de la part des travailleurs qualifiés dans la masse salariale ne s’élèverait en moyenne qu’à 9%. En étudiant les multinationales allemandes, Becker, Ekholm et Mundler (2009) constatent une hausse de la part des travailleurs qualifiés dans la masse salariale, qui s’expliquerait en grande partie par une hausse dans leur part dans l’emploi total. L’accroissement de l’emploi dans les filiales étrangères aurait deux effets : d’un côté, une recomposition de la main d’œuvre domestique au profit des tâches non routinières et nécessitant une interaction physique (surtout pour les multinationales des services) ; de l’autre, une hausse des salaires des postes qualifiés. Cependant, l’impact économique est encore faible. Un résultat similaire est trouvé par Hansson (2005) sur un petit échantillon de multinationales suédoises : l’implantation dans des pays hors OCDE aurait accru la part relative de l’emploi qualifié entre 1993 et 1997. Enfin, Castellani et al. (2008) montrent qu’il y a bien une montée en qualification des primo-investisseurs italiens qui s’implantent dans les PECO.
B) Dynamiques individuelles des salariés en termes d’emploi et de rémunération
La disponibilité de données individuelles au niveau des salariés permet d’observer directement les conséquences de la mondialisation sur les trajectoires d’emploi et de rémunération des salariés.
Les délocalisations peuvent tout d’abord exposer les travailleurs non qualifiés à de mauvaises dynamiques de court terme, par exemple en les poussant vers des secteurs peu rémunérateurs, ou en rendant plus difficile la reprise d’un emploi. Egger et al. (2007) sont capables de suivre la dynamique d’emploi de 38 000 individus autrichiens sur la période 1988 – 2001 : ils concluent que les délocalisations réduisent significativement la probabilité de garder son emploi dans un secteur à désavantage comparatif, et surtout réduit la possibilité d’y entrer en cas de chômage l’année précédente ou d’entrée sur le marché du travail. Sur données allemandes, Geishecker (2008) montre que la probabilité de quitter son poste (volontairement ou non) s’accroît avec le niveau de délocalisations du secteur, indépendamment des caractéristiques individuelles des salariés (âge, nationalité, expérience dans l’entreprise, niveau d’éducation, région de travail, fonction, taille de l’employeur). Cet effet est significatif pour tous les niveaux de qualification, ce qui contraste avec les études menées au niveau sectoriel. Munch (2010) trouve également un effet significatif et négatif des délocalisations sur la sécurité de l’emploi des travailleurs danois, mais le nombre d’emplois concernés serait relativement limité.
Les études travaillant sur des panels d’individus montrent aussi que les délocalisations ont accru les inégalités salariales, indépendamment d’une recomposition de la main d’œuvre et des caractéristiques des individus. Sur la période 1991 – 2000, Geishecker et Görg (2008) vérifient bien que les délocalisations ont accru les inégalités salariales entre qualifiés et non qualifiés allemands : en moyenne, une hausse de 1% des délocalisations aurait réduit les salaires des non qualifiés de 1,3% à 1,5%, et accru ceux des travailleurs qualifiés de 2,6%. Un résultat similaire est trouvé par Munch et Skaksen (2009) sur données danoises.
En utilisant une technique d’appariement sur un panel d’employés allemands, Becker et Mundler (2008) montrent en revanche que le taux de séparation des salariés (par licenciement ou rupture de contrat) est plus faible pour les firmes multinationales que les firmes domestiques : toutes choses égales par ailleurs, travailler dans une firme implantée à l’étranger réduirait les chances de quitter son emploi de 2 points de pourcentage. Cet effet serait plus prononcé pour l’emploi qualifié. Les auteurs ne peuvent toutefois pas préciser si cette moindre volatilité de l’emploi est initiée par les employés eux-mêmes (moindre envie de démissionner en raison des avantages à travailler dans une multinationale, par exemple) ou par l’employeur (moindre envie de se séparer de ses employés, qui ont acquis un savoir-faire difficile à remplacer ; garanties sur l’emploi en raison des difficultés à trouver un personnel qualifié).
- 12- Que ce soit par le recours à la sous-traitance ou l’établissement d’unités productives à l’étranger.
- 13- Les données utilisées permettent à l’auteur d’exclure les firmes important des biens intermédiaires en provenance de leurs filiales étrangères.
- 14- En raison des limites intrinsèques à cette méthode (hypothèse de substitution parfaite entre biens importés et bien produits sur le marché domestique, non prise en compte de l’hétérogénéité des entreprises selon leur insertion dans le commerce international), les estimations obtenues constituent sans doute un minorant de l’effet de la concurrence étrangère sur l’emploi industriel.
- 15- Notons qu’une délocalisation n’est pas nécessairement synonyme de destructions d’emplois si l’employé est transféré dans un autre établissement du groupe ou repris dans une autre entreprise de la même zone d’emploi. Les auteurs estiment que le nombre d’emplois effectivement détruits serait plus faible de 10%, ramenant le chiffre à environ 12 500 par an (par destruction d’emplois, on entend licenciement ou fin de CDD).
- 16- Ce résultat est confirmé par Pliquet et Riedinger (2008) sur données françaises.
- 17- Si les établissements de groupes étrangers se caractérisent par un taux de survie plus faible, Görg et Strobl (2003) notent qu’ils se distinguent en revanche par une meilleure persistance de l’emploi. Autrement dit, les fortes variations d’effectifs ont un caractère moins réversible pour les établissements de groupes étrangers, car ces derniers doivent mieux planifier leurs décisions, en raison des barrières auxquelles ils font face.
- 18- Il s’agit ici de destructions nettes : selon l’auteur, les investissements auraient directement détruit 91 158 emplois, tandis que le commerce entre la maison-mère et la filiale en aurait créé 2051.
- 19- Les délocalisations recensées doivent soit détruire 100 emplois, soit impliquer un site employant plus de 250 personnes et affecter au moins 10% des effectifs. Les chiffres ainsi calculés ne peuvent évidemment pas être considérés comme exhaustifs mais ont le mérite de correspondre précisément aux cas de délocalisations les plus commentés dans les médias.
- 20- Le modèle suppose par ailleurs des rendements constants, la concurrence pure parfaite et un nombre de facteurs de production égal au nombre de produits échangés.
- 21- Anderton et al. (2002) trouvent que le progrès technique était le facteur dominant pour la Suède, expliquant plus de la moitié de la hausse des inégalités entre qualifiés et non qualifiés.
- 22- A partir de données américaines récentes, Bernard et al. (2009) estiment que seulement 50% des importations des multinationales viennent de leurs filiales, l’autre moitié venant de fournisseurs non affiliés.
Conclusion
Les études empiriques récentes contribuent donc à donner une vision plus nuancée des effets de la mondialisation que celle généralement perçue par l’opinion publique. Les entreprises internationalisées jouissent de performances plus élevées que la moyenne et versent des salaires plus élevées pour toutes les catégories socioprofessionnelles, y compris les entreprises réalisant une partie de leur production à l’étranger. L’impact d’une multinationalisation apparaît globalement positif sur l’emploi de la maison-mère, en raison de l’importance des motifs d’accès au marché local. La contribution des délocalisations aux pertes d’emplois dans l’industrie apparaît relativement faible, bien qu’elle ait gagné en importance sur la période récente. La fragmentation des chaînes de valeur semble en revanche avoir accru les inégalités entre travailleurs qualifiés et peu qualifiés, à la fois en termes de sécurité d’emploi et de rémunération. Toutefois, cette hausse des inégalités semble plus largement découler
d’une évolution naturelle des économies développées, liée au progrès technique.
Plusieurs chantiers de recherche restent néanmoins ouverts. En particulier, l’utilisation plus poussée de données combinant informations sur l’entreprise et ses salariés constitue une voie prometteuse pour analyser les conséquences sociales de la mondialisation et en particulier les trajectoires professionnelles des salariés. Par ailleurs, si les entreprises les plus efficaces parviennent à tirer des gains de la mondialisation, il se peut que ces gains se fassent au détriment de leurs sous-traitants et plus globalement des autres entreprises domestiques (pénurie de main d’œuvre, pression sur les marges). Enfin, la prise en compte de facteurs institutionnels (flexibilité du marché du travail, dialogue social, formation professionnelle, environnement des affaires) permettrait d’apporter des pistes de réflexion plus précises pour l’action publique.
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